Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Victorin Lurel, Michel Raison.
2. Questions de contrôle au Gouvernement
efficacité des mesures de protection et traitement des français
M. René-Paul Savary ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé ; M. René-Paul Savary.
M. Vincent Capo-Canellas ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; M. Vincent Capo-Canellas.
situation sanitaire dans les territoires ultramarins
M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
M. Joël Labbé ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Joël Labbé.
politique de nationalisations pour l’avenir économique, social et sanitaire du pays
Mme Éliane Assassi ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
encadrement des prix des matières et produits de première nécessité
M. Rachid Temal ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Rachid Temal.
implication des assurances dans la crise économique liée à la situation sanitaire
M. Claude Malhuret ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
efficacité des mesures d’urgence pour limiter l’impact économique sur les entreprises
M. Philippe Dallier ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Philippe Dallier.
moyens budgétaires alloués à l’hôpital et tests généralisés
Mme Sabine Van Heghe ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
gestion des examens et concours
M. Laurent Lafon ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Laurent Lafon.
3. Candidature à une commission
Nomination d’un membre d’une commission
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Victorin Lurel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions de contrôle au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions de contrôle au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, si nous mesurons la gravité de la situation, qui justifie les mesures exceptionnelles adoptées ces derniers jours et que nous soutenons, le Sénat a le devoir d’accomplir de manière adaptée sa mission constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement. Nous devons assurer la continuité de la vie démocratique de notre pays. Une autre séance de questions se tiendra la semaine prochaine.
Je voudrais rappeler à nos compatriotes qui suivent nos débats l’importance du respect des mesures de confinement telles que demandées par le Gouvernement et qui sont fixées par la loi d’urgence sanitaire. À leur attention, je précise que nous siégeons en effectif restreint adapté aux contraintes sanitaires, en accord avec les présidents des groupes politiques, que je salue et remercie.
Avant de laisser la parole aux auteurs des questions, je voudrais vous faire part des suites données à nos débats de la semaine dernière sur le projet de loi d’urgence et sur le projet de loi de finances rectificative.
Je vous ai adressé deux lettres, monsieur le Premier ministre, pour rappeler les engagements pris par le Gouvernement devant notre assemblée. Je souhaite en indiquer la teneur à nos collègues.
La première rappelle que l’adoption sans modification du projet de loi de finances rectificative est, à la fois, une marque de confiance et d’exigence.
Il reviendra au Gouvernement de travailler à l’élaboration d’une mesure simple, lisible, efficace pour soutenir la rémunération des salariés et des indépendants qui travaillent dans des conditions délicates et assurent la continuité de la vie économique. C’est pour nous, aussi, essentiel.
Il faudra informer le Parlement, de manière précise et régulière, sur le déploiement des mesures de soutien à l’activité économique, ainsi que sur l’impact de la crise sur l’hôpital public et les collectivités locales.
Le second courrier souligne l’engagement pris par le Gouvernement, dimanche, en séance publique – par votre voix, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement –, d’informer mensuellement les commissions permanentes du Sénat des mesures prises en application de la loi d’urgence destinée à faire face à l’épidémie de Covid-19.
Cette information porte sur trois points : les actes pris par l’exécutif et ses représentants locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ; les dispositions envisagées par le Gouvernement dans les ordonnances et leurs décrets d’application – à ce titre, je note avec satisfaction que nous avons reçu dès hier soir, de Matignon, une fiche sur les vingt-cinq ordonnances présentées ce matin en conseil des ministres ; les mesures prises pour assurer la continuité du fonctionnement des assemblées délibérantes locales et les modalités d’organisation du second tour des élections municipales.
Le Sénat entend accomplir la plénitude des missions confiées à ses soins par la Constitution, dans le respect des contraintes que nous impose la situation sanitaire et dans un juste équilibre entre ces contraintes et l’exigence démocratique. Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur le Premier ministre, pour établir entre nous une collaboration confiante, et le Gouvernement sait pouvoir compter sur le Sénat.
Je souhaite également qu’une attention toute particulière soit portée à nos compatriotes des outre-mer et aux Français établis hors de France. Nous recevons de nombreux messages de leur part, et il est essentiel pour nous, qui les représentons aussi, de porter ces messages.
