M. Max Brisson. Très bien !
Mme Annick Billon. … tous les arbitrages en faveur de l’enseignement agricole ont été perdus au bénéfice de l’enseignement général.
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Annick Billon. De surcroît, un déséquilibre persiste entre les enseignements agricoles public et privé : alors même que ce dernier accueille plus d’élèves, il reçoit une dotation inférieure de 40 %, ce qui se traduit concrètement par un écart du simple au double dans le ratio coût par élève.
M. Max Brisson. Ce n’est pas acceptable !
Mme Annick Billon. La baisse du nombre d’enseignants dans les collèges et lycées agricoles se poursuit – 80 équivalents temps plein supprimés l’année prochaine –, alors même que le nombre d’élèves est en hausse, pour la première fois depuis une décennie. Cela fragilisera davantage encore une filière déjà touchée les années précédentes.
Les maisons familiales rurales (MFR) n’ont bénéficié d’aucune augmentation de leur dotation. Or elles ont subi la crise de plein fouet, avec des pertes financières importantes – 10 % de recettes en moins cette année pour la MFR dans laquelle j’étais vendredi dernier, à Saint-Jean-de-Monts.
Ce choix est d’autant plus regrettable qu’il intervient au moment où l’État lance « 1 jeune, 1 solution ». Quelle sera la solution pour les jeunes dans l’enseignement technique agricole ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.) La situation est telle que la survie de l’enseignement agricole est, semble-t-il, en jeu.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, si le groupe Union Centriste envisage de voter en faveur des crédits de la mission « Enseignement scolaire », nous rejetons unanimement ceux qui sont relatifs à l’enseignement agricole.
Avant de clore mon propos, je souhaite remercier les rapporteurs pour avis de la commission de la culture, Jacques Grosperrin et Nathalie Delattre, pour le travail qu’ils ont mené avec son président, Laurent Lafon, sans oublier le rapporteur spécial de la commission des finances, Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte bien compliqué pour l’éducation nationale que nous étudions la mission « Enseignement scolaire » de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
L’assassinat de Samuel Paty, l’un des siens, a profondément ébranlé la communauté enseignante, dont les membres ont été meurtris dans leur chair. Je crois que nous n’avons pas encore suffisamment pris la mesure, collectivement, de ce que cela a représenté pour eux.
Les hussards noirs de la République sont les piliers de notre société face à l’obscurantisme. Ils ne manquent ni de courage, ni de volonté, ni de conviction pour remplir cette mission. Il faut entendre leurs alertes lorsqu’ils disent ne pas se sentir assez protégés ni soutenus et avoir besoin de davantage de formations pour répondre sereinement aux nombreuses questions de leurs élèves.
Cette violence s’ajoute à un contexte difficile pour les personnels de l’éducation nationale, en première ligne dans cette crise sanitaire et aux prises avec des situations complexes à gérer : des protocoles difficiles à mettre en place et communiqués tardivement, un stress important, des élèves en difficulté après le confinement, et des parents inquiets. Et ce alors que les obstacles dans un contexte ordinaire sont nombreux : classes surchargées, réformes difficiles à mettre en œuvre, manque de matériel, et un sentiment profond que leur travail n’est pas reconnu.
Les directeurs et directrices d’école étaient déjà à bout avant la crise sanitaire car leurs missions sont trop nombreuses. Nous n’avons pas oublié la mort de Christine Renon lors de l’année scolaire précédente ni les mots bouleversants qu’elle nous a laissés. Il n’est pas question qu’un tel drame se reproduise.
Tendez l’oreille, monsieur le ministre ! Entendez-vous la souffrance des enseignantes et des enseignants ? Notre école de la République a pour mission de fournir à nos élèves un enseignement qui permette de résorber les inégalités. Or elle n’y parvient plus, malgré la bonne volonté de celles et ceux qui la font vivre.
La plus belle de nos institutions souffre !
