M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « je ne cherche pas, je trouve » disait Pablo Picasso, selon une formule devenue désormais célèbre.
Pas besoin de chercher longtemps dans votre budget, madame la ministre, pour trouver l’effort massif réalisé en faveur de la culture. Ce point a été souligné par tous les orateurs, y compris par ceux qui ne sont pas toujours les plus à même de le reconnaître (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : plus 8 % pour l’ensemble de la mission. C’est un soutien considérable. Si l’on prend également en compte l’effort culturel global, communication et dépenses fiscales comprises, le soutien à la culture atteint plus de 15 milliards d’euros. Il importe tout de même de le souligner !
M. Vincent Éblé. Ce n’est pas le même périmètre !
M. Julien Bargeton. Une politique culturelle doit être vue dans son ensemble, en faisant le lien entre passé, présent et avenir.
Je commencerai par le patrimoine, qui bénéficie, comme cela a été relevé, d’une augmentation de 4,6 %, notamment de 345 millions d’euros dans le plan de relance.
Le patrimoine comprend le grand patrimoine, qui a été cité, celui des opérateurs, mais aussi le patrimoine de proximité. Un effort supplémentaire est consenti dans ce budget en sa faveur, car c’est le patrimoine des collectivités locales qui est l’âme et l’identité de la France. Nos concitoyens y sont particulièrement attachés. Ils ne doivent pas être des « trésors engloutis », oubliés. Au contraire, il faut les faire « remonter à la surface », les valoriser davantage, les faire connaître et mieux les entretenir. Tel est le sens de l’effort consenti dans ce budget.
Le passé, le présent, faire vivre le patrimoine, c’est aussi la création. Évidemment, il n’y a pas de culture sans création et sans artistes. Le secteur enregistre le même montant de hausse, soit 4,5 % sur la partie création, à quoi s’ajoute une masse totale de 260 millions d’euros dans le plan de relance, repartie en deux programmes différents. Ici encore, il s’agit de montants considérables, à la hauteur des circonstances.
Le général de Gaulle avait dit, lors de l’inauguration avec André Malraux d’une maison de la culture, « la culture domine tout ». Dans notre pays, la culture n’est pas un supplément d’âme, ce n’est pas quelque chose qui viendrait s’ajouter : c’est la base de tout et c’est un élément tout à fait fondamental.
Dans cette base, il y a d’abord et avant tout la création par les artistes. Or les droits d’auteur ont été extrêmement touchés. Les écrivains qui ne peuvent plus produire de pièces nouvelles. Les plasticiens ne peuvent plus présenter leurs créations. Les musiciens rencontrent les plus grandes difficultés à produire des œuvres musicales nouvelles. Là aussi, l’effort consenti est extrêmement bienvenu et indispensable au regard du choc de cette crise.
La culture, c’est le passé, notre identité, notre âme, le présent, la création ; mais c’est aussi l’avenir, c’est-à-dire la jeunesse. Le pass culture est doté de 20 millions supplémentaires pour atteindre 60 millions d’euros. C’est un effort de 50 %. Il est critiqué, commenté, certains suggèrent de l’amender fortement, voire de le supprimer. Je pense au contraire qu’il s’agit d’un outil adapté. Quoi de plus pratique pour les jeunes qu’une application ? C’est ce qu’ils utilisent le plus, c’est leur environnement !
Par ailleurs, ce pass fonctionne : 85 % des jeunes éligibles s’en sont servis. L’expérimentation commence donc à porter ses fruits : 82 000 jeunes ont effectué des réservations, pour un total de 610 000 réservations à ce jour.
Fait notable, ce sont d’abord les biens matériels qui font l’objet de réservation via le pass culture, notamment le livre, à hauteur de plus de 50 % ; c’est très satisfaisant, notamment en cette période où les libraires ont beaucoup souffert. Ensuite viennent la musique puis, en troisième place seulement, l’audiovisuel. On constate donc encore une appétence pour le livre de la part de nos jeunes.