Ayez la garantie, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, que nous ferons nôtre la priorité sanitaire.
Notre séance de questions est, comme à l’accoutumée, retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
efficacité des mesures de protection et traitement des français
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains.
M. René-Paul Savary. Dans ce contexte très particulier, il me revient l’honneur de poser la première question, qui s’adresse bien évidemment à M. le Premier ministre. Au préalable, je veux rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui sont au front, en première ligne, comme à celles et à ceux qui, en arrière-ligne, rendent service à nos concitoyens. Au nom de mon groupe, je tiens également à rendre un hommage tout particulier à mes confrères médecins décédés au champ d’honneur.
Monsieur le Premier ministre, l’incompréhension des Français devient de plus en plus manifeste dans l’ensemble des territoires, et c’est une information que je veux vous faire remonter. Les titres de la presse locale sont clairs : « La crise des masques », lisait-on hier ; « L’état d’urgence dans les maisons de retraite », peut-on lire aujourd’hui… Je voudrais donc vous poser quelques questions, qui s’adressent aussi, bien sûr, au ministre des solidarités et de la santé, concernant l’état sanitaire du pays.
Premièrement, où en sommes-nous s’agissant des masques livrés – je parle bien des masques déjà disponibles, et non des masques commandés ?
Deuxièmement, qu’en est-il des traitements ? Si certains permettent de réduire la charge virale, peut-être vaut-il mieux les prescrire en début plutôt qu’en fin d’épidémie.
Troisièmement, quelles mesures seront prises en matière d’articulation entre les secteurs public et privé ? En clinique, il n’y a plus de consultation de spécialistes ; les lits sont vides, alors que le secteur public est surchargé.
Quatrièmement, quelles mesures comptez-vous prendre pour anticiper la fin du confinement, notamment en ce qui concerne les tests ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie pour cette question, monsieur le sénateur Savary, qui me permet de dresser un bilan à date des moyens mis à disposition des soignants, qui sauvent des vies, dans les hôpitaux et en ville, sur tout le territoire national, en particulier dans les régions sous tension.
Tout d’abord, la rumeur sur la participation des hôpitaux privés est inexacte. L’ensemble des hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, se sont vu intimer la consigne très stricte d’arrêter toute activité programmée depuis plusieurs semaines déjà et de libérer toutes les places en soins intensifs et en réanimation. (M. René-Paul Savary se montre sceptique.)
J’ai appelé moi-même les directeurs des cliniques de la région Grand Est, monsieur Savary,…
M. René-Paul Savary. Moi aussi !
M. Bruno Retailleau. Nous aussi !
M. Olivier Véran, ministre. … et mon cabinet s’en est assuré. À ce stade, les lits disponibles dans les établissements privés – on en trouve aussi dans le secteur public – sont ceux qui sont destinés à accueillir des malades non atteints par le Covid-19.
Les cliniques participent donc entièrement à l’offre de soins. Elles sont totalement mobilisées, et je les en remercie d’ailleurs. Tout le monde est bien sur le pont, c’est important de le dire.
Par ailleurs, j’ai annoncé que 70 millions de masques avaient été déstockés depuis la fin du mois de février, date du début de l’épidémie, et que 20 millions de masques supplémentaires étaient déstockés cette semaine, à destination des établissements de santé et des Ehpad, notamment dans les régions où le virus circule le plus.
Je n’ai pas caché la situation. La consommation de masques est encore plus massive du fait des caractéristiques du virus. Dans les territoires et hôpitaux dans lesquels il circule, il est fondamental de protéger prioritairement les personnes travaillant dans les services de réanimation auprès des malades les plus graves. C’est indispensable !
J’ai autorisé, comme le Haut Conseil de la santé publique le demandait, la prescription collégiale, sous la responsabilité du médecin qui en décide, de traitements par hydroxychloroquine aux malades hospitalisés les plus gravement atteints.
