M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat intervient au lendemain d’une annonce très inquiétante faite par la Fondation Abbé Pierre : le nombre de personnes sans logement dans ce pays approche les 300 000.
Ces nouvelles viennent quelques jours après la publication du rapport alarmant du Secours catholique sur l’état de la pauvreté en France : pauvreté et inégalités ont augmenté depuis dix ans dans notre pays, de façon continue, et l’on annonce que la France franchira la barre des 10 millions de pauvres en 2020.
Mes chers collègues, vivons-nous bien dans la sixième puissance économique du monde ? Ce projet de loi de finances rectificative, quatrième du nom pour cette année, répond-il à ces enjeux ?
Nous répondrons par la négative, à l’examen des chiffres. En effet, vous accordez une aumône de 150 euros, pendant un mois seulement, aux chômeurs en fin de droits, aux étudiants boursiers et aux bénéficiaires de l’APL. L’association ATD Quart Monde dénonce « des mesures pansement, déconnectées de la vie des gens, loin d’être à la hauteur de la situation ».
Le Gouvernement mise sur l’emploi et l’insertion par l’activité économique. Est-ce bien crédible, au moment où chaque jour sont annoncés des plans de licenciements, qui vont faire basculer dans la précarité des milliers de salariés et leurs familles ?
Nous sommes bien loin du « quoi qu’il en coûte » présidentiel. Le traitement des inégalités et de la pauvreté est, selon nous, le principal échec de ce projet de loi de finances rectificative.
Notre groupe propose, au travers de ses amendements, des mesures concrètes pour répondre à ce défi social urgent : revalorisation et extension du revenu de solidarité active (RSA), augmentation des bourses étudiantes et aide au logement pour les plus démunis.
Il est temps de mettre à contribution ceux qui n’ont pas été au rendez-vous de la solidarité, et d’autres qui parviennent même à sortir gagnants de la pandémie qui nous frappe.
Il s’agit, par exemple, des compagnies d’assurances, qui disposent d’un confortable matelas de 100 milliards d’euros de réserves, alors que des centaines de PME, de PMI, d’artisans et de commerçants se retrouvent dans la tourmente et, parfois même, menacés dans leur existence.
Il s’agit aussi d’autres multinationales, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), que l’on pourra désigner bientôt du terme d’« État numérique ». En effet, Amazon ne déclare quasiment aucun bénéfice en France. Ces groupes payent trois fois moins d’impôts que le libraire du quartier.
Ainsi, quand Google paye son impôt, c’est au terme d’une bataille judiciaire de plusieurs années. L’entreprise a ainsi réglé, il y a quelques mois, une somme de 500 millions d’euros, plus 400 millions de pénalités, mais ce chèque venait solder un litige qui portait sur 7 milliards d’euros d’impôts éludés par Google pendant dix ans. Le fisc s’est donc assis sur 6 milliards d’euros…
Autrement dit, « fraudez, fraudez, il en restera toujours quelque chose ! »
Le constat que nous pouvons faire à l’occasion de ce PLFR 4 est le suivant : le Gouvernement, même en pleine pandémie, ne remet pas en cause ses fondamentaux. Il est hors de question de solliciter les plus hauts revenus et les dividendes par l’impôt ; et puis l’on entend discrètement revenir à l’ordre du jour le néfaste projet de réforme des retraites.
Monsieur le ministre, cette réforme structurelle fait partie de celles qu’exigent l’Union européenne, la Banque centrale européenne et les marchés financiers, ceux-là mêmes que vous allez encore favoriser, car, en ne mettant pas à contribution les dividendes, les grosses fortunes et les patrimoines, vous faites le choix d’avoir recours à la dette. Pour dire les choses plus trivialement, « c’est celui qui paye les musiciens qui choisit la musique » !
