Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. À la lumière de ces précisions et de celles de la commission, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1020 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 449 rectifié quinquies, présenté par Mme Deseyne, MM. Retailleau et Cambon, Mme Lassarade, MM. Boré, Le Rudulier et Panunzi, Mmes Puissat et Belrhiti, MM. B. Fournier et Grosperrin, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Cardoux, Segouin et Duplomb, Mme Gruny, MM. Piednoir, Bascher et Meurant, Mmes Thomas et Lopez, MM. Bonhomme, Saury, Rapin et Mandelli, Mme Estrosi Sassone, M. Savary, Mmes Di Folco et Garriaud-Maylam, MM. Daubresse et Pointereau, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Regnard et Chevrollier, Mme Chauvin et M. Babary, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à prévoir un assouplissement dans l’application du dispositif, nullement à remettre en cause l’allongement de la durée du congé de paternité. Notre objectif est que l’on respecte la liberté de choix des pères.
Je suis d’accord avec vous tous : l’enfant a besoin de ses deux parents, et ce dès les premiers jours de sa vie. Néanmoins, je pense que lever le caractère obligatoire de cette mesure ne réduira pas sa portée, bien au contraire. Si les pères peuvent choisir librement de prendre ce congé, ils le feront au moment le plus opportun pour eux, pour leur enfant et pour la mère de leur enfant.
De la même façon que l’on respecte la liberté des femmes dans leur choix d’accouchement – je fais référence à l’article 30 dont nous avons débattu –, je souhaite que l’on puisse donner aux pères le choix de prendre ce congé au moment où ils le souhaitent, dans la limite des quatre mois.
Quelques questions restent en suspens. Vous les avez abordées, monsieur le secrétaire d’État, comme certains de mes collègues. Quid des saisonniers, des artisans, des intermittents du spectacle, des militaires, par exemple, dont l’enfant naîtrait en pleine période d’activité professionnelle ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela vaut tout autant pour les femmes !
Mme Chantal Deseyne. Des réponses restent encore à apporter les concernant.
Cet amendement vise donc à assouplir le dispositif en levant le caractère obligatoire du congé paternité, sans pour autant remettre en cause son allongement.
Mme la présidente. L’amendement n° 602 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc, Mme Dumas, MM. Houpert et Decool, Mmes Lavarde, Loisier et Deromedi, MM. Cambon et Calvet, Mme Gruny, M. Brisson, Mme Thomas, MM. Bascher, Laménie et Boré, Mme Estrosi Sassone et MM. Cazabonne et Regnard, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
familiaux
insérer les mots :
prévu à l’article L. 3142-1, à l’exception des 3° et 3° bis de ce même article,
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Le PLFSS introduit une interdiction d’emploi du salarié à la suite de la naissance ou de l’adoption d’un enfant. Il prévoit, en outre, que cette interdiction d’emploi ne débute, le cas échéant, qu’à compter de l’issue de la période de congés payés ou de congé pour événements familiaux.
Or le congé de naissance et le congé pour l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption font eux-mêmes partie des congés pour événements familiaux. Une lecture littérale de ce texte pourrait donc décaler l’interdiction d’emploi à l’issue du congé de naissance ou du congé pour l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption, ce qui est contraire à l’esprit du texte.
L’évocation imprécise de l’ensemble des congés pour événements familiaux dans cet alinéa place les salariés bénéficiaires et leurs employeurs dans une insécurité juridique quant à l’application de l’interdiction d’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. L’amendement n° 449 rectifié quinquies vise à supprimer le caractère obligatoire du congé de naissance et des quatre premiers jours du congé de paternité.
Je sais que ce sujet fait débat, nous avons eu cette discussion en commission : on peut tout à fait plaider pour laisser la totale liberté de choix au père de prendre ou non son congé, comme vous l’avez souligné. Sauf que certains salariés aimeraient le prendre, mais n’osent pas le demander, compte tenu de la situation de l’entreprise, comme je l’ai expliqué. Le taux de recours à ce congé est de 67 %, mais quand on interroge ceux qui ne prennent pas leur congé de paternité, on s’aperçoit que jusqu’à 25 % d’entre eux ne le demandent pas par peur d’affronter leur patron. Il faut en tenir compte.
Rendre obligatoire une petite partie des jours – soit sept jours sur vingt-huit – me paraît donc utile afin que le recours à ce congé puisse être effectif, dans l’intérêt du jeune enfant. C’est d’ailleurs un désir exprimé par la plupart des jeunes parents aujourd’hui.
