M. Julien Bargeton. Ils augmentent…
Mme Sylvie Robert. À ce point de la réflexion, l’examen de ce budget prend la tournure d’un souvenir amer : celui du débat sur la LPR, lorsque, sur une grande majorité de ces travées, nous démontrions déjà le manque de sincérité de votre programmation, madame la ministre ; nous y voilà ! Le plan de relance n’est qu’un écran de fumée qui vous permet de jouer la politique de l’affichage ; mais, quand il expirera, cet affichage apparaîtra pour ce qu’il est.
Concernant l’enseignement supérieur, l’exercice sera beaucoup plus succinct, car le budget apparaît plus satisfaisant, pour ce qui est notamment – mes collègues l’ont dit – du programme 231 relatif à la vie étudiante. Le Gouvernement a fait montre – c’est vrai – d’une réelle réactivité pour mettre en place des mesures d’urgence.
M. Julien Bargeton. Quand même…
Mme Sylvie Robert. J’aimerais simplement soulever deux points de vigilance.
Premièrement, les crédits fléchés vers les actions de santé, de sport et de culture diminuent. C’est un très mauvais signal envoyé à l’ensemble de notre jeunesse, au moment même où, on le sait, des signes de détresse, en particulier psychologiques, se font jour.
Deuxièmement, si le Gouvernement est venu en aide aux Crous, qui avaient perdu des ressources substantielles à la suite du premier confinement, j’aimerais savoir, madame la ministre, si les nouveaux moyens qui leur sont attribués dans le cadre du PLF et du plan de relance suffiront à couvrir les pertes subies à cause du second confinement.
Enfin, je serai plus circonspecte sur le budget du programme 150 portant sur les formations supérieures et la recherche universitaire. Certes, il est en hausse, conformément à la LPR. De même, je me réjouis que la rénovation thermique des universités soit lancée, via l’appel à projets. Pouvez-vous nous indiquer précisément quelle enveloppe sera réservée aux établissements d’enseignement supérieur ? Néanmoins, je reste globalement inquiète de la situation présente et à venir de nos universités.
La démographie estudiantine va continuer à progresser. C’est une chance pour notre pays, mais c’est aussi un grand défi. Aujourd’hui, nous ne parvenons pas y répondre : 20 000 places ont été créées ; 29 000 étudiants ont poussé les portes de la fac. Ce déficit souligne les investissements colossaux qu’il faudrait réaliser. Sur la période 2019-2027, pour maintenir un investissement par étudiant autour de 11 000 euros, il faudrait une augmentation de l’ordre de 755 millions d’euros, sans compter l’inflation. À défaut, c’est la qualité de la formation dispensée aux étudiants qui en partira.
Les universités ne pourront pas infiniment faire toujours plus avec toujours moins. Soulignons qu’elles sont prises dans les mailles d’un terrible effet de ciseau eu égard à la croissance mécanique de leurs dépenses de fonctionnement – le GVT, dont le coût cumulé est estimé à 226 millions d’euros pour les universités, n’étant, par exemple, plus compensé. Il s’ensuit que leur capacité d’investissement en faveur de la réussite des étudiants s’en trouve d’autant amoindrie.
Si je redoute l’effritement budgétaire des universités, je connais et reconnais l’implication, le dévouement et l’engagement qui anime les professeurs, ainsi que les équipes pédagogiques. C’est pourquoi, mes chers collègues, je suis convaincue que l’université n’a nul besoin de polémiques stériles sur son prétendu rôle dans la propagation d’idéologies mortifères, elle qui, depuis des siècles, est un rempart contre l’obscurantisme.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Sylvie Robert. Nous devrions au contraire tous rétorquer par un soutien réel, sans faille et inébranlable à celles et à ceux qui font du savoir et de l’esprit critique la pierre angulaire de notre civilisation.
Notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lorsqu’on analyse dans le PLF pour 2021 les programmes qui ont trait à l’enseignement supérieur et à la recherche, on pourrait, il est vrai, se satisfaire de lignes de crédits en hausse, d’un processus de revalorisation indiciaire des enseignants et des chercheurs traduit en crédits de paiement identifiés, d’un effort engagé pour entreprendre enfin la rénovation énergétique des bâtiments universitaires, de la création substantielle de postes supplémentaires pour faire face à la forte augmentation du nombre d’étudiants et des efforts appréciables pour contrer l’inquiétante précarité croissante des étudiants, la déstabilisation financière des Crous et l’érosion du nombre d’étudiants étrangers. Pourtant, l’effort consenti par l’exécutif est au minimum affaibli par un flou budgétaire dont on se demande s’il est calculé ou innocent.
