compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa,

M. Pierre Cuypers.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun de vous à se montrer attentif au respect du temps de parole et au respect des uns et des autres.

proposition de loi relative à la sécurité globale

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, qui n’est pas là !

Dans un rapport en date du 12 novembre dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé le caractère liberticide de la proposition de loi « sécurité globale », dont l’examen a débuté hier à l’Assemblée. Il y pointe des atteintes importantes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique.

Nous voilà en contradiction avec la Déclaration des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme. Vous en conviendrez, ce n’est pas un honneur !

Le rapport insiste notamment sur l’article 24, qui vise à interdire la diffusion d’images d’agents des forces de l’ordre non floutées, assortie d’une sanction de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’un an de prison. Combien de violences policières échapperont-elles au radar de la justice ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Que deviendra la liberté de la presse et d’informer ?

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous laisser la France se renier comme patrie des droits de l’homme en appuyant cet article auquel s’opposent les associations de défense des droits de l’homme, les démocrates de ce pays (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), des centaines et des centaines de personnes dans des tribunes, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ? Tout le monde s’y oppose !

Nous avons été la patrie des droits de l’homme : comment pouvons-nous nous renier à ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Esther Benbassa, je voudrais rappeler les termes de la loi que vous évoquez et ce fameux article 24 qui fait tant couler d’encre.

J’observe que, dans les médias, les uns et les autres donnent leur point de vue sur cet article 24 sans toujours savoir exactement de quoi il retourne. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.) Cette proposition de loi a été proposée par les députés Alix Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ce dernier étant un grand expert du maintien de l’ordre et de la sécurité. Elle a fait l’objet de nombreuses consultations.

L’article 24 dispose notamment : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale […] »

Madame la sénatrice, il sera toujours permis de filmer des policiers ou des gendarmes, et d’adresser à la justice des documents vidéo. Mais nous voulons éviter que ces gendarmes et ces policiers aient une cible dans le dos, que leur photo soit mise en ligne sur des réseaux sociaux ou dans des médias, assortie d’appels au meurtre ou au viol. Il est anormal que des petits garçons de 8 ans n’osent pas dire à l’école, au moment de la rentrée scolaire, que leur papa est policier par peur de le mettre en danger. (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – Marques dapprobation sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

Cette proposition de loi entend protéger : le débat démocratique aura lieu, et j’espère, madame la sénatrice, que vous la voterez ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

blocages budgétaires européens

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, depuis quarante-huit heures, le plan de relance européen, pris en otage par deux gouvernements, est bloqué et, avec lui, les 40 milliards d’euros que la France attend d’urgence.

Cette situation ubuesque révèle une nouvelle fois les difficultés de fonctionnement à l’échelle européenne. La crise que traversent nos commerces, le financement du chômage partiel, les aides à nos petites et moyennes entreprises (PME) et aux ménages modestes, le renforcement de notre système de santé, la transition énergétique et numérique sont des enjeux majeurs et urgents. Or notre plan de relance dépend intrinsèquement de celui de l’Union européenne.

La Hongrie et la Pologne ont posé leur veto au financement de l’avenir de l’Europe. Ils s’opposent à ce que 450 millions d’Européens, y compris leurs propres citoyens, bénéficient d’une relance rapide dont ils ont cruellement besoin.

La raison en est le refus de s’engager à respecter l’État de droit. En Europe et au XXIe siècle, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, le respect des droits fondamentaux servent de monnaie d’échange à des apprentis dictateurs adeptes de la démocratie illibérale. Ils préfèrent nous entraîner tous dans leur chute plutôt que de perdre la face dans leur pays.

Monsieur le secrétaire d’État, la réussite rapide de ce budget européen est une nécessité. Le temps presse et la marge de manœuvre paraît bien étroite. Quelles sont les limites posées par la France dans la suite de ces négociations ? La relance arrivera-t-elle à temps ? Si ce n’était pas le cas, quel sera l’impact pour nos entreprises, nos commerces, nos citoyens et leur santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous posez une question essentielle, car, il y a exactement une semaine, le plan de relance européen a été adopté par le Parlement européen, après quelques semaines de négociations avec les différentes institutions européennes.

