M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, je partage l’intégralité des propos que vous venez de tenir.
Nous voyons apparaître et se consolider un profil de criminels qui passent à l’acte sous l’effet de deux effecteurs : une manipulation – elle passe souvent par des associations qui, sous prétexte d’un objet sportif, éducatif ou cultuel, sont en réalité des instruments de l’islam politique – ; les réseaux sociaux au sens large.
Je vous rejoins tout à fait : il faut impérativement nous attaquer plus fortement encore à ceux qui manipulent et à ceux qui transmettent la haine. Nous allons donc procéder dans le cadre actuel à un certain nombre de dissolutions d’associations ou de groupements de fait – le conseil des ministres a pris dès aujourd’hui des décisions en ce sens – et proposer à la représentation nationale d’élargir les cas dans lesquels de telles dissolutions peuvent intervenir.
Mais, vous l’avez dit, il y a aussi la question de la haine en ligne et de l’utilisation des réseaux sociaux – vous avez emprunté à M. le président du Sénat une appréciation, dans laquelle je me retrouve d’ailleurs volontiers. Comme vous le savez, nous avons en réalité deux sujets : la nécessaire évolution des directives communautaires pour mieux responsabiliser les hébergeurs et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que vous avez rappelée et que chacun connaît.
Je serai dès vendredi à Bruxelles pour rencontrer la présidente de la Commission européenne et plusieurs commissaires européens ; la responsabilité des hébergeurs est l’un des premiers sujets que j’aborderai lors de ce déplacement. Cette question constituait l’une de nos priorités, avant même les terribles faits dont nous parlons cet après-midi, et nous avions déjà pris des initiatives au niveau européen.
Conformément à l’intervention que j’ai faite hier à l’Assemblée nationale et à laquelle vous avez bien voulu faire référence, il nous faudra trouver dans le texte dont je parlais précédemment une voie juridique qui devra tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu’il n’appartient pas au Premier ministre de commenter, pour rendre beaucoup plus efficace notre action déterminée contre la haine sur les réseaux sociaux. Je suis certain que le Sénat concourra à nos travaux pour aller dans ce sens. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)
assassinat de samuel paty (iv)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. En France, aujourd’hui, on peut être décapité seulement pour avoir donné un cours d’instruction civique sur la liberté d’expression. En France, aujourd’hui, des fatwas sont lancées et la charia immédiatement exécutée. Mais, cette fois, quelque chose a changé. Les Français sont passés presque instantanément d’un état de sidération à un état de colère ; ils demandent des comptes, ils exigent des résultats, tout simplement parce qu’ils sentent confusément, mais indéniablement, que nous sommes en train de perdre le combat contre le totalitarisme islamiste.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Faute de courage souvent ! Faute aussi de mener un combat global contre l’islamisme sous toutes ses formes, violentes ou rampantes ! Faute enfin de mener un combat global contre le désordre migratoire – l’un des terreaux de l’islamisme –, qui est un défi et un obstacle à l’assimilation de nos valeurs républicaines !
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à mener ce combat, qui doit être global ? Vous nous parlez d’un texte qui nous arrivera dans cinq mois, en février. Ce texte comportera-t-il, oui ou non, des mesures pour remédier à ce désordre migratoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, vous avez dit, à juste titre, que les Français ont été sidérés, qu’ils sont en colère. Je crois que nous le sommes toutes et tous, il n’y a pas de doute là-dessus, mais le Gouvernement de la République que j’ai l’honneur de diriger n’est pas simplement sidéré ou en colère, il est déterminé et à la manœuvre – je le répète, le Gouvernement est déterminé et à la manœuvre !
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. Certains semblent s’interroger sur notre prétendue inefficacité. C’est sans doute dans la nature du débat démocratique et, bien entendu, je l’accepte, mais je le regrette aussi, car vous mesurez bien que les choses sont difficiles et que ceux qui combattent la République ont justement comme objectif, je le redis, de faire éclater la communauté nationale – n’en doutez pas un seul instant ! Or nous agissons, notamment en matière de renseignement, et le ministre de l’intérieur pourra y revenir.
Vous avez parlé d’immigration, mais je veux rappeler à chacune et à chacun d’entre vous que de tels actes peuvent être commis par des personnes étrangères comme, malheureusement, par des citoyens de la République – c’est un fait, les chiffres le montrent.
Mme Sophie Primas. Là, c’est un Tchétchène !
