Mme la présidente. La parole est à Mme Kristina Pluchet.
Mme Kristina Pluchet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous alimenter de façon saine et durable est devenu un enjeu majeur et constitue une véritable attente de la part de tous nos concitoyens.
Des États généraux de l’alimentation en 2017 à la loi Égalim en 2018, l’ensemble des acteurs se sont prononcés. Ce sont autant d’enjeux sanitaires, écologiques, agricoles et économiques qui font la complexité du sujet.
Une impulsion a été donnée par l’article 24 de la loi Égalim, qui prévoit que les repas servis en restauration collective publique, d’ici au 1er janvier 2022, devront compter au moins 50 % de produits alimentaires durables de qualité, dont 20 % issus de l’agriculture biologique.
Nous souscrivons à cet objectif, mais nous sommes confrontés à des difficultés de mise en œuvre parce que nous n’avons pas les moyens sur le terrain. Nous ne comptons pas assez de producteurs, pas assez de maraîchers notamment.
Que l’on parle de souveraineté alimentaire ou d’alimentation saine et durable, les circuits courts devraient être notre objectif n° 1. C’est d’ailleurs une ambition tracée par le Green Deal européen, avec la stratégie « De la ferme à l’assiette » présentée le 20 mai dernier par la Commission européenne.
Pour atteindre l’objectif, il faut aider à l’installation de producteurs locaux et leur assurer des volumes et des prix rémunérateurs.
Prévus par la loi d’avenir pour l’agriculture en 2014, quelque 190 projets alimentaires territoriaux (PAT) ont vu le jour. Le Gouvernement en voulait 500, mais le développement est plus lent que prévu.
J’en viens à ma première question, monsieur le ministre. Quelle est votre stratégie pour accélérer l’implantation de ces PAT, afin qu’ils nous permettent de tenir nos engagements pour 2022 ?
Par ailleurs, quelles positions défendra la France, dans le cadre de la réforme de la PAC, pour concilier la transition agroécologique et la prise en compte de la situation financière critique de nos agriculteurs ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Pour répondre à votre première question, madame la sénatrice Pluchet, je pense fondamentalement que, pour accélérer, il faut des moyens.
C’est pourquoi, dans le plan de relance, 80 millions d’euros sont consacrés à l’accompagnement des PAT. Il y a aussi un gros travail d’accompagnement à faire. J’évoquais ce point avec les chambres d’agriculture, mais je pense que la Haute Assemblée a aussi son rôle à jouer, en montrant ce qui se passe ici ou là et en convainquant d’autres de participer à cette dynamique.
Vous avez raison, tout est lié. Ici, il n’y a pas suffisamment d’agriculture biologique – la surface agricole utile en bio représente aujourd’hui environ 8,5 % du total, ce qui est insuffisant – ; là, nous devons favoriser davantage les productions sous signe officiel de qualité (SIQO). C’est pourquoi je lance le crédit d’impôt haute valeur environnementale (HVE).
Enfin, vous l’avez souligné, il n’existe pas de définition du « produit local » : on ne sait pas s’il doit parcourir 60, 80 ou 150 kilomètres. Je suis toutefois très à l’aise avec la définition avancée par le sénateur Duplomb, et je peux même dire que je la partage. Mais c’est précisément parce que cette notion n’est pas définie, et probablement pas définissable, qu’elle n’a pas été insérée dans l’article 24 de la loi Égalim.
Les PAT constituent toutefois le bon levier pour assumer le caractère local du produit, quel qu’il soit, à une échelle compréhensible par le citoyen. Celui-ci voit bien, à son niveau, ce qu’est un produit local.
Sur la transition agroécologique, je fais partie de ceux qui disent qu’elle a un coût. Il est trop facile d’adresser aux agriculteurs des injonctions de faire sans vouloir les rémunérer pour la réalisation de cette transition.
Il ne s’agit en aucun cas d’opposer les uns aux autres – les agriculteurs sont les premiers à souhaiter la transition agroécologique –, mais de mettre en cohérence nos demandes et nos actes.