En l’absence de recommandations et parallèlement à cela, je l’ai déjà dit, plusieurs centaines de patients accueillis dans les différents hôpitaux français participent actuellement à des protocoles cliniques, à différents stades de la maladie. Un protocole d’étude va même être lancé afin de tester différentes molécules, dont celle à laquelle vous faites référence, dès le début de la maladie, et ce afin que la recherche puisse nous permettre, si nous avions le moindre argument scientifique et médical qui permette de concilier sécurité et efficacité, de rendre ce traitement disponible sans délai aux Français.
Croyez-moi, monsieur le sénateur, la mobilisation est totale. Tout le monde – ministère, soignants, agences régionales de santé, caisses d’assurance maladie, public et privé – est sur le pont, chaque heure de chaque jour et de chaque nuit.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.
M. René-Paul Savary. La situation est compliquée, monsieur le ministre. Je comprends que vous écoutiez les remontées de votre administration – c’est tout à fait légitime –, mais écoutez aussi les remontées des élus : la grogne est en train de monter !
Peut-être qu’en période de guerre on pourrait prendre des décisions qui ne soient pas scientifiquement correctes, mais qui permettraient parfois de soigner la population dans de bonnes conditions. Nous avons besoin de masques, nous avons besoin de traitements, et nous aurons besoin de tests. Il serait peut-être bon d’anticiper, notamment pour sortir du confinement.
situation de l’agriculture
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste.
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question a trait à l’agriculture.
Hier, les marchés ont été interdits, dans des conditions qui peuvent d’ailleurs faire débat. Pour compenser le manque à gagner, le ministre de l’économie a enjoint la grande distribution – on peut être d’accord avec lui sur ce point – à acheter des produits français.
Dans le même temps, nous savons que, du fait de la fermeture des frontières, l’agriculture va manquer de saisonniers au cours des mois à venir. Environ 200 000 d’entre eux feront défaut, d’après la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), et c’est là un enjeu considérable auquel nous devons faire face.
Dans ce contexte, le ministre de l’agriculture a lancé hier un vibrant appel aux Français pour que, lorsqu’ils sont sans activité, ils aillent travailler dans les champs. Cette déclaration a d’abord suscité l’incompréhension : alors que les mesures de confinement viennent d’être renforcées, comment des centaines de milliers de personnes pourraient-elles rejoindre les campagnes pour prêter main-forte aux agriculteurs ? Pourtant, l’appel semble avoir été entendu, puisque plus de 40 000 personnes se seraient déjà portées volontaires.
Hier soir, tard, le Gouvernement a annoncé par communiqué la création d’une plateforme dédiée.
Dès lors, plusieurs questions se posent : comment ce dispositif va-t-il fonctionner, en particulier dans quelles conditions sanitaires ? Si la mobilisation est insuffisante, comment notre agriculture pourra-t-elle continuer de répondre à la demande ? N’y a-t-il pas un risque de pénurie ?
Ce sont des questions légitimes que se posent nos agriculteurs et les Français.
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Oui, monsieur le sénateur Capo-Canellas, ce sujet est très important ! La santé est notre priorité à tous. Garantir une alimentation de qualité dans les semaines et les mois à venir est essentiel.
C’est le printemps, période des premières récoltes et des semis pour l’automne. C’est pourquoi, depuis quelques jours, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, le ministre de l’économie et des finances et moi-même travaillons avec les professionnels du secteur pour faire face, ensemble, à la situation que vous décrivez. Effectivement, ce sont 200 000 saisonniers qui doivent être employés dans les semaines à venir ; sur cet effectif, on dénombrait par le passé 70 000 travailleurs détachés.
Nous avons donc prévu trois mesures.
Premièrement, d’ici à la fin de la semaine, mon ministère établira, en collaboration avec les professionnels du secteur, un guide des bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité, afin que les travailleurs saisonniers et employés du secteur agricole soient certains de travailler sans risque pour leur santé.
Deuxièmement, nous avons lancé une plateforme commune à Pôle emploi et à la FNSEA afin de collecter toutes les offres et les demandes. Nous ferons ensemble un point journalier, département par département, avec l’objectif de pourvoir tous les emplois.