Le jeu de bonneteau que vous avez animé, madame la ministre, entre PLF, LPR et plan de relance en a même fait perdre son latin aux plus latinistes d’entre nous – n’est-ce pas, cher Pierre Ouzoulias ?– et sa compréhension des équations complexes à notre rapporteur pour avis.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Max Brisson. Le calendrier que vous avez imposé voulait-il nous mettre dans une seringue ou vous a-t-il été imposé ? Pour le moins, il a embrouillé votre message et dénaturé votre copie. Je constate en effet que nous avons débattu de la LPR alors que l’Assemblée nationale avait déjà voté les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » intégrant la première année de financement de la LPR.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. C’est vrai !
M. Julien Bargeton. C’est cohérent !
M. Max Brisson. De même, nous avons discuté des premières marches de la trajectoire financière de la LPR alors que la hausse des crédits pour la recherche était déjà adoptée à hauteur de 400 millions d’euros par les députés.
Devant cet imbroglio, je crois qu’il faut revenir à des choses simples.
Lorsque nous vous avons demandé de ramasser la LPR, vous vous êtes engagée à sanctuariser des crédits supplémentaires dès 2021 via le plan de relance afin de relever la première marche d’exécution de la LPR, ce qui nous a conduits en commission mixte paritaire à accepter une trajectoire de dix ans au lieu de sept.
En nous livrant à une recherche approfondie des crédits dispersés de la bien nommée mission « recherche », nous avons fait des découvertes, preuve que, lorsqu’on cherche, on finit par trouver !
Nous avons bien découvert 100 millions d’euros supplémentaires attribués à l’ANR pour des mesures partenariales visant à la préservation de l’emploi dans le secteur de la recherche et du développement. Mais ces 100 millions ne sont pas des crédits de paiement,…
M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !
M. Max Brisson. … ils ne sont pas inscrits dans le PLF. Ils se retrouvent dans le plan de relance sous forme d’autorisations d’engagement via l’ANR. Certes, c’est une sanctuarisation d’une partie des financements du plan de relance pour la recherche, dont les crédits, eux, ne sont nullement fléchés et encore moins sanctuarisés – c’est le résultat de notre exigence d’un engagement plus fort sur les premières années de la trajectoire de la LPR –, mais est-ce à la hauteur de nos attentes ? Je crains que non, car ce ne sont pas des crédits de paiement sur le PLF, que vous ne pouviez plus diligenter vu le télescopage des examens du PLF et de la LPR.
D’où notre mécontentement, d’autant qu’en cherchant bien nous avons également décelé des financements à dimension pérenne nichés dans un plan de relance au caractère, par définition, temporaire et des crédits du PLF, au titre de la LPR, qui financent des dépenses récurrentes et incompressibles prévues de longue date et qui s’élèvent au moins à 100 millions d’euros !
Pouvait-il en être autrement, puisque le bleu budgétaire de la loi de finances était émis et voté à l’Assemblée nationale avant que nous ne votions la LPR ? On a au final le sentiment qu’on nous a fait prendre des vessies pour des lanternes.
Il faut donc déduire des arbitrages définitivement incrustés dans ce PLF que la trajectoire de la LPR sera en 2021 restrictive et que pour cette première année d’exécution le budget de la recherche ne bénéficiera que d’une part trop limitée de dépenses nouvelles pour que l’on puisse parler de choc d’investissement.
Madame la ministre, nous voulons pourtant croire à votre bonne foi et à vos engagements. Nous attendons une traduction rapide de ces promesses.
Notre rapporteur, Jean-François Rapin, vous proposera tout à l’heure deux amendements qui tendent à flécher en crédits de paiement 20 millions d’euros supplémentaires pour les opérateurs de la recherche et un amendement qui vise à donner tout son sens à une clause de revoyure jusqu’à présent imprécise, en la centrant sur le réel engagement des crédits à destination des opérateurs de recherche. Votre avis sera déterminant pour nous, tout comme la précision que vous nous apporterez à la seule question qui vaille : les crédits réellement inscrits dans ce millefeuille financier, aux équations complexes, sont-ils à la hauteur des engagements de renforcement de la première marche de mise en œuvre de la LPR ?