Le pass culture permet de décloisonner le type de pratiques – par exemple, le numérique par rapport aux pratiques traditionnelles – et de les démocratiser, notamment en favorisant l’accès à la culture de ceux qui en sont le plus éloignés. Favoriser l’accès aux œuvres de l’esprit pour un public le plus large possible, c’est d’ailleurs l’un des principaux objectifs du ministère de la culture depuis sa création, puisqu’il figure dans le décret fondateur du 24 juillet 1959 du ministère chargé des affaires culturelles.
Le pass culture permet aussi de dépasser certains clivages, certaines inégalités, pour aller dans le sens de la cohésion sociale. Il est donc important de décloisonner, de démocratiser et de dépasser les inégalités.
Sans doute faut-il adapter le dispositif, en y associant davantage la notion de pratiques musicales, entre autres, et en le connectant mieux aux parcours de l’enseignement artistique et culturel. Il convient d’élargir la dimension de médiation culturelle, notamment en direction de certains publics plus éloignés de la culture, car l’accès direct aux œuvres ne suffit pas forcément.
Ces éléments importants méritent que l’on y réfléchisse, mais ne perdons pas de vue l’objectif fondamental de cette mesure.
Émile Biasini, personnalité importante, même si ce n’est pas la plus connue de notre histoire culturelle, qui fut notamment secrétaire d’État chargé des grands travaux et l’un des fondateurs du ministère de la culture, disait : « Il faut transformer un privilège en bien commun. »
Tel était son objectif, et celui-ci a toujours persisté, comme la crise l’a paradoxalement révélé, en montrant l’attachement plus que profond des Français à la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le monde de la culture a été durement touché par l’épidémie de covid-19, mais cette crise aura aussi permis de mesurer combien les Français sont attachés à la culture, aux livres, au théâtre, au cinéma, aux festivals, aux concerts.
Le projet de loi de finances pour 2021, en octroyant des moyens financiers significatifs pour relancer l’activité artistique et soutenir l’emploi dans le secteur de la création, répond au désir de nos concitoyens de préserver notre modèle culturel.
Au-delà de l’appui financier indispensable au spectacle vivant, l’élargissement du crédit d’impôt, qui concernait en premier lieu les spectacles musicaux, à l’art dramatique, au théâtre en général, à la danse et aux spectacles d’humour est une bonne mesure, puisqu’il permettra de soutenir la relance de l’activité.
Si cet effort doit être souligné, l’incertitude quant à la durée de la crise sanitaire n’efface pas toutes les inquiétudes, loin de là. Des inquiétudes demeurent sur l’avenir des intermittents, ces femmes et ces hommes qui font vivre la culture au quotidien, sur les modalités de l’année blanche et sur sa possible prolongation ; je n’ose même pas évoquer ceux qui n’ont pas le statut d’intermittent…
Des inquiétudes existent également quant aux modalités de reprise des activités culturelles en 2020, notamment des festivals, qui font vivre l’ensemble de nos territoires. Face à l’incertitude, certaines structures pourraient prendre la décision d’annuler leurs représentations plusieurs mois à l’avance, et des faillites ne sont pas à exclure.
La crise sanitaire aura aussi mis en avant les difficultés structurelles que peuvent rencontrer au quotidien certains secteurs. Je pense notamment aux arts visuels, qui se sentent insuffisamment pris en compte par le ministère de la culture.
Si une meilleure structuration du secteur est à l’avenir indispensable, des mesures devront également être prises par le ministère. On peut d’ores et déjà regretter l’absence de moyens affectés au fonctionnement du Conseil national des professions des arts visuels, le CNPAV. C’eût été pourtant un premier pas important.
Les écoles d’art et d’architecture ne sont pas en reste, et elles ont aussi exprimé un certain malaise. Pour ce qui est des écoles d’art, le manque de cohérence au niveau national est une réalité, et l’on peut regretter les différences de statut entre les écoles nationales et les écoles territoriales.