Or cette dette inquiète nos concitoyens. Chacun et chacune s’interroge : qui va la payer ? M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, a apporté la réponse, il y a quelques jours, à l’Assemblée nationale : « Cette dette, je tiens à le redire, elle devra être remboursée le moment venu par la croissance, par un effort de responsabilité en matière de dépenses publiques et par des réformes structurelles, dont la réforme des retraites. »
Ce projet de loi de finances rectificative ne prend pas le chemin de la nécessaire solidarité. Il ne prend pas en compte, selon nous, la gravité de la crise sociale qui est déjà là. Il renonce à solliciter les très hauts revenus et à taxer les dividendes.
Nous défendrons nos propositions de justice sociale et fiscale, durant le débat de ce jour.
En l’état, ce PLFR 4 n’offre pas de vraies réponses à la situation de notre société. Le groupe CRCE ne pourra y apporter son soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes réunis, cet après-midi, c’est bien parce qu’une seconde période de confinement a été décidée, durant cette année 2020, dans notre pays. Or qui dit confinement, dit contrainte pour la vie de chacun et, notamment, pour la vie économique de notre pays.
Au printemps dernier, chacun s’en souvient, la vie économique avait déjà largement souffert de la nécessaire mesure de confinement prise par le Gouvernement de façon à éviter la crise sanitaire.
Le groupe Union Centriste est particulièrement attentif aux mesures qu’il faut mettre en œuvre pour lutter contre la prolifération de la covid-19 et pour faire en sorte que le virus puisse être endigué le plus rapidement possible.
Cependant, monsieur le ministre, il faut aussi prendre en considération la situation économique de notre pays ; de ce point de vue, il faut bien l’avouer, notre groupe souhaiterait que vous privilégiiez une approche territoriale pour définir la liste des contraintes destinées à faire cesser la diffusion du virus. Cela éviterait à nombre d’entreprises de devoir arrêter leurs activités.
En effet, comme d’autres avant moi l’ont dit, des commerces ont dû fermer, que certains considèrent comme « non essentiels ». Cependant, dans quelle mesure peut-on juger qu’un magasin de chaussures est un commerce non essentiel ? Ou bien un magasin de vêtements ? Ou bien encore un coiffeur ?
Il est clair que certaines dispositions doivent évoluer – c’est, du moins ce que nous souhaitons au groupe Union Centriste – et que le Gouvernement doit aborder la situation en veillant à ne pas entraver le développement économique de notre pays. Sinon, bien des acteurs ne pourront surmonter la période actuelle qu’à coups d’aides et de dispositifs divers.
Or, chacun le sait, nous ne sommes plus en situation de pouvoir dilapider l’argent public. Nous devons nous montrer raisonnables, car le niveau d’endettement de notre pays, déjà élevé avant cette année, est désormais extrêmement élevé, ce qui ne va pas sans risques.
Éric Bocquet a posé à juste titre la question du remboursement de cette dette, car, à un tel niveau, il est clair que nous ne sommes pas capables de la rembourser – il faut que nous en soyons conscients.
La solution ne pourra certainement pas consister à dilapider l’argent public et à le dépenser à tout-va. Il faudra sans doute, au contraire, chercher les moyens de faire des économies de façon à améliorer la situation des comptes publics.
Il ne conviendrait pas pour autant de négliger les difficultés que rencontrent un certain nombre d’acteurs économiques. Ceux qui ont bénéficié des prêts garantis par l’État auront, selon nous, du mal à les rembourser, car l’avenir est incertain. Or comment une entreprise pourrait-elle rembourser un prêt si elle rentre peu de recettes et que les résultats ne sont pas au rendez-vous ?
Ces difficultés appelleront sans doute des mesures extrêmement adaptées, notamment pour renforcer les capitaux propres. Le Gouvernement propose déjà des dispositifs pour cela, mais il faudra les affiner. Il en va de même pour les aides dont bénéficient certains petits commerces ou activités considérés comme secondaires, et qu’il conviendra d’adapter si l’on veut qu’elles soient efficientes.
Tel est le sens des amendements que le groupe Union Centriste proposera tout au long de l’examen de ce PLFR. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement espérait certainement que ce quatrième projet de loi de finances rectificative ne serait qu’un texte d’ajustement budgétaire.
Cependant, monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même, l’évolution de la situation sanitaire et la nouvelle période de confinement que nous sommes en train de vivre ont totalement rebattu les cartes.