Ce PLF pour 2021 est-il en mesure d’y remédier ? Telle est la question que nous devons nous poser aujourd’hui. Certes, le budget global de la mission « Enseignement scolaire » est en hausse par rapport à l’année dernière ; mais cette hausse n’est pas significative, car elle correspond au transfert d’une partie du budget consacré au sport et à la jeunesse ainsi qu’à une revalorisation salariale.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur cette revalorisation, certes positive, mais qui ne concernera pas tout le monde et sera dégressive. Nous regrettons que vous n’ayez pas plutôt fait le choix d’augmenter le point d’indice pour tout le monde.
Quant à la prime d’équipement, l’objectif annoncé est de permettre le renouvellement d’un équipement informatique complet. Mais l’enveloppe prévue, d’un montant de 450 euros sur trois ans, est insuffisante pour y parvenir.
Les crédits alloués à la mission « Enseignement scolaire » prévoient une hausse du nombre de postes d’enseignants dans le primaire, notamment afin de poursuivre le dédoublement des classes dans les zones REP et REP+.
J’ai d’ailleurs lu dans la presse, monsieur le ministre, que vous lanciez des expérimentations en vue de supprimer la carte des REP. J’avoue ne pas comprendre cette décision, peu cohérente avec l’objectif de dédoublement.
Ces créations de postes en primaire sont une bonne chose, mais malheureusement, force est de constater que cela se fait au détriment du dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui bénéficiait notamment aux écoles rurales, et que ces créations entraînent des suppressions de postes ailleurs.
Ce budget prévoit aussi de mettre en place des décharges pour les directeurs et directrices d’école. Est-ce un effort suffisant pour répondre aux besoins réels ? Nous en doutons.
Les créations de postes en primaire s’accompagnent de suppressions de postes dans le secondaire. Or la suppression de ces 1 800 postes coïncide avec l’arrivée de 28 000 élèves supplémentaires. C’est inquiétant, d’autant que cela intervient dans le contexte de la mise en œuvre complexe des réformes des lycées général et professionnel.
Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué que ces suppressions sont compensées par le recours aux heures supplémentaires. Mais les enseignants comme les chefs d’établissement alertent sur le fait qu’ils ne sont pas en capacité d’absorber autant d’heures supplémentaires. D’ailleurs, une grande partie des heures supplémentaires actuellement prévues ne sont pas consommées.
S’investir dans son établissement et élaborer des projets à destination des élèves prend du temps. Moins de postes et plus d’heures supplémentaires, cela signifie aussi moins de dynamisme dans les établissements.
Concernant l’accompagnement des élèves, les membres des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), les médecins, les infirmiers scolaires et les personnels chargés de l’accompagnement social des élèves sont plus que jamais indispensables pour parvenir à surmonter les difficultés nouvelles dues à la crise de la covid. Pourtant, le budget qui leur est consacré n’augmente pas en proportion.
Nous notons la volonté de mettre l’accent sur l’école inclusive par la création de 4 000 postes d’AESH, mais nous regrettons qu’il ne soit pas envisagé d’augmenter la rémunération de ces derniers. La plupart des AESH sont payés au SMIC en début de carrière et, de fait, il apparaît qu’ils – et surtout elles, car ce sont majoritairement des femmes – sont à temps partiel. Leurs revenus sont donc trop faibles. Leur mission essentielle mériterait d’être revalorisée.
Enfin, cette mission englobe l’enseignement agricole, qui est un vrai atout français même si nous en parlons trop peu. Heureusement, je sais que dans cet hémicycle – les orateurs avant moi l’ont dit – nous y sommes toutes et tous très attachés. Son rôle dans la mise en œuvre de la transition écologique est central, car il est indispensable si nous voulons réussir à inventer un nouveau modèle agricole viable tout en accompagnant et en soutenant pleinement nos agricultrices et nos agriculteurs. Comme pour de nombreux sujets, c’est grâce à l’école que les grandes batailles se gagnent. Ne ratons pas le coche !