De vos réponses découlera la décision finale de vote des sénatrices et des sénateurs du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Leur examen intervient dans un contexte très particulier. D’une part, l’enseignement supérieur doit répondre à la crise existentielle des jeunes générations, qui se projettent dans un avenir assombri par le virus et ses conséquences. D’autre part, le projet de loi de programmation de la recherche vient de modifier les règles du jeu financier, qui régissent ce domaine si particulier de la recherche. Ces deux défis justifient à nos yeux la hausse importante des crédits alloués à cette mission.
Ainsi, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche bénéficiera de 357 millions d’euros de crédits supplémentaires, alors que la hausse totale des crédits se chiffre à près de 580 millions pour les deux programmes. De nombreux emplois seront créés. Cette hausse des crédits pour l’année 2021 est la bienvenue.
Concernant le programme relatif à l’enseignement supérieur, les budgets alloués aux universités doivent augmenter pour permettre aux établissements de faire face à une hausse très importante des nouvelles inscriptions. Cette vague d’inscriptions découle directement des résultats particulièrement élevés à l’examen du baccalauréat. Le cru 2020 s’avère ainsi abondant dans les universités, alors même que ces dernières doivent adapter leur fonctionnement aux nouvelles contraintes sanitaires.
Je salue la rénovation thermique de l’immobilier universitaire, très vétuste, pour près de 4 milliards d’euros dans le plan de relance, ainsi que les mesures sociales pour les étudiants.
Quelque 20 000 places supplémentaires ont été prévues dans le budget pour 2021. Ce chiffre se compose de 10 000 places dans le plan Étudiants et de 10 000 places dans le plan de relance.
Si ce premier volet se comprend aisément, avouons tout de même qu’il n’en va pas de même du second, les crédits du plan de relance devant, bien sûr, être complètement pérennisés.
Au-delà de ces remarques d’ordre comptable, cette hausse doit nous interroger sur la façon dont nous accueillons les étudiants. Comme l’a très bien expliqué le rapporteur spécial, Mme Vanina Paoli-Gagin, nous observons depuis de nombreuses années une baisse tendancielle de la dépense moyenne par étudiant accueilli dans l’enseignement public. Ainsi, en 2014, on dépensait 11 290 euros par étudiant, contre 10 110 euros en 2019. Sans parler de l’enseignement privé, qui va bénéficier de très peu d’augmentation par rapport aux effectifs accueillis.
Je rejoins l’analyse de Mme le rapporteur : alors que le nombre d’étudiants admis à l’université n’a cessé d’augmenter, nous constatons depuis plusieurs années un inquiétant effet de ciseau, entre les dépenses par élève qui baissent et le nombre des étudiants qui augmente fortement. À l’heure où nous avons à la fois besoin de former des talents très spécialisés et où nous cherchons à revaloriser les filières professionnelles, ce phénomène doit nous interpeller.
Pour ce qui concerne les crédits du programme relatif à la recherche, je me réjouis de la bonne articulation entre le texte de loi de programmation de la recherche et le projet de loi de finances pour 2021. La mission qui nous intéresse aujourd’hui va ainsi fournir une ossature budgétaire aux principales avancées de la LPR. Il s’agira de permettre à ce projet de loi de monter rapidement en charge et de livrer ses premiers effets, en insufflant une dynamique à la recherche qui s’articulera aussi avec d’autres dispositifs ne figurant pas dans cette mission budgétaire.
Ainsi, le quatrième programme d’investissements d’avenir apportera dès l’année prochaine plus de 1 milliard d’euros, de même que le plan de relance, qui injectera plus de 800 millions d’euros supplémentaires dans la recherche. Ces crédits extrabudgétaires contribueront utilement à soutenir la dynamique engagée par la LPR.
Le groupe Les Indépendants accueille favorablement les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il votera en faveur des amendements proposés par la commission des finances. (M. Julien Bargeton applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur est presque concomitant à l’examen du projet de loi de programmation de la recherche. Il est donc destiné à traduire les grandes orientations définies par ce texte, ainsi qu’à rendre crédible sa trajectoire budgétaire.
La crise sanitaire que nous traversons, couplée à une crise économique et sociale dont nous ne connaissons pas encore toute l’ampleur, nous rappelle le caractère vital de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation, ainsi que la nécessité d’investir massivement, aussi bien à court terme qu’à long terme.
