M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler d’abord l’action que le Gouvernement mène en la matière depuis le début de la crise.
Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin – ministre de l’action et des comptes publics – Olivier Dussopt et moi-même avons demandé aux préfets d’accorder aux collectivités territoriales, des avances sur les douzièmes de dotation globale de fonctionnement, mais aussi de fiscalité, afin de soutenir la trésorerie des collectivités qui en auraient besoin. Pour votre information et celle du Sénat, sachez que, à l’heure actuelle, seule une centaine de collectivités a eu recours à cette facilité de caisse, ce qui signifie que, globalement, la situation reste soutenable pour la plupart d’entre elles.
J’ai également demandé aux préfets de mobiliser la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) avec souplesse, pour relancer les travaux urgents dans nos territoires en soutien au tissu économique local.
Nous sommes par ailleurs en train d’évaluer les pertes de recettes engendrées par cette crise pour les collectivités. Vous avez vous-même avancé un chiffre. Vous le savez, Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, réalise actuellement une mission d’évaluation sur le sujet que lui a confiée le Premier ministre – nous avons tous identifié des taxes qui ont beaucoup diminué pour certaines collectivités comme la taxe de séjour, l’octroi de mer, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et évidemment la contribution économique territoriale.
M. François Patriat. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il rendra dans les prochains jours ses premières conclusions ; elles seront étudiées par le Gouvernement dans la perspective d’un nouveau projet de loi de finances rectificative à venir – prochainement –, qui comportera des mesures en faveur des collectivités territoriales.
Notre action ne s’arrête bien sûr pas à ce budget rectificatif : le projet de loi de finances pour 2021 sera également un moment essentiel, puisque les pertes de recettes engendrées par la crise se feront sentir à court, à moyen et à long terme de façon différée, si je puis dire. Le débat budgétaire pour 2021 comprendra aussi une réflexion sur l’investissement dans nos territoires. Aujourd’hui comme demain, vous l’avez dit, nous n’abandonnerons pas les collectivités locales, madame la sénatrice !
M. le président. Il faut conclure.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour une réplique en flèche ! (Sourires.)
Mme Nadine Grelet-Certenais. Merci, monsieur le président ! Je retournerai auprès des élus locaux en tant que futur maire de La Flèche dès la semaine prochaine. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
J’en témoigne personnellement, les élus locaux ont été au front durant toute cette période. Ces budgets ne sont pas encore terminés, mais, d’après les comptes administratifs et le prévisionnel qu’ils sont en train d’établir, on est loin du compte. Ils sont très inquiets ; avec les acteurs économiques qui nous sollicitent déjà sur le terrain, ils attendent des réponses très concrètes et rapides ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
fonctionnement de la justice pendant l’épidémie de covid-19
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. Jérôme Bignon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Elle porte sur la gestion de la justice civile et pénale pendant le confinement.
Dans Le Monde du 14 avril, un journaliste observe que chaque juridiction a construit son propre plan en fonction de ses particularités en matière de contentieux et d’organisation. C’est le maintien de l’activité pénale d’urgence et le contentieux des libertés qui prime. La justice civile, c’est une autre affaire ! D’après cet article, aucune chambre civile ne se réunit pour délibérer, malgré la procédure sans audience prévue par une ordonnance du 25 mars.
Ayant longtemps été avocat moi-même, j’ai tenté de vérifier les informations contenues dans cet article en effectuant un très rapide et modeste tour de France des juridictions, afin de ne pas m’arrêter sur le ou les tribunaux qui auraient dysfonctionné. Durant une demi-journée, j’ai contacté Mmes les bâtonniers d’Amiens et de la Meuse – de Verdun et de Bar-le-Duc –, MM. les bâtonniers de Lille, de Béthune, d’Angers, ce dernier étant coprésident de la Conférence des bâtonniers du Grand Ouest et l’un de mes anciens associés du barreau de Lyon. Il s’agissait pour moi de tenter de constituer un échantillon représentatif afin de rendre ma question plus pertinente.