Je tiens à préciser que, par rapport à l’accord trouvé au mois de juillet, ce plan a été amélioré. Un certain nombre de priorités politiques essentielles pour la France, comme Erasmus, les programmes de financement de la recherche – y compris des vaccins –, ou le financement de notre coopération en matière sanitaire, avaient vu leurs crédits augmenter, pour un total de 16 milliards d’euros.

À la suite de cet accord entre institutions, deux pays ayant pourtant suivi jour après jour les négociations ont fait état de leur volonté de bloquer l’ensemble de ce paquet budgétaire pour des raisons politiques liées à l’État de droit. Vous avez raison, cela pose de nouveau la question de l’unanimité et de nos modes de fonctionnement.

À court terme, nous avons néanmoins souhaité procéder au vote, lundi, sur ce paquet budgétaire. Il est en effet essentiel que chacun assume ses responsabilités, notamment que la Pologne et la Hongrie assument ce blocage.

Je le dis très clairement, la France ne renoncera ni à la relance ni à ses valeurs, et certainement pas au mécanisme de protection de l’État de droit. Avec la présidence allemande de l’Union européenne, qui s’exerce jusqu’à la fin de l’année, nous recherchons des solutions pratiques pouvant passer par certaines clarifications techniques de ce mécanisme. Je le répète, nous ne le remettrons pas en cause : ce sont nos valeurs et l’avenir de notre projet européen qui sont en jeu.

En dernier ressort, s’il le faut, nous regarderons comment avancer sans les pays qui bloquent : l’Europe ne peut pas être retenue en otage par un certain nombre de gouvernements ne souhaitant pas respecter le socle essentiel de notre projet politique.

Précision encore plus importante, cela ne remettra pas en cause – je le dis sous le contrôle du ministre chargé de la relance – le plan de relance de 100 milliards d’euros. Bien que plus de 40 milliards d’euros soient apportés par l’Union européenne, cela ne ralentira pas la mise en œuvre, déjà commencée et qui se poursuivra dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, de l’intégralité du plan, le financement européen venant, par la suite, l’accélérer et le rembourser.

Nous nous battons pour aller au plus vite, sans remettre en cause l’ambition de la relance et encore moins notre ambition européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons que vous souhaiter un plein succès dans les négociations à venir, d’autant qu’il semblerait que la Slovénie ait rejoint la Hongrie et la Pologne.

perspectives de réouverture des commerces

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré, samedi, qu’il va falloir « vivre avec le virus sur le temps long ».

Nous le comprenons, mais les commerçants de proximité attendaient de votre part une annonce pour une reprise le 12 novembre dernier. Vous leur avez donné rendez-vous dans quinze jours, pour le 1er décembre. Ce lundi, Bruno Le Maire prédit des réouvertures dès le 27 novembre ; le lendemain, le ministre de la santé ne voit pas les conditions réunies pour une réouverture des commerçants le 27 ; ce même mardi, c’est-à-dire hier, Gabriel Attal indique que le Gouvernement tranchera « la semaine prochaine » ; vous-même déclarez à l’Assemblée nationale que nous devrions avoir des perspectives positives à la fin de ce mois et au début du mois de décembre.

Personne n’y comprend plus rien ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains. – Murmures sur les travées du groupe RDPI.)

Dans de telles conditions, les commerçants n’ont aucune visibilité ni aucune perspective réelle pour cette période de fin d’année et les fêtes de Noël. On ne peut ajouter à la crise sanitaire, économique et sociale une crise humaine qui pointe avec le désespoir de certains.

Monsieur le Premier ministre, vous devez en tenir compte !

Pourquoi laisser fermés les commerces de proximité ? Est-ce vraiment pour éviter un trop grand flux de clients entre les différents commerces ? Aucun élu, dans cet hémicycle, ni vous-même, ne peut imaginer que, dans les cœurs de ville, les centres-bourgs et les quartiers, l’affluence de clients masqués serait telle chez les commerçants qu’elle impliquerait un grand risque.

On mesure l’iniquité de traitement avec d’autres formes de commerce et avec, notamment, les transports en commun, où la promiscuité est sans commune mesure. En réalité, aucune raison scientifique ni donnée statistique ne nous a jamais été fournie pour justifier ces fermetures.