Troisièmement, nous avons décidé – l’annonce a été faite ce matin dans le cadre de la présentation des ordonnances faisant suite à la loi d’urgence sanitaire – d’autoriser le cumul entre chômage partiel et activité agricole saisonnière pour les semaines à venir. Une personne qui ne travaille plus, parce que son entreprise a fermé ou son activité a cessé, pourra venir en renfort dans les champs, bien sûr de façon volontaire, pour aider les agriculteurs, en cumulant le bénéfice du chômage partiel et la rémunération liée à son contrat de travail dans le secteur agricole.
Nous faisons de même dans le cadre du mécanisme de solidarité mis en place pour les indépendants. Un indépendant empêché d’exercer son activité – je pense, par exemple, aux restaurants ou aux bars qui ont fermé – pourra aussi prêter main-forte, en cumulant l’indemnité de 1 500 euros tirée du fonds de solidarité et la rémunération liée au contrat de travail dans l’agriculture.
En matière de santé, nous sommes tous sur le pont ; nous devons l’être, aussi, pour l’alimentation ! Je me réjouis donc du travail que nous menons actuellement avec tous les professionnels sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour la réplique.
M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre. Trois questions restent néanmoins en suspens.
D’un point de vue sanitaire, comment le comité scientifique appréciera-t-il ces mesures ?
Sous l’angle économique, s’il n’y a pas assez de main-d’œuvre, la question de la pénurie pourra ressurgir.
Enfin, à plus long terme, ne faut-il pas envisager des mesures de soutien plus spécifiques au secteur agricole, sachant que certaines de ses filières sont particulièrement touchées et que les mesures économiques que nous avons adoptées jusqu’à présent sont relativement générales ? Je pense notamment aux mesures concernant le chômage partiel ou les heures supplémentaires, qui ne touchent pas forcément beaucoup le secteur agricole.
situation sanitaire dans les territoires ultramarins
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis lundi minuit, les vols entre l’Hexagone et l’outre-mer sont interdits, sauf dérogations exceptionnelles.
Les outre-mer ne sont pas épargnés par cette pandémie : plus de 330 cas confirmés de coronavirus sont à ce jour diagnostiqués, qui s’ajoutent parfois, comme c’est le cas à Mayotte et à La Réunion, à ceux liés à l’épidémie de dengue, d’une exceptionnelle ampleur. Ce nombre est certainement sous-estimé.
Si ces territoires sont en apparence moins touchés, leur situation sanitaire compliquée, liée à leur insularité, leur isolement et leur éloignement, mais surtout à la faible capacité d’accueil des malades, fait unanimement craindre une explosion du nombre de contaminations. Mon département, qui a connu son premier cas le 14 mars, en compte aujourd’hui trente-cinq.
Vous connaissez la faiblesse du système de santé à Mayotte. Malgré le travail considérable des professionnels soignants, que je tiens ici à remercier chaleureusement, l’hôpital, déjà saturé, ne compte que seize lits de réanimation et seuls vingt-huit médecins libéraux exercent sur ce territoire, pour une population officielle de 257 000 habitants, mais qui s’élève probablement au double en raison de l’immigration clandestine.
Une grande partie de la population vit dans des conditions de précarité et de promiscuité propices à l’expansion de cette épidémie.
Sur place, les gestes barrières et de confinement ne sont pas bien respectés, souvent par impossibilité. Comment faire autrement lorsque l’on vit à plusieurs dans une habitation traditionnelle sans accès aux sanitaires ? Mais à ceux qui peuvent respecter ces règles et qui agissent par insouciance, je le redis : ne prenez pas ce virus à la légère, ne croyez pas que le climat ralentira sa progression et restez chez vous pour protéger vos familles !
Hier, par audioconférence, le préfet et les élus de Mayotte, tous très mobilisés, ont fait le point.
Monsieur le ministre, hormis les mesures sur les transports aériens, pourriez-vous nous dire quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement pour aider les territoires ultramarins, particulièrement vulnérables, à faire face à cette pandémie ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Permettez-moi, monsieur le sénateur, de m’associer au coup de chapeau, pour le dire trivialement, que vous adressez aux professionnels de santé, notamment à ceux du centre hospitalier de Mamoudzou et de tous les centres associés. La situation à laquelle ils doivent faire face depuis longtemps, indépendamment de l’épidémie de coronavirus, est si difficile qu’elle suscite une grande inquiétude parmi nos concitoyens.