De surcroît, je ne pense pas que ce congé déstabilisera outre mesure les entreprises, qui doivent déjà gérer de nombreux autres congés, dont certains sont beaucoup plus longs. Je rappelle que 67 % des pères prennent déjà le congé de paternité. Comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, c’est une question d’organisation. Le salarié doit prévenir le chef d’entreprise au moins un mois à l’avance. Pourquoi imposerait-on plus d’obligations au père qu’à la mère qui demande son congé de maternité ? C’est ce qui me choque le plus ici. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 449 rectifié quinquies.
L’amendement n° 602 rectifié vise à préciser les conditions d’interdiction d’emploi. L’article 35 prévoit que l’interdiction d’emploi du salarié pendant le congé peut débuter après la prise d’un congé payé ou pour événement familial si le salarié se trouve dans cette situation au moment où intervient la naissance.
L’amendement vise à exclure de ces situations le congé de naissance et les trois jours de congé d’adoption. Or je précise que le congé d’adoption n’est pas concerné par le caractère obligatoire prévu dans le présent article. En outre, un salarié en congé d’adoption peut très bien être éligible à un congé de naissance au même moment – au titre d’un autre enfant, par exemple. Il ne me semble donc pas souhaitable d’exclure ces congés des situations permettant de différer l’interdiction d’emploi au titre du congé de naissance, car cela risque d’être trop restrictif. J’émets donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 602 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je suis défavorable, sensiblement pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer Mme la rapporteure, à l’amendement n° 602 rectifié.
Si nous insistons sur le caractère obligatoire du congé, je l’ai évoqué, c’est parce qu’il existe des phénomènes d’autocensure. La réalité est que, en fonction de votre situation professionnelle, vous ne prenez pas le congé de paternité de la même façon.
J’ai discuté avec nos homologues du Québec et du nord de l’Europe. Le Québec, la Suède, la Finlande ont une approche globalisée de tous les congés parentaux. C’est d’ailleurs intéressant, il faudra que l’on examine tout cela de plus près. Quand on discute avec eux du congé paternité, tous disent que c’est son caractère obligatoire qui a changé la donne : grâce à cela, les hommes l’ont pris davantage et le genre n’est plus devenu un biais dans les entreprises.
J’ai pris un petit-déjeuner un matin avec des papas suédois : ils m’ont dit que, en Suède, lorsqu’un chef d’entreprise reçoit deux CV, celui d’un homme et celui d’une femme, il n’y a plus de biais, car il sait que tous deux prendront leurs congés, quoi qu’il arrive. C’est ça l’égalité, c’est ainsi qu’on y arrivera !
Très sincèrement, j’espère que le monde de demain se rapprochera du monde idéal et que la question du caractère obligatoire de ce congé ne se posera même plus parce que les pères le prendront : ce sera devenu la norme.
Néanmoins, je pense que, aujourd’hui, le rôle de la loi – celle sur la parité a été évoquée tout à l’heure – est aussi d’accompagner la société dans ses évolutions. C’est également votre rôle en tant que législateur. Dans quelques années, les entreprises auront compris que la politique familiale d’une entreprise est un facteur d’attractivité pour les salariés. D’ailleurs, un certain nombre d’entreprises savent déjà que mettre en place des mesures pour la famille permettant de mieux articuler vie professionnelle et vie personnelle est une façon d’attirer les meilleurs éléments.
Vous parlez de liberté, madame la sénatrice, et j’aurais dû commencer par là parce que c’était le début de votre argumentation. Selon vous, les jeunes pères devraient avoir la liberté de choisir. Je respecte totalement cette approche, mais qu’en pense la mère ? Qu’en pense l’enfant ?
Détrompez-vous, les jeunes pères auxquels vous vous référez – je ne veux pas non plus en faire un phénomène générationnel – appellent très majoritairement de leurs vœux – plus de neuf jeunes pères sur dix – cet allongement de la durée du congé de paternité. Selon une étude de la Fondation des femmes, sept hommes sur dix âgés de moins de 35 ans sont favorables à un congé obligatoire de six semaines. La grande majorité des Français, soit huit sur dix, sont également pour l’allongement de la durée du congé de paternité. Par ailleurs, environ 55 % des Français considèrent que le caractère obligatoire de la mesure est une bonne chose. Ce taux atteint même 65 % dans les catégories populaires.
Le caractère obligatoire de la mesure me paraît donc nécessaire. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 449 rectifié quinquies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Je suis tout à fait ouverte aux discussions, mais je soutiendrai l’amendement n° 449 rectifié quinquies, et ce pour une raison bien simple : j’ai eu à connaître dans mon entourage professionnel proche de jeunes couples de moins de 30 ans ayant eu des bébés.
