M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En 2017, Emmanuel Macron avait réussi à ringardiser mon parti et le vôtre, enfin, celui de l’époque, monsieur le Premier ministre, en brocardant leur incapacité systématique à accepter les idées venant du camp d’en face. Que fait-il aujourd’hui ? Exactement la même chose.
Regardons ce qu’il en est à propos du crime d’écocide.
Les sénatrices et sénateurs socialistes ont proposé l’année dernière un texte équilibré et applicable qui visait à lutter contre l’impunité des crimes les plus graves en matière d’environnement et à satisfaire une attente de la société. La réponse du Gouvernement a été : « C’est une bonne idée, mais c’est non. »
Des députés socialistes ont repris cette notion d’écocide, dans une version quelque peu différente. On leur a répondu : « C’est non ! »
Cette fois, c’est la Convention citoyenne pour le climat qui déclare l’écocide utile, dans une version plus exigeante et peut-être plus audacieuse. Qu’allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ?
Il y a peut-être un risque à ne pas écouter les demandes émanant de la société. Les réponses négatives systématiques peuvent créer le sentiment d’être méprisé et une frustration. En tant que parlementaires de l’opposition, nous sommes habitués à une telle attitude. Mais prenons garde que la société n’en prenne pas ombrage.
Les rejets sont nombreux : l’écocide, le rétablissement de l’ISF, le référendum relatif à la privation d’ADP, la commission d’enquête sur la gestion de la crise du Covid-19. C’est presque une réaction pavlovienne !
Monsieur le Premier ministre, écouterez-vous la société, à défaut d’écouter les parlementaires ? Qu’allez-vous faire concernant l’écocide et les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Durain, si cette Convention citoyenne a été mise en place, sur l’initiative du Président de la République, c’est parce que nous souhaitions écouter ce que les 150 citoyens tirés au sort avaient à nous dire sur le sujet.
C’est ce que nous avons fait. Mme Élisabeth Borne a reçu 149 propositions, qui ont été étudiées. Parmi celles-ci, vous l’avez rappelé, figurent des dispositions concernant l’écocide.
Les difficultés soulevées par la notion d’écocide que j’avais eu l’occasion d’évoquer devant vous au printemps 2019, et en décembre dernier à l’Assemblée nationale, demeurent. Elles sont de deux ordres. D’une part, d’un point de vue procédural, on ne peut pas soumettre cette proposition au référendum, puisqu’elle porte sur la législation pénale, qui ne fait pas partie du champ de l’article 11 de la Constitution. D’autre part, sur le fond, notre Constitution repose sur l’exigence, que vous partagez certainement, de la précision de la loi pénale.
Or les conclusions de la Convention citoyenne – vous avez vous-même évoqué une « écriture audacieuse » – évoquent le crime d’écocide dans des limites planétaires. Elle fait même référence au « dépassement des limites planétaires ».
M. Jérôme Bascher. C’était un peu juste, en effet !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne suis pas tout à fait certaine que cette notion corresponde à l’exigence de précision de la loi pénale figurant dans notre constitution.
Pour autant, monsieur le sénateur, la question de l’atteinte à l’environnement est une vraie question. J’ai eu l’occasion de le dire devant vous, avec ma collègue Élisabeth Borne, à propos du texte sur le parquet européen, texte dans lequel nous avons institué des juridictions pour l’environnement et une nouvelle procédure, à savoir la convention judiciaire pour l’environnement. Nous sommes prêtes, dans ce cadre, à réfléchir à un délit plus général de pollution des eaux, des sols et de l’air, qui pourrait trouver place dans notre droit pénal de l’environnement.
M. le président. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ainsi, sur l’incitation de la Convention citoyenne, nous pourrons réfléchir ensemble à ces éléments. Nous croyons beaucoup à toutes ces propositions, que nous soumettrons bien évidemment au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Madame la ministre, je vous parle d’exigence démocratique, et vous me répondez exigence de précision de la loi pénale. Dans Le Monde d’hier, Dominique Rousseau affirme que, pour déconfiner politiquement la France, il faut reconnaître la compétence des citoyens. Emmanuel Macron lui-même l’avait dit : « J’ai besoin que vous sachiez prendre des options fortes, même radicales, sinon il y aura le filtre de ceux qui les mettront en musique. »
Attention à ne pas trop filtrer : on peut finir par faire déborder ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
relations avec la turquie
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Depuis des mois, la Turquie mène une politique de puissance en Méditerranée orientale et multiplie les provocations, alternant démonstrations de force et interventions militaires. Après les forages gaziers dans les eaux territoriales chypriotes au mépris du droit international, il y a eu l’offensive turque contre nos alliés kurdes, qui luttent pourtant à nos côtés face à l’État islamique, puis le chantage aux flux migratoires et les incursions en Syrie, en Irak, en Libye, et j’en passe !