Vous avez souligné les efforts consentis depuis quelques années pour tenter de rehausser le niveau de soins, en particulier à Mayotte – mais je sais que votre question dépassait très largement le cadre de ce département. Il s’agit de la création de l’agence de santé, qui doit permettre une meilleure organisation des soins, et des moyens supplémentaires accordés à l’hôpital de Mamoudzou. Chacun ici a également à l’esprit les moyens importants mis en œuvre en Guadeloupe pour construire un nouveau CHU plus résilient, lequel n’est pas encore achevé, et pour faire face à des situations sanitaires complexes.
En vérité, monsieur le sénateur, cette épidémie doit être prise au sérieux davantage encore dans les territoires insulaires, compte tenu des caractéristiques que vous avez évoquées. C’est la raison pour laquelle nous avons pris des décisions, très rudes, de limitation, voire de très grande limitation, des vols commerciaux à destination des outre-mer, afin de limiter au maximum les flux et les échanges de populations entre des territoires qui sont, par nature, plus fragiles que ceux de métropole sur le plan de l’organisation sanitaire. C’est pourquoi aussi, en plus des restrictions portant sur l’utilisation des vols commerciaux, nous avons imposé à tous ceux qui partaient vers les territoires ultramarins une quatorzaine stricte à leur arrivée. Néanmoins, vous savez comme moi qu’un certain nombre de cas sont à déplorer en Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte et dans d’autres territoires ultramarins.
Notre objectif est d’abord d’affirmer clairement la solidarité de la Nation à l’égard de tous ces territoires, ceux d’outre-mer comme les autres.
Dans les outre-mer, compte tenu des limites de l’offre sanitaire existante, nous veillons à freiner encore plus fortement qu’en métropole la circulation et la propagation du virus. Pour ces raisons, les préfets d’outre-mer seront sans doute amenés à prendre des mesures strictes, notamment de couvre-feu et de confinement, encore plus sévères que celles qui prévalent sur le territoire métropolitain.
J’ai indiqué lors de mes dernières interventions que, sur tout ou partie du territoire, nous serions conduits, si les circonstances l’exigeaient, à prendre des mesures plus dures qu’actuellement. Au vu de cette perspective éventuelle, et la situation étant différente en Guyane, à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, j’ai demandé à l’ensemble des préfets de me faire remonter leurs propositions en tenant compte de l’analyse fine de chacun des territoires concernés.
C’est à ce prix que nous pourrons freiner la circulation du virus. Bien entendu, s’il fallait programmer des moyens supplémentaires à destination des outre-mer, nous le ferions, dans la limite de nos capacités.
C’est de cette façon que nous pourrons aider les populations françaises à faire face – je le dis sans ambages et sans fard – au défi considérable qui s’annonce.
producteurs locaux et marchés
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Joël Labbé. Je tiens tout d’abord à affirmer la solidarité de mon groupe avec l’ensemble des personnes mobilisées dans la lutte contre le coronavirus, notamment les soignants.
Le 23 mars dernier, la décision est tombée comme un coup de massue sur les territoires : le Gouvernement a interdit l’ensemble des marchés, sauf autorisation du préfet accordée après avis du maire. Pourtant, sur le terrain, de nombreux marchés avaient déjà mis en place de bonnes pratiques allant bien au-delà de celles des grandes surfaces, dans lesquelles les clients peuvent circuler et manipuler librement les produits.
Pourquoi créer du gaspillage alimentaire ainsi qu’une rupture d’égalité de traitement entre les grandes surfaces et les marchés, où se trouvent des acteurs locaux porteurs de résilience ? Par cette décision, en effet, ce sont notamment des petits producteurs en vente directe, mais aussi des acteurs de la pêche artisanale et des ostréiculteurs qui voient leur survie économique menacée. Alors que l’alimentation est un secteur stratégique, n’est-il pas nécessaire de soutenir et de sécuriser les marchés et l’ensemble des initiatives de vente directe ?
La réponse du Premier ministre sur le sujet, hier à l’Assemblée nationale, n’a pas permis de clarifier la situation, et cette mesure continue de faire fortement débat dans nos territoires.