Pendant trop longtemps, la recherche française a subi des coupes budgétaires drastiques, qui se sont logiquement traduites par l’érosion de la recherche scientifique française à l’international. Par exemple, en 2015, la France n’occupait plus que le septième rang mondial en nombre de publications dans les revues scientifiques. À ce titre, nous pouvons également regretter l’échec de la France à atteindre l’objectif fixé de 3 % du PIB consacré à la recherche en 2020, alors même que d’autres y sont parvenus. Je pense, notamment, à la Suède.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous féliciter de l’augmentation des crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Même si nous n’assistons pas au choc budgétaire que nous aurions souhaité en faisant passer la programmation de dix à sept ans, il faut tout de même saluer une augmentation de 579 millions d’euros à périmètre constant des crédits de paiement dédiés à l’enseignement supérieur et à la recherche.
La mission interministérielle bénéficiera, en outre, d’un apport important de crédits en provenance de la mission « Investissements d’avenir », puisque le quatrième programme d’investissements d’avenir, qui vient d’être lancé, comporte une enveloppe de 7,5 milliards d’euros en faveur de l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cependant, les modifications de la maquette budgétaire de la mission et le transfert de crédits vers la mission « Plan de relance » rendent parfois peu lisible la réalité des crédits de cette mission.
Le financement de la recherche sera accompagné par quatre autres vecteurs que sont la mission « Plan de relance », les programmes d’investissements d’avenir, les contrats de plan État-région et le programme européen Horizon Europe. Ce dernier verra d’ailleurs ses crédits augmentés après l’accord trouvé à Bruxelles le 10 novembre dernier.
Pour 2021, les crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » connaissent une augmentation de 2,3 % en crédits de paiement. Cette hausse des crédits trouvera son application dans la revalorisation très attendue des salaires des chercheurs et des personnels de l’enseignement supérieur. Elle permettra de poursuivre et de renforcer l’attractivité des carrières, qui, je le pense, en ont extrêmement besoin. Considérer les universitaires et les chercheurs passe donc par une reconnaissance accrue de leur rôle dans la société et par une gratification honorable.
La crise sanitaire ayant entraîné un taux de réussite très élevé au baccalauréat, le nombre de nouveaux inscrits à l’université progresse cette année de 1,9 %, soit 28 700 étudiants supplémentaires. Il est nécessaire d’absorber ce flux très significatif. Le budget pour 2021 prévoit une hausse de 20 000 places à l’université, dont 10 000 au titre du plan Étudiants et 10 000 au titre du plan de relance.
Ces dernières années, malgré les efforts budgétaires déployés par le Gouvernement, la hausse tendancielle du nombre d’étudiants s’est traduite par une érosion progressive de la dépense moyenne par étudiant, passée de 11 290 euros en 2014 à 10 110 euros en 2019. Le rapporteur spécial a regretté l’absence d’une réflexion plus globale sur le devenir de l’enseignement supérieur français à moyen terme. Nous partageons son constat.
Les moyens consacrés à la vie étudiante sont en hausse de 134 millions d’euros. La revalorisation des bourses étudiantes et leur augmentation sur critères sociaux sont une bonne nouvelle. Nous approuvons aussi, évidemment, le passage du prix des repas universitaires à 1 euro pour les boursiers.
Néanmoins, cette année universitaire s’annonce difficile pour les étudiants, et il faudra accorder une attention toute particulière aux plus fragiles d’entre eux. À ce titre, notre groupe souhaite appeler votre attention sur la paupérisation dramatique d’une partie de nos étudiants.
Notre collègue Olivier Henno l’a rappelé lors de la dernière séance de questions d’actualité, la crise que nous traversons augmente les demandes d’aides alimentaires. Aux Restos du cœur, la moitié des personnes accueillies ont moins de vingt-cinq ans. Certains étudiants, privés de ressources complémentaires dues aux restrictions sanitaires, se voient dans l’obligation de sauter des repas, faute de moyen. C’est insupportable !
L’université doit aussi prendre garde à ne pas rater le virage du numérique. Les images d’amphithéâtres bondés lors de la rentrée témoignent d’un respect plus qu’incertain des conditions sanitaires, alors que la volonté de tous est de protéger au mieux les étudiants.
Nous saluons l’engagement du ministère, qui a prévu 35 millions d’euros pour la transformation pédagogique et numérique. Toutefois, ce renforcement des services numériques aux étudiants sera-t-il suffisant ?
Enfin, nous souhaitons appeler votre attention sur la situation des Crous. Avec la crise sanitaire, ils ont subi des pertes d’exploitation considérables, au titre de leurs activités de restauration et d’hébergement. Si ces pertes ont pour le moment été compensées, ces structures dont la situation financière est fragilisée doivent faire l’objet d’un suivi attentif.
Madame la ministre, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Je ne reviendrai pas sur la difficile articulation budgétaire, qui a été largement évoquée avant moi. J’ai entendu un certain nombre d’inquiétudes, de critiques, de circonspections sur l’exécution et la conduite par le ministère, ce qui fait écho à la lettre adressée par le directeur de la recherche au moment de son départ ; je n’y reviendrai pas non plus.
Je souhaite en revanche revenir, madame la ministre, sur un point précis que vous avez abordé à l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de programmation de la recherche. J’avoue que vos propos ne m’ont pas complètement convaincue.
En effet, ce projet de loi de programmation prévoit une revalorisation salariale de tous les personnels de recherche. Cette action de revalorisation concerne également les rémunérations des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial de recherche, ainsi que celles des personnels d’enseignement supérieur et de recherche, qui relèvent d’autres ministères, dans les mêmes conditions que les agents relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. C’est du moins ce qui figure dans l’annexe de la loi de programmation de la recherche.
Mais la programmation budgétaire inscrite à l’article 2 de la LPR ne dit rien sur les crédits des autres ministères concernés par les actions de revalorisation salariale. Rapporteur spécial la mission « Écologie, développement et mobilité durables », je n’ai ainsi trouvé dans le programme 217 aucune augmentation des subventions pour l’École nationale des ponts et chaussées ou pour l’École nationale des travaux publics de l’État. Pour autant, ces deux écoles ont une activité de recherche substantielle, puisqu’elles accueillent respectivement douze et six laboratoires. J’aurais pu citer d’autres exemples, notamment l’école AgroParisTech.
Concrètement, comment le Gouvernement compte-t-il faire financer la revalorisation des chercheurs en dehors du périmètre du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ? Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ce financement ne sera pas réalisé à partir du budget propre de ces établissements, sans augmentation de leur subvention pour charges de service public ?
Sans aucune transition, j’aborderai le second point de mon intervention, qui a déjà été effleuré ici et là, à savoir la précarité étudiante.
Depuis la mi-mars, la vie étudiante est comme mise entre parenthèses. Ce contexte a exacerbé des problématiques déjà connues : accès aux formations numériques, coût du logement, importance des petits boulots, et la liste est longue. La dernière séance des questions d’actualité au Gouvernement a montré que cette précarité est aussi bien financière que psychologique.
Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié il y a moins de quinze jours, souligne combien il est difficile de mesurer la pauvreté des jeunes adultes. Les données de l’Insee ne permettent pas d’appréhender la situation des étudiants qui ne vivent plus chez leurs parents. Selon les données d’Eurostat, le taux de pauvreté des 18-24 ans atteint 12,8 %, soit deux fois la moyenne nationale. Ces données sont antérieures à la crise de la covid-19, dont nous avons tous pu constater qu’elle a particulièrement frappé, sur le plan de l’emploi, les moins bien insérés sur le marché du travail.
Mercredi, dans vos réponses aux sénateurs Stéphane Piednoir et Rémi Cardon, vous avez évoqué les 19 millions d’euros d’aides débloqués pendant le premier confinement, les 200 euros versés pour compenser la perte d’un emploi étudiant, le plan « 1 jeune, 1 solution » ou encore le recrutement de 1 600 étudiants référents dans les cités universitaires. Mais vous n’avez pas dit un mot des 20 000 emplois annoncés le lendemain par le Premier ministre lors de sa conférence de presse. Je ne peux pas croire que vous n’étiez pas informée ! Ces 20 000 jobs sont une réponse, me semble-t-il, de court terme, car il ne s’agit que de dix heures par semaine, pendant quatre mois, pour venir épauler les étudiants de première et de deuxième année de licence.