L’intégration des établissements de l’Éducation socioculturelle, l’ESC, dans Parcoursup n’est pas sans poser de difficultés. Je pense ainsi à la transmission des dossiers de candidature, qui peut se révéler problématique.
Quant aux écoles nationales d’architecture, la faiblesse de leur dotation et l’absence de moyens suffisants font craindre leur appauvrissement, aussi bien sur le plan pratique de l’accueil des étudiants que sur celui de la qualité de l’enseignement.
Nous redoutons que cet affaiblissement ait un impact à moyen terme sur notre capacité à penser l’urbanisme et la ville de demain. Le manque d’enseignants-chercheurs face au défi que représente, notamment, la transition écologique ne fait qu’accentuer cette crainte. Mais un amendement a été voté ce matin qui pourrait pallier cette faiblesse, s’il survit à la navette parlementaire.
Si ce projet de loi de finances va donc globalement dans le bon sens, l’ampleur de la crise sanitaire, les incertitudes qu’elle a fait naître et ses conséquences en cascade doivent faire réfléchir, au-delà de l’urgence, au modèle culturel que nous voulons construire pour les années à venir. Cela devra passer par un travail de concertation entre tous les acteurs.
Malgré ces quelques remarques et réserves, nous voterons les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget inédit est le reflet de la situation dramatique que traverse la culture depuis le début de la crise sanitaire.
La mission « Culture » dans le budget pour 2021 est en hausse de 4,6 % par rapport à 2020, pour atteindre 3,8 milliards d’euros. Une deuxième ligne de crédit pour ce secteur gravement touché par la crise sanitaire est, de plus, prévue dans le plan de relance.
Vous avez obtenu, madame la ministre, que le volet culturel du plan de relance mobilise une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards d’euros, et c’est une performance que je souhaite souligner ici.
Comme l’a rappelé notre collègue Philippe Nachbar, la part belle des crédits sera allouée au patrimoine, avec plus de 1 milliard d’euros, auquel vont s’ajouter 345 millions d’euros issus du plan de relance. Un plan de rénovation des musées territoriaux est budgété à hauteur de 52 millions d’euros sur deux ans. Et il ne faut pas oublier la mise en œuvre d’un plan Cathédrales, à hauteur de 180 millions d’euros sur deux ans.
Le budget en faveur des patrimoines permettra notamment de soutenir l’activité dans les territoires et de renforcer l’attractivité culturelle en France. Pour cela, un plan de rénovation, de 52 millions d’euros sur deux ans, des musées territoriaux bénéficiant de l’appellation « musées de France » sera lancé.
En termes d’investissements et de rénovations, les monuments historiques seront l’une des priorités. Les cathédrales verront notamment leur budget passer de 40 à 50 millions d’euros en 2021. Parallèlement, la restauration des monuments historiques appartenant aux communes et aux propriétaires privés sera accompagnée.
L’archéologie, chère à notre collègue Pierre Ouzoulias, ainsi que les archives bénéficieront également d’un soutien sans précédent de 24 millions d’euros.
Pour ce qui concerne le patrimoine français, les musées et les monuments historiques ont été très largement désertés, du fait de l’absence de touristes étrangers.
Cependant, tout n’est pas négatif, car la crise a permis de mesurer l’attachement des Français à leur patrimoine. Contraints de rester sur le territoire pour les vacances d’été, ils ont redécouvert les régions de France et leurs innombrables attraits culturels, atténuant ainsi la baisse de fréquentation des monuments et musées de province.
M. Jean-Raymond Hugonet. On ne consacre pas suffisamment de moyens à la restauration des monuments historiques que possèdent les collectivités territoriales et les propriétaires privés : seulement 40 millions d’euros sur deux ans sont prévus à cette fin.