Il est arrivé à un couple, au moment où la maman devait reprendre son travail à l’issue de son congé maternité, de ne pas avoir de solution de garde, la nounou n’étant pas disponible. Le papa a alors décidé de prendre son congé de paternité pour s’occuper du bébé. Les parents étaient ravis. Le papa était magnifique à voir : il se sentait pleinement investi, car il s’occupait du bébé toute la journée. C’est dans de tels moments que se construit le lien dont on parlait.
Souvent, le papa a l’impression que s’il doit être présent les sept premiers jours avec la maman, c’est parce qu’il ne serait pas capable de s’occuper seul de son bébé. Il est donc très positif qu’il puisse s’en occuper seul et passer des moments privilégiés avec lui. C’est également positif pour les jeunes couples.
J’ai vu de jeunes papas s’épanouir en gardant leur bébé pendant les onze jours de congé auxquels ils avaient droit. Leur imposer un congé les sept premiers jours ne me convient donc pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Richer. Je ne voterai pas ces deux amendements, même si je comprends les arguments de mes collègues. Le caractère obligatoire du congé de paternité permettra – cela a été dit à plusieurs reprises – d’ouvrir la porte à des pères qui ne feraient pas cette démarche sans cela. Je salue aussi l’avancée que constitue le texte en matière d’adoption. Je voterai donc l’article.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je ne voterai évidemment pas ces amendements, mais je cède à la tentation de contrarier un peu M. le secrétaire d’État !
Quand on fait des comparaisons avec d’autres pays, il faut les faire à tous les niveaux. Je ne conteste pas le fait que les populations d’Europe du Nord aient accepté de manière satisfaisante les mesures qui ont été mises en place dans leurs pays et que cela pourrait nous servir d’exemple en France.
Toutefois, il faudrait aussi considérer le taux de natalité de ces pays : il est à 1,57 pour mille en Allemagne ; à 1,73 au Danemark ; à 1,41 en Finlande ; il atteint heureusement 1,91 pour mille en Suède ; et il est à 2,01, en France, où le congé de paternité n’existe pas, jusqu’à présent.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice Jacques, j’ai bien entendu ce que vous nous avez dit sur le cas concret que vous avez pris comme exemple.
Le dispositif que nous envisageons, à ce stade, rend justement cette situation possible. Les sept premiers jours du congé seront obligatoires au moment de la naissance, moment essentiel qui constitue en outre un fait générateur, du point de vue juridique. Ensuite, modulo les possibilités de fractionnement qu’il faudra peut-être ouvrir encore davantage, les vingt et un jours de congé qui restent pourront être pris plus tard, notamment – comme je le disais –, au moment où la mère reprend son travail et où l’enfant entre éventuellement dans une structure collective.
Enfin, monsieur Milon, j’ai simplement dit qu’il était intéressant de faire des comparaisons avec d’autres pays – et je sais que vous le pensez aussi – et non pas évidemment qu’il fallait dupliquer systématiquement les choses. J’espère ne pas devoir déduire de vos propos qu’il y aurait une corrélation absolue et parfaite entre l’existence d’un congé paternité, sa durée et le taux de natalité.
Pour en revenir au quotient familial et aux allocations que vous mentionniez, vous savez probablement que ces avantages fiscaux sont de moins en moins corrélés au taux de natalité, dont l’évolution dépend surtout de l’environnement global dans lequel l’enfant est accueilli. La durée du congé de paternité en fait partie.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’ai cosigné l’amendement présenté par Chantal Deseyne, et je voudrais la remercier d’avoir introduit ce débat important, qui permettra de lever un certain nombre d’incertitudes.
Monsieur le secrétaire d’État, je dois dire que votre approche du sujet est relativement convaincante, mais celle de Chantal Deseyne ne l’est pas moins, qui prévoit un stade facultatif pour le congé paternité, de façon à lever les difficultés, notamment celles qui sont liées à la nécessité d’offrir un dispositif égal pour tous. Que le père soit en CDI ou en CDD, comme vous l’avez dit, qu’il soit militaire ou qu’il exerce une profession indépendante, il doit pouvoir prendre son congé, selon l’organisation de son travail et de sa famille.
La politique familiale est un sujet complexe et l’on ne peut pas lui redonner une place au sein de la société sans tenir compte des divergences d’approche.
Si l’on doit retenir du quinquennat l’inscription dans la loi de ces quelques jours supplémentaires de congé de paternité, sans aucune autre mesure pour construire une politique familiale qui rende les Français plus heureux, je ne pense pas que l’avancée sera aussi considérable que vous la présentez.