La prévention peut être revue, les protocoles renforcés alors que beaucoup a déjà été fait en dialogue avec les commerçants et, en particulier, les restaurateurs qui ne demandent qu’à travailler !

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : à quelle date pourront-ils rouvrir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur Serge Babary, je connais suffisamment votre clairvoyance, votre connaissance du terrain, votre proximité avec les petits commerces – notamment ceux de Tours, mais sans doute aussi ceux de toute la France –, pour savoir que vous comprenez parfaitement ce que vous dites ne pas comprendre.

Vous comprenez parfaitement que notre préoccupation à tous, ici, celle du Premier ministre, celle du Gouvernement et, je pense, celle de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs, c’est de garantir la sécurité sanitaire des Français et de réduire la circulation du virus. C’est notre objectif premier, parce qu’il ne peut pas y avoir de relance forte de l’économie tant que pèse sur nous cette menace sanitaire. Sur ce sujet, nous essayons d’apporter, dans le cadre du confinement, les réponses les plus efficaces possible.

Je sais que vous comprenez parfaitement que les petits commerces de proximité, comme d’ailleurs tous les commerces, sont au cœur des préoccupations du Premier ministre, de l’ensemble des ministres et de la majorité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) La preuve en est que nous leur avons apporté un soutien financier massif et que nous continuerons à le faire tant que la crise sanitaire durera.

Vous comprenez aussi parfaitement que nous voulons rouvrir dans des conditions de sécurité sanitaire totales. De concert avec la ministre du travail Élisabeth Borne et le ministre de la santé Olivier Véran, nous avons travaillé sur un protocole sanitaire qui engagera tous les commerces, petits ou grands. Nous le soumettrons vendredi au Premier ministre, avant qu’il ne soit évalué et validé par les autorités scientifiques afin d’être rendu disponible pour tous les commerces en début de semaine prochaine.

Sur cette base, le Premier ministre et le Président de la République décideront, à la fin du mois de novembre, du jour de réouverture des commerces.

Croyez-moi, monsieur le sénateur, les choses sont faites sérieusement, dans l’intérêt des commerces et dans l’intérêt des Français dans leur ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Nous n’avons toujours pas de date ! « Ouvrir le 27 novembre ou nous faire mourir » : c’est l’alerte lancée par la fédération des commerçants.

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, redonnez de l’espoir à nos commerçants ! (Applaudissements appuyés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

perspectives de fin d’année pour le tourisme dans les stations de montagne et en polynésie française

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme.

À quelques semaines de l’ouverture de la saison d’hiver, les acteurs et territoires touristiques sont extrêmement inquiets. Ces acteurs et territoires sont variés : on pense tout de suite au secteur de la montagne, mais n’oublions pas l’outre-mer, qui accueille, en cette saison et en temps normal, de nombreux métropolitains.

La montagne et les territoires ultramarins ont, bien sûr, des problématiques touristiques distinctes.

Côté outre-mer, des territoires comme la Polynésie française ne bénéficient pas du dispositif de chômage partiel applicable en métropole. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous préserver l’emploi et soutenir spécifiquement les entreprises de tourisme ultramarines ?

Côté montagne, la fermeture, le 15 mars dernier, des 350 stations, avait amputé la précédente saison d’hiver de 20 %. Les enjeux de la prochaine saison sont d’une tout autre ampleur puisque c’est l’intégralité de la saison qui est menacée, ce qui représente 10 milliards d’euros de retombées économiques, 10 millions de vacanciers, 120 000 emplois directs, 360 000 emplois indirects et leurs familles, ainsi que notre place de troisième destination mondiale de ski.

Restreindre l’accès aux stations serait une catastrophe. Les professionnels de la montagne ont pris leurs responsabilités, et vous le savez. Ils élaborent, avec les services de l’État et les maires, un protocole sanitaire spécifique, qui doit être validé dans les meilleurs délais pour limiter les dégâts. Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous une idée du calendrier de sa mise en œuvre ?

Par ailleurs, pour sauver la saison d’hiver, les classes de neige vont être déterminantes, en particulier pour les stations-villages. Êtes-vous en liaison avec le ministre de l’éducation nationale pour faire en sorte que les séjours scolaires ne soient pas annulés et que des instructions claires soient données en ce sens au rectorat ?

Plus globalement, dans ce climat difficile et anxiogène pour nos professionnels, comment allez-vous redonner de l’espoir et sauver la saison touristique d’hiver partout où cela s’impose ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de létranger et de la francophonie. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, le tourisme comme priorité nationale n’est pas une clause de style ni un slogan affiché par le Président de la République. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une réalité.

Ce sont 10 milliards de prêts garantis par l’État depuis le mois de mars, 1 milliard d’euros consommés au titre du fonds de solidarité, des exonérations de charges et un certain nombre de dispositifs que nous continuerons à mettre en place.

L’État est et restera présent aux côtés du secteur de la montagne pour lequel je connais votre attachement. Nous continuons d’améliorer un certain nombre de dispositifs, notamment, cette semaine, en complétant, en liaison avec le ministère de l’économie et des finances, les fameuses listes S1 et S1 bis – je pense notamment aux agences immobilières qui font de la location saisonnière. Nous travaillons au quotidien avec le monde de la montagne, parce que c’est un secteur important de l’économie qui fait vivre des vallées entières.

Vous le savez, il est aujourd’hui compliqué d’avoir une appréciation de l’évolution de la situation sanitaire. Il faut donc se préparer pour le « jour où », que nous ne pouvons pas encore fixer aujourd’hui.

Je peux toutefois attester de la grande responsabilité des professionnels du secteur : les domaines skiables français, l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) ainsi que les écoles de ski françaises (ESF). Nous travaillons avec eux autour d’un projet de protocole, qui a été transmis mardi à la cellule interministérielle de crise (CIC) ; il pourra après analyse être validé dans les prochains jours. Je rends hommage à ces acteurs qui se mobilisent.

En ce qui concerne les outre-mer, qui sont aussi des joyaux de notre destination France, ils font que la France est ce pays-monde qui rayonne. S’agissant de la Polynésie française, j’ai pu m’entretenir avec Nicole Bouteau, ministre du tourisme. Nous déployons les prêts garantis par l’État (PGE) ainsi que le fonds de solidarité en complément des dispositifs spécifiques mis en place par les collectivités. C’est un travail mano a mano.

Le tourisme français étant entré le premier dans la crise, il faut qu’il en sorte premier également, en rebondissant. Nous nous y préparons avec votre aide, je le sais, et celle de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

avenir du site de bridgestone à béthune (i)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, après le rejet par Bridgestone du projet de continuité de l’activité de l’usine sur le modèle qui avait prévalu à Bari en 2013 – un projet élaboré par le cabinet Accenture –, la possibilité d’une reprise par un fabricant de pneumatiques extraeuropéen focalise les espoirs des 863 salariés du site de Béthune et de leurs familles. Vous avez pu mesurer comme moi, le 12 novembre dernier, à quel point ils sont plongés dans la détresse.

M. Laurent Dartoux, président Europe du groupe japonais, a réaffirmé que quatre manifestations d’intérêt ont déjà été enregistrées. Vos services nous ont confirmé que, pour l’une d’entre elles, nous en étions déjà au stade de la prise de rendez-vous.

La perspective de l’établissement de quotas d’importation à l’échelle européenne est un facteur, semble-t-il, favorable à l’activité de nouveaux producteurs. Je ne fais pas confiance à Bridgestone pour mener, à terme, un projet de reprise fiable, d’autant que le temps est compté.

C’est pour cette raison que je vous demande, madame la ministre, un engagement : Bridgestone doit céder le site pour un euro symbolique. Le directeur béthunois de l’entreprise a déclaré être prêt à examiner la demande de remboursement des aides publiques perçues. Je vous demande de l’y contraindre.

À ce stade préliminaire de la recherche d’un repreneur, je n’attends pas de vous la liste nominative des entreprises intéressées. Mais pouvez-vous nous préciser les critères qui vous amèneront à valider un projet par un producteur de pneumatiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, votre intervention témoigne de l’émotion très profonde et vive du territoire de Béthune quant à cette première annonce de fermeture le 16 septembre dernier. Elle refermait la porte au scénario de maintien d’une production de pneus, pourtant rentable, mais peut-être pas suffisamment, que nous avions construit avec Accenture et les élus du territoire.

Je veux vous le dire : le combat n’est pas terminé.