De plus, la décennie à venir connaîtra un grand nombre de départs à la retraite dans le monde agricole. Nous devons être en mesure de préparer la relève.
Nous ne pourrons pas relever ces défis sans un enseignement agricole de qualité. Aujourd’hui, cette qualité existe, notamment grâce aux créations de postes intervenues entre 2012 et 2017. Il faut la préserver. Ce budget prévoit la suppression de 80 postes, qui, cumulée aux suppressions précédentes et à venir, porte le total à 300 postes de moins durant votre mandat. En proportion, c’est comme si on supprimait 10 000 postes dans l’éducation nationale : c’est colossal ! Et l’on nous signale déjà des difficultés pour dédoubler les classes lors des travaux pratiques (TP), pour appliquer les différentes réformes et pour parvenir à l’équilibre des budgets des établissements. Si nous ne changeons pas de cap, nous risquons d’atteindre le point de non-retour. J’espère que, lors de nos débats, nous saurons faire les choix nécessaires pour préserver la qualité de l’enseignement agricole.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons relu ensemble la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs. Il leur indiquait notamment ceci : « Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. »
Du courage, les personnels de l’éducation nationale n’en manquent pas ! De la patience, de l’écoute, de la passion et de l’innovation, ils en font preuve chaque jour ! Ce dont ils manquent, monsieur le ministre, c’est de moyens. Ce budget est-il à la hauteur de leur engagement et de leurs besoins au service de nos enfants ? Pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la réponse est : non ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du coronavirus a bouleversé notre pays comme elle a bouleversé le monde. Tous nos compatriotes ont été impactés par cette pandémie et par les mesures nécessaires prises pour la combattre. Au sein de nos territoires, les fabriques d’avenir que sont nos écoles ont été particulièrement affectées.
Je tiens à saluer l’engagement et le dévouement de nos enseignants. Dans des circonstances difficiles, dans un contexte de grande incertitude, ils ont dû agir au jour le jour pour continuer d’accomplir leur mission. Je les en remercie.
Nous avons mesuré lors du premier confinement à quel point la technologie numérique était essentielle à la poursuite de l’activité scolaire, mais aussi au maintien du lien social que l’école permet. Les professeurs et les équipes ont déployé des trésors d’inventivité pour maintenir leur enseignement.
Pandémie ou non, le numérique est très utile au fonctionnement des établissements. Il est à ce titre indispensable de continuer la numérisation de l’école et d’y veiller particulièrement au primaire.
Comme chaque année, l’enseignement scolaire est la mission la plus importante du budget général et ses crédits sont en hausse. Cela témoigne de la place accordée par notre pays à l’enseignement.
L’école de la République joue un rôle essentiel dans notre société, celui d’instruire les plus jeunes de nos concitoyens et de les amener à développer un esprit critique.
Samuel Paty y participait avec passion. Les membres du groupe Les Indépendants et moi-même souhaitons lui rendre hommage, ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui sont pleinement engagés au service de l’éducation nationale.
Les dépenses de personnel augmentent cette année, bien que le pic démographique ait été atteint en 2016. Depuis cette date, les évolutions démographiques de la population française conduisent à une diminution du nombre d’élèves d’année en année.
Si la dépense publique doit être maîtrisée et adaptée au plus près des besoins des Français, cette augmentation de personnel nous paraît toutefois nécessaire. Certes, le nombre d’élèves diminue, mais leur niveau aussi. L’ancien professeur de mathématiques que je suis est très inquiet de l’évolution de la situation. Le niveau des élèves français est en train de décliner. Particulièrement dans ce que fut ma matière, mais également en français, les performances de nos élèves sont à la baisse. Nous devons réagir vite car nous savons que, dans le parcours de l’enfant, les premières lacunes ont tendance à en entraîner d’autres.