Voilà donc que la Turquie vient d’agresser la frégate française Courbet, qui menait une mission de surveillance de l’embargo sur les armes au large de la Libye pour le compte de l’OTAN. Ciblé à trois reprises par les radars de conduite de tir des missiles turcs, notre bâtiment – quelle humiliation ! – a dû se retirer pour éviter l’escalade de la violence. Voilà où nous en sommes arrivés ! Au sein même de l’OTAN, le secrétaire général Stoltenberg parle sans rire de « désaccord entre alliés », nos protestations ne recueillant que huit soutiens européens sur les trente membres.
Ce grave incident jette une lumière crue sur la faiblesse diplomatique et militaire d’une Europe décidément incapable de se faire respecter et qui ne sert plus qu’à financer les reconstructions de pays en guerre ou à exposer la vie de ses soldats pour jouer encore un rôle sur la scène internationale. Mais cet incident, après bien d’autres, signe aussi, hélas, la perte d’influence de la France, dans une région de la Méditerranée où elle fut autrefois si respectée et écoutée, nous en reparlerons ce soir lors du débat sur le Proche-Orient.
Monsieur le ministre, ma question est simple : après les dénonciations et les condamnations, la France et l’Europe vont-elles enfin agir avec fermeté pour s’opposer à ce nouvel impérialisme turc ? En d’autres termes, allons-nous passer de la diplomatie des déclarations à la diplomatie de l’action ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laurence Cohen et M. Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président Cambon, vous étiez présent lundi soir à l’Élysée lorsque le Président de la République recevait le président Saïed. Vous avez pu entendre ses propos à l’égard de la Turquie. Il a notamment souligné que ce pays jouait un jeu extrêmement dangereux.
Je le dis au Sénat, la France estime indispensable que l’Union européenne ouvre très vite une discussion de fond, sans tabou ni naïveté, sur les perspectives de la relation future de l’Union européenne avec Ankara. L’Union européenne doit défendre fermement ses propres intérêts, car elle en a les moyens.
À cet égard, vous avez évoqué l’affaire de la frégate Courbet. L’aspect scandaleux de cet épisode réside dans le fait que cette frégate participait à un exercice de l’OTAN, tandis que la frégate turque qui l’a interpellée couvrait une violation de l’embargo sur les armes décidé par les Nations unies. C’est un acte grave que nous avons porté à la connaissance des instances de l’OTAN.
Plus largement, il faut des clarifications sur le rôle que la Turquie entend jouer en Libye. J’estime en effet que nous assistons à une « syrianisation » de la Libye, puisque l’intervention militaire de la Turquie se fait grâce au soutien de supplétifs syriens. Il convient également de nous interroger sur la manière dont nous pourrons pousser la Turquie à aller à la négociation dite « 5+5 ». En effet, le fait que la Turquie renforce son poids en Libye conduit à ce que les Russes y renforcent le leur.
Nous devons également obtenir des explications concernant la Méditerranée orientale : le droit maritime international doit être respecté, ainsi que les territoires de nos propres alliés et des membres de l’Union européenne que sont Chypre et la Grèce.
C’est la même chose pour ce qui concerne les migrations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Au-delà de notre compréhension s’agissant de la présence de réfugiés en Turquie, on ne peut pas accepter que ces derniers servent de moyen de pression et soient instrumentalisés par la Turquie. Ce débat doit être ouvert et je vous remercie de votre question.
indemnisation du chômage
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Franck Montaugé. Madame la ministre du travail, votre réforme de l’assurance chômage a été très dure à l’égard des Français pour lesquels le travail, au-delà du besoin et de la nécessité, est une valeur centrale. Le contexte économique et social engendré par la pandémie la rend aujourd’hui inique et complètement inadaptée à la nécessité de relance économique et à l’obligation de solidarité nationale.
Dans une telle situation, comment entendez-vous revenir sur les principes de votre réforme ? Les mesures que vous allez prendre doivent atténuer la crise sociale et contribuer à la relance de la demande intérieure du pays. Le chômage va exploser : pour tous ceux qui y seront confrontés, retrouver un emploi sera plus difficile qu’avant la crise. Le pouvoir d’achat des ménages français sera un facteur très important de la relance de l’économie française. Dans de nombreuses filières, les chefs d’entreprise comptent sur la relance de la demande intérieure pour restaurer la situation de leur entreprise.