À l’issue de ces riches entretiens avec des bâtonniers engagés, je n’ai pas eu le sentiment qu’une catastrophe généralisée s’était produite. Pour deux d’entre eux, tout a même bien fonctionné.
Les autres m’ont fait part de l’une ou l’autre des remarques suivantes.
Ils ont souligné que la justice a manqué d’une doctrine nationale sur ce qu’il convenait de faire, ouvrant ainsi la voie à des initiatives locales, mais aussi à des absences d’initiatives.
Ils ont déploré que le système informatique utilisé par les avocats avec les greffes, RPVA, ne soit pas accessible par les magistrats travaillant à leur domicile sur leur portable.
Ils ont considéré que la sécurité sanitaire mettait en conflit plusieurs vérités concurrentes : la santé des personnes – des magistrats, des avocats, des greffiers, mais aussi des justiciables, en particulier le service des justiciables en droit de la famille ; la santé économique des cabinets d’avocats, du fait du problème posé entre autres par l’aide juridictionnelle.
Ils ont relevé que des dysfonctionnements nombreux, mais pas généralisés, liés au droit de retrait de certains magistrats, ont rendu impossible l’organisation d’audiences et occasionné des retards de jugement.
Une mission d’information serait nécessaire, une après-midi d’enquête ne suffit pas. Ma question est donc nourrie par des réponses variées, plutôt constructives : quelles leçons entendez-vous tirer de cette période, madame la garde des sceaux, afin de permettre un fonctionnement de la justice mieux adapté aux crises ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bignon, je vous remercie d’avoir pris soin d’effectuer cette enquête, même si elle renvoie à des situations éparses, et de l’honnêteté de la question que vous me posez.
Il est vrai que le fonctionnement de la justice durant le confinement n’a pas été exactement celui qui a parfois été décrit ici ou là de manière catastrophique.
La justice comprend une partie visible et une partie cachée.
La partie visible, ce sont les palais de justice, lesquels sont des lieux de rencontre. Nous avons évidemment dû les fermer dès le 16 mars en raison du Covid-19 afin d’éviter la propagation de l’épidémie. Nous avons immédiatement pris plusieurs instructions pour tous les tribunaux en vue de leur donner un socle commun pendant cette période. Cela étant, qu’y a-t-il de commun entre le tribunal de Paris, qui compte 1 800 agents, et le tribunal de Mende, qui en totalise une petite vingtaine ? Une adaptation locale des instructions données à l’échelon national était forcément nécessaire.
Dans la partie cachée, des magistrats et des greffiers ont pu continuer à travailler. Ils ont traité le contentieux de l’urgence, les référés, les urgences civiles et pénales, rédigé des jugements. C’est ainsi que 5 650 jugements civils ont été rédigés à Paris, 600 à Lille, et je pourrais multiplier les exemples. Des juges des libertés et de la détention ont beaucoup travaillé. À Lille, ils ont délivré plus de 1 000 ordonnances.
Bref, l’activité a été soutenue.
Tout cela a été rendu possible parce que nous avons pu, dans certains endroits, travailler tout à fait correctement avec les barreaux grâce aux procédures nouvelles que nous avions mises en place – je pense aux procédures sans audience.
Pour les avocats, le ministère de la justice, au-delà des dispositifs nationaux, a mis en place une avance sur l’aide juridictionnelle à venir de 50 millions d’euros.
Nous avons pu également bénéficier de tout le travail qui avait été réalisé depuis deux ans…
M. le président. Pensez à conclure.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’y pense, monsieur le président.
Nous avons bénéficié de tout le travail qui a été effectué depuis deux ans, disais-je : la numérisation du monde de la justice, le renforcement des réseaux, la distribution d’ultraportables à tous les magistrats et à certains greffiers. Bref, nous devons développer le numérique, mais ce travail est déjà bien engagé. (M. François Patriat applaudit.)
réforme de la santé
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. Michel Raison. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Les soignants n’ont pas attendu l’épidémie pour démontrer leurs compétences. Les Français qui ont eu à connaître l’hôpital avant la crise sanitaire tenaient déjà en haute estime le personnel soignant, car ils mesuraient déjà le dévouement des aides-soignants, des infirmiers, des médecins, des brancardiers, des agents de nettoyage. Depuis des mois, unanimement, ces personnels appelaient à l’aide et dénonçaient leurs conditions de travail.
Ne commettons pas une nouvelle erreur de diagnostic : le mal est profond, le mal est ancien. La réponse ne doit être ni contextuelle ni provisoire, ce qui serait pire.
Prescrire médailles et participation à un défilé guerrier est dans le meilleur des cas une blague de mauvais goût, dans le pire, une pique incendiaire.
Le Président de la République a annoncé un plan pour l’hôpital, dont on ignore tout pour le moment. Nous souhaitons tous en connaître les contours et son articulation avec l’ensemble des acteurs de santé. Nous nous méfions des discours de théâtre.
Ce plan sera-t-il pensé de façon locale, articulé autour des territoires et des professionnels de santé, qui sont au plus près des malades, mais aussi des dysfonctionnements organisationnels ?
Êtes-vous prêts à engager une véritable décentralisation de la décision et à prévoir autre chose que des agences régionales de santé, simples courroies de transmission de l’État central ?
En d’autres termes, êtes-vous prêts à rompre enfin avec le « fléau bureaucratique », pour reprendre l’expression récente, que, pour ma part, je n’aurais pas osé employer, des professionnels de médecine exerçant à l’hôpital public ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michel Raison, permettez-moi tout d’abord de m’associer à l’hommage que vous avez rendu aux personnels soignants pour leur action durant cette crise, mais aussi avant elle, qu’ils soient médecins, hospitaliers, infirmiers.
Oui, vous avez raison, il est désormais nécessaire, pour ne pas dire impératif, de mieux prendre soin de ceux qui nous soignent. C’est en partant de leur expérience, notamment pendant cette crise, que nous devons bâtir le plan pour l’hôpital que vous avez évoqué. Chacun devra y être associé : les partenaires sociaux évidemment, mais aussi les collectifs hospitaliers. C’est tout le sens du Ségur de la santé lancé par Olivier Véran. Une première réunion se tiendra lundi prochain.
Dès la fin du mois de mai, nous organiserons dans les territoires un retour d’expérience des soignants, afin d’évaluer les succès, les réussites, les attentes aussi de ceux qui ont fait tenir l’hôpital pendant cette crise.
Cette crise a parfois confirmé des choses que nous savions. Elle a aussi parfois bousculé nos certitudes. Elle a permis de l’inventivité, de la créativité, de nouvelles pratiques. C’est tout cela que nous voulons, monsieur le sénateur, faire remonter des territoires pour bâtir l’hôpital de demain.
Les Français aspirent à une protection sociale qui soit forte, à un modèle de santé qui soit à la hauteur, qui soit efficace, et le Gouvernement a envie d’aller vite. Les changements devront intervenir non pas dans plusieurs années, mais bien d’ici à quelques mois. Le ministre Olivier Véran l’a dit aujourd’hui à la sortie du conseil des ministres : « nous n’avons été ni assez vite ni assez fort ».
L’objectif, désormais, est que ce plan soit présenté cet été afin de le traduire dans le prochain projet de budget de la sécurité sociale, dont vous aurez l’occasion de débattre ici.
Nous n’avons pas besoin de faire un diagnostic, il est déjà connu ; il nous faut désormais avancer plus rapidement. Il n’y aura pas de sujet tabou, par exemple sur l’articulation entre le public et le privé. Les agences régionales de santé, que vous avez évoquées et que vous connaissez bien, ont su aussi montrer qu’elles pouvaient être en pilotage et en appui et que l’on pouvait collectivement, probablement avec des améliorations, gouverner en proximité.
M. le président. Il faut conclure.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je conclus, monsieur le président.
C’est donc bien à l’échelle des territoires de santé qu’il faut penser l’organisation des soins de demain. Nous comptons bien évidemment sur les sénateurs pour apporter leur pierre à cet édifice dans les semaines à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique.
M. Michel Raison. Merci, monsieur le secrétaire d’État, mais vous n’avez pas répondu à ma question sur la bureaucratie. Vous le savez, le taux de personnels administratifs en France par rapport aux personnels soignants est trop élevé. J’espérais une réponse concrète à cette question.
Vous allez certes organiser en quelque sorte des états généraux locaux – cela a été fait pour l’agriculture, mais cela n’a rien donné –, mais, ce que je souhaite, pour ma part, c’est que l’on crée de véritables synergies entre tous les acteurs de la santé, qu’ils soient libéraux ou publics, qu’ils soient médecins ou infirmiers. Vous ne m’avez pas répondu non plus sur cet aspect. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
restructurations chez renault sur le site de flins
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, c’est en tant qu’Yvelinoise que je vous pose ma question, à laquelle s’associent tous mes collègues des Yvelines, premier département automobile d’Île-de-France.
Monsieur le Premier ministre, personne ici n’ignore les difficultés du groupe Renault : une gouvernance et un management bouleversés, des résultats commerciaux et industriels difficiles, des tensions avec Nissan. À cela viennent s’ajouter aujourd’hui les effets de la crise, bien sûr : Renault vient d’annoncer une baisse de 79 % de ses ventes en avril en Europe.
Hier soir, des informations ont été publiées dans la presse, selon lesquelles le plan de restructuration attendu du groupe Renault se traduirait par la fermeture ou la transformation à court ou moyen terme de plusieurs sites, dont celui de Flins-sur-Seine principalement.
Monsieur le Premier ministre, l’État est un actionnaire important du groupe Renault, il ne méconnaît donc en rien ses intentions.
Le plan de soutien et de relance du secteur automobile annoncé par Bruno Le Maire serait fondé sur un modèle « plus durable ». Le site de Flins-sur-Seine, qui s’appuie sur un écosystème puissant de sous-traitants locaux, sur la proximité d’un centre de recherche consacré au véhicule autonome et propre, est le site de production emblématique de ZOE, au cœur d’un territoire d’industrie que vous avez récemment mis en place.
Il est donc le site idéal pour servir de point de départ à une stratégie de transformation vers plus de durabilité. Il ne saurait en être autrement. D’ailleurs, vous allez probablement octroyer dans les jours qui viennent un prêt garanti de l’État de 5 milliards d’euros à Renault afin de conforter sa branche électrique.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous confirmer que l’État n’acceptera pas de Renault un plan de restructuration synonyme de désindustrialisation ? Pouvez-vous nous assurer qu’il soutiendra un plan de transformation et qu’il investira afin d’assurer un véritable avenir industriel de long terme à Renault, dans ce qui constitue son cœur de métier, la construction automobile ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, c’est quelque chose, Renault ! C’est un fleuron de notre histoire industrielle, de notre histoire économique, de notre histoire sociale aussi, à bien des égards. C’est un groupe international grâce à l’alliance mondiale qu’il a su construire et défendre avec Nissan et Mitsubishi. C’est un groupe enraciné dans notre pays.
Vous avez cité Flins dans les Yvelines ; je pourrais, moi, parler de Sandouville, en Seine-Maritime. Je me réjouis d’ailleurs que ce site puisse fonctionner de nouveau le 22 mai prochain.
L’État étant actionnaire de ce groupe, vous imaginez bien qu’il y est extrêmement attentif.
Nous constatons deux choses, qui ont la force de l’évidence.
D’abord, le secteur automobile, et c’est le cas partout dans le monde, pas seulement en France, connaît un coup de frein, si vous me permettez cette expression, massif, brutal et inédit.
Vous l’avez rappelé les ventes de Renault pour le mois d’avril ont diminué de l’ordre de 75 % à 80 % : c’est du jamais vu. Tout laisse à penser que les ventes ne devraient pas être excellentes non plus au mois de mai. C’est vrai pour Renault, comme pour tous les autres constructeurs, à des degrés divers, mais dans des ordres de grandeur assez similaires.
Ensuite, personne ne le conteste – c’était déjà dans l’air avant la crise que nous connaissons –, il est nécessaire que Renault, comme d’ailleurs tous les acteurs industriels, singulièrement dans le secteur automobile, poursuive, accélère, approfondisse ses opérations de transformation et d’adaptation, parce que la compétition dans le secteur automobile est féroce, parce que les transformations de produits doivent être rapides, compte tenu de l’électrification, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, parce que la culture automobile doit s’adapter aux exigences des temps nouveaux, si vous me permettez ces grands mots, mais c’est tout de même bien de cela qu’il s’agit.
Renault doit d’abord renforcer l’Alliance. C’est un enjeu vital. L’entreprise doit ensuite adapter ses modèles, son organisation aux circonstances que nous connaissons, renforcer sa compétitivité. C’est un effort qui doit toujours être assumé, consenti, car on disparaît rapidement du marché automobile si on n’est pas compétitif.
Renault, dont les coûts fixes sont considérables, comme pour toute grande entreprise industrielle d’ailleurs, doit aussi sécuriser ses capacités d’investissement. Sans recettes, faute de ventes, la sécurisation de sa trésorerie et de ses capacités d’investissement devient un enjeu majeur. L’État, vous l’avez dit, est au rendez-vous pour l’accompagner.
Je pense que le constructeur – je ne suis pas directeur de la stratégie de cette entreprise, je ne suis pas son président – doit formuler un plan non pas défensif, mais offensif. Il est toujours mieux en de telles circonstances de franchir plus vite encore les étapes que l’on prévoyait de franchir plutôt que d’essayer de défendre le plus longtemps possible une position qui serait en vérité intenable.
Nous serons extrêmement attachés à la préservation du site France et des sites français ; nous serons même intransigeants à cet égard. Renault est une entreprise mondiale, c’est vrai, mais sa marque française est évidente.
Nous veillerons à ce que la France demeure le centre mondial, pour Renault, de l’ingénierie, de la recherche, de l’innovation et du développement. Vous savez, dans les Yvelines, combien il est précieux de garder une capacité à préparer l’avenir.
Nous serons extrêmement attachés, tout comme, je pense, le président de l’entreprise, à la qualité du dialogue et de l’accompagnement social. Personne ici ne met en doute, me semble-t-il, l’attachement du président de Renault au dialogue et à l’accompagnement social dans le cadre de la stratégie qu’il convient d’adopter et des décisions qui doivent être prises. C’est sous ce prisme que nous étudierons les propositions du constructeur.
Vous avez évoqué des informations relatives à un plan qui n’a pas encore été présenté. Il m’est donc difficile, et vous le comprendrez parfaitement, madame la sénatrice, d’évoquer ce plan dans le détail, sachant qu’il n’est en outre probablement pas encore arrêté.
Je tiens toutefois, en réponse à votre question, à rappeler notre attachement au site de Flins, qui représente en effet quelque chose dans le fonctionnement de l’entreprise et qui doit, dans toute la mesure du possible, être préservé, parce qu’il est important, parce que nous sommes attachés aux sites en France et parce que l’entreprise a certes la responsabilité d’avancer, de se transformer, d’expliquer ses nécessaires évolutions, mais aussi celle de tenir compte des réalités du pays qui l’accueille et qui, d’une certaine façon, la fait vivre.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, depuis très longtemps, tous les élus territoriaux, dont Valérie Pécresse, présidente de la région, que j’ai eue ce matin au téléphone, et le président du département, ont la volonté d’accompagner la dynamique de transformation de l’industrie automobile, d’une façon générale d’ailleurs, dans le département des Yvelines.
Nous ne supportons plus la désindustrialisation continue de notre territoire et nous sommes prêts à investir auprès de l’État et de Renault pour assurer cette transformation dans notre département.
plan santé et augmentation des moyens pour l’hôpital public
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le secrétaire d’État, le 26 février dernier, j’interrogeais Olivier Véran dans cet hémicycle sur les moyens attribués aux hôpitaux et aux professionnels de ville pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Sa réponse fut courtoise, comme toujours. Aujourd’hui, j’aimerais que la vôtre soit précise.