Nous soutenons l’effort porté sur le primaire. C’est en effet lors de cette étape clé que beaucoup se joue. La réduction démographique devrait avoir des conséquences positives sur les performances des élèves, en réduisant leur nombre par classe. Il ne faut cependant pas compter uniquement sur cette dynamique, car le nombre d’élèves par classe dans le premier degré en France reste actuellement le plus élevé de l’Union européenne.
Pour améliorer l’enseignement, l’évaluation est incontournable. Il nous faut identifier les bonnes pratiques et les généraliser. L’effort consenti par la Nation pour l’enseignement scolaire – d’un montant de plus de 55 milliards d’euros – est majeur. Nous devons faire en sorte que chaque euro compte et que l’enseignement dispensé à nos enfants soit de la meilleure qualité.
Il ne s’agit pas de mettre en cause le travail de celles et ceux qui se dédient à l’enseignement, mais il nous faut déterminer ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré, identifier les bonnes pratiques et les généraliser. L’année qui s’ouvre verra ce travail d’évaluation poursuivi par le Conseil d’évaluation de l’école.
À cet égard, nous souhaiterions, monsieur le ministre, qu’une attention particulière soit portée afin que les langues régionales de France – je pense notamment au flamand occidental – puissent bénéficier d’une égalité de traitement.
Nos écoles sont les fabriques de l’avenir : celui de notre pays et de notre Nation. Nous devons continuer d’y consacrer les fonds suffisants pour préparer le meilleur avenir possible. Face à la perspective d’une diminution du niveau des élèves, nous devons faire preuve de vigilance et réagir rapidement. Évaluer nos établissements, c’est nous donner la chance d’améliorer notre enseignement. Continuons de viser l’excellence ; notre avenir en dépend.
En conclusion, si le groupe Les Indépendants porte un regard bienveillant sur ce budget, je regrette l’insuffisance de considération à l’endroit de l’enseignement agricole privé.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un budget exceptionnel pour l’éducation nationale ; exceptionnel, du fait de la crise sans précédent que traverse notre pays et à laquelle sont confrontés de plein fouet tous les personnels de l’enseignement, de l’encadrement et même de l’entretien.
Ils et elles font tous partie de la première ligne. Que ce soit dans l’enseignement primaire ou secondaire, ils et elles ont mis en œuvre les conditions d’accueil les plus favorables pour tous les élèves, ils et elles ont organisé les classes, se sont convertis en un temps record à l’enseignement « en distanciel », puis, lorsque les cours ont repris, ont veillé au respect des gestes barrières et ont dialogué avec les parents inquiets sans compter leurs heures ni leurs efforts. Nous devons aujourd’hui collectivement leur rendre hommage.
Au-delà de notre soutien moral, ce dont le personnel de l’éducation a besoin, c’est une aide à la fois financière et matérielle, et un soutien sans réserve de son administration. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui.
Il y a des mesures positives dans ce budget, monsieur le ministre, telles que l’augmentation de 2,6 % de l’enveloppe globale, les 400 millions d’euros alloués à la revalorisation des salaires des enseignants, les 2 039 équivalents temps plein supplémentaires prévus dans le primaire et les 250 millions d’euros alloués à l’école inclusive, qui permettront la création de 4 000 équivalents temps plein d’accompagnantes et d’accompagnants des élèves en situation de handicap. Si nous tenons à saluer cet effort sans précédent en faveur de l’école inclusive, nous proposerons toutefois de revaloriser la rémunération des AESH.
L’effort global pour l’enseignement scolaire est important, et il doit être salué ; mais est-il suffisant ? Nous n’en sommes pas persuadés.
Monsieur le ministre, dans cette crise, écoutons les personnels de l’enseignement et ce qu’ils ont à nous dire. Écoutons le désarroi des directeurs et directrices d’école au bout du rouleau, qui n’en peuvent plus de devoir mettre en œuvre sans préavis des protocoles sanitaires qui changent parfois au bout de deux jours, qui sont quelquefois contradictoires et toujours mal expliqués. (M. Daniel Salmon applaudit.)
