M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne vais pas répondre à l’ensemble des interventions, mais simplement donner quelques chiffres relatifs aux contrôles qui ont été réalisés sur la mise en place effective du plafonnement des frais bancaires, puisque certains orateurs ont affirmé que les engagements pris étaient purement déclaratifs.
Deux organismes dont les pouvoirs sont assez étendus réalisent ces contrôles : l’ACPR et la DGCCRF.
L’ACPR a procédé à deux vagues de contrôles sur seize établissements bancaires appartenant aux cinq grands réseaux nationaux qui représentent 98 % des clients fragiles. L’Autorité a constaté un gel des tarifs appliqués en 2019 et l’absence de rattrapage en 2020. En outre, 1,1 million de clients ont bénéficié d’un plafonnement de leurs frais bancaires. Les frais d’incidents bancaires sont en moyenne de 19 euros par mois. L’offre spécifique concerne 487 000 bénéficiaires, ce qui représente une augmentation de 27 % par rapport à 2018. Les moins de 15 % de situations non conformes font l’objet d’un suivi de la part de l’ACPR et d’une mise en demeure en l’absence de régularisation.
Les engagements pris par le Gouvernement en 2018 sont donc appliqués et contrôlés ; je veux être très claire sur ce point, même si cela est peut-être différent de la situation qui prévalait auparavant…
De la même manière, la DGCCRF vérifie la bonne application de la réglementation sur les frais bancaires et la détection des publics fragiles. Sur une période de douze mois, elle a inspecté dans soixante-deux départements 1 500 comptes de particuliers.
Je ne vais pas entrer dans le détail, mais je voulais simplement apporter cette précision qui me paraissait utile. Fort heureusement, nous n’avons pas attendu la crise pour nous occuper des publics les plus fragiles !
M. le président. La discussion est générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.
proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article unique
I. – L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-3. – I. – Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et les facturations de frais et de services bancaires sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au II du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques, d’un montant inférieur au tiers du plafond mentionné au présent I.
« II. – Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
« III. – La Banque de France, le Président du conseil départemental, le Président du centre communal d’action sociale ou le Président du centre intercommunal d’action sociale peuvent, pour les personnes résidant sur le territoire de leur compétence, enjoindre sous huitaine un établissement bancaire à proposer cette offre spécifique à un de leurs clients et ainsi à appliquer le plafond spécifique mentionné au I.
« IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Comme l’ont rappelé d’autres collègues avant moi, cette proposition de loi présente un certain nombre de biais, si je puis dire. Elle a néanmoins le mérite de porter un regard appuyé, aiguisé sur les publics fragiles qui doivent faire face à des frais financiers et bancaires. Évidemment, la proposition de loi a été construite et déposée bien avant la crise sanitaire et la crise économique que nous allons aborder maintenant. Aussi, les publics fragiles auxquels vous pensiez à ce moment-là, mes chers collègues, ne sont peut-être pas ceux d’aujourd’hui.
Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur les étudiants, qui font face à des difficultés financières, parce qu’ils n’ont pas d’emploi, par définition. De surcroît, certains d’entre eux vont finir leur cursus de formation cet été et ils vont devoir commencer à rembourser leur emprunt étudiant. À mon sens, ils devraient pouvoir bénéficier d’un report, et cette proposition de loi peut être l’occasion de nous interroger collectivement sur la pertinence d’une telle mesure. Bien que cela ne corresponde pas tout à fait à l’objet du texte, je profite de la présence de Mme la secrétaire d’État parmi nous pour lui demander s’il est envisageable, non pas de réglementer – j’ai bien entendu que nous n’étions pas toujours en phase quant à l’obligation de légiférer sur ce genre de dispositif –, mais d’interroger les organismes bancaires pour aller dans ce sens. Il me semble qu’une telle mesure est attendue dans le monde étudiant.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de trois sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 312-1-1 A, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
2° L’article L. 312-1-3 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Pour les personnes mentionnées au troisième alinéa du présent article, les frais liés aux irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et aux incidents de paiement sont plafonnés par mois et par an. » ;
c) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les éléments pris en compte par les établissements de crédit pour apprécier la situation de fragilité sont transmis, chaque année, à l’observatoire de l’inclusion bancaire et publiés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Comme Stéphane Piednoir vient de le dire à l’instant, il convient de bien prendre en compte des situations variées, comme celle des étudiants. Je pense qu’un contact avec les réseaux bancaires sur ce sujet pourrait être bienvenu pour apporter des réponses adaptées.
Comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, les principales orientations de ce texte, déposé par le groupe socialiste et républicain, ne me semblent pas aller dans le bon sens ou, en tout cas, ne méritent pas d’être retenues en tant que telles. Je propose donc une réécriture générale de cet article unique non seulement pour intégrer des préoccupations permettant de faire évoluer le cadre législatif actuel, mais aussi pour répondre à un certain nombre d’interrogations qui sont ressorties des interventions des uns et des autres sur la nécessaire transparence et la clarté des informations provenant des établissements bancaires. Il importe que nous puissions analyser la situation et, pour cela, nous avons besoin de données extrêmement précises.
C’est pourquoi cet amendement a pour objet de prévoir, d’une part, le plafonnement global dans la loi des frais d’incident bancaire pour les personnes en situation de fragilité financière. Cela correspond aux engagements pris par la profession bancaire en décembre 2018, que nous transcrivons dans le texte. Cette mesure va permettre de protéger durablement les personnes en situation de fragilité financière contre une cascade de frais.
D’autre part, il vise à assurer la transparence des critères mis en œuvre par les banques pour identifier leurs clients fragiles en rendant obligatoire leur transmission à l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB). Je rappelle qu’il existe également un Observatoire des tarifs bancaires, puisque ce problème a été évoqué tout à l’heure. Tout cela est observé effectivement, cher Éric Bocquet, mais, pour ce qui concerne les clients en situation de fragilité, c’est bien l’Observatoire de l’inclusion bancaire, lequel réunit à la fois les professionnels des établissements financiers et les organisations de consommateurs, qui constitue le lieu idoine pour appréhender cette problématique dans les meilleures conditions.
Enfin, je crois que le Gouvernement s’est engagé par ailleurs à ce que la procédure de name and shame soit utilisée, le cas échéant, si des pratiques qui ne correspondent pas aux termes de la loi étaient observées. Dans ce cas, il faut que les orientations retenues par les établissements puissent être connues de tout le monde et réprimées.
M. le président. Le sous-amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Amendement n° 14, alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les commissions d’interventions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire ne peuvent être facturées que si une intervention a été effective par un conseiller bancaire.
Monsieur Guerriau, pouvez-vous présenter en même temps les sous-amendements nos 18 rectifié bis et 19 rectifié bis ?
M. Joël Guerriau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Amendement n° 14, alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’établissement doit permettre au titulaire de ce compte de procéder aux ajustements nécessaires au moins cinq jours avant de procéder au prélèvement et apporter la preuve de l’avoir avisé préalablement.
Le sous-amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :
Amendement n° 14, alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
En cas de manquement à ces vérifications, l’établissement est sanctionné d’une pénalité d’un montant dix fois supérieur au montant prélevé. Ce montant est reversé au titulaire du compte sur lequel les commissions ont été perçues.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Je reviens sur ce que j’ai dit. En fait, si cet amendement de la commission était adopté, je souhaiterais qu’il soit précisé sur un certain nombre de points, ce qui nous permettrait de mieux cibler les conséquences des pratiques que l’on constate aujourd’hui, et notamment de la fameuse commission d’intervention.
À l’origine, cette pratique était louable, puisqu’il s’agissait pour les banques qui l’avaient mise en place de faire en sorte que leurs clients changent de comportement lorsqu’ils avaient une tendance à se laisser aller à des irrégularités trop fréquentes. Or il se trouve que cette commission, aujourd’hui, est bien perçue par les établissements bancaires sans qu’il y ait la moindre intervention d’un conseiller.
Je propose, de manière équitable, de laisser la possibilité de percevoir cette commission, à condition qu’elle soit la contrepartie d’un travail bancaire effectif.
Comme un de nos collègues l’a dit en parlant de questions éthiques, il est utile d’avoir un cadre qui permette d’autoriser la banque à prélever de telles commissions, à condition qu’elles correspondent à un travail effectif de sa part, et non pas à une surenchère d’agios, qui aboutit à une augmentation des découverts des clients, alors même que, dans la réalité, le banquier n’a réalisé aucun travail effectif.