Comme vous l’avez indiqué, nous continuons à avoir des contacts étroits avec l’intersyndicale de Béthune dont je salue la dignité et la manière avec laquelle ils portent un combat exigeant. Je salue tout particulièrement M. Lesix que j’avais encore au téléphone tout à l’heure ; mes équipes étaient à Béthune aujourd’hui.

Nous allons porter ce combat dans trois directions : rechercher des repreneurs, dans le secteur du pneu ou non, tous les projets devant être examinés. Notre ambition est de rétablir une activité industrielle, porteuse de croissance et de développement durable dans les années qui viennent. Nous le devons aux salariés.

Pour ceux qui veulent rebondir professionnellement, et pas nécessairement sur ce site, nous devons leur donner tous les moyens de mettre en œuvre ce vœu par la formation, l’accompagnement et la recherche d’autres positions. Il y a, par exemple, la perspective de l’usine de batteries électriques à Douvrin, à vingt minutes de ce site. Elle recrutera, d’ici à 2023-2024, quelque 2 400 salariés. Voilà une perspective intéressante.

Enfin, nous allons continuer à travailler et à nous battre pour que les conditions de revitalisation de ce territoire soient à la mesure des moyens de Bridgestone. Vous avez raison de dire que nous devons être exigeants avec la direction de Bridgestone. J’ai été très claire avec ses représentants, hier, au téléphone : le compte n’y est pas aujourd’hui. Ils doivent accélérer la recherche de repreneurs et, comme nous avons Business France à la manœuvre, nous ne les laisserons pas faire. Ils doivent également améliorer le plan. Ils doivent enfin faire toute la lumière et aider à la reprise, quel que soit le repreneur, fût-il un concurrent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, vous confirmez qu’un projet de reprise par un fabricant de pneumatiques n’est pas illusoire, à condition qu’il s’agisse d’un industriel et non pas d’un fonds de pension, comme on en a vu trop souvent dans ce type de situation.

Je m’associe évidemment à vos propos pour saluer la détermination et le courage de cette intersyndicale qui est, tous les jours, au contact des salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

télétravail

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Ludovic Haye. Madame la ministre du travail, le télétravail s’est invité dans nos vies, notamment en raison de la crise sanitaire. Il est, actuellement, la solution la plus efficace pour résoudre la difficile équation de maintenir une activité économique et professionnelle tout en limitant les contacts entre citoyens.

Ce passage contraint et massif au télétravail ne doit toutefois pas servir de référence à une diffusion plus large de ce mode de travail. Le télétravail en situation de crise n’est pas représentatif d’un télétravail efficace et équilibré. Comme tous les modes d’organisation, il doit être pensé et structuré, requérant en outre une formation préalable, des outils adaptés, un partage de l’information à l’abri des menaces cyber, une réduction de la fracture numérique entre les territoires et de nouveaux processus dématérialisés.

Le télétravail présente, à première vue, de nombreux avantages : sur le plan environnemental, en limitant les transports ; sur le plan territorial, en désengorgeant les métropoles et en libérant des surfaces ; sur le plan personnel, en apportant flexibilité dans la vie de nos concitoyens. Apparaissant, de prime abord, comme une petite révolution, il est avant tout une adaptation à une société qui évolue sans pour autant annihiler les bénéfices indiscutables d’un lien social, qui reste plus que jamais essentiel.

Pour cela, il faudra veiller à une forme de justice dans son application, tous les métiers n’y étant pas éligibles et tous nos concitoyens n’étant pas égaux devant les compétences spécifiques qu’il requiert. Nous devons travailler, dès aujourd’hui, à l’articulation optimale entre télétravail et présentiel, en considérant le premier de manière qualitative plutôt que quantitative.

En outre, il nous faut dès à présent travailler sur les effets collatéraux du télétravail : droit à la déconnexion, à la prévention des conduites addictives et des traumatismes psychologiques.

Au vu des nombreux enjeux de cette nouvelle pratique, n’est-il pas opportun, madame la ministre, de prévoir une grande réflexion autour de ce sujet majeur ? Quelle stratégie le Gouvernement souhaite-t-il mettre en œuvre concrètement, afin de permettre à nos dirigeants comme à nos salariés d’appréhender ce virage sociétal avec succès ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)