M. Jean Castex, Premier ministre. C’est pourquoi notre action est tous azimuts, notamment pour identifier ces personnes et les empêcher de passer à l’acte. Nous avons considérablement renforcé nos capacités de renseignement, nous allons nous attaquer encore plus fort aux effecteurs, comme je l’ai dit précédemment, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires. Nous n’avons aucune hésitation, sachez-le, et notre main, la mienne en particulier, n’a jamais tremblé et ne tremblera pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, c’est votre gouvernement qui fait le lien entre l’islamisme, le terrorisme et l’immigration (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.), puisque les premières annonces du ministre de l’intérieur concernaient des expulsions d’étrangers en situation irrégulière. (Eh oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ce que nous vous demandons, c’est d’avoir le courage de réarmer la République. Nous vous demandons aussi de faire aimer la France. Ne cédez pas à la tentation, si française, de la pénitence perpétuelle ! (Exclamations sur des travées du groupe SER.) Il faut faire aimer la France. Ne désignez pas la France comme une coupable perpétuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ne faites pas comme le Président de la République, qui a déclaré que la France était coupable de crimes contre l’humanité, le pire des crimes !
Monsieur le Premier ministre, il faut réarmer la République et faire aimer la France. Relevons ensemble l’étendard de nos couleurs et de nos valeurs ! Relevons ensemble l’étendard de la fierté française ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
crédibilité de l’état de droit
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre de l’intérieur, la France est un État de droit et entend le rester. Alors, notre pays ne doit pas être faible et nous devons être capables de faire appliquer les décisions judiciaires et administratives.
Des milliers d’étrangers qui sont des prêcheurs de haine et veulent abattre les principes de notre République continuent de vivre sur notre sol. Des décisions les ont pourtant condamnés à quitter notre territoire national ; ils sont nombreux, trop nombreux, à être toujours là. Une immense majorité de nos concitoyens, pris d’une colère froide, se pose cette question : pourquoi sont-ils encore là ? À cette question mille fois posée, on nous a mille fois répondu : « Ah oui, mais, vous comprenez, c’est compliqué… »
M. Marc-Philippe Daubresse. Où est le ministre de la justice ?
M. Loïc Hervé. Après ce nouvel attentat atroce contre Samuel Paty qui nous a tous touchés très profondément, vous allez être tenté de proposer de nouveau au Parlement de durcir notre arsenal juridique et d’aggraver les peines. En réalité, l’affaiblissement de l’État n’en serait que renforcé, car, le premier problème, c’est l’application ferme et systématique du droit. Or nous savons tous que tel n’est pas le cas.
Plus qu’un constat d’impuissance, c’est un terrible aveu. Le Président de la République a annoncé vouloir prendre des mesures concrètes et rapides. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez indiqué dimanche que 231 étrangers dangereux allaient être expulsés. Pouvez-vous prendre l’engagement de revenir dans un mois nous dire combien d’entre eux sont effectivement partis ? Et pouvez-vous nous donner de la visibilité pour les mois qui viennent ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait prêt à venir devant toutes les commissions parlementaires que vous désignerez pour répondre à cette importante et difficile question. Ma motivation est complète.
Avant de vous répondre sur le fond, permettez-moi d’avoir une pensée pour les policiers, qui sont en première ligne en cas d’attentat. Ce fut le cas devant les anciens locaux de Charlie Hebdo comme lors de l’attentat ignoble qui s’est déroulé près de ce collège. Chaque fois, leur intervention a été très rapide et a permis d’interpeller le terroriste ou d’arrêter sa cavale mortelle. Ils risquent leur vie, et je sais, monsieur le sénateur, que vous les saluez pour cela.
Je suis malheureusement contraint de faire un lien entre votre question et celle du président Retailleau. Vous me demandez des comptes, et je vais vous répondre, mais je note que ces questions nous sont posées alors que Samuel Paty n’est pas encore enterré.
C’est depuis 2018, sous la présidence Macron, que le FSPRT permet d’identifier les étrangers en situation irrégulière qui y sont inscrits.
Depuis trois ans, 436 étrangers radicalisés et en situation irrégulière ont été expulsés, alors qu’entre 2007 et 2012 – la période était très différente, et je ne fais pas de procès d’intention – 24 expulsions ont eu lieu et qu’entre 2007 et 2010, soit trois années, 106 personnes ont été expulsées pour trouble à l’ordre public. Les circonstances sont sans doute différentes, mais les expulsions ont été cinq fois plus nombreuses sous la présidence Macron.
J’ai aussi entendu beaucoup de choses sur les interpellations d’étrangers en situation illégale : elles ont été au nombre de 74 000 sous le gouvernement de François Fillon, contre 125 000 sous celui d’Édouard Philippe.