Je souhaite donc que notre assemblée adopte ce sous-amendement n° 17 rectifié bis, car il ne « mange pas de pain ». Il vise simplement à enjoindre aux banques d’être raisonnables et de n’appliquer des commissions que dans la mesure où elles ont effectivement mené une action auprès du client pour le sensibiliser et le prévenir, soit par un coup de téléphone, soit par un mail, qu’il devait régulariser son compte dans les plus brefs délais.
Ce premier sous-amendement ne fait que cadrer les choses de la manière la plus régulière possible pour éviter les abus constatés, qui viennent creuser les découverts des clients en ajoutant de nouvelles commissions d’intervention, etc. On n’en finit plus ! Je souhaite simplement mettre un terme à une situation abusive en imposant un comportement éthique aux banquiers.
Imaginez que vous allez dans une pharmacie pour un mal de gorge. Vous demandez un médicament au pharmacien pour vous soigner. Plus tard, vous vous rendez compte que l’on vous a prélevé des frais médicaux sur votre compte bancaire, comme si vous étiez allé voir votre médecin. Autrement dit, on vous facture une visite chez le médecin, alors que vous ne l’avez pas vu. C’est la même chose pour les commissions d’intervention.
Les sous-amendements suivants portent sur les délais et, enfin, les pénalités, au cas où ces règles ne seraient pas respectées.
Avec le deuxième sous-amendement, je propose un délai de cinq jours pour prélever la commission d’intervention, après avoir préalablement prévenu le client du risque qu’il encourait. C’est d’autant plus nécessaire que, avec la dématérialisation, le client, très souvent, ne s’en rend pas compte. Il constate le prélèvement trop tardivement, au moment où il consulte ses comptes sur internet.
Le troisième sous-amendement porte sur les pénalités. Il s’agit de dire à la banque qui serait tentée de ne respecter ni les règles portant sur l’action effective ni les délais de prévenance qu’elle sera pénalisée. Cette pénalité correspondrait à dix fois le montant prélevé au client dès l’instant qu’elle n’aurait pas respecté les règles qui relèvent de l’éthique : premièrement, je fais effectivement le travail pour lequel je me fais rémunérer ; deuxièmement, je donne un délai aux clients pour qu’ils réagissent ; troisièmement, je suis pénalisée si je n’ai pas respecté ces règles.
Voilà, ces propositions sont très simples, basiques et de bon sens et leur adoption permettrait d’établir un cadre correct, clair et transparent.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de leurs services proposés aux personnes vulnérables au regard de leur situation de fragilité financière, les établissements de crédits publient deux fois par an, sur leur site internet, les critères retenus, le nombre de bénéficiaires dans leur réseau, ainsi que le montant moyen des frais payés par eux. »
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. La transparence est évidemment un sujet clé pour comparer les offres bancaires. L’objet de cet amendement est donc d’améliorer la transparence. Nous savons que les critères pour bénéficier de l’offre spécifique sont précisés par le code monétaire et financier : il s’agit des personnes inscrites au fichier central des chèques de la Banque de France pendant plus de trois mois consécutifs, à cause d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par leur banque, et des personnes faisant l’objet d’une procédure de surendettement.
Néanmoins, une plus grande marge de manœuvre est laissée aux banques s’agissant des personnes en situation de fragilité financière. Ainsi, les études réalisées par l’ACPR montrent que certains établissements bancaires usent de critères particulièrement restrictifs pour apprécier la fragilité de leurs clients. Ce sont par exemple uniquement ceux dont les revenus sont inférieurs à 1 200 euros par mois, quel que soit leur historique d’incidents de paiement.
Nous proposons que les banques rendent publics, notamment sur leur site internet, le nombre de clients identifiés comme vulnérables, les critères qu’elles ont retenus et le montant moyen des frais qu’ils ont payés.
Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’inscrire dans la loi les engagements pris par les banques en septembre 2018, c’est-à-dire le plafonnement à 250 euros par an et à 25 euros par mois des frais bancaires pour les clients les plus fragiles, et à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les détenteurs de l’offre spécifique. Nous pensons en revanche que cette transparence dans les critères retenus, qui seraient ainsi davantage connus de tous, pourrait permettre d’assurer une plus grande équité de traitement, et surtout de pointer du doigt les mauvaises pratiques.