Nous avons le droit de déplorer le manque d’anticipation, car le conseil scientifique a tiré la sonnette d’alarme dès cet été. Dans son avis du 27 juillet, il prévoyait une croissance exponentielle de la circulation du virus pour le mois d’octobre suivant. Il l’a confirmé en septembre dernier. Pourtant, le Gouvernement a attendu pour agir, il a relâché le protocole sanitaire dans les écoles et il a tardé à reconnaître la mise en échec du système de dépistage et de traçage.
La conséquence, c’est que vous n’avez pas pu éviter de prendre de nouvelles mesures de confinement très strictes. Lorsqu’on ne donne pas la priorité au sanitaire, il se rappelle de toute façon à vous, encore plus fort. Prises tardivement, les mesures de restriction pèsent aujourd’hui très lourdement sur notre économie.
Monsieur le ministre, nous nous retrouvons donc avec un PLFR 4 qui ressemble beaucoup aux trois premiers. Vous avez revu votre copie et vous évaluez désormais à 11 % la chute du PIB cette année, le déficit à 11,3 % et la dette publique à 120 %. Ces chiffres impressionnants, vous n’en êtes bien sûr pas entièrement responsable, car la pandémie est mondiale, mais vous auriez pu atténuer cet échec par une meilleure organisation sanitaire, comme l’Allemagne a réussi à le faire.
Disons-le aussi, ce texte rend caduque toute la politique économique et fiscale menée depuis 2017 au nom de la compétitivité et du fameux « ruissellement ».
Par ailleurs, il ouvre de nouveaux crédits, à hauteur de 20,6 milliards d’euros dont l’essentiel pour la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ». Certes, la plupart de ces crédits sont indispensables, tout particulièrement ceux qui concernent la prise en charge du chômage partiel et le soutien aux entreprises qui doivent réduire ou arrêter leur activité.
Toutefois, cela ne suffit pas. Il faudrait que les mesures qui ont été prises soient bien davantage ciblées sur les victimes de ce nouveau choc, sur les entreprises comme sur les Français les plus durement touchés par la crise. À cet égard, votre plan de relance apparaît insuffisant et mal calibré, et vous sous-estimez gravement l’explosion de la pauvreté dans notre pays.
Il est encore temps d’écouter la représentation nationale et de faire évoluer votre projet. Sur plus de 500 amendements présentés à l’Assemblée nationale, neuf seulement ont été adoptés, dont un seul n’émanait pas du Gouvernement. L’examen du texte au Sénat vous offre une deuxième chance d’accepter des mesures complémentaires à celles qui sont inscrites dans le projet de loi de finances rectificative.
Il est régulièrement fait reproche aux parlementaires de l’opposition d’être irresponsables et de ne rien proposer. Nous allons une nouvelle fois vous démontrer le contraire.
Ainsi, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous proposent la prise en charge totale du chômage partiel par l’État jusqu’à 2,5 fois le SMIC.
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. Rémi Féraud. On éviterait ainsi de mettre en difficulté financière les salariés concernés. On soutiendrait la demande, et la mesure serait efficace économiquement et socialement.
Nous vous proposons aussi la hausse de 100 euros par mois du RSA, pour les trois derniers mois de l’année, et son extension aux jeunes en situation de précarité.
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. Rémi Féraud. En effet, comment accepter que la crise sacrifie ainsi une génération ? Le Secours catholique estime que la barre des 10 millions de pauvres en France sera dépassée cette année. Toutes les associations et les syndicats vous demandent d’agir davantage. Entendez-les !
Écoutez l’économiste Esther Duflo quand elle dit : « Il faudrait revaloriser le RSA beaucoup plus largement, s’appuyer sur l’APL pour donner un revenu aux jeunes, en tout cas pour les mois à venir. » D’autant que des minima sociaux plus élevés accroissent la demande et soutiennent la reprise de l’activité : dans une telle période de récession, ils ne sont en rien un frein à l’emploi, toutes les études le démontrent.