Ce n’est pas un gros mot de dire qu’il faut rémunérer l’agriculteur qui met en œuvre cette transition. Ce n’est pas être anti-écologiste, juste pragmatique, car nos agriculteurs, ces « entrepreneurs du vivant », ont besoin de vivre pour convaincre les générations futures d’entrer dans cette grande famille agricole qui peut créer de nombreux emplois, à condition qu’ils soient rémunérés.
C’est ainsi que l’on avancera, et la PAC doit nous y aider.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Mérillou.
M. Serge Mérillou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail de nos éleveurs fait notre fierté collective. Malheureusement, le confinement et les mesures de restriction appliquées à la restauration collective, aux restaurateurs ainsi qu’aux professionnels du tourisme renforcent aujourd’hui les difficultés que certaines filières animales connaissaient depuis plusieurs années.
Je voudrais attirer particulièrement votre attention sur la situation des abattoirs de proximité, qui sont nombreux à rencontrer des difficultés en milieu rural.
Ainsi, l’abattoir de Ribérac, qui emploie 21 personnes dans mon département de la Dordogne, est au bord du gouffre à la suite d’une diminution drastique du nombre de bêtes abattues : 1 200 aujourd’hui, contre 4 000 il y a quelques années.
Le retrait de la société Arcadie au printemps a réduit son activité de moitié et porté un coup fatal à cet abattoir, qui cumule 700 000 euros de dette, dont 200 000 euros de redevance due à la commune.
Le maintien de ces abattoirs locaux est pourtant nécessaire : pour limiter le temps de transport des animaux et l’impact sur l’environnement, pour favoriser les circuits courts et une économie circulaire conforme aux nouvelles attentes de nos concitoyens, pour maintenir aussi des emplois dans des territoires en difficulté.
Si rien n’est fait, leur disparition entraînera le déséquilibre de nombreuses filières. Le label « veau élevé sous la mère », qui fait la fierté du Ribéracois, est aujourd’hui menacé.
Monsieur le ministre, le volet « filières animales » du plan France relance a été doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros, dont 130 millions d’euros spécifiquement dédiés à la modernisation des abattoirs et aux outils de première transformation.
Que comptez-vous faire pour sauver nos abattoirs ruraux ? Quels leviers comptez-vous activer pour inciter les acteurs privés à investir dans ces structures essentielles à une alimentation durable et locale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour deux minutes seulement !
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je connais bien la situation en Dordogne et les conséquences des difficultés du groupe Arcadie, qui ont impliqué différentes reprises, notamment celle de l’abattoir de Ribérac par Carnivor à la suite d’une procédure douloureuse devant le tribunal de commerce de Montpellier – je parle sous votre contrôle, monsieur le sénateur.
J’irai même plus loin que vous : c’est l’identité même d’un territoire qui est parfois menacée. Si l’abattoir disparaît, l’indication géographique tombe. Ce serait le cas pour les agneaux du Quercy, par exemple.
Il est pour moi essentiel de pouvoir aider ces abattoirs de proximité. C’est pourquoi j’ai décidé d’inclure dans le plan de relance une enveloppe très importante pour les accompagner.
Les abattoirs territoriaux font parfois quelques bénéfices, mais le plus souvent ils gagnent peu ou pas d’argent, alors même que les collectivités locales les soutiennent souvent avec beaucoup de détermination.
Nous devons pouvoir leur apporter un soutien financier. Aujourd’hui, l’enveloppe est disponible ; le sujet est donc de faire remonter les projets, en lien avec les préfectures localement. Je vise plus particulièrement deux objectifs, d’une part la modernisation et la rentabilité de ces abattoirs, d’autre part la question du bien-être animal, pour diminuer le stress des animaux. Nous avons les moyens de notre ambition et je serai ravi d’en discuter avec vous, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Monsieur le ministre, qu’il me soit d’abord permis de dédier cette question à la mémoire de Laurent Darras, agriculteur décédé à la suite d’un accident dans son exploitation, hier, à Villers-Saint-Frambourg-Ognon, dans l’Oise.