Vous le voyez, nous pouvons effectivement comparer les chiffres. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, aucun humanisme ne tiendra le choc si la République ne fait pas appliquer le droit et ne met pas en œuvre les mesures adoptées par le Parlement ; en somme, si l’État ne fait pas appliquer les peines décidées par les juges.
Alors, si certaines personnes étrangères condamnées sont toujours sur notre sol dans un mois, il faudra nous expliquer pourquoi. Si ce sont des raisons juridiques, il faudra nous dire précisément lesquelles et modifier la loi. Si ce sont des raisons diplomatiques, il faudra l’expliquer aux Français et prendre toute mesure pour que les obstacles soient levés.
J’ai conscience qu’en répondant à ces questions on ne traite qu’une partie du problème. Beaucoup de ces prêcheurs de haine sont Français, comme vous et moi, mais renvoyons déjà en dehors de nos frontières ceux qui méritent de l’être ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
assassinat de samuel paty (v)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, ainsi qu’au garde des sceaux.
Si je suis sénateur, je reste le professeur d’histoire-géographie que j’ai été, comme d’autres ici. Vendredi, un enseignant d’histoire-géographie, Samuel Paty, a été sacrifié sur l’autel du fanatisme islamiste, ce fascisme d’aujourd’hui, condamné à devenir martyr pour avoir accompli son devoir – enseigner la tolérance, tenter d’éveiller les consciences –, décapité pour avoir simplement fait son métier, transmis un savoir.
L’histoire et sa fille naturelle, l’éducation civique, sont des matières plus que précieuses, parce qu’elles révèlent nos racines, donnent un sens au long fil d’Ariane qui nous relie à nos aïeux, nous permettent de mieux comprendre comment vivre ensemble. Mieux vaut savoir d’où l’on vient pour ne pas se perdre et s’égarer sur les sentiers du malheur, telle est la leçon de vie, le talisman prudent, qu’offrent l’histoire et ses professeurs.
Or, depuis des années, ceux qui enseignent l’histoire et l’éducation civique sont parfois menacés. On veut les faire taire ! La Shoah, les croisades, les valeurs républicaines, la laïcité, les droits de l’homme, la femme égale de l’homme, les islamistes veulent en effacer les traces, ils veulent aveugler les esprits. Et certaines autorités ne veulent surtout pas de vagues – pensez que Samuel Paty avait été convoqué au commissariat pour se justifier !
Aussi est-il temps de réellement protéger les professeurs et de sanctuariser les cours d’histoire et d’instruction civique, mais aussi ceux de sciences, de lettres ou de sport.
Monsieur le ministre, ne doit-on pas désormais instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre, bien évidemment, des programmes définis par l’éducation nationale ? C’est l’un des moyens de faire cesser la guérilla permanente des ennemis de l’école émancipatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Olivier Paccaud, je vous remercie d’avoir fait référence aux professeurs d’histoire-géographie. En effet, au-delà de l’hommage que nous rendons aux professeurs, regardons les enjeux de cette discipline. C’est un sujet dont je parlais ce matin même avec les représentants de l’association des professeurs d’histoire-géographie venus m’apporter leur soutien et leurs propositions dans les circonstances actuelles d’unité nationale.
Vous avez raison, les professeurs d’histoire-géographie sont souvent ceux qui sont en première ligne. Cela ne devrait pas nécessairement être le cas, parce que tous les enseignements, y compris dans le domaine scientifique, peuvent être confrontés aux mêmes difficultés. De fait, tous les enseignants sont en première ligne pour défendre la République et transmettre ses valeurs.
Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que l’institution n’a pas apporté son soutien à Samuel Paty.
Tout d’abord, depuis mon arrivée à ce ministère, j’ai créé le Conseil des sages de la laïcité. Il existe désormais pour l’éducation nationale un ensemble de normes et de références extrêmement exigeantes en la matière.
Ensuite, nous avons mis en place des équipes « Valeurs de la République », qui sont intervenues dans cette affaire en soutien de Samuel Paty.
Je vous en supplie, ne relayez pas les mensonges, les fake news, des réseaux sociaux – nous venons justement de dire il y a quelques instants que ce problème était l’un des pires de notre époque. Il n’est pas vrai de dire que l’institution n’a pas apporté son soutien à Samuel Paty. C’est un fait, et l’inspection générale comme les autorités judiciaires le démontreront. Je vous en supplie, ne faites pas ce que nous reprochons justement aux ennemis de la République.