Ma question, à laquelle s’associent Jacques Bigot et Olivier Jacquin, porte d’abord sur l’hôpital, où deux rythmes de décisions s’imposent. Un rapide, ne nécessitant pas des mois et des mois d’échanges : la revalorisation des rémunérations. N’en restez pas aux mesures parcellaires et homéopathiques de votre prédécesseur. La réponse doit nous conduire à rétribuer nos personnels soignants comme un pays européen qui place la santé publique au premier rang de ses priorités. Quand annoncerez-vous des décisions en la matière ?
Un second tempo impose de repenser l’organisation de notre système de soins, de revoir la place, les missions et l’organisation de l’hôpital et de redéfinir en particulier ses moyens en fonction de ses missions, et non l’inverse. Le Président de la République a, à demi-mot, semblé admettre les carences de la loi de 2019, laquelle n’a pas su défaire les méfaits du concept d’« hôpital-entreprise ». C’est un premier pas.
Il faut aussi redéfinir l’articulation avec les acteurs de ville et médico-sociaux, écartés pendant près de deux mois de la gestion de l’épidémie, par une décision prise au sommet, alors qu’ils ont bien souvent démontré leur sens de l’adaptation au plus près du terrain, leurs capacités à aller vers les populations et les territoires les plus touchés, fondement de toute réponse efficace à une épidémie.
Sur ces chantiers, un nouveau catalogue de mesures, un nouveau projet de loi parachuté d’en haut avec des experts serait une nouvelle erreur. À cet égard, les déclarations d’Olivier Véran il y a quelques heures ne nous rassurent pas. Il faut maintenant organiser des états généraux impliquant l’ensemble des acteurs, dont les Français bien sûr.
Comment concevez-vous ce temps ? Pouvez-vous nous donner la garantie que les usagers et les soignants, à l’hôpital ou en ville, seront écoutés et entendus, et nous dire selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jomier, je m’efforcerai d’être aussi courtois que précis !
Je sais que vous suivez avec attention tous ces sujets depuis longtemps. Je sais aussi que vous avez passé plusieurs semaines durant la crise à l’hôpital de Melun. Je ne doute donc pas que vous aurez des propositions très concrètes nées de cette expérience à formuler dans les semaines à venir et que vous saurez nous dire ce qui va et ce qui ne va pas depuis plusieurs années. Chacun le sait sur ces travées, le mal-être des soignants ne date bien évidemment pas de 2017.
La réforme que nous nous apprêtons à engager ne concernera pas uniquement l’hôpital, elle couvrira l’ensemble du champ de la santé, incluant le secteur médico-social et la médecine de ville. Nous l’avons pensée, engagée depuis notre arrivée pour mettre fin à des années de dégradations et de sous-investissements.
Aujourd’hui, la feuille de route est claire : nous allons augmenter les rémunérations des personnels soignants ; cela a été dit à plusieurs reprises par le Président de la République, par le Premier ministre, par le ministre de la santé. Nous allons proposer un plan d’investissement ambitieux. Vous savez qu’il était déjà question d’une reprise importante de la dette des hôpitaux, mais d’autres voies peuvent être explorées en complément. Nous allons engager une transformation profonde de tout ce qui ne tire pas l’hôpital et la santé de nos concitoyens vers le haut.
Notre seule contrainte, monsieur le sénateur, est d’être à la hauteur des attentes des soignants en engageant très concrètement des transformations profondes et durables.
Les moyens seront au rendez-vous. Nous allons travailler et avancer ensemble, avec les soignants, avec les patients, je l’ai dit tout à l’heure en évoquant la méthode. Le ministre Olivier Véran a également annoncé la mise en place d’une plateforme numérique que les soignants pourront alimenter en faisant part de leurs propositions, de leurs expériences, afin de nous permettre de créer ensemble un modèle territorial de santé, qui sera adossé non seulement à l’hôpital, mais aussi à la médecine de ville et au secteur médico-social.
Olivier Véran, vous le savez, écoute l’ensemble des acteurs depuis son arrivée. C’est avec eux, avec vous aussi, qu’il veut construire la santé de demain.