Écoutons la colère des enseignants du secondaire, qui se sont mobilisés le 10 novembre dernier pour appeler à davantage de moyens pour se protéger et protéger leurs élèves du virus dans les classes bondées des collèges, dans les cantines ou dans les couloirs. Écoutons ces mêmes enseignants du secondaire, qui verront 1 800 postes supprimés dans leurs rangs, et à qui on demandera de faire davantage d’heures supplémentaires alors même qu’ils sont au maximum de leurs capacités.
Écoutons les AESH, dont 93 % sont des femmes, âgées en moyenne de 45 ans, qui effectuent un travail indispensable d’accompagnement dans plusieurs établissements à la fois et qui ne gagnent en moyenne que 760 euros par mois, soit 300 euros de moins que le seuil de pauvreté.
Mme Marie-Pierre Monier. Tout à fait !
M. Thomas Dossus. Ce que le corps pédagogique demande est simple et revient dans chacune des prises de parole de ses représentants : plus de personnel, plus de moyens, plus de salaire pour faire leur métier dans les meilleures conditions.
Épuisés par la crise, les personnels de l’éducation ne supporteront pas de nouvelles suppressions de postes ni des horaires extensibles comme cela est proposé dans ce PLF. Écoutons-les maintenant et, surtout, agissons pour eux.
Enfin, je souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur les échanges que nous avons eus concernant le rétablissement des valeurs de la République au sein de l’école. Les faits qui ont animé nos débats sont connus de tous : des élèves qui boudent La Marseillaise, qui trouvent des justifications aux assassins de Samuel Paty ou de Charlie Hebdo, ou encore des vidéos insoutenables de décapitation qui circulent sous le manteau.
Mes chers collègues, les enseignants qui dédient leur carrière et parfois leur vie à l’éducation des générations futures font plus que savoir ce que signifient les valeurs de la République : ils et elles les incarnent au quotidien. La République n’est pas une leçon ni un programme scolaire qui doit être remanié pour être mieux appris. C’est une dynamique, un processus toujours en cours, toujours vivant. C’est une marche collective vers l’émancipation, qui se construit ensemble à travers les générations vers un destin commun.
Les enseignants et enseignantes ne sont pas les dépositaires d’une vérité absolue que les élèves doivent réciter le petit doigt sur la couture du pantalon : ils sont au contraire les animateurs d’un projet commun. Ils ne sont pas que les gardiens d’un ensemble de règles : ils sont aussi ceux qui partagent et mettent en œuvre notre idéal collectif.
Pour y parvenir, il faut que cet élan se remette en marche, que les enseignants se sentent de nouveau au cœur de notre République, que les moyens soient mis à leur disposition et que le soutien de la société se manifeste par des preuves concrètes, donc financières.
C’est par la mise en pratique concrète des valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité que la République sera partagée et embrassée par tous, pour qu’ainsi les élèves en soient témoins, qu’ils voient que la République sait se montrer aussi généreuse avec celles et ceux qui la font vivre qu’intransigeante envers ceux qui la combattent. Tel est idéal que nous appelons de nos vœux.
Monsieur le ministre, pour conclure, nous attendrons l’issue des débats et le sort qui sera réservé à nos amendements en séance publique pour nous prononcer sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, nous parlons d’avenir. En hausse de 2 milliards d’euros, le budget de l’éducation nationale demeure, cette année encore, le premier poste de dépenses du budget de l’État.
Le plan de relance a également alloué à l’enseignement scolaire des crédits qui permettront de financer le dispositif « Les cordées de la réussite », avec l’objectif d’augmenter le nombre de bénéficiaires de 120 000, ainsi que l’accélération de la transformation numérique.
Il n’est pas inutile de le rappeler, depuis 2017, le budget alloué à l’enseignement scolaire a augmenté de 8 milliards d’euros.