Sur l’initiative de son rapporteur général, dans le cadre de la mission « Plan de relance », le Sénat a adopté un dispositif d’aide à l’embauche dans les PME, bonifié de 50 % pour tout recrutement d’un jeune de moins de vingt-six ans en sortie de formation initiale. Même les plus diplômés peinent à accéder à l’emploi dans le contexte actuel. Le recours à des aides à l’embauche en bas de cycle économique a fait les preuves de son efficacité.
Face au désarroi et à la perte d’espoir qui caractérise aujourd’hui le monde étudiant, la perspective d’un emploi stable est une lueur. J’espère que l’Assemblée nationale, peut-être avec votre aide, madame la ministre, aura la sagesse de conserver cet apport du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, universitaire de formation, j’ai conservé des liens très étroits avec cet univers que j’affectionne particulièrement. Je peux vous confirmer que l’année 2020 a été extrêmement difficile.
En début d’année, j’alertais déjà le Gouvernement sur les grèves et les blocages qui paralysaient de nombreuses facultés en France et empêchaient une majorité d’étudiants assidus de pouvoir suivre leur cursus en toute sérénité. La pandémie de coronavirus est ensuite arrivée, avec toutes les conséquences que nous connaissons. La fermeture des établissements d’enseignement supérieur a été et est encore une douloureuse épreuve. Il a fallu réinventer, dans l’urgence, un fonctionnement qui était majoritairement axé sur le présentiel. Les amphithéâtres, auparavant bondés, ont été vidés, et les facultés, lieux de vie par excellence, ont dû être fermées pour lutter contre la propagation du virus et répondre à l’urgence sanitaire. La situation est extrêmement catastrophique.
Les professeurs comme les étudiants, laissés dans le flou, ont d’abord cru que leur année allait être perdue. Malgré ces difficultés inédites, les établissements et les personnels de l’enseignement supérieur ont su s’adapter et innover au mieux pour que cette année scolaire particulière puisse continuer dans des conditions les moins anormales possible. Les outils numériques ont été particulièrement salvateurs en cette période où il a fallu dématérialiser l’enseignement à marche forcée. Certes, rien ne peut remplacer les travaux dirigés ou les cours magistraux en présentiel pour garantir un environnement d’apprentissage optimal.
La France est une nation qui entretient un lien particulier avec l’enseignement. L’instruction a toujours été un moteur de notre ascenseur social et une garantie du bon fonctionnement de notre mode de vie démocratique.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Brigitte Lherbier. L’éducation d’un citoyen garantit sa liberté. Pour que cette belle idée continue à porter ses fruits, il faut impérativement que l’accès à l’éducation soit égal pour tous.
C’est dans ce domaine que la crise sanitaire a eu ses effets les plus néfastes. Je pense, notamment, aux étudiants qui ne disposent pas chez eux des conditions les plus optimales pour étudier. Certains ont été confinés en famille, dans des logements ne garantissant pas toujours le calme propice à la réflexion.
Beaucoup ont été dans l’incapacité de continuer à exercer les petits, boulots qui leur permettaient de financer leurs études, qu’il s’agisse des boursiers ou des non-boursiers. Ceux qui devaient partir en échange universitaire ou commencer des stages en entreprise pour valider leur formation se sont vus privés de ces opportunités.
Pour d’autres, la fracture numérique bien réelle dans notre pays les a handicapés. C’est d’autant plus vrai pour les étudiants vivant en zone rurale. L’accès à internet, inexistant ou insuffisant, peut être un frein à la réussite. Cet isolement numérique, couplé à l’isolement physique dû au confinement, peut avoir de graves conséquences.
De nombreux professionnels de santé nous alertent sur les conséquences psychologiques de l’état d’urgence sanitaire. Les étudiants ne sont pas vaccinés contre cette détresse morale, bien au contraire.
Madame la ministre, ce projet de loi de finances doit apporter des réponses concrètes aux situations que je viens d’évoquer. Le budget de l’enseignement supérieur doit permettre de lutter en priorité contre la fracture numérique. Donnons les moyens suffisants à l’enseignement supérieur de se moderniser, prenons garde à veiller à la bonne santé de tous nos étudiants, et nous pourrons sortir de cette crise plus forts !
Il y va de la bonne santé de notre modèle éducatif. L’enseignement supérieur doit rester d’excellence afin de garantir le rayonnement de notre pays au-delà de nos frontières. Nous suivrons l’avis de notre rapporteur spécial Jean-François Rapin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)