Oui, il faut faire confiance aux maires ! Mais se sentiront-ils en confiance pour demander des dérogations, alors que les préfets ont des interprétations diverses de l’arrêté et que certains ont déjà refusé des demandes ?
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, avoir une parole bien claire pour encourager les maires et les préfets à maintenir les marchés et les pratiques de vente directe dans le respect des règles sanitaires ? (MM. Vincent Capo-Canellas et Hervé Marseille applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à répondre à votre question, car je sais qu’elle suscite beaucoup d’interrogations et d’appréhension chez les agriculteurs et nombre de nos concitoyens, les uns ayant besoin de ces marchés pour écouler leur production, les autres pour s’approvisionner en produits frais, mais aussi chez les élus et parfois même les préfets, lesquels doivent prendre ces décisions délicates. J’essaierai d’être le plus clair possible.
Le principe général est celui de l’interdiction des marchés. Il nous semble en effet qu’il vaut mieux être prudent sur le plan sanitaire en posant ce principe auquel, cependant, il est possible d’apporter des dérogations.
Ces dérogations doivent être accordées par les préfets, après demande et avis des maires, lesquels sont mieux placés que quiconque pour apprécier si, dans telle commune, le marché est à la fois nécessaire et susceptible d’être organisé dans le respect des conditions de sécurité sanitaire exigées par le Gouvernement.
Les maires, j’y insiste, sont les mieux placés pour porter cette appréciation pour ce qui concerne leur commune, ou tel ou tel quartier de ladite commune. Vous le savez, monsieur le sénateur, j’ai été maire. Je sais donc que, dans une grande ville, il est impossible de faire respecter dans certains marchés les bonnes conditions sanitaires du fait de la disposition des lieux. Je sais aussi qu’à d’autres endroits de ladite ville de petits marchés locaux qui permettent à la population de s’approvisionner en produits frais peuvent parfaitement être organisés en ce sens. Il appartiendra donc au maire de faire une demande d’autorisation pour ces marchés, en justifiant de cette bonne organisation, auprès du préfet, qui pourra accorder une dérogation.
Vous avez évoqué la question de l’interprétation par les préfets de la règle générale et de la possibilité de dérogation. Il nous faut, évidemment, bien expliquer cette règle ; je l’ai fait et le ministre de l’intérieur continuera de le faire.
Les préfets – comment le leur en faire le reproche ? – sont en premier lieu préoccupés par les impératifs de préservation de la santé et, donc, par la limitation maximale des risques. Si telle n’était pas leur préoccupation première, certains leur adresseraient sans aucun doute le reproche inverse.
M. René-Paul Savary. Absolument !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous allons expliquer le sens de cette règle.
Dans les communes rurales et dans les quartiers des grandes villes où le marché est indispensable et peut être organisé dans de bonnes conditions, mon objectif est qu’il puisse se tenir, et ce pour une raison simple : nos agriculteurs ont besoin d’écouler leur production et nos concitoyens ont besoin de s’approvisionner en produits frais. Ce n’est ni un luxe ni un accessoire : c’est indispensable ! Mais, pour que ces dérogations soient possibles, les conditions de civisme et de respect des règles sanitaires doivent être suffisantes.
J’ai plaisir à le répéter devant le Sénat, les maires sont les mieux armés et les mieux placés pour faire de telles propositions.
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous adresserons aux préfets des consignes d’écoute et de bon sens, et il leur appartiendra de prendre les décisions, ce qu’ils sauront faire de façon satisfaisante.
Il est vrai que, entre l’annonce de cette mesure relative aux marchés et le moment de sa mise en œuvre, des questionnements se sont fait jour.
M. René-Paul Savary. En effet !
M. René-Paul Savary. Merci !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. L’urgence est aujourd’hui à la souveraineté alimentaire des territoires et non à la seule concentration des pouvoirs des grandes surfaces. Car, malgré tout, il y a distorsion de concurrence.