Voilà quelques jours, le Président de la République déclarait : « Être jeune en 2020 n’est pas facile. » Être agriculteur ne l’est pas davantage. Violences à leur encontre, surenchérissement du coût du travail, surtranspositions récurrentes, complexités administratives, désertification vétérinaire, transmission des exploitations : la liste des défis auxquels ils sont confrontés est longue et en découragerait plus d’un. Vivre honnêtement et décemment de leur travail arrive en tête de ces défis.
Pour les relever, l’État n’est pas à la hauteur des attentes des agriculteurs. De perpétuels allers-retours voient chaque avancée immédiatement chassée par une nouvelle déception.
Ainsi, la loi Égalim, qui a fait naître tant d’espoirs, n’a rien résolu ! Elle laisse aujourd’hui place à la colère, tandis que sont signés des traités internationaux qui mettent en péril notre production.
C’est le cas encore lorsque vous devez assumer l’interdiction des néonicotinoïdes, tout en promettant une solution alternative qui n’arrive toujours pas. Et vous voilà obligés – le Parlement vous en sait gré – de demander une dérogation indispensable !
Résultat, l’agriculture française décroche par rapport à ses concurrents. Pourtant, elle est un atout indéniable pour notre avenir, non seulement parce qu’elle assure notre souveraineté et notre sécurité alimentaire, et qu’elle est l’ADN de nos territoires ruraux, mais aussi parce qu’elle est un formidable moteur pour l’ensemble de notre économie et la vitrine d’un savoir-faire unique, reconnu et envié dans le monde entier.
Nos agriculteurs sont les premiers écologistes. Ils respectent cette terre qu’ils ont su apprivoiser. Notre agriculture est sans doute l’une des plus durables, voire la plus durable, du monde. Elle atteint un niveau d’exigence inégalé, avec des produits de qualité dont nous pouvons être fiers.
Monsieur le ministre, à quand une campagne de sensibilisation et une politique qui revalorisent la profession et défendent nos agriculteurs ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Courtial, je vous remercie sincèrement pour votre question. Vous avez, ô combien, raison de ne pas tomber dans la critique facile, mais bien plutôt de valoriser ce beau métier d’agriculteur et d’éleveur !
J’en appelle à toute la jeunesse de France. Le monde agricole recrute, et il s’agit de métiers de passion. Quelle plus belle passion que celle du vivant, de la terre, de l’environnement ? Voilà ce qui anime nos agriculteurs !
L’agriculture est un métier d’innovation. Contrairement à nombre d’idées reçues, l’innovation est au cœur des métiers agricoles : machinisme, gestion raisonnée de l’ensemble des intrants, outils de transformation, autant de secteurs d’innovation dans lesquels notre pays est souvent leader mondial.
Au-delà de cette passion et de cette innovation, le métier d’agriculteur a l’une des plus importantes finalités qui soit, au service du peuple français : nourrir l’ensemble de nos concitoyens et leur donner confiance dans la santé nutritionnelle que j’évoquais, à l’instant, à cette tribune de la Haute Assemblée.
Le départ à la retraite d’un agriculteur sur deux dans les dix prochaines années constitue aujourd’hui un défi majeur. Nos lycées agricoles représentent un actif absolument considérable, ces lycées du vivant qui forment celles et ceux qui le souhaitent, tout au long de leur vie, en formation initiale comme en formation continue, aux métiers du vivant.
Ce sont des métiers de passion, d’innovation, de noblesse, des valeurs que nous devons défendre. J’ai pris cet engagement auprès des agriculteurs, celui de toujours me battre pour qu’ils puissent vivre dignement de leur métier. Je ne lâcherai rien !
Le deuxième engagement que je prends, monsieur le sénateur, est de faire en sorte que nous puissions lancer très rapidement cette campagne de communication. Dans le plan de relance, 10 millions d’euros y seront consacrés. Nous avons beaucoup travaillé à cette campagne avec les Jeunes agriculteurs (JA), car il y va de notre souveraineté : une agriculture sans agriculteurs est impossible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement des circuits courts est une tendance émergente de la consommation alimentaire, largement confirmée depuis l’épidémie de la covid-19. Cette crise sanitaire a développé l’attrait des consommateurs pour les produits locaux et pour la traçabilité des aliments. Elle a également révélé le soutien et la solidarité des Français envers les producteurs de proximité. Une relation de confiance s’est construite ; il est indispensable qu’une politique de soutien économique et fiscale vienne pérenniser cette relation.