Si les crédits consacrés à la culture sont globalement stables, il faut rappeler qu’ils succèdent aux coupes sévères des années 2012 à 2014. Le patrimoine français souffre depuis des années d’un sous-financement qui n’est pas à la hauteur des besoins d’entretiens et de rénovation des 44 000 bâtiments inscrits ou classés.
Deux grands projets pèsent lourd dans la programmation pluriannuelle des crédits.
Il s’agit, tout d’abord, du château de Villers-Cotterêts, dont tout le monde sait qu’il ne se trouve pas en région d’Île-de-France. Il a été laissé dans un état de délabrement avancé par la Ville de Paris, laquelle y accueillait jusqu’en 2014 un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou Ehpad.
Il est certes nécessaire de rénover ce magnifique château de la Renaissance, mais on peut être surpris par les moyens disproportionnés qui lui sont consacrés. Le projet initial fixait un investissement de 110 millions d’euros. Le plan de relance prévoit 100 millions d’euros supplémentaires : 25 millions pour compenser le fait que l’État n’a pas trouvé de mécène pour ce projet et 75 millions pour compenser l’absence d’investisseur privé pour restaurer et exploiter les communs. N’est pas la cathédrale de Paris qui veut !
J’en viens au Grand Palais. Les ambitions premières du projet pharaonique de sa rénovation sont revues à la baisse. Vous êtes passée par là, madame la ministre, et c’est heureux. Pourtant, le nouveau projet est présenté avec le même budget de 466 millions d’euros.
Par ailleurs, chaque année, des crédits manquent par rapport à la programmation pluripluriannuelle. Les crédits inscrits dans le projet annuel de performance, le PAP, sont insuffisants et des crédits supplémentaires sont consommés en cours d’exercice au détriment d’autres actions du programme 175, « Patrimoines ».
Le principe de sincérité budgétaire est mis à mal. Où ont été pris les crédits nécessaires pour le Grand Palais en 2020 et où le seront-ils en 2021 ?
Je souhaite évoquer maintenant le programme 131, « Création », cher à notre collègue Sylvie Robert, qui couvre à la fois le spectacle vivant – musique, théâtre, danse, etc. – et les arts visuels : peinture, sculpture, photographie, métiers d’art, design. C’est précisément l’un des secteurs qui paie le plus lourd tribut à la crise sanitaire, avec une grande incertitude sur la date à laquelle les différents acteurs pourront travailler de nouveau.
La perte de chiffre d’affaires pour l’ensemble de la création artistique est estimée à plus de 7 milliards d’euros par le ministère de la culture. Le spectacle vivant aurait, par exemple, perdu 72 % de son chiffre d’affaires.
Le programme « Création » augmente de 37 millions d’euros, soit + 4,5 %, pour soutenir les dépenses d’investissement, les réseaux artistiques dans les territoires et le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps.
Dans le plan de relance, 168 millions d’euros en crédits de paiement sont ouverts pour la création. Différents dispositifs de soutien ont été mis en place par le Gouvernement pour soutenir le secteur, ce que je tiens à saluer ici : prolongation des droits des intermittents ; création de fonds d’urgence par l’association pour le soutien du théâtre privé, l’ASTP, et le Centre national de la musique, le CNM, qui m’est cher ; création d’un fonds pour les festivals dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 ; exonération de cotisations foncières pour certaines entreprises culturelles ; création d’un fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle.
La question qui se pose maintenant est celle de la poursuite de ces aides d’urgence sur la durée et lorsqu’il y aura réouverture, puisqu’il faudra certainement une période longue et délicate pour retrouver un niveau suffisant dans cet écosystème.
Par ailleurs, un rééquilibrage des moyens accordés au spectacle vivant et aux arts plastiques est sans doute nécessaire. En effet, le spectacle vivant est plus directement touché par le confinement, les mesures de distanciation et le couvre-feu. Mais les artistes plasticiens subissent, eux aussi, l’annulation des expositions, et ils ne bénéficient pas d’un régime d’assurance chômage.
Permettez-moi d’évoquer à présent l’Opéra de Paris. Nous sommes dans l’attente du rapport de la mission de MM. Georges-François Hirsch et Christophe Tardieu, qui devra se prononcer notamment sur l’opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille : le déménagement des ateliers Berthier et l’aménagement d’une seconde salle modulable.
La situation de l’Opéra de Paris est particulièrement critique : pertes de billetterie de 55,4 millions d’euros, tous les spectacles ayant été annulés de mars à début décembre ; diminution du mécénat d’un tiers ; chute des recettes de visites, locations et concessions.
En raison du développement de l’opérateur sur les dix dernières années et de l’essor de sa capacité d’autofinancement, la subvention de l’État a diminué de 15 millions d’euros en dix ans, rendant l’établissement plus vulnérable.
On peut donc se réjouir du soutien de 81 millions d’euros apporté par le plan de relance, mais toujours avec une inquiétude pour l’avenir, l’État ayant posé comme condition à son soutien la mise en œuvre d’une réforme durable du fonctionnement de l’établissement, qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur la création.
Président d’un groupe de travail pluraliste consacré au pass culture, je conclurai mon propos en évoquant ce dispositif. Il est l’arbuste qui cache la forêt de la mission « Culture » et sur lequel ruisselle joyeusement et abondamment l’argent public, quoi qu’il se passe dans notre pays.
Au moins la constance est-elle de mise. Le cahier des charges change tous les quatre matins : condition d’âge à 18 ans, puis à 20 ans, 500 euros, puis 300 euros…
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. On est informé des évolutions du dispositif à la fumée des cierges ! (Sourires.)
Toutefois, alors que l’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de son maintien, le fait du prince donne la réponse : le pass culture sera l’œuvre culturelle du quinquennat ; fermez le ban ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ensemble du monde de la culture, le patrimoine a souffert et continue de souffrir des conséquences de la crise sanitaire.
En mai dernier, le département des études de la prospective et des statistiques, le DEPS, du ministère de la culture a estimé les pertes du secteur du patrimoine à près de 36 % du chiffre d’affaires de ce dernier. Et c’était sans tenir compte du deuxième confinement !
Les pertes estimées sont très importantes pour toutes les activités patrimoniales fortement liées au tourisme, comme les musées, les sites et les monuments historiques.
La restauration du patrimoine et les opérations archéologiques sont aussi affectées, avec des chantiers d’abord contraints à l’arrêt, puis rendus plus coûteux en raison des mesures barrières. Dans ce contexte, les crédits du programme 175 connaissent une augmentation remarquable de + 4,5 % en crédits de paiement et + 3,97 % en autorisations d’engagement, pour dépasser le milliard d’euros ; il faut le souligner.
Pour autant, les inquiétudes restent grandes quant à la capacité de ce budget à répondre efficacement aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, en dépit des aides d’urgence en trésorerie du PLFR 3 et des dispositions « patrimoine » du plan de relance.
N’oublions pas que, derrière le patrimoine, il y a des territoires, des personnes et des entreprises, parfois en grande difficulté. Les orientations des moyens budgétaires doivent contribuer à les aider à passe le cap. Pour cela, il faut veiller à la répartition des crédits en faveur du patrimoine sur tous les territoires.
C’est une orientation que nous défendons régulièrement lors de l’examen des projets de loi de finances. Nous notons avec satisfaction que, cette année, nos demandes de moyens supplémentaires pour la restauration des monuments historiques dans les territoires ont été entendues, au niveau tant du fonds partenarial et incitatif en faveur des collectivités à faibles ressources financières, fonds spécifique en faveur des monuments historiques, que des crédits d’investissement déconcentrés mis à disposition des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.
Il faudra cependant porter une attention à la répartition de ces moyens et des projets retenus entre tous les services déconcentrés départementaux des DRAC.