Nous vous proposons également d’accroître le soutien à l’aide alimentaire, car les associations voient les files d’attente s’allonger sans cesse. Elles tirent le signal d’alarme, si bien qu’il est indispensable de les aider davantage dès cette fin d’année, et bien sûr ensuite dans la loi de finances pour 2021.
Enfin, nous vous proposons de prendre en charge les dépenses d’achat des masques, puisqu’ils sont désormais obligatoires, notamment en milieu scolaire. Pourquoi le Gouvernement s’entête-t-il à refuser une telle mesure de bon sens ?
Monsieur le ministre, au début du mois de novembre, nous avons voté en responsabilité les mesures de restriction annoncées par le Premier ministre, mais nous le disons clairement : les mesures d’accompagnement économique et social que vous prenez ne sont pas suffisantes. Ne nous dites pas qu’il est impossible de faire plus, alors que, sur les 20 milliards d’euros de crédits d’impôts au titre des participations exceptionnelles de l’État au capital des entreprises, votés dans le précédent PLFR, 11 milliards n’ont pas été dépensés.
Ce projet de loi de finances rectificative est donc très largement une occasion manquée. C’est pourquoi nous ne pourrons pas le voter s’il reste en l’état. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis cette année pour le vote du quatrième projet de loi de finances rectificative, dernier volet d’une regrettable série, tant nous aurions préféré ne pas avoir à les voter.
Cependant, la pandémie qui frappe le monde est venue bousculer l’année 2020, en emportant avec elle des vies et des modes de vie, et en ébranlant notre pays déjà en peine dans son dynamisme économique. Alors que jamais nous n’aurions pensé vivre une telle situation, jusque-là inédite, c’est toute notre nation, ordinairement vivante, vaillante et audacieuse qui a dû se résoudre à s’enfermer, entraînant par là même l’arrêt quasi complet de notre économie.
Trois mois durant, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, des entreprises ont souffert, parfois même jusqu’à en mourir, car elles n’avaient plus les rentrées ou la trésorerie suffisantes pour pouvoir honorer leurs engagements et leurs charges.
Dès le mois de mars dernier, les sénateurs ont accepté de faire front commun face à la crise et nous avons souscrit, car à l’époque c’était nécessaire, au fameux « quoi qu’il en coûte » du Président de la République.
Toutefois, si nous avions le devoir de faire bloc, lors de l’examen des trois premiers PLFR, pour affronter le saut dans l’inconnu que nous imposait le virus, le texte que nous examinons aujourd’hui s’ancre dans une situation mieux connue et qui aurait pu être anticipée.
Monsieur le ministre, voilà maintenant plus de deux semaines que nous sommes confinés et que, sans consultation ni concertation, vous avez décidé de stopper notre économie.
Même s’il existe bel et bien un virus qui cause énormément de dégâts dans notre pays, ce que nul ne peut nier, il existe également une situation que le Gouvernement a créée par son manque d’anticipation et qui va, elle aussi, causer de nombreux dégâts.
Comme la plupart d’entre nous dans cet hémicycle, j’ai entendu nombre de chefs d’entreprise, d’artisans, de commerçants et d’indépendants me dire au téléphone que ce nouveau confinement était inacceptable.
Beaucoup d’entre eux, exténués, dépités, ne savent plus comment faire pour garder la tête hors de l’eau ; ils se dirigent tout droit vers un arrêt pur et simple de leur activité, par manque de moyens ou par découragement.
Pire encore, nombreux sont ceux qui m’ont fait part de situations dramatiques sur le plan physique et psychologique, en plus de leurs difficultés financières. L’économie est sacrifiée au profit de la santé, mais rappelons-nous que l’économie c’est précisément la santé et l’assurance d’éviter des cas tragiques de détresse psychologique, qui poussent parfois certains à commettre l’irréparable.
Monsieur le ministre, cette situation résulte de votre improvisation qui vous a placé au pied du mur et qui vous a obligé à reconfiner.
Pourtant, ces entreprises avaient accepté de jouer le jeu au prix de lourds efforts, lorsque vous leur aviez imposé de mettre en place des protocoles sanitaires coûteux.