Attention, donc, à ne pas décevoir nos concitoyens, en leur présentant cette disposition comme une avancée majeure qui changera la société ! La politique familiale en sortira-t-elle changée ? Vous l’améliorerez, sans doute, sans vraiment la transformer.
Est-ce que les dispositions sur la cinquième branche changeront la vie des personnes âgées, pour peu qu’elles soient accompagnées des financements et des mesures territoriales nécessaires à leur mise en œuvre ? Je n’en suis pas entièrement convaincu, car il faudrait d’abord que le Gouvernement s’attache à faire en sorte que le dispositif corresponde aux préoccupations des gens.
Donc, les deux approches se défendent. Je suis plutôt favorable à un dispositif facultatif, dans un premier temps, puis éventuellement obligatoire, si l’on constate que les pères ne prennent pas suffisamment leur congé. Vous préférez le rendre obligatoire d’emblée, pour les inciter à prendre davantage ce congé. Les deux thèses se tiennent et je me rallierai à celle qui l’emportera.
La volonté partagée qui doit nous réunir, c’est de faire en sorte qu’il existe un congé paternité. En effet, le rôle du père est important et il faut l’étendre. C’est la raison pour laquelle, quel que soit le destin de cet amendement, nous voterons largement l’article 35.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 449 rectifié quinquies.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et, l’autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 130 |
Contre | 203 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 602 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 896 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et Pantel et MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’accès de toutes les familles au congé de paternité et d’accueil de l’enfant et au coût que représenterait l’égal accès des couples d’hommes à ces droits.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Dans d’autres circonstances, j’aurais presque été gêné de présenter un amendement qui demande encore un rapport : je connais, en effet, la doctrine à ce sujet. Néanmoins, celui-ci vaut la peine qu’on s’y attarde.
L’article L. 1225-35 du code du travail ouvre le droit au congé de paternité et d’accueil de l’enfant au compagnon ou au partenaire de la mère, qui n’est pas le père biologique de l’enfant, dans le cadre d’un couple hétérosexuel, ainsi qu’à la compagne ou épouse de la mère, dans le cadre d’un couple homosexuel.
Le fait de réserver l’attribution du deuxième congé de paternité et d’accueil de l’enfant uniquement à la femme et à l’homme liés à la mère exclut donc directement de cet avantage l’homme qui vivrait maritalement avec le père, qui serait pacsé avec lui, ou qui serait son époux. Cela constitue, de notre point de vue, une discrimination directe fondée sur le sexe et l’orientation sexuelle, qui heurte les valeurs humanistes que porte le groupe du RDSE.
Nous avions donc déposé un amendement qui tendait à modifier directement l’article L. 1225-35 du code du travail et à étendre le bénéfice du congé de paternité aux couples de même sexe masculin. Il a malheureusement été déclaré irrecevable. Cette modification aurait pourtant évité à la France le risque de se faire condamner par la Cour européenne des droits de l’homme.
C’est pourquoi Maryse Carrère présente cet amendement de repli, qui vise à demander un rapport sur le caractère discriminatoire des dispositions de l’article L. 1225-35 du code du travail pour les couples d’hommes, et sur le coût que représenterait pour les finances publiques la mise en conformité de cette disposition avec, d’une part, les prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et avec, d’autre part, la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. La Défenseure des droits nous a effectivement alertés au sujet de cette discrimination. Cependant, l’amendement que Maryse Carrère et d’autres ont déposé est irrecevable.
De plus, vous savez que toute demande de rapport est malvenue, puisque la commission en a déjà refusé beaucoup, qui avaient sans doute autant d’intérêt que celui que vous proposez.
Par conséquent la commission émettra un avis défavorable sur votre amendement.
Pour autant, je partage votre préoccupation, tout en précisant que des dispositions différentes sont prévues pour les couples homosexuels qui adoptent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, le projet de loi ne prévoit pas de modifier les conditions actuelles du bénéfice du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Ce congé peut être attribué aux parents qui justifient d’une pièce d’état civil attestant la filiation de l’enfant, ou bien le lien avec la mère, si le parent n’est pas le père de l’enfant.
De plus, les dispositions relatives au congé de paternité et d’accueil de l’enfant – il faut rappeler le nom complet du dispositif – ne visent pas à redéfinir les règles de filiation.
Enfin, la rapporteure a précisé à juste titre que dans le cas d’une adoption par des couples de même sexe, ce sont les règles du congé d’adoption qui s’appliquent. Si ce congé est partagé, il sera augmenté de la durée du congé de paternité. Le cas de figure que vous mentionnez est donc déjà pris en considération, un régime adapté est prévu.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. J’avais déposé un amendement similaire qui a également été déclaré irrecevable. Il visait à remplacer le terme de « paternité » par celui de « parentalité » pour adapter le texte à la réalité diverse des familles. En effet, qu’on l’accepte ou pas, les familles sont diverses, et elles doivent toutes bénéficier des mêmes droits. Par conséquent, il est important que les dispositions de cet article s’appliquent aussi au deuxième parent, au même titre que pour les autres pères de famille.
Même si j’ai peu d’espoir que cette demande de rapport aboutisse, je soutiendrai à titre personnel l’amendement de Mme Carrère, car la reconnaissance de l’ensemble des familles est un enjeu fort de ce débat. Le fait que nous ayons un secrétaire d’État chargé de l’enfance et « des familles » a d’ailleurs toute son importance.
Mme la présidente. L’amendement n° 936, présenté par Mme Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’intérêt d’étendre la durée obligatoire du congé de paternité et d’accueil de l’enfant à au moins la moitié de ce congé, ainsi que sur l’intérêt de rendre la durée totale des congés de naissance et de paternité et d’accueil de l’enfant égale à neuf semaines, notamment au regard des considérations de santé publique pour les mères, d’égalité entre les femmes et les hommes dans l’emploi et dans les foyers et d’intérêt pour l’enfant et son éducation.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Fidèles à la conviction que nous devons faire, dans ce pays, un grand pas en avant en matière de congé de paternité, nous saluons les premiers pas, non pas de l’enfant, mais ceux effectués dans l’article 35.
Cet amendement tend lui aussi à prévoir la remise d’un rapport, que la longueur du débat suffirait à justifier. Ce rapport étudiera la possibilité d’étendre la durée obligatoire du congé de parenté, pour protéger celui qui en bénéficie de toute pression ou mise en concurrence destinée à favoriser son retour précoce au travail.
Il portera également sur la possibilité d’étendre la durée totale du congé de naissance et du congé de paternité à neuf semaines, de manière à la rapprocher de celle du congé maternité post-natal, en conformité avec les recommandations du rapport sur les 1 000 premiers jours de l’enfant, que vous avez cité.
L’étude que nous demandons pourrait notamment évaluer l’impact que ces deux pistes auront sur le taux de non-recours au congé paternité.
En effet, l’extension du congé paternité et sa durée obligatoire constituent des arguments forts pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Un grand écart entre la durée obligatoire du congé maternité, à savoir huit semaines, dont six après l’accouchement, et celui du congé paternité, soit sept jours après la naissance de l’enfant, maintiendrait indirectement un message genré. Il reviendrait in fine aux mères d’assumer le premier accueil de l’enfant, car l’autre parent bénéficierait du caractère facultatif de l’obligation.
Or une telle répartition entraîne des conséquences lourdes, telles que l’épuisement maternel, la dépression post-partum, la discrimination professionnelle, ou encore l’inégalité d’accès au travail. Voilà pourquoi il est nécessaire de travailler le sujet, en adoptant les deux angles que nous proposons.
Par ailleurs, nous avions nous aussi déposé un amendement qui a été jugé irrecevable. Nous souhaitions qu’il soit inclusif, pour tenir compte de l’ensemble des compositions familiales. Il prévoyait donc un congé de « parenté » plutôt que de « paternité ». Il faudra régler, un jour, cette question de sémantique inclusive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. Vous connaissez le sort que nous réservons aux demandes de rapport. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Cependant, je me tourne vers M. le secrétaire d’État pour lui demander de travailler très sérieusement sur le congé parental, qui n’est pas du tout utilisé, sans doute parce que la rémunération des parents qui le prendraient n’est pas suffisante pour assurer le confort de la famille.
Par ailleurs, l’allongement de la durée du congé de paternité n’était que l’une des recommandations du rapport de Boris Cyrulnik. J’espère donc que nous n’en resterons pas là. Il faudrait en effet lancer un travail avec les départements sur la nouvelle dynamique à donner aux centres de protection maternelle et infantile (PMI). Les PMI ont déjà beaucoup travaillé sur la parentalité et l’accueil du jeune enfant, mais elles ont besoin d’un nouveau souffle. Certains les enterrent un peu vite, alors que ces centres ont toute leur utilité sur le terrain.
L’accueil du jeune enfant est un autre domaine dans lequel il faut œuvrer, car les différentes conventions d’objectifs et de gestion n’ont jamais été atteintes en nombre.
Il serait donc dommage de réduire le rapport de Boris Cyrulnik à une seule de ses recommandations.