On le sait, l’économie marche à la confiance. Un accompagnement insuffisant de millions de chômeurs empêchera le retour de cette confiance indispensable. Prévoyez-vous, madame la ministre, de restaurer les droits antérieurs à votre réforme et de les améliorer, compte tenu de l’urgence économique et sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Franck Montaugé, la crise épidémique se prolonge en crise économique et sociale. C’est la raison pour laquelle, dans un premier temps, nous avons pris, dès le 14 avril, par décret, des mesures immédiates, pour adapter la situation de l’assurance chômage au contexte du confinement.
Par ce décret, nous avons permis le prolongement des droits jusqu’au 31 mai ; nous avons prévu de neutraliser la période de confinement dans l’établissement et le calcul des droits ; nous avons autorisé le cas de démission légitime, pour les salariés qui auraient démissionné pour un autre emploi et se seraient retrouvés, au moment du confinement, en incapacité de prendre leur nouvel emploi.
Nous avons ainsi pris toute une série de mesures pour protéger immédiatement nos concitoyens touchés de plein fouet par la situation inédite du confinement.
Vous m’interrogez sur la suite qui sera donnée à ces mesures. Pourquoi avons-nous procédé à une réforme de l’assurance chômage, laquelle est partiellement entrée en application ? Nous souhaitions tenir compte d’un double impératif de protection et d’incitation à l’emploi, dans un contexte de baisse du chômage que nous avons célébré ensemble, puisque les chiffres étaient passés de 10 % à 8,1 %. Et nous étions sur la voie d’un taux de chômage à 7 % ! Certes, le contexte a changé.
Nous souhaitions également lutter contre les excès concernant les contrats courts. Il s’agissait de créer un plus grand nombre de CDI et de faire diminuer le nombre de contrats courts.
Nous souhaitions aussi protéger les indépendants, qui disposent désormais d’une assurance chômage. Nous avons mis en place des droits nouveaux pour les démissionnaires qui voulaient créer leur entreprise.
Je ne crois pas que vous vouliez supprimer l’ensemble de ces dispositions. Aujourd’hui, la question est la suivante : comment pouvons-nous, avec pragmatisme, adapter à la situation nouvelle un certain nombre de curseurs ? Je ne parle pas des principes qui les sous-tendent, qui sont bons sur le long terme.
Dans le cadre de la concertation que je mène, à la demande du Président de la République, avec les partenaires sociaux – ils seront reçus tout à l’heure par le chef de l’État –, nous évoquerons cinq sujets.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le principal est celui de la mobilisation pour l’emploi et, donc, de l’assurance chômage. Tout se fera dans le cadre du dialogue social, avec pragmatisme. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Vous ne m’avez pas convaincu, madame la ministre. Surtout, vous n’avez pas évoqué un point clé, à savoir la formation professionnelle, ce que je regrette.
Mon groupe estime que cette période difficile doit être mise à profit pour former aux métiers de demain, que nécessite, dans la plupart des filières, la transition de modèle économique.
Jusqu’à la sortie de crise, l’État pourrait financer la quasi-totalité des stages de fin d’études et de préembauche des jeunes, pour tous les niveaux de qualification.
Dans le même ordre d’idées, l’État pourrait accompagner les chômeurs en phase de formation ou de reconversion dans les filières nouvelles. On le sait, ils sont nombreux à être concernés.
N’oubliez pas non plus, madame la ministre, les contrats très courts dans l’hôtellerie, l’événementiel et le tourisme, qui constituent aussi une part de l’économie et de la vitalité de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
transport transmanche
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, et concerne le transport transmanche. Je veux y associer mon collègue Michel Vaspart, qui suit ces sujets avec beaucoup d’intérêt.
Cette activité maritime est en situation difficile, à cause de l’épidémie de Covid-19, du Brexit dur qui s’annonce, et des distorsions de concurrence avec les pavillons étrangers, qui perdurent.
Ma question est simple : quelles sont les mesures réelles d’accompagnement envisagées par le Gouvernement dans le transport maritime transmanche ? Dans l’hypothèse d’un rattachement du transport transmanche au secteur du tourisme, pourrait-on considérer que le prêt garanti par l’État prenne en compte les trois meilleurs mois de chiffre d’affaires de l’entreprise et qu’une exonération de charges patronales soit au moins assurée le temps du remboursement par les entreprises de ce prêt, soit pendant au moins cinq ans ? Enfin, peut-on envisager un plan de communication à l’adresse de la communauté et de la clientèle britannique, indispensable à la veille du Brexit ? Je le rappelle, au cours de l’année 2019, l’Espagne y a déjà consacré plus de 10 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur Bizet, je vous remercie de votre question, qui me permet de revenir à la fois sur le déconfinement du secteur maritime et la reprise des liaisons transmanche.
Comme vous le savez, les ferries et les navettes maritimes ont continué leur activité à un niveau réduit pendant le confinement, avec environ 50 % de l’offre et 10 % de la fréquentation. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier les acteurs qui ont poursuivi ces liaisons et ont joué un rôle essentiel dans la poursuite de l’activité de fret maritime.
Vous l’avez dit, le trafic reprend progressivement. Le Gouvernement est évidemment conscient des difficultés rencontrées par les opérateurs. C’est la raison pour laquelle nous avons agi à trois niveaux.
Tout d’abord, l’ensemble des acteurs du transport transmanche ont pu bénéficier des mesures de droit commun proposées aux entreprises françaises. Ensuite, grâce aux échanges que j’ai pu avoir avec mes homologues britanniques et irlandais, nous avons pu mettre en place un dispositif qui compense à la fois une partie des charges de personnel et les charges variables au bénéfice de ces opérateurs. Enfin, le transport transmanche, vous l’avez évoqué, est intégré au plan tourisme et pourra bénéficier de mesures telles que le maintien de l’activité partielle à 100 % jusqu’en septembre prochain.
Vous l’avez dit également, d’autres mesures sont demandées par les acteurs du secteur. Nous sommes en train de les expertiser : il s’agit notamment de l’extension saisonnière des prêts garantis par l’État, de l’exonération d’un certain nombre de cotisations patronales et salariales ou encore du plan de promotion que vous avez cité et qui serait porté par Atout France.
Par ailleurs, le transport transmanche bénéficiera directement des mesures de la stratégie maritime, en cours de finalisation et qui sera bientôt présentée. Nous viserons notamment à maintenir la compétitivité et l’emploi européen des armateurs. Sachez, monsieur le sénateur, que nous sommes pleinement mobilisés pour soutenir les opérateurs de ces liaisons essentielles à nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre réponse. À mon avis, les mesures que vous avez rappelées ne sont pas à la hauteur des enjeux. J’aurais souhaité vous voir intégrer véritablement les lignes directrices proposées par la Commission européenne dès janvier 2004, qui permettent, dans le transport maritime comme dans le transport aérien – ce sont des filières extrêmement perturbées par des concurrences souvent déloyales –, d’exonérer ces entreprises de charges sociales patronales. Les Britanniques et les Danois l’ont fait, alors que la France n’a encore pris aucune décision en la matière. Le problème est là !
Si nous voulons réindustrialiser les entreprises, il faudra être plus compétitifs. Les crises sont des amplificateurs de tendances et des révélateurs de fragilité : celle de la France est patente en la matière. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
hydrogène, priorité dans la transition énergétique française
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
La Convention citoyenne pour le climat a rendu ses conclusions, qui n’ont rien de révolutionnaire en matière énergétique. Dans le même temps, l’Allemagne a dévoilé son ambition de devenir le leader mondial de l’hydrogène vert, mon collègue Albéric de Montgolfier l’a rappelé, en investissant 9 milliards d’euros, et le Danemark s’apprête à développer d’énormes parcs d’éoliennes offshore pour la fabrication de cet hydrogène.
Ces pays ont raison, car, à condition d’être produit avec une électricité issue des énergies renouvelables, l’hydrogène est le carburant du futur, un carburant décarboné, exploitable en quantité illimitée et stockable.
Madame la ministre, la France ne peut pas rater le coche de l’hydrogène, d’autant que tout est prêt pour l’accueillir. Des véhicules existent : des trains Alstom circulent d’ores et déjà en Allemagne et seront mis en circulation l’an prochain en Angleterre. Il y a aussi des bus et des voitures ; j’ai d’ailleurs pu me familiariser avec l’un de ces modèles du futur. À cet égard, si une décision devait être prise concernant les limitations de vitesse, il y a de bons arguments pour que ces véhicules puissent continuer à rouler à 130 kilomètres par heure.
Des initiatives industrielles se font jour à Pau avec Fébus, à Belfort, où se tiendra un salon de l’hydrogène en décembre, en Vendée, où une entreprise nantaise produira de l’hydrogène dès 2021, ou encore en Aquitaine, où j’ai proposé, avec plusieurs entreprises, que l’usine Ford de Blanquefort soit reconvertie en site de production d’hydrogène.
Mais ces initiatives ne prospéreront pas sans un plan national. Miser sur le « tout batterie », ce n’est pas miser sur l’avenir, car les batteries ne sont ni écologiques ni durables.
Madame la ministre, pour ne pas passer à côté de la vraie révolution énergétique de notre temps, je voudrais savoir comment la France entend se convertir à l’hydrogène. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je vous le confirme, l’hydrogène décarboné est incontournable pour réussir la transition vers une économie bas carbone. C’est notamment un levier clé pour la mobilité décarbonée, pour la décarbonation de la production de chaleur des process industriels ou encore pour l’intégration massive des énergies renouvelables dans notre mix énergétique.
C’est pourquoi, depuis le début du quinquennat, ce gouvernement est très mobilisé sur ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes l’un des premiers pays à avoir présenté une stratégie globale, un plan hydrogène, dès 2018.
En 2019, nous avons consacré 90 millions d’euros au soutien de nombreux projets territoriaux très prometteurs, qui démontrent l’engouement pour cette filière dans notre pays.
En 2020, la filière a continué à monter en puissance. Nous avons lancé, en début d’année, un appel à manifestation d’intérêt qui a connu un très grand succès. Ainsi près de 160 dossiers, représentant plus de 32 milliards d’euros d’investissement, ont-ils été déposés.
Aujourd’hui, l’enjeu majeur est de créer de véritables écosystèmes industriels autour de l’hydrogène. C’est pourquoi nous présenterons, dans les prochaines semaines, notre stratégie hydrogène, qui visera à renforcer le caractère industriel de l’offre française, à mutualiser l’offre et la demande à l’échelle des territoires, afin de créer de véritables hubs hydrogène multiusages, pour de premières réalisations de grande ampleur.
Je le répète, monsieur le sénateur, nous sommes très mobilisés sur ce vecteur énergétique, qui a toute sa place dans notre politique énergétique.
M. Cédric Perrin. Bravo ! C’est que de l’intox !
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Je vous donne acte de votre réponse, madame la ministre. Je relisais récemment la déclaration de John Kennedy au moment du lancement du programme Apollo. Alors que les Russes étaient donnés largement gagnants, on a vu comment un pays porté par une ambition et un objectif était capable de l’atteindre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
propositions de la convention citoyenne pour le climat
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Je le rappelle, 150 citoyens ont retenu dimanche dernier 149 propositions, pour nous dire comment nous loger, nous nourrir, nous déplacer, consommer, travailler et produire. Pendant neuf mois, en milieu fermé, 150 citoyens tirés au sort, non élus, triés sur le volet vert, et pas forcément vertueux, (Sourires.) ont travaillé.
Comment pourraient-ils être légitimes pour parler au nom de 66 millions d’habitants ? Leur avis doit être pris en compte par les décideurs politiques. Pourtant, ils n’ont nullement la légitimité d’élus de la Nation pour prendre des décisions au nom du peuple, lequel a pour représentants les élus municipaux, départementaux, régionaux et nationaux, à savoir les députés et les sénateurs.
M. Jérôme Bascher. C’est vrai !
M. Jean-Marc Boyer. Le Président de la République l’a confirmé hier : « Le plan de relance ne peut pas passer par les régions et les départements, si l’on respecte le calendrier électoral. » Quelle drôle de conception de la démocratie ! Comme si celle-ci était devenue un obstacle à l’efficacité ! Au contraire, en période de crise, la démocratie est, plus encore, une ressource.
Certaines propositions de la convention sont irréalistes et déconnectées du terrain. Je pense ainsi, monsieur le Premier ministre, à la proposition de limiter la vitesse à 110 kilomètres par heure sur les autoroutes. Êtes-vous prêt à renouveler l’expérience malheureuse des 80 kilomètres par heure ? Pensez-vous que la réduction du temps de travail à 28 heures payées 35 heures relancera l’économie ?
Attention aux interdictions et aux contraintes supplémentaires, que dénonçaient déjà nos « Gaulois réfractaires » dans nos territoires ! Attention à la promotion idéologique de fausses vérités !
M. Julien Bargeton. Quelle confusion !
M. Jean-Marc Boyer. En supprimant les vols intérieurs pour des prétextes environnementaux insuffisamment justifiés – l’empreinte carbone de l’aérien est de 4,7 % –, vous orientez nos territoires vers une décroissance mortifère, en les déconnectant des mobilités et de l’accessibilité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, ces propositions liberticides ne sont pas l’émanation de la volonté du peuple. (Protestations sur les travées des groupes LaREM et SOCR.) Pensez-vous qu’elles sauveront la France et la planète ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)