Nous nous abstiendrons sur l’amendement de la commission des finances. Cette intervention vaudra explication de vote sur les autres amendements et sous-amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements et sur l’amendement n° 8 ?
M. Michel Canevet, rapporteur. S’agissant des sous-amendements de M. Guerriau, je voudrais rappeler que les commissions d’intervention sont plafonnées aujourd’hui à 8 euros par opération et à 80 euros par mois pour l’ensemble de la population, et à 4 euros par opération et à 20 euros par mois pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique.
Bien sûr, je partage tout à fait l’idée de mettre l’accent sur une démarche préventive, qui est effectivement souhaitable. Simplement, le dispositif proposé risque de ne pas être opérationnel, car il est concentré sur les seules commissions d’intervention, alors même que les frais d’incident bancaire excèdent cette seule question. Les banques tendent d’ailleurs à mélanger les commissions d’intervention avec d’autres frais. Il faut aussi souligner que la facturation actuelle des commissions d’intervention, lorsqu’elle est intégrée à un montant forfaitaire de frais de rejet, ne permet pas aux clients de visualiser le respect effectif du plafond. Enfin, je crois que le cadre législatif actuel prévoit déjà l’information préalable du client. Le sujet relève à mon avis plutôt des modalités réglementaires de mise en œuvre de cette information. J’émets donc un avis défavorable sur les trois sous-amendements, même si, je le répète, il faut accentuer la démarche préventive.
L’amendement n° 8 de M. Bargeton, qui vise à assurer la publicité des critères retenus par les établissements de crédit pour l’identification de la clientèle en situation de fragilité financière, est à mon sens satisfait par le dispositif que je propose. J’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. S’agissant des trois sous-amendements, je vais reprendre l’argumentaire du rapporteur. Effectivement, il y a déjà un plafonnement des commissions d’intervention. Celles-ci interviennent en regard, justement, du non-respect de la convention bancaire. Vous parlez de sanction : c’est un peu la même logique, mais appliquée aux clients et l’enjeu est de prévenir ces situations. J’émets donc un avis défavorable.
Je demande le retrait de l’amendement n° 14, en cohérence avec la position que j’ai exprimée sur l’ensemble de la proposition de loi. En fait, cet amendement est satisfait par le dispositif actuel. Il y a déjà un plafonnement et, par ailleurs, l’OIB collecte déjà les critères de fragilité utilisés par les établissements. Ceux-ci publieront dès cette année, dans leur rapport annuel, ces critères d’identification. C’est une avancée que nous mettons en place cette année, de façon à ce que non seulement l’OIB, mais également le public puissent y avoir accès.
Enfin, monsieur Bargeton, je vous suggère de retirer l’amendement n° 8 pour la même raison, c’est-à-dire qu’il est satisfait, même si la publication est prévue seulement une fois par an, au lieu de deux, comme vous le proposez. Cependant, il y aura bien, au-delà de l’OIB, l’obligation d’une publication annuelle des critères de fragilité, qui sont d’ailleurs, je le rappelle, encadrés réglementairement par l’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier. Vous mentionnez le niveau d’approvisionnement du compte, qui reste à la main de la banque. C’est justement ce que nous voulons faire préciser.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Les sous-amendements sont intéressants, même s’ils abordent parfois des questions périphériques par rapport à l’objet initial de la proposition de loi. En donnant votre avis sur les sous-amendements, madame la secrétaire d’État, vous avez dit que les commissions d’intervention répondaient non pas à une logique de rémunération d’un travail, mais à une logique de sanction. C’est précisément de cette logique que nous voulons sortir.
Par ailleurs, le sous-amendement n° 18 rectifié bis vise à donner au client le temps de rattraper un oubli, à moins, évidemment, de trouver d’autres solutions. Or cela concerne non pas les clients les plus en difficulté des banques, mais, en général, ceux qui ont oublié de virer de l’argent d’un compte d’épargne vers leur compte courant. Quant au sous-amendement n° 19 rectifié bis, il a pour objet d’imposer des sanctions supplémentaires en cas de non-respect des règles. Je crois que cela va aussi dans le bon sens.