Il est extrêmement important de dire que le fameux « pas de vagues ! » n’est pas ou n’est plus, si vous préférez, la logique de l’éducation nationale. Je l’ai dit dès les premiers jours de mon arrivée au ministère il y a trois ans et demi, et je l’ai démontré ensuite. Dans cette affaire, ce n’est pas le « pas de vagues ! » qui est en question.
Bien sûr, il existe des problèmes, je suis le premier à les reconnaître et les nommer. Nous n’avons pas tout résolu, il y a encore beaucoup à faire, notamment pour encore mieux signaler et réagir. Nous avons commencé à avancer, nous allons continuer de le faire, et je suis ouvert à toute proposition pour aller encore plus loin. Je le répète, notre logique est celle du signalement et de la défense sans faille des principes de la République. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas répondu sur le délit d’entrave.
Oui, nous sommes en guerre ! Oui, la peur doit changer de camp ! Oui, la foi ne saurait être au-dessus de la loi ! Mais si la parole a des vertus, elle a des faiblesses. La République doit éclairer, mais aussi protéger. Alors, commençons par modifier l’article 431-1 du code pénal. Je tiens une proposition de loi à votre disposition pour aller dans ce sens. Charles Pasqua disait jadis : « Il faut terroriser les terroristes. » On pourrait dire qu’il faut se séparer des séparatistes. En tout cas, aujourd’hui, il faut paralyser les islamistes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
assassinat de samuel paty (vi)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Chacun ici a soutenu des gouvernements qui ont dû faire face au terrorisme. Cela doit tous – je m’adresse également au président Retailleau à cet instant – nous engager à l’humilité et à la responsabilité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans une période troublée et violente, il est d’autant plus nécessaire d’être clair sur les principes. Le premier principe est que la France est un État de droit, c’est-à-dire un pays où la norme s’applique et où l’arbitraire n’a pas sa place. Or, depuis vendredi, monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’intérieur dit vouloir intimider et passer des messages, usant pour ce faire de pouvoirs qui trouveront rapidement leurs limites, et assume une forme d’arbitraire. Le garde des sceaux, tout d’abord discret – il est d’ailleurs absent aujourd’hui –, semble prêt à modifier la loi fondatrice de la liberté de la presse et de la liberté d’expression du 29 juillet 1881.
Permettez-moi de vous rappeler les propos tenus par Robert Badinter, au lendemain de l’attentat contre Charlie : « Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties ; celles qui ont cédé n’y ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup ont perdu en termes de liberté et parfois d’honneur. »
Monsieur le Premier ministre, dans cette période où le « en même temps » ne peut vous guider davantage, ma question est simple : entendez-vous écorner notre État de droit ou, au contraire, vous y référer toujours dans un face-à-face courageux avec les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, j’applique les lois votées par le Parlement, singulièrement les excellentes lois que jadis vous souteniez, celles de MM. Cazeneuve et Valls. En préparant cette séance de questions d’actualité, j’ai vu qu’à l’époque vous n’y étiez pas très opposée. Le changement de ministre vous encourage sans doute à faire part de votre opposition… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
La semaine dernière, quelques jours avant que cet attentat odieux n’ait été perpétré, le Sénat débattait d’un projet de loi visant à proroger certaines dispositions de la loi SILT – le président de la commission des lois François-Noël Buffet et le rapporteur du texte Marc-Philippe Daubresse s’en souviennent. Or votre groupe n’a pas voté les dispositions de ce texte, qui aident les services de renseignement et de police à lutter contre le terrorisme. (Marques d’approbation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
J’ai effectivement commandé quatre-vingts opérations de police – figurez-vous qu’un ministre de l’intérieur commande la police et la gendarmerie ! Pour répondre à ma requête, les services compétents, que ce soit la DGSI, la DGPN ou la DGGN, ont évidemment demandé à des juges des libertés et de la détention d’autoriser ces opérations, ce qu’ils ont fait. Toutes ces opérations ont donc été autorisées par un juge.
Madame la sénatrice, je suis à la disposition du Parlement pour rendre compte de toutes ces opérations devant n’importe laquelle de ses commissions. J’applique la loi de la République, c’est-à-dire la loi de l’État qui ne vise qu’à protéger les petites gens ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je regrette, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas affirmé votre attachement à l’État de droit. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous étiez enfant et n’aviez donc pas encore entamé votre vie de jeune homme lorsque l’un de vos illustres prédécesseurs, qui a également été membre du Sénat, avait annoncé qu’il allait terroriser les terroristes et que l’insécurité changerait de camp. Quatre mois plus tard, un attentat, rue de Rennes, faisait sept morts et cinquante et un blessés.