Par ailleurs, il nous semble qu’en complément au fonds partenarial et incitatif, la mise en place d’une aide à la maîtrise d’ouvrage à titre gracieux pour les collectivités permettrait de donner un coup de pouce à des projets de restauration de monuments historiques qui n’auraient pu être réalisés, faute d’ingénierie.
Nous saluons aussi la hausse des crédits en faveur des petits musées, qui vient compenser des baisses constatées les années précédentes. Ce choix est favorable au développement touristique et au développement économique de nos communes et de nos territoires.
Dans le même ordre d’idées, nous avons souvent souligné les besoins de rénovation et d’agrandissement des bâtiments de conservation des archives. La nette réévaluation du budget consacré à cette action est un point positif, mais un effort plus important dans le plan de relance aurait constitué un signal incitatif pour ces investissements rarement prioritaires dans les territoires.
En revanche, nous notons que les crédits pour l’architecture et les espaces protégés sont en stagnation depuis quatre exercices budgétaires. Or le dispositif « Sites patrimoniaux remarquables », ou SPR, est un outil très efficace qui mériterait plus de considération, notamment pans le cadre de la reconquête des centres-villes et centres-bourgs anciens.
Nous proposerons que des moyens supplémentaires soient affectés à cette action, afin que les outils de restauration du patrimoine prennent toute leur place dans les dispositifs « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain ».
Je conclurai en évoquant les crédits en faveur du patrimoine archéologique, qui traduisent des efforts importants pour maintenir l’équilibre de l’archéologie préventive en apportant une compensation aux dépenses entraînées par les diagnostics réalisés tant par l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, que par les services habilités des collectivités territoriales.
Néanmoins, toutes les charges de service public spécifique qui incombent à l’INRAP ne sont pas prises en compte, notamment la restitution des fouilles réalisées et leur mise en valeur locale auprès des différents publics, en particulier scolaires.
Nous proposerons de compenser à l’INRAP ce coût supplémentaire entraîné par l’augmentation des fonds et du mobilier issus des découvertes de l’archéologie préventive, et, parallèlement, d’augmenter significativement les crédits destinés à développer les centres de conservation et d’étude, sources d’attractivité et de vulgarisation, mais aussi d’acceptation des contraintes de l’archéologie préventive sur les territoires.
Pour conclure, le budget du programme « Patrimoines » traduit un effort financier notable, même si nous restons vigilants sur les points cités précédemment. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain y sera favorable.
Je profite de cet examen de la mission « Culture » pour saluer et féliciter Hervé Le Tellier, qui vient d’obtenir le prix Goncourt. Sachez, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il a la particularité de résider dans la Drôme (Exclamations amusées.), dans un petit village qui s’appelle Montjoux ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la culture fait battre le cœur des Français. Elle structure la vie de nos concitoyens et les relations humaines.
Dans ce débat sur les enjeux budgétaires de la culture, permettez-moi, madame la ministre, de prendre mon département du Nord pour exemple ; pour être vrai et direct, rien de tel que de s’appuyer sur ce qu’on le connaît le mieux, son territoire.
Le Nord a toujours été une terre d’accueil pour les artistes, de par sa situation géographique et son attachement à la création. Partout, des résidences d’artistes encouragent cette création depuis de longues années. Les Nordistes sont attachés à leur histoire et à leurs traditions. Carnavals, Géants et fanfares mettent en lumière notre culture populaire, festive et familiale. Notre patrimoine architectural est diversifié. Il fait partie de notre identité culturelle. Les élus locaux se battent pour le préserver et le valoriser.
Nous comptons plus de 10 000 objets protégés au titre des monuments historiques, qui font du Nord l’un des départements les plus dotés. Nos musées sont reconnus pour leurs collections et leur engagement en faveur de l’accès à la culture pour tous, notamment pour les jeunes. Les bibliothèques et médiathèques publiques participent, elles aussi, à cet effort.
Aujourd’hui, j’ai une pensée pour ces professionnels, qui ont rouvert leurs salles et repris leurs activités artistiques dès qu’ils en ont eu l’autorisation. Ils l’ont fait dans des conditions difficiles, y compris d’un point de vue économique.
Le secteur du spectacle vivant public, par exemple, a été le premier à reprendre ses activités dans le cadre de « l’été apprenant ». Il a créé des emplois. Les salles, les théâtres et les cinémas se sont toujours montrés exemplaires dans l’application des protocoles sanitaires. Ils se sont adaptés aux jauges limitées de spectateurs, puis au couvre-feu, avec le soutien des artistes. Mais le reconfinement a stoppé tous leurs efforts.
Le monde de la culture est l’un des plus affectés par la crise sanitaire. Les intermittents du spectacle et les musiciens indépendants sont très fragilisés. De nombreuses structures sont menacées. Elles ont des trésoreries très éprouvées. Qu’elles soient publiques, associatives, privées avec délégation de service public ou totalement privées, elles ont continué à investir, pour produire, recréer des spectacles et des films, faire répéter les comédiens, construire des décors et fabriquer des costumes.
Les musées se sont engagés dans la numérisation de leurs collections, pour permettre à nos concitoyens d’accéder, malgré tout, à la culture. Les musiciens indépendants ont innové pour garder un lien avec leur public. Mais les plus grandes menaces pèsent sur ce secteur pour 2021, sur l’emploi, les artistes, l’accès à la culture et la diversité culturelle. C’est l’équilibre des territoires qui s’en trouve touché.
Le spectacle vivant public est dans une situation particulièrement préoccupante, car il dépend des financements des collectivités locales, dont on connaît les tensions financières actuelles.
L’année prochaine, le ministère de la culture disposera de 167 millions d’euros de plus, pour un total de 3,82 milliards d’euros. C’est une augmentation exceptionnelle et justifiée tant le secteur est sinistré. Il doit être soutenu massivement, car il a besoin de dispositifs d’accompagnement à la hauteur des enjeux pour se relancer. Mais la répartition doit être équitable sur le territoire et bénéficier à tous les domaines culturels et à toutes les structures. Tous sont indispensables au dynamisme du secteur en France.
Il n’est pas normal que, aujourd’hui encore, prédomine la culture parisienne au détriment de celle des territoires. Une concertation entre l’État et les collectivités territoriales est nécessaire pour continuer à soutenir la déconcentration culturelle. Celle-ci est à l’origine de la richesse et de la diversité de l’offre et de la création en France.
Le patrimoine bénéficiera aussi d’une hausse de budget. Les besoins sont immenses, les édifices et les objets remarquables étant nombreux.
Le plan de relance pouvait être jugé suffisant dans un contexte de reprise de l’activité culturelle. Dès lors que le Président de la République parle d’un virus présent jusqu’à l’été 2021, la reprise totale d’activité est repoussée. Aussi, la question des loyers de ces structures est essentielle, tant elle pèse sur leur trésorerie.
La question du remboursement des prêts garantis par l’État, les PGE, représente aussi une échéance majeure qui fragilise leurs perspectives. Il semble impossible, à ce jour, qu’elles remboursent en avril 2021 des prêts contractés en avril 2020, alors que la reprise ne sera pas totalement au rendez-vous.
Le fonds de compensation des pertes de billetterie a été un outil incitatif. Il leur a permis de redémarrer leurs activités au début de l’été. Mais il est désormais nécessaire qu’il soit prolongé au-delà du premier semestre 2021 et qu’il soit associé à un accompagnement à l’investissement.
Madame la ministre, il n’est plus seulement question de démocratiser la culture, mais bien de continuer à la faire vivre dans toute sa diversité après la crise.
Le groupe Les Républicains se prononcera en faveur des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)