Certes, ces filières bénéficient des aides de l’État, au même titre que les entreprises des secteurs touchés par la crise sanitaire. Cependant, au-delà des mesures d’urgence, nous devons conforter leur avenir.
À ce titre, la loi Égalim n’a pas permis de mieux structurer l’offre alimentaire produite sur le sol français, comme le Sénat a pu le constater dans son bilan d’application de la loi. Elle n’a pas non plus apporté les bénéfices économiques attendus pour les agriculteurs locaux. En effet, leurs revenus restent insuffisants, alors que la demande pour leurs produits augmente et que des emplois pourraient être créés, si l’État soutenait ces filières de manière pérenne.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué au début de ce débat la signature d’une série d’engagements avec les supermarchés, pour favoriser l’agriculture de proximité. Pourtant, permettez-moi de ne pas y voir la bonne solution.
Rendre les agriculteurs dépendants de la grande distribution, est-ce pertinent ? Les habitants ont pris de nouvelles habitudes d’achat de proximité. Nous devons garantir l’indépendance des agriculteurs, pour qu’ils puissent répondre aux attentes des clients d’aujourd’hui, lesquels participent aujourd’hui à la revitalisation des villages et villes de la France rurale, et favorisent le lien social dans nos communes rurales.
Monsieur le ministre, quelles mesures structurelles par le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour soutenir l’ensemble de ces acteurs des filières locales ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Cet accord et ces engagements passés avec la grande distribution n’obèrent en rien nos autres actions. Ils ne sont en rien exclusifs d’autres mesures !
Lors du premier confinement, nous avons constaté l’attrait d’un grand nombre de nos concitoyens pour ces produits frais et locaux dans les supermarchés. Il m’a semblé très important de pouvoir pérenniser cette tendance, au bénéfice de nos agriculteurs.
Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas, en même temps, structurer les filières localement. Le plan de relance prévoit 60 millions d’euros à cette fin.
Nous créons aussi les PAT, qui permettent de développer les débouchés de proximité grâce à une meilleure articulation avec l’amont de la chaîne de production. Le plan de relance y consacre 80 millions d’euros.
Enfin, 50 millions d’euros sont destinés, dans le cadre dudit plan, aux cantines scolaires. Nous nous intéressons aussi à la restauration collective, qui représente un enjeu absolument essentiel. Nous devons jouer sur tous les tableaux, et la grande distribution en fait partie.
Nous allons finaliser cet accord avec la grande distribution. Nous avons déjà commencé ce travail avec les commerçants qui, depuis toujours, valorisent les circuits locaux ; les artisans, notamment, créent la valeur ajoutée de leurs produits. Il en va de même dans le domaine de la restauration collective. Pas plus tard que la semaine dernière, en dépit des grandes difficultés que rencontre ce secteur, tous les acteurs ont souhaité participer à cette démarche.
Il me semble fondamental de développer aussi bien l’export que les circuits courts, et pour ces derniers dans toutes leurs facettes, de l’amont à l’aval, quels que soient les circuits de distribution. Pour chacun de ces circuits, je m’y emploierai avec la même détermination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez.
Mme Vivette Lopez. Le débat qui nous réunit aujourd’hui, monsieur le ministre, vient opportunément mettre le sujet de l’alimentation durable, et donc celui de l’agriculture, au cœur de nos discussions. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Bien que cette thématique ne soit pas vraiment nouvelle, elle a pris ces derniers mois, à la faveur de la pandémie, un relief particulier. En effet, chaque Français a pu constater par lui-même, au fur et à mesure que les frontières fermaient, à quel point la souveraineté alimentaire de la France était nécessaire, à quel point le circuit court pouvait répondre aux besoins d’une population, à quel point la démultiplication des circuits d’achat devait faire l’objet de toute notre attention.