Aujourd’hui, vous devriez être conscient de la gravité du sujet. Or, quand vous envisagez de réglementer la disposition des étals de supermarché, vous n’êtes pas exactement dans votre rôle, et je ne suis pas sûre que vous respectiez l’État de droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
assassinat de samuel paty (vii)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Charles Pasqua avait donc raison…
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, au nom des Français qui ont appris avec effroi la décapitation de Samuel Paty, un cran de plus dans l’abomination, dans la volonté des ayatollahs de l’islam d’imposer leur loi chez nous.
Élu local, en trente ans, j’en ai vu et entendu des renoncements. J’ai aussi vu cette idéologie totalitaire gagner nos quartiers, encouragée par la lâcheté coupable de politiques et aussi de technocrates.
On a fermé les yeux sur l’immigration massive liée au regroupement familial, sur la création de ghettos urbains, sur la dérive de ces quartiers gangrenés par la drogue, le communautarisme et l’islamisme.
On a fermé les yeux sur les motivations réelles de certains migrants qui viennent pour porter la haine et le sang.
On a fermé les yeux sur les coups de canif à la laïcité, les repas de substitution, les prières de rue, les couloirs dans les piscines, le port du voile dans l’espace public. Autant de coups de boutoir portés contre les fondements de notre République !
Mais, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas fermer les yeux, parce que l’horreur vous a sauté au visage, comme à nous tous d’ailleurs, parce qu’il s’est passé à Conflans la même chose qu’à Raqqa ou à Mossoul.
Alors, que doit-on faire aujourd’hui ? Les Français ont compris qu’allumer des bougies et défiler dans la rue n’étaient pas un rempart contre cet ennemi qui veut imposer la charia au ventre mou de l’Occident. Les Français attendent de vous des actes forts : la mise en place d’une immigration choisie, et non pas imposée par des juges irresponsables ; l’expulsion des clandestins et des délinquants étrangers ; une application sans faille des règles de la laïcité ; la déchéance de nationalité contre tous ceux qui prennent les armes contre la mère patrie ; la reconquête, rue par rue, de toutes les zones de non-droit ; un soutien total à la police et, si nécessaire, le renfort de l’armée.
Pour cela, il faut un exécutif déterminé et un Parlement respecté, car représentant légitime du peuple. « Ils ne passeront pas », a déclaré le Président de la République. Le combat a donc enfin commencé chez nous – espérons-le !
Monsieur le Premier ministre, dites-nous avec quelles armes nous allons combattre et comment nous pouvons gagner cette guerre. Plus de renoncements, s’il vous plaît, des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Pemezec, si le constat peut nous rapprocher, nous avons des différences sur quelques-unes de vos solutions…
D’abord, vous faites un lien, que j’ai déjà entendu plusieurs fois, pas de la part de tous les représentants du groupe Les Républicains, mais de la part de quelques-uns, qui revient à dire : étranger égale islam, islam égale problème, problème égale terrorisme. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Quand on dit qu’on arrête totalement l’immigration, c’est qu’on pense que, par principe, tout étranger qui vient sur le territoire national pourrait être un problème.
M. Gérald Darmanin, ministre. Or beaucoup de gens qui demandent le droit d’asile en France fuient des dictatures islamistes ; ce sont par exemple des femmes qui veulent avoir le droit de laisser leurs cheveux flotter au vent dans la rue.
Cette caricature n’honore ni la laïcité ni la vocation universelle de la France, y compris lorsque nous parlons d’immigration en provenance de pays arabes.
Ensuite, je ne pense pas qu’il y ait un procès à faire sur le thème des naturalisations ou alors il s’agit du procès de la majorité que nous soutenions, moi jeune militant, vous parlementaire… En effet, il y a eu 84 000 naturalisations par an entre 2007 et 2012 et 54 000 sous la présidence Macron. Vous faisiez donc peut-être votre propre procès…
M. Bruno Retailleau. C’est petit !
M. Gérald Darmanin, ministre. Si l’on regarde bien les choses, la famille du terroriste de Conflans-Sainte-Honorine est arrivée en France sous le Président Chirac, a eu ses papiers sous le Président Sarkozy, n’a pas été expulsée sous le Président Hollande et un attentat est commis sous le Président Macron !
Monsieur le sénateur, il est facile de poser des questions, plus difficile d’y apporter des réponses, et il faut beaucoup de courage pour réparer les erreurs du passé. C’est pour cette raison qu’être ministre de l’intérieur est un grand honneur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
modalités de compensation pour les collectivités de la baisse des impôts de production