Ce confinement est un désastre, et les Français ne comprennent pas son manque de cohérence. On laisse ouvertes les grandes surfaces, mais en même temps on ferme les petits commerces. On ferme les restaurants de campagne, alors qu’ils respectent les distances de sécurité, mais en même temps on laisse ouverts les restaurants d’entreprise ou les cantines à grande fréquentation. On empêche les gens d’aller chez le libraire, mais en même temps on les laisse s’amasser dans les transports en commun.
Monsieur le ministre, le Gouvernement semble perdre pied. En toute franchise, n’êtes-vous pas resté stupéfait d’entendre, le week-end dernier, les absurdités de la ministre du travail ? Elle demande aux entreprises des stations de ski d’embaucher quelque 120 000 saisonniers, puis de les mettre au chômage partiel, payé par l’État, si le confinement dure ! Comment financer de telles mesures ? On ne sait pas…
Même notre voisin allemand se moque de vous, qui assimile la France à un « Absurdistan » où l’État décide seul de tout et s’immisce sans complexe dans la vie des entreprises.
Tout cela représente une somme d’aberrations et de contradictions qui ne sont plus entendables par nos concitoyens et qui sabordent durablement notre économie.
En effet, les PME et les TPE, les commerçants et les artisans sont les premiers à subir les conséquences de votre politique, car ils n’ont plus de rentrées financières mais toujours autant de charges à payer.
Toutes ces entreprises qui concourent ordinairement massivement à la richesse de l’État sont aujourd’hui à l’arrêt. Par un effet pervers de votre politique, ce sont ceux qui y contribuent le moins qui en perçoivent désormais la majorité des bénéfices.
Il s’agit, vous l’aurez compris, des géants Gafam que vous aviez promis de taxer, mais qui ne contribuent finalement que marginalement à la richesse de notre pays, tout en détruisant des emplois.
Monsieur le ministre, vous revenez une fois de plus devant nous, pour nous demander de vous aider à payer les pots cassés et à remédier aux échecs de votre politique.
Or comment financerez-vous cela, sinon par la dette ? Comme vous n’avez pas de stratégie, vous recourez à l’argent magique. Vous laisserez ainsi la charge de cette dette aux contribuables d’aujourd’hui et surtout à ceux d’après-2022, ceux-là mêmes que vous étouffez par le confinement.
Le projet de loi que vous nous présentez conduit à un point de non-retour, celui d’une dépense publique qui représentera presque 65 % du PIB, d’un déficit public à 11,3 % et d’une dette dont on prévoit qu’elle atteindra, en fin d’année, 120 % d’un PIB, qui devrait par ailleurs chuter de 11 % à cause du confinement ! Vous venez aujourd’hui nous demander la bagatelle de 20 milliards d’euros.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, ce PLFR est loin de nous satisfaire.
Cependant, même si c’est à contrecœur, nous allons voter ce budget, car il est indispensable de venir en aide à nos entreprises, maintenant que le Gouvernement les a mises dans cette triste situation.
Prenez donc ce vote non pour un chèque en blanc, mais plutôt comme un pansement que nous offrons à ceux qui en ont aujourd’hui gravement besoin.
Nous demeurons opposés à vos prises de décision dans cette gestion de l’épidémie : il faut que vous le sachiez. Même s’il est déjà tard, il n’est pas encore trop tard. Écoutez les Français ; plutôt que de les mettre sous perfusion, permettez-leur simplement de travailler ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis une quatrième fois pour ce dernier projet de loi de finances rectificative.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, répond de manière trop parcellaire aux attentes de notre pays. Or, à traiter la situation de manière parcellaire, la loi en devient partiale, c’est-à-dire qu’elle fait des gagnants et des perdants. Comme à l’accoutumée, en « Macronie », ce sont souvent les mêmes que l’on retrouve « derniers de cordée ».
Les grands perdants de cette loi, ce sont d’abord les commerces de petite et moyenne taille. Bien que nous ne contestions pas la nécessité d’agir en responsabilité, afin d’endiguer la crise sanitaire, nous nous interrogeons sur l’équité de vos décisions.