À cet égard, la mise en place de maisons des producteurs au sein de plusieurs bassins de vie semble avoir apporté des réponses satisfaisantes, pour les consommateurs comme pour les agriculteurs.
Le principe de ces structures est assez simple : il s’agit de réunir des producteurs qui s’engagent à respecter une charte des bonnes pratiques garantissant la qualité de leurs produits, et de mettre à leur disposition des locaux ou du foncier pour qu’ils puissent vendre directement leurs produits de saison. Aujourd’hui, 37 départements participent à cette démarche et organisent plus de 2 500 marchés qui sont, en outre, devenus de véritables outils d’animation et de développement des territoires, tout au long de l’année.
Néanmoins, si l’objectif est simple, la mise en œuvre se heurte à deux difficultés majeures : le financement et la lisibilité.
En ce qui concerne le financement, chaque création d’une nouvelle maison des producteurs est le fruit d’un partenariat entre les producteurs, la chambre d’agriculture et les collectivités locales. Or les budgets respectifs sont contraints et l’aide de l’État s’avère nécessaire.
Pour ce qui est de la lisibilité, l’écueil semble être le même que pour le développement de sites marchands en ligne favorisant la consommation locale – voyez la campagne « Dans ma zone » en Occitanie…
Toutes les initiatives sont pertinentes, mais entre les plateformes des chambres consulaires, des associations d’élus, des collectivités, des commerces et des artisans de proximité, les professionnels et les consommateurs finissent par s’y perdre.
Au sortir de la pandémie, face à des budgets contraints, nous verrons un élan réel pour mailler le territoire avec des structures nouvelles, qui mutualisent les forces de chacun. Les agriculteurs le souhaitent, les Français y souscrivent également. Vous savez combien les Français ont toujours manifesté un attachement historique et culturel à leur alimentation.
Aussi, ma question est simple : quelle aide l’État serait-il prêt à apporter pour la création de nouveaux marchés des producteurs ou la professionnalisation des marchés existants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je crois beaucoup à ces maisons des producteurs, ainsi qu’aux marchés de gros. Nous parlons souvent de Rungis, qui est un formidable exemple de l’excellence française, mais un peu moins des autres marchés qui maillent notre territoire et ne sont pas souvent associés à certaines initiatives et politiques publiques que nous mettons en œuvre.
Je suis tout à fait d’accord pour accélérer et soutenir le développement de ces maisons des producteurs. Nous pouvons les financer au titre des PAT. Puisque ces projets visent à consolider les filières de l’amont à l’aval, en fonction des projets de territoire, ils peuvent parfaitement soutenir ces structures.
Lorsque l’État engageait entre 40 000 et 50 000 euros en faveur d’un PAT, la collectivité n’utilisait pas forcément ces sommes pour financer d’abord la maison des producteurs, tant les défis étaient déjà nombreux. En engageant des sommes vingt-cinq fois supérieures, soit 80 millions d’euros sur deux ans, versus 6 millions d’euros sur quatre ans, l’État donne des moyens à la hauteur de cette forte ambition, notamment – mesure que j’appelle de mes vœux – pour l’inclusion de ces maisons dans des PAT. Je suis prêt à travailler avec vous sur ces questions.
Madame la présidente, puisque je n’ai pas complètement épuisé mon temps de parole, je me permets de vous remercier pour la manière dont vous avez présidé ce débat et pour la mansuétude dont vous avez fait preuve à l’égard de mes réponses un peu longues.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, vous savez combien ce débat m’est cher !
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe auteur de la demande.
M. Frédéric Marchand, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Nous sommes tous unanimes, et vous le premier, monsieur le ministre, pour dire que l’accès à une alimentation saine, durable et locale est une priorité. Il s’agit d’une question autant de justice sociale que de santé publique, vous l’avez dit et répété.
Notre débat a permis de mesurer combien les territoires sont essentiels au développement d’une alimentation de qualité et de proximité accessible à tous. Cet enjeu est au cœur du plan de relance et des mesures que vous avez pu, monsieur le ministre, tout au long de ce débat, exposer : création de circuits courts et lutte contre le gaspillage, pratiques exemplaires et filières locales. Il est évident que les territoires ont un rôle clé à jouer pour développer de véritables synergies alimentaires.
Nos territoires ont un rôle clé d’assemblier à jouer, notamment sur la question de l’accélération de la transition agroécologique au service d’une alimentation saine, sûre, durable, locale et de qualité pour tous. Y répondre nécessite une transition vers des modèles plus résilients. L’importance de notre souveraineté alimentaire, les demandes pour des produits locaux exprimées tout au long de cette crise sanitaire, tant par les citoyens que par la Convention citoyenne pour le climat, ne font que confirmer ce besoin.
Monsieur le ministre, ce grand dessein que vous incarnez, lequel est l’alpha et l’oméga de votre action quotidienne, ne peut réussir que si l’on s’appuie – vous l’avez dit – sur la dynamique territoriale partagée par tous les acteurs. Nos agriculteurs ont besoin d’un soutien toujours plus fort pour s’engager dans des modes de production vertueux, pour valoriser leur démarche et trouver des débouchés qui récompensent les efforts réalisés.
Un autre enjeu, dont nous sommes toutes et tous convaincus de l’importance, est la relocalisation de la production agricole par l’encouragement du développement de filières ancrées dans les territoires, le développement des circuits courts et la structuration de nouvelles relations sur l’ensemble de la chaîne entre producteurs et consommateurs.
Ce mois dédié à l’économie sociale et solidaire (ESS) nous donne l’occasion de marteler le message suivant : cette économie et l’alimentation durable et locale doivent, encore et toujours, développer des liaisons heureuses. Le renforcement des circuits de proximité doit être une priorité en vue, et ce n’est pas anodin, de redévelopper l’emploi dans les territoires et de réduire l’impact environnemental de notre alimentation.
Cette crise sanitaire a montré un véritable élan de nos concitoyens vers un retour à la terre. Il convient donc d’amplifier la dynamique en milieu rural et en milieu urbain. Le sujet a été au cœur de nombre de programmes municipaux. Pour ne prendre que l’exemple du département du Nord, un grand nombre de communes et d’intercommunalités ont fait de l’alimentation durable et locale un véritable objet politique. Je ne compte plus le nombre d’élus délégués à l’alimentation durable et locale ; chacun pourra s’en féliciter.
Enfin, nous devons collectivement relever l’immense défi d’une alimentation durable et locale de qualité accessible à tous – vous l’avez également répété, monsieur le ministre. L’accès de nos concitoyens les plus modestes, les plus isolés, à une alimentation locale saine, sûre, durable et de qualité est une priorité à laquelle nous devons consacrer tous les moyens financiers et toutes les énergies. Nous pouvons collectivement saluer l’effort financier que vous avez évoqué, dans le cadre des PAT.
Pour conclure, et ainsi respecter à la lettre les consignes de madame la présidente, vous me permettrez de citer Brillat-Savarin, qui, dans son traité La Physiologie du goût, propose cette formule que je nous invite à faire nôtre collectivement, et qui est sans doute votre mantra quotidien, monsieur le ministre : « La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent. »
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue, vous avez été exemplaire ! Monsieur le ministre, je vous cède la parole.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je souhaite remercier le sénateur Marchand d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour.
La période actuelle nous montre qu’il convient de ne pas dissocier les sujets. L’alimentation est aussi une question de santé. La santé ne concerne pas seulement l’homme, mais l’ensemble de ses interactions avec le règne animal et le règne végétal. La politique « Une seule santé », en laquelle croient beaucoup d’entre vous, montre que cette approche holistique, globale et d’unité au sein du monde vivant est très certainement pertinente.
La complexité de la nature rend nos chemins certes difficiles à appréhender, mais passionnants à explorer. (M. Frédéric Marchand applaudit.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Alimentation durable et locale. »
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Georges Patient.)