Je dirai la même chose concernant la transparence, sujet qu’aborde l’amendement n° 8 présenté par Julien Bargeton. Comme le disait Laurence Rossignol lors de la discussion générale : puisque les banques prétendent respecter ce principe, quel problème y aurait-il à l’inscrire dans la loi ? En réalité, ce refus de légiférer vise toujours à permettre d’interpréter a minima les engagements pris et, le cas échéant, de les oublier en cours de route, sur la durée. Je crois donc qu’il est important d’inscrire les obligations de transparence dans la loi.
C’est ce que permet d’ailleurs l’amendement n° 14 présenté par le rapporteur, qui constitue un véritable progrès. S’il est adopté – je n’ai guère de doute sur ce point –, cet amendement constituera la colonne vertébrale du texte que le Sénat adoptera. À partir du moment où cette colonne vertébrale existe, nous aurons permis un progrès par rapport à la situation actuelle. C’est une évidence et c’est vraiment très important. Néanmoins, cet amendement vise à réécrire notre proposition de loi, qui ne comporte qu’un article unique, tout en limitant beaucoup sa portée et son impact en la limitant aux frais pour incidents bancaires et aux publics les plus fragiles.
Je veux d’ores et déjà noter le travail sérieux et les progrès certains obtenus cet après-midi au Sénat. Toutefois, comme nous pensons qu’il faut être plus ambitieux que le rapporteur, nous ne voterons pas son amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je veux d’abord remercier M. Rémi Féraud de son interprétation de mes sous-amendements. J’ai du mal à comprendre l’intervention de M. le rapporteur. Je n’ai pas posé la question de savoir s’il fallait plafonner ; j’ai posé la question de savoir s’il fallait laisser perdurer une pratique injustifiée, qui consiste à prélever des frais pour une prestation qui n’a pas été réalisée. C’est comme si l’on acceptait finalement un vol manifeste.
Je ne comprends pas que le législateur ne réagisse pas. Comment accepter que les banques, qui admettent que la commission « d’intervention » ne correspond plus à une intervention, tentent de nous rassurer en disant qu’elle sera plafonnée ? Cela revient à autoriser une irrégularité et prétendre l’atténuer en invoquant le plafonnement. On pose une limite à un vol manifeste. Je suis désolé : s’il y a intervention, il y a facturation ; s’il n’y a pas intervention, il n’y a pas facturation ! Mon sous-amendement est extrêmement simple : l’intervention doit être effective !
Vous êtes en train d’autoriser que perdure une pratique inacceptable. Je le dis haut et fort, et si vous voulez m’attaquer, il n’y a aucun souci. Je ne manque pas de preuves.
Un de nos collègues vient de nous parler des étudiants. Figurez-vous que j’ai reçu une pétition d’étudiants qui se plaignent des commissions d’intervention. Les étudiants sont touchés par cette pratique, et en grand nombre. Ce sont même eux qui sont les premiers touchés par ces commissions d’intervention, qui ne sont justifiées par aucune intervention réelle. Je trouve inadmissible que, en tant que législateurs, nous puissions accepter cette situation en nous rassurant avec le plafonnement. Cela me choque énormément ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je vais bien évidemment soutenir l’amendement du rapporteur, mais je souhaite aussi soutenir les sous-amendements nos 17 rectifié bis et 18 rectifié bis.
S’agissant de l’intervention effective, je serai moins énergique que notre collègue auteur de ces sous-amendements, mais je voudrais rappeler, notamment à notre président de séance, qui met tellement de soin à présenter des « textes balais », que ce n’est pas le seul sujet pour lequel on prélève des frais pour des interventions qui n’existent pas. Ainsi, en matière de saisies immobilières, le créancier continue à payer une somme astronomique pour le salaire du conservateur des hypothèques, qui n’existe plus depuis des dizaines d’années. Je ne suis pas non plus d’accord pour payer des services qui n’existent pas et je soutiens donc le premier de ces sous-amendements.
En ce qui concerne le deuxième sous-amendement, c’est une question d’information, et puisque l’on a réduit le champ de cette proposition de loi par rapport à l’ambition initiale et qu’elle est tout à fait conforme à ce que voulait notre commission des finances, je pense que l’on peut ajouter un peu de transparence, car cela ne nous emmène pas trop loin. Au contraire, ce sous-amendement nous permettra d’avoir une vision plus claire de l’ensemble des frais bancaires et des prélèvements.