Les grandes surfaces sont grandes ouvertes, et elles captent toute la clientèle dans un espace clos et concentré. Les petits et moyens commerces sont fermés. Pourtant, ils sont en mesure d’assurer de manière responsable un protocole sanitaire strict, tout en poursuivant leur activité. Le choix a été de sacrifier les petits au profit des gros.
Or les gros, ce sont non pas seulement les grandes surfaces, mais aussi les géants du e-commerce ; je ne vous apprends rien.
Alors que le pays était à l’arrêt entre mars et avril derniers, le commerce en ligne a généré 44,5 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année 2020, soit une hausse de 13 % par rapport au premier semestre de l’année 2019. Au total, près de 50 % de la population française a consulté des sites de vente en ligne sur la même période.
Alors que vous connaissez ces données, comment ne voyez-vous pas le danger qui se profile pour nos petits commerçants à l’approche de Noël ? Ils sont directement ou indirectement touchés par cette concurrence déloyale.
Je pense par exemple aux producteurs de fleurs de notre pays, qui ont vu toutes leurs perspectives économiques s’effondrer après la fermeture des fleuristes. C’est pourquoi j’espère que vous émettrez un avis favorable sur notre amendement visant à créer un fonds de soutien de 10 millions d’euros pour ces producteurs, qui ont été oubliés dans ce texte.
Surtout, j’espère que vous accorderez une place plus importante à l’accompagnement financier de nos petits commerçants, qui assurent à eux seuls la vitalité de nos territoires et perpétuent un savoir-faire français.
Ces commerçants ne sont malheureusement pas les seuls oubliés de ce texte. En ces temps de pandémie, où le maître mot est « restez chez vous, sauvez des vies », il semble indispensable de garantir un « chez-soi » au plus grand nombre et, particulièrement, aux plus vulnérables.
Je ne doute pas que vous partagiez ce constat. Pourtant, vous proposez, à l’article 1er, une réduction de 52 millions d’euros du budget d’Action Logement. Alors que 4 millions de personnes vivent dans des conditions d’habitat inacceptables et que les expulsions nécessitant l’emploi de la force publique ont été multipliées par près de trois depuis 2019, il apparaît primordial de protéger les plus précaires.
Avec l’article 1er, vous semblez emprunter un tout autre chemin. Aussi, nous espérons que vous adopterez l’amendement que nous proposons, afin de supprimer cet article anachronique.
Si cela vous semble irréaliste, gardez en mémoire que tous les voyants sont au rouge. J’en veux pour preuve le rapport du Secours catholique paru la semaine dernière, qui prévoit une hausse significative des défauts de paiement en matière locative et l’apparition de 10 millions de pauvres dans notre pays. Ce constat devrait nous amener collectivement à redéfinir les priorités de ce plan d’aide.
En effet, grands absents de votre plan de relance, les plus précaires paient un lourd tribut dans cette crise. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec ce qui avait été décidé lors de la crise financière de 2008 : à l’époque, les mesures de solidarité correspondaient à 8,3 % du plan de relance, tandis qu’elles ne représentent plus que 0,8 % du plan actuel.
Finalement, le vieux monde était plus soucieux des plus précaires que le nouveau, et ce n’est pas le 1,1 milliard d’euros de primes pour les personnes en difficulté, qui figure dans ce quatrième projet de loi de finances rectificative, qui me convaincra du contraire.
En conclusion, je précise que ce texte traduit votre philosophie habituelle : un soutien massif et aveugle aux grosses entités, un service minimum pour les petits et moyens de ce pays, et une aide dérisoire pour les plus précaires.
Dans ces conditions nous ne pourrons pas voter ce texte en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Vincent Éblé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant en fin de discussion générale et compte tenu du faible temps qui m’est imparti, je me limiterai à cinq observations rapides.
Première observation, ce quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR 4) s’inscrit dans un contexte de grande incertitude. C’était le cas des précédents mais, cette fois, il faut boucler l’année et donc « viser juste » en termes de crédits. À cela s’ajoute un reconfinement dont la durée est hypothétique, mais qui devrait malheureusement s’accroître.
Vous avez eu raison d’être prudent dans votre évaluation des crédits, monsieur le ministre. La capacité à prévoir est aujourd’hui particulièrement restreinte et se limite à quelques semaines. Nous en sommes réduits à regarder de nouveaux indicateurs sur lesquels nous n’avons pas de recul ; je pense à tout ce qu’étudient les économistes actuellement, et qui consiste un peu à lire dans le marc de café : les données des cartes bleues, celles de la mobilité ou de la consommation d’électricité. Il faut évaluer la situation au fur et à mesure ; or elle est mouvante.
Deuxième observation, ce PLFR 4 est puissant. Je n’y reviens pas, car la masse des crédits ouverts a été abondamment décrite.
Deux questions paradoxales peuvent se poser. Tout d’abord, ce projet de loi de finances rectificative, qui charrie beaucoup de milliards, atteint-il sa cible ? Ensuite, et a contrario, ce niveau de dépense est-il soutenable ?
L’Institut Montaigne a ouvert la voie en s’interrogeant sur la nécessité d’accompagner plus encore les entreprises et les ménages. Cette interrogation ne nous a pas échappé, et un certain nombre d’économistes poussent dans cette voie en expliquant que c’est le moment de mobiliser encore davantage certains leviers.
Au sein de la commission des finances, nous sommes évidemment à rebours d’un certain nombre de nos théories habituelles et de la rigueur que nous nous étions fixée jusqu’à présent, mais, à force d’entendre parler de dizaines de milliards d’euros, nous commençons à nous habituer à l’idée qu’il faut sans doute savoir dépenser plus pour faire face à la situation sociale et économique qui se présente à nous, maintenir l’emploi et le tissu productif. Toutes ces questions sont devant nous.
La dette que nous créons sera-t-elle soutenable ? Elle l’est aujourd’hui grâce à des taux d’intérêt faibles. Mais le sera-t-elle demain ? La question est également devant nous. L’urgence de la situation et l’ampleur des problèmes justifient sans doute ce choix d’un PLFR 4 puissant.
Troisième observation, il reste des points qui méritent un approfondissement : la question des fonds propres des entreprises ; celle des annulations de charges ; la problématique des loyers, dont vous vous êtes saisi, monsieur le ministre, mais l’action que vous avez engagée, avec le mécanisme du crédit d’impôt, me paraît complexe.
On entend certains économistes défendre l’idée d’une duplication du chômage partiel avec une prise en charge par l’État d’une part de l’immobilisation du capital productif après décision administrative. Si cette option doit évidemment être regardée avec prudence, il faut avoir conscience que, pour les entreprises de nombreux secteurs, 1 500 euros ou 10 000 euros ne permettent pas de couvrir les charges fixes lorsque les entreprises perdent des centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires. Telle est la réalité.
Quatrième observation, il faut aller vers un ciblage plus fin pour les secteurs les plus en difficulté : je pense à la culture, au tourisme, au commerce et, en particulier, à la restauration, à l’aéronautique et à l’événementiel. Ces secteurs sont la croissance potentielle de demain. Il faut veiller à ces avantages compétitifs, qui l’étaient hier et qui le seront encore à l’avenir. Je n’oublie pas non plus les indépendants.
Cinquième et dernière observation, l’effet de la crise actuelle sur les plus fragiles et les personnes en situation précaire est majeur. Des mesures ont été prises, mais il faudra sans doute les amplifier. C’est un sujet de solidarité, de cohésion sociale, mais c’est aussi un enjeu pour la demande de demain.
Abordant ces questions, je me dois de souligner que le vote que nous allons exprimer ne vaut pas quitus. La situation sanitaire et son impact économique commandent. Sur ce plan, nous avons le sentiment que le Gouvernement a vu, comme d’autres, la situation lui échapper.
Monsieur le ministre, par souci de responsabilité, le groupe UC votera, au bénéfice de ces observations, ce PLFR 4 amendé par le Sénat. Nous serons vigilants pour faire face à la situation exceptionnelle à laquelle nos compatriotes sont confrontés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)