Que traduit ce budget ?
Tout d’abord, la priorité absolue qu’est le renforcement de l’enseignement du premier degré, de notre école primaire, qui, pendant trop d’années, avait été délaissée, alors que – nous le savons –, faute de moyens suffisants, les inégalités de réussite en fonction de l’origine sociale s’y creusent et s’y sédimentent le plus souvent.
La création d’emplois dans le premier degré portée par ce budget est d’ailleurs à mettre en perspective avec la diminution du nombre d’enfants scolarisés de l’ordre de 65 000. Cela permet donc de poursuivre le plafonnement à 24 élèves par classe de grande section, CP et CE1, d’étendre le dédoublement des classes aux grandes sections de maternelle en éducation prioritaire, de ne fermer aucune école rurale, sauf en cas d’accord du maire, et d’améliorer les conditions de travail des directeurs d’école.
Grâce à l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans, 26 000 élèves supplémentaires sont accueillis depuis la rentrée 2019 en maternelle. Des crédits de 100 millions d’euros sont ouverts pour accompagner les communes à ce titre. Monsieur le ministre, cette mesure est venue autant traduire un engagement de campagne que satisfaire les revendications exprimées par d’autres responsables politiques avant 2017, mais non traduites dans les faits.
De même, dans les écoles éloignées d’une bibliothèque publique, de nouveaux espaces de lecture seront financés. Comme vous vous y êtes engagé, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires sera maintenu pour les communes qui souhaitent conserver la semaine de plus de quatre jours. L’augmentation des crédits pour le second degré se traduira par un volume d’heures supplémentaires de près de 1 000 équivalents temps plein.
Ce budget engage la revalorisation du métier d’enseignant et le renforcement de l’attractivité des métiers de l’éducation. En attendant les conclusions du Grenelle de l’éducation, une revalorisation de 400 millions d’euros est d’ores et déjà inscrite au budget, de même que la création d’une prime d’équipement informatique de 150 euros net.
Visant le même objectif, d’autres politiques soutenues par ce budget doivent être citées : je pense aux 3 000 étudiants supplémentaires qui auront accès à une préprofessionnalisation de trois ans à partir de la deuxième année de licence ; je pense également aux élèves inscrits en master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation, qui pourront désormais être accueillis en stage en alternance pendant leur deuxième année de master.
Nous resterons attentifs à la reconnaissance de ces métiers essentiels. François Dubet et Marie Duru-Bellat rappelaient dans un ouvrage récent que les vaincus ont vu leur situation se dégrader ces dernières décennies, accentuant un clivage que l’on retrouve dans la vie politique elle-même entre les élites éclairées et instruites et tous ceux qui se sentent dépossédés et méprisés. C’est le sens de ce budget comme des précédents que de répondre à ce constat.
Alors que la crise du covid-19 risque de produire des effets négatifs cumulatifs, il faudra aussi les éviter au maximum et donner des perspectives aux centres d’accueil des classes de mer et de montagne ainsi qu’à l’ensemble des acteurs impliqués dans les dispositifs relatifs aux classes déplacées, car, aujourd’hui, ils n’en ont aucune. Ce sera aussi l’objet du Grenelle de l’éducation et de la refonte de la carte REP+ sous la forme d’une expérimentation annoncée dimanche dernier. Des préconisations renforcées pourraient être faites au service d’une politique plus fine, permettant l’indexation des moyens en fonction d’un indice de mixité sociale.
Quoi qu’il en soit, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera ce budget.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » prend cette année un relief particulier en raison de la pandémie qui a bouleversé l’organisation des cours.
À cette difficulté s’est ajouté l’impensable : le tragique assassinat du professeur Samuel Paty ; un acte odieux, attaquant la République en général et la liberté d’enseigner en particulier.