Pour les temps « d’après », qui ne ressembleront plus jamais à ceux « d’avant », notre agriculture paysanne, nos producteurs locaux et nos territoires ruraux sont porteurs d’avenir. Préservons-les dès maintenant !
politique de nationalisations pour l’avenir économique, social et sanitaire du pays
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. L’heure est grave. L’épidémie de coronavirus s’étend sur toute la planète, et notre pays est particulièrement frappé. Des mesures exceptionnelles sont prises, mais elles ne sont pas suffisantes. Nos hôpitaux, nos Ehpad appellent à l’aide. Ils ont besoin de masques, de réanimateurs, de tests et, bientôt, de médicaments.
L’incapacité de la sixième puissance économique mondiale à fournir ce qui pourrait paraître une évidence est dramatique. Cette incapacité est révélatrice du ravage du libéralisme, système que vous portiez aux nues avec d’autres – mais ça, c’était avant…
L’État doit maintenant reprendre la main, un État citoyen au service du peuple. Deux voies d’action immédiate s’offrent à nous.
Il faut rouvrir et nationaliser en urgence l’usine Luxfer, seul fabricant en Europe de bouteilles d’oxygène, usine fermée il y a quinze mois par son propriétaire britannique. Les 134 ex-salariés ont maintenu en état le matériel. Annoncez la nationalisation et la réouverture !
Il faut réquisitionner des usines de textile pour la fabrication massive de masques. Contrairement à d’autres, elles sont aujourd’hui indispensables à la gestion de l’urgence sanitaire.
Oui, Emmanuel Macron a raison quand il déclare qu’un modèle de développement dévoile ses failles au grand jour !
Nationaliser n’est plus un gros mot. M. Le Maire et vous-même, monsieur le Premier ministre, l’évoquez ; le Medef lui-même adjure le Gouvernement d’y recourir.
Les sociétés construites sur la quête du profit, la concurrence, la primauté des intérêts privés vacillent. La crise sanitaire en est le terrible révélateur.
Oui, il faut redonner à l’État la maîtrise du destin de notre pays ! Mais, contrairement au Medef, nous ne voulons pas de nationalisations temporaires pour sauver les actionnaires. Il faut libérer définitivement les services publics de la loi du marché.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous engager des mesures immédiates et à long terme ? Le pays a cruellement besoin aujourd’hui de ces mesures de rupture.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, il y a plusieurs temporalités dans votre question. Vous soulevez le problème de l’urgence, et je vais évidemment essayer de vous répondre, mais vous posez aussi la question de l’après, à savoir du monde que nous souhaitons une fois que la crise urgente que nous connaissons sera traversée, dans les meilleures conditions je l’espère.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous n’envisageons pas exactement de la même façon le monde d’après. Cela ne signifie pas que nous sommes, par définition, en désaccord sur tout, mais cela veut dire que l’idée d’une appropriation collective des moyens de production – dont j’ose à peine parler, mais qui ne vous dérange pas (Sourires.) – ne recueille pas tous mes suffrages. Nous aurons l’occasion d’en débattre, et il s’agira, après tout, d’une discussion saine et nécessaire.
Le plan qu’a présenté le Gouvernement s’élève à 45 milliards d’euros de mesures d’urgence immédiates, auxquels s’ajoutent 300 milliards de garanties apportées par l’État sur les prêts consentis par les banques. Il ne s’agit pas de défendre les banques, il s’agit de faire en sorte que les entreprises puissent obtenir un financement pour continuer à vivre : 300 milliards de garanties données par l’État, c’est loin d’être négligeable ! L’ampleur du plan, si on le rapporte à la population, correspond à la norme de ce que pratiquent nos voisins allemands ou d’autres pays comparables. Nous mettons beaucoup de forces en œuvre pour alimenter notre capacité à surmonter la crise.
Je suis certain que vous serez d’accord avec moi sur ce point, madame la présidente Assassi : lorsque nous aurons réussi à passer la crise – car nous la passerons –, il faudra relancer la machine et faire repartir le corps économique. Faut-il parler en ce qui le concerne d’un arrêt cardiaque ou d’une interruption de la circulation sanguine ? Quoi qu’il en soit, cet effort de redémarrage sera certainement considérable. Il ne devra d’ailleurs pas être seulement national, même s’il aura évidemment une dimension nationale ; il devra aussi être coordonné aