M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adressait à Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, et je tiens à y associer pleinement ma collègue Valérie Létard, sénatrice du Nord, qui est présente dans nos tribunes, ainsi que notre collègue Jacques Le Nay.
M. le ministre Bruno Le Maire a signé hier le prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros pour aider le groupe Renault, qui était déjà en grande difficulté avant la crise du Covid-19.
À cette occasion, il a rappelé les garanties sociales associées audit prêt, telles que le maintien de l’emploi et de l’activité industrielle sur le site de Maubeuge au-delà de 2023. Ces garanties sont rassurantes, et nous veillerons particulièrement à ce que le rendez-vous d’étape fixé dans six mois ne les remette pas en cause, car nous estimons qu’elles sont consubstantielles à un tel soutien public massif.
En effet, ce prêt intervient quatre jours à peine après l’annonce d’un plan de restructuration et la suppression de 4 600 emplois en France, pour un fleuron industriel national.
Ce prêt intervient également sept jours après la présentation d’un plan de soutien massif à l’industrie automobile, qui devait être la rampe de lancement d’une souveraineté économique retrouvée… Ce plan, et plus globalement la stratégie de l’État actionnaire, parviendront-ils, au pire, à empêcher la désindustrialisation hexagonale, au mieux, à permettre la relocalisation dans notre pays d’une partie de la production ? Et si oui, laquelle ?
Enfin, entre un plan de soutien à l’automobile, qui se veut un véritable pacte, et ce nouveau prêt, quelles garanties l’État actionnaire a-t-il obtenues en termes d’emplois, d’aménagement du territoire, de traitement des sous-traitants et de vision stratégique d’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Jean-François Longeot, vous l’avez dit, Renault perd de l’argent. Ses capacités de production en France représentent un peu plus de 1 million de voitures ; cette année, l’entreprise en produira à peu près 600 000. Cela signifie qu’elle est en situation de surcapacité massive, ce qui n’est ni votre faute ni la mienne.
Entre la crise du Covid et la course au volume, Renault possède une infrastructure industrielle beaucoup trop importante par rapport au nombre réel de ses clients.
Renault lutte pour sa survie, mais l’industrie automobile, plus largement, joue également une partie difficile : il s’agit sans doute de la crise la plus grave de toute son histoire. Cette industrie représente 800 000 emplois en France – 400 000 dans l’industrie et 400 000 dans les services –, ce qui justifie de lancer un plan de relance automobile qui soit à la hauteur des enjeux.
Ce plan vise non pas à sauver seulement les meubles en soutenant des entreprises en difficulté, mais à construire l’avenir, c’est-à-dire à positionner Renault et l’industrie automobile française parmi les leaders en matière de véhicules électriques et autonomes, en accompagnant la transition de ces entreprises.
Vous avez évoqué la situation des sous-traitants. Nous demandons à Renault, à Peugeot et aux sous-traitants de premier rang d’accompagner la transformation industrielle des sous-traitants de deuxième et troisième rangs, ces PME et ces ETI (entreprises de taille intermédiaire) implantées dans nos territoires. Voilà une première réponse.
La deuxième réponse concerne les contreparties, lesquelles représentent, au-delà de celles que j’ai mentionnées à propos des sous-traitants, plus de 1 milliard d’euros d’investissements pour relocaliser en France des productions de Renault, Peugeot, Faurecia, Plastic Omnium et Valeo.
Ce sont des mesures concrètes. Nous allons continuer à travailler aux côtés de la filière, car la bataille sera de tous les instants.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Si nous menons cette tâche à bien, nous parviendrons à maintenir au plus haut niveau notre présence industrielle dans le secteur de l’automobile. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais préparer l’avenir, cela signifie prendre des mesures concrètes.
Nous devons préparer notre future politique environnementale, par exemple en faisant de notre pays le leader dans le domaine du recyclage des batteries. C’est très important, car nous ne devons pas être à la remorque d’autres pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
cas de covid-19 en guyane
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé, et je me fais ici la voix de mon collègue Antoine Karam.
Le 28 mai dernier, M. le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, avez présenté la carte de la seconde phase du déconfinement. Si presque toute la France est passée au vert, Mayotte et la Guyane sont, avec l’Île-de-France, désormais classées au niveau de vigilance orange.
Mayotte est le territoire d’outre-mer le plus touché par le Covid-19. Plus de 1 993 cas y ont été identifiés et 24 décès sont à déplorer.
En Guyane, le virus s’est considérablement propagé ces dernières semaines, pour atteindre 517 cas positifs, dont 1 décès. Vous le savez, cette progression de l’épidémie n’est pas sans lien avec l’inquiétante situation sanitaire de son voisin brésilien. L’État d’Amapá, à lui seul, compte en effet près de 9 900 cas positifs, 222 décès et un système de santé totalement saturé.
Le virus ne s’embarrassant pas des frontières, les communes de Saint-Georges de l’Oyapock et de Camopi sont rapidement devenues les deux premiers clusters de Guyane.
En réponse, la mobilisation récente de la réserve sanitaire est venue renforcer une campagne massive de tests déployée dans l’Est guyanais, campagne qui reste cependant limitée au sol français.
À Mayotte, ces actions rapidement mises en place commencent à porter leurs fruits, et, hormis le cluster important récemment découvert à la prison de Majicavo, la situation semble se stabiliser. Mais en Guyane, considérant la porosité de la frontière, nous pouvons nous interroger sur l’efficience de mesures qui se limiteraient à la seule rive française de l’Oyapock. Il y va de la protection de la population de l’Est guyanais, bien entendu, mais pas seulement, puisque la circulation du virus s’intensifie dans l’ensemble du territoire.
Pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend faire évoluer la stratégie sanitaire en Guyane, au regard de la poussée de l’épidémie au Brésil ? Un dispositif de coordination et de mutualisation des moyens ne pourrait-il pas être mis en œuvre, dans le cadre de la coopération transfrontalière ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Thani Mohamed Soilihi, je vous remercie de votre question, qui fait écho à l’inquiétude des habitants et des élus. La situation en Guyane est en effet particulière, du fait de sa frontière avec le Brésil, pays où la situation sanitaire, vous l’avez dit, est inquiétante et évolutive. Il y a désormais plus de 500 cas de Covid-19 en Guyane, même si, vous avez raison, peu sont graves à ce stade, ce qui est heureux.
Vous m’interrogez à juste titre sur les moyens mis en place pour lutter efficacement contre l’épidémie.
Ces moyens sont d’abord humains, grâce à la réserve sanitaire. L’équipe de 12 réservistes en poste à Saint-Georges de l’Oyapock sera relayée la semaine prochaine. À Camopi, une autre équipe de 12 réservistes est en mesure d’intervenir, y compris sur l’ensemble du fleuve Oyapock.
Une équipe d’une vingtaine de réservistes, extrêmement réactive, est actuellement déployée vers Cayenne et se déplacera partout où des cas apparaîtront, notamment le long du fleuve Maroni.
Au-delà des dispositifs humains, des renforts sont apportés à certains établissements, comme celui d’Iracoubo, afin de protéger l’ouest de la Guyane encore épargné par l’épidémie. Le centre hospitalier de Cayenne bénéficie aussi d’un soutien, car l’épidémie de dengue y a touché plusieurs soignants qu’il faut remplacer.
Au niveau des moyens techniques, la politique de tests a pris de l’ampleur, d’abord grâce au fret sanitaire. L’agence régionale de santé (ARS) est très mobilisée, ainsi que la préfecture et Santé publique France. En Guyane, trois laboratoires ont développé des drives, pour faire davantage de tests.
En ce qui concerne les renforts matériels, j’ajoute que 13 respirateurs ont été envoyés au centre hospitalier de Cayenne, afin que celui-ci puisse accueillir davantage de patients sévèrement atteints. Les capacités d’isolement des malades ont également été augmentées. Plus d’une centaine de patients sont désormais hébergés, à leur demande, dans un hôtel.
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Véran, ministre. Enfin, nous faisons acte de solidarité et de coopération avec nos voisins brésiliens, notamment l’hôpital de l’Oyapock, qui a bénéficié de matériels de protection sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
visites ministérielles
M. le président. La parole est à M. Hugues Saury, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hugues Saury. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Lorsqu’un ministre se déplace, les moyens de la République, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à la Nation tout entière, sont mis à sa disposition. Il devrait, dans ces conditions, se faire un devoir de laisser de côté toute attitude qui conduirait à privilégier les représentants d’une chambre plutôt que ceux d’une autre, ou, pire, à favoriser sa famille politique.
Alors que les déplacements se multiplient, les modalités de leur organisation nous laissent désormais songeurs. Ainsi les préfets précisent-ils par écrit que, dorénavant, compte tenu des conditions sanitaires et du maintien des gestes barrières, le choix a été fait qu’un seul député représenterait l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, toutes tendances politiques confondues. C’est pour le moins restrictif !
M. Christian Cambon. En effet !
M. Hugues Saury. Le hasard faisant bien les choses, il semblerait que les circonscriptions concernées par ces visites ministérielles soient, très majoritairement, celles qui sont détenues par les députés de La République En Marche ou de votre majorité. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. C’est un pur hasard !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Quel mauvais esprit !
M. Hugues Saury. Madame la secrétaire d’État, j’ai personnellement vécu cette situation lors de la visite à Orléans de MM. Riester et Lemoyne, venus rencontrer les professionnels du tourisme et de la culture, puis, de nouveau, lors d’une visite ministérielle ce matin même, à la base aérienne d’Orléans-Bricy.
Cette éviction de la représentation nationale n’est pas propre à mon département. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
Mes collègues de Saône-et-Loire, des Yvelines, de la Haute-Garonne, de l’Oise et d’autres départements ont vécu ces derniers jours exactement la même situation. Ils sont devenus personæ non gratæ, leur présence républicaine n’étant pas la bienvenue. Mon collègue du Doubs a même été congédié par le préfet alors qu’il participait à une manifestation patriotique ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La dérive est donc nationale, et l’initiative ne peut plus venir seulement d’un préfet zélé. S’agit-il alors d’une instruction gouvernementale qui viserait à écarter les sénateurs ? (Mêmes mouvements.) Aucun parti ne peut être la République à lui seul !
Pensez-vous, madame la secrétaire d’État, qu’il soit légitime de privilégier les députés, la plupart du temps de votre majorité, et de décider qu’ils représentent à eux seuls toutes les sensibilités, ainsi que, à la fois, l’Assemblée nationale et le Sénat ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SOCR et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. C’est le Premier ministre qui devrait répondre !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Hugues Saury, je vous remercie de votre question, qui va me permettre d’éclaircir l’organisation des déplacements des membres du Gouvernement.
M. François Bonhomme. À la bonne heure !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Il faut distinguer deux périodes. La première fut celle du confinement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), durant laquelle les déplacements ministériels ont été évidemment réduits au strict nécessaire,…
M. Jean-François Husson. Et même à leur plus simple expression !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. … comme vous l’aurez sans doute constaté.
Nous avons alors décidé de consignes nationales permettant de diminuer au maximum les délégations ministérielles, mais également les délégations accueillant les ministres sur place. Une exception a été faite pour les élus dont la présence était rendue obligatoire par leurs fonctions, par exemple parce qu’ils siègent au conseil d’administration d’un établissement. Cela se comprenait aisément, compte tenu de la situation particulière que nous vivions. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis le 11 mai, cette situation particulière perdure malgré tout, même si les conditions sanitaires se sont améliorées au fur et à mesure du temps.
Au fond, depuis le 11 mai, ce qui doit dominer, c’est l’intelligence collective. (Rires et exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. Philippe Dallier. En l’occurrence, c’est plutôt l’intelligence sélective !
M. Marc-Philippe Daubresse. Et même l’intelligence restrictive !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Nous devons nous soumettre, en tant que ministres, aux conditions sanitaires qui sont imposées à l’ensemble des Français : la distanciation physique et le respect des gestes barrières. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Pour chaque déplacement ministériel, on examine donc sa nature et les lieux visités, selon qu’ils sont situés à l’intérieur ou à l’extérieur, et on se demande s’il est nécessaire qu’un grand nombre de personnes accompagne le ministre.
L’application stricte des mesures de distanciation et des gestes barrières doit être notre priorité, pour que ces déplacements ministériels se déroulent dans de bonnes conditions. (Brouhaha croissant sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je conçois aisément, monsieur le sénateur, qu’il soit parfois difficile de comprendre ces situations, qui peuvent créer des frustrations et de l’incompréhension.
M. Bruno Retailleau. Cette réponse mérite un zéro pointé !
M. Jacques Grosperrin. C’est honteux !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Néanmoins, il ne faut y voir ni malice politique ni application d’un quelconque privilège ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et quittent l’hémicycle.)
Je m’étonne que, dans une enceinte démocratique, d’aucuns quittent ainsi la salle !
Les préfets font œuvre de discernement et se fondent sur le décret du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. … pour déterminer qui doit être présent lors de ces visites, l’objectif étant de respecter les gestes barrières.
situation de renault
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Martine Filleul. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Je m’exprime au nom du groupe socialiste, plus particulièrement au nom de mes collègues de Seine-Maritime et du Val-de-Marne.
L’État a garanti un prêt de 5 milliards d’euros à Renault, tandis que ce groupe annonçait un plan d’économie prévoyant 4 600 suppressions de postes en France et la restructuration de 6 usines.
Nous nous félicitons que la colère des salariés de Maubeuge et la mobilisation des élus du territoire, parmi lesquels je me trouvais samedi dernier, aient été entendues et que des garanties aient été apportées. Néanmoins, nous restons vigilants, d’autant plus que d’autres sites sont en sursis.
À Dieppe, il n’y a aucune garantie de la pérennité de l’usine Renault Alpine. À Choisy-le-Roi, la fermeture de ce modèle d’économie circulaire est une aberration. Sans compter la cession de la Fonderie de Bretagne, à Caudan, et les craintes pesant sur Cléon et Sandouville…
Nous ne pouvons nous en satisfaire et demandons des contreparties socialement ambitieuses, avec le maintien de tous les emplois et de tous les sites. Les relocalisations devraient le permettre. Il faut en effet rompre avec trente ans de délocalisations !
Nous avons besoin d’un État qui favorise un large investissement et insuffle une stratégie pour la filière automobile et la réindustrialisation du pays, qui accélère la recherche-développement afin de favoriser l’innovation au service de l’écologie.
L’industrie, particulièrement le secteur automobile, doit se verdir pour respecter l’accord de Paris et l’engagement de mettre fin à la vente de véhicules thermiques.
Madame la secrétaire d’État, l’État, actionnaire majoritaire de Renault, va-t-il imposer des exigences écologiques ? Les aides publiques aux entreprises seront-elles enfin conditionnées au respect de critères sociaux et environnementaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Éric Bocquet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Martine Filleul, le plan de relance automobile annoncé par le président de la République répond très directement à vos préoccupations, que je partage. L’avenir de la filière automobile, c’est effectivement le verdissement et l’innovation.
Qu’il s’agisse de ce plan de 8 milliards d’euros, du projet européen pour la production de batteries électriques, auquel Renault participera, ou des aides prévues pour aider tous les Français, et pas seulement les plus modestes, à acheter des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, donc moins polluants, qui apportent un bénéfice en termes d’émissions de CO2, toutes ces mesures vont dans le bon sens, celui du verdissement de l’industrie automobile.
Nous avons également mis en place des soutiens importants à l’innovation. Je veux ainsi souligner l’effort d’accompagnement des projets de véhicules à hydrogène.
La voiture de demain, c’est non seulement le véhicule vert, mais aussi le véhicule autonome, et il est important que la France construise sa souveraineté en la matière. On connaît le retard de l’Europe et de notre pays en matière de gestion des données et de grandes plateformes numériques. Ce virage du numérique appliqué à l’industrie, nous ne devons pas le rater !
Enfin, l’un des grands volets du plan concerne les relocalisations et le capital humain. Sur le premier point, nous avons pris des engagements, que j’ai cités : 1 milliard d’euros d’investissements, la relocalisation en France de la production de véhicules électriques ou de chaînes de traction électriques.
Nous allons désormais déployer l’ensemble de ce plan, afin que notre industrie automobile soit au niveau des défis qui l’attendent.
restriction de produits anesthésiques
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sonia de la Provôté. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé, et j’y associe ma collègue Nadia Sollogoub.
La tempête du Covid-19 à peine passée, hôpitaux et cliniques doivent désormais reprendre leur activité, car nombreux sont les malades qui ont dû attendre. Dans ce contexte est paru, le 23 avril dernier, un décret visant à réquisitionner cinq produits d’anesthésie en pénurie.
Depuis lors, la situation sur le terrain est illisible. Les pharmacies hospitalières ne peuvent plus commander ces produits, puisque l’État en détient désormais le monopole d’achat et de livraison, la gestion en local se faisant via les ARS. Le but était de rendre prioritaires les établissements les plus touchés par l’épidémie.
Les faibles taux d’approvisionnement imposés ont créé de très fortes tensions dans les territoires. Ces dernières semaines, nombreux ont été les établissements de soins insuffisamment approvisionnés. Beaucoup d’interventions ont dû être décalées. Certains hôpitaux sont rationnés, d’autres sont livrés, mais sans que l’on sache comment est faite la répartition…
Des alternatives dégradées de prise en charge sont mises en place ; c’est un réel recul, avec des risques pour les patients. Une nouvelle crise sanitaire se profile.
La situation est urgente dans certains départements. Les pharmaciens hospitaliers, en lien direct avec les besoins, sont dans un carcan, et celui-ci ne permet ni la réactivité ni la souplesse qui sont nécessaires, pour ne pas dire vitales.
Faute de transparence et de dialogue sur la gestion, les disparités se creusent, l’équité face aux soins est mise à mal. Même la perspective d’une éventuelle seconde vague ne saurait justifier cette situation.
Monsieur le ministre, le stock national est-il reconstitué, comme cela semblerait logique ? Quelles sont les clés de répartition actuelles qui créent des disparités délétères ?
Les besoins sur le terrain pour les patients autres que ceux atteints du Covid sont réels. Quand pensez-vous mettre un terme au contingentement actuel et redonner la main aux acteurs de terrain dans les établissements de santé ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Sonia de la Provôté, je comprends votre question, car, sur l’ensemble du territoire, de nombreux médecins font part de leur émoi et de leurs questionnements.
De quoi parlons-nous ? Le Premier ministre et moi-même l’avons déjà dit à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, la consommation de certains médicaments anesthésiques a augmenté de 2 000 %. Elle demeure très élevée dans certaines régions du monde, notamment le Brésil et les États-Unis, où l’épidémie fait rage. Les consommations de médicaments de réanimation sont priorisées par les grands laboratoires internationaux pour sauver des vies, ce que l’on peut comprendre.
Nous mettons tout en œuvre, semaine après semaine et jour après jour, pour reconstituer un stock national qui nous permette de voir loin, dans l’hypothèse d’une augmentation de l’épidémie, et de faire bénéficier les patients d’opérations chirurgicales réglées et programmées, comme c’est habituellement le cas dans notre pays.
Un médicament pose problème, le propofol, que l’on ne peut pas fabriquer du jour au lendemain, car ses matières premières sont très rares à l’échelle mondiale. Tous les pays font face à cette pénurie, qui complexifie énormément la situation. Je remercie d’ailleurs de leur patience les chirurgiens, qui sont contraints de reporter une partie de leur reprise d’activité.
Je sais qu’il existe des disparités territoriales. La réquisition dont vous parlez correspond plutôt à une gestion nationale du stock et des commandes. Celle-ci vise, premièrement, à sécuriser les commandes à l’international passées auprès de très gros laboratoires qui font face à une demande explosant partout sur la planète. Il s’agit, deuxièmement, de gérer les stocks de façon rigoureuse pour reconstituer notre capacité nationale de réponse, au cas où se produirait de nouveau un afflux de malades en réanimation, et pour permettre à chaque établissement d’assurer tout ou partie de son activité chirurgicale.
Hélas, madame la sénatrice, pour ce qui concerne le propofol, la situation ne reviendra pas à la normale avant plusieurs semaines. Il faudra attendre cet été pour que reprenne une chirurgie programmée à 100 %. Néanmoins, s’agissant de l’anesthésie locorégionale, de la chirurgie d’urgence et de la chirurgie carcinologique, l’activité se poursuit ; elle n’a d’ailleurs jamais été suspendue, y compris pendant la période épidémique.
Je vous prie de croire que nous mettons tout en œuvre pour sécuriser les commandes et importer massivement ces produits.
Votre question touche à des problématiques que nous avons déjà abordées dans cette enceinte : l’autonomie de la France et de l’Europe concernant ces médicaments absolument indispensables et vitaux. Nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le ministre, il faudrait redonner de l’autonomie sur le terrain, car l’architecture du système est en inadéquation avec la décision nationale en termes de répartition.
Bon nombre des acteurs concernés considèrent qu’il y a une absence de transparence et que la répartition est inégalitaire. Les choses devraient au moins se dérouler de façon claire, pour qu’il n’y ait pas de perte de chance d’un territoire à l’autre.
Enfin, au moment du Ségur de la santé, il conviendrait de s’interroger sur l’administration centrale hospitalière et l’administration régionale de la santé, pour redonner force et pouvoir aux acteurs de terrain dans le domaine de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
relocalisation en france et en europe de l’approvisionnement des médicaments
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Christine Herzog. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
La crise sanitaire a mis en évidence la pénurie de certains médicaments essentiels, ainsi que les failles de notre système d’approvisionnement. Le problème n’est pas nouveau, puisque la fabrication des molécules de médicaments est aujourd’hui délocalisée à 80 %.
Les stocks de nombreux traitements dépendent de réseaux de distribution internationaux, et certains médicaments, notamment des génériques, sont fabriqués uniquement en Inde ou en Chine. Cette dépendance portant sur des produits stratégiques est d’autant plus inquiétante que notre pays ne dispose pas des chaînes de production nécessaires.
Nous savons que la relocalisation est un processus long et complexe. Toutefois, il serait possible d’envisager un rapatriement progressif sur le territoire français et européen.
La fabrication de molécules majeures, par exemple celles qui sont utilisées dans le traitement du cancer ou de longues maladies, doit faire partie des priorités, tout comme la production de médicaments génériques, aujourd’hui sous-traitée à 100 % et qui devrait, au moins en partie, être relocalisée sur le sol français.
N’oublions pas que cette pénurie a créé de graves tensions lors de la prise en charge des maladies liées au Covid. En mars dernier, les hôpitaux européens, notamment ceux de Paris, ont alerté les pouvoirs publics sur le manque de médicaments essentiels dans les unités de soins intensifs et de réanimation. Ce type d’alerte doit impérativement être pris au sérieux si l’on veut éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Je souhaite connaître, madame la secrétaire d’État, vos intentions en la matière, et savoir si le Gouvernement a déjà entrepris les démarches concernant la relocalisation de la production de médicaments sur notre territoire et au niveau européen.