Avec 76 milliards d’euros demandés pour 2021, il est coutume de dire que l’enseignement scolaire est le premier poste de dépenses au sein du budget général. Aussi, nous attendons beaucoup de notre système d’éducation nationale. Faut-il rappeler que l’école est le ciment de notre pacte républicain ?
On sait très bien tout ce qui se joue à l’école dès les premières années. C’est d’ailleurs, monsieur le ministre, ce qui a conduit le gouvernement auquel vous appartenez à engager le dédoublement des classes en 2017, une mesure longtemps attendue.
Il est en effet fondamental de persévérer dans la réduction des inégalités sociales. L’absence d’égalité dans les conditions d’apprentissage est la garantie d’une reproduction permanente des inégalités de destin.
Il faut reconnaître que le budget de la mission traduit une volonté de renforcer, en 2021, les moyens de l’éducation nationale. Alors que le nombre d’élèves diminue, les crédits de paiement ainsi que les autorisations d’engagement augmentent d’un peu plus de 2 % ; nos collègues rapporteurs l’ont souligné. C’est une équation positive, bien que je regrette un schéma d’emploi défavorable au secondaire, alors que les classes y sont également trop chargées.
Je souligne que le décrochage scolaire lié à la pandémie concerne d’abord les jeunes des lycées d’enseignement professionnel. Il faudra prévoir un plan de rattrapage pour ces établissements. N’oublions pas qu’on y forme nombre de ceux qui étaient en première ligne pendant la crise sanitaire.
Je m’inquiète également des moyens alloués à l’enseignement technique agricole, qui, comme l’a rappelé très justement notre collègue rapporteure Nathalie Delattre, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En revanche, je souhaite souligner les efforts qui sont portés en faveur des enfants en situation de handicap. L’école n’est toujours pas suffisamment inclusive. Si le recrutement de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap va dans le bon sens, nous partons de loin : il faudra donc faire plus pour une école accessible à tous. En écho à une autre politique de votre gouvernement, monsieur le ministre, il faut « 1 élève 1 solution ».
Pour ce qui concerne le programme 230, « Vie de l’élève », je note la progression de 6,5 % des crédits alloués aux dispositifs intitulés « Devoirs faits » et « École ouverte ». Ces dispositifs, importants en temps normal, sont devenus encore plus essentiels du fait de la crise. Malgré la mobilisation extraordinaire du corps enseignant, la crise sanitaire a délégué une partie de l’instruction à la famille, avec toutes les inégalités sociales que l’on imagine.
J’y ajouterais la question de l’accès au numérique. Dans le contexte du recours à l’enseignement à distance, la fracture numérique nous est apparue encore plus cruelle pour les familles des territoires ruraux. Monsieur le ministre, bien que vous n’ayez pas la tutelle du secteur numérique, permettez-moi d’en appeler, sur ce sujet, à la responsabilité du Gouvernement.
Je citerai une phrase de notre regretté collègue Alain Bertrand, extraite de son rapport sur l’hyper-ruralité : « Finalement, en ne construisant pas un modèle économique de desserte numérique et de téléphonie mobile à l’échelle du territoire national, l’État a organisé dès l’origine un système de creusement de l’inégalité territoriale d’accès à des services pourtant devenus universels et d’autant plus stratégiques dans les zones de faible densité. » C’est un fait.
Plus favorable aux territoires, la dotation de 50 millions d’euros pour soutenir la réhabilitation par les collectivités locales des bâtiments d’internat ainsi que la poursuite du plan Bibliothèques, qui bénéficie aux zones rurales, méritent d’être soulignées.
En revanche, monsieur le ministre, vous avez promis aux maires qu’aucune fermeture de classe ne serait programmée dans les communes sans leur accord du maire. Cette promesse sera-t-elle vraiment tenue à la rentrée prochaine ?
Mes chers collègues, le groupe RDSE envisage de voter les crédits de la mission, sous réserve de l’adoption des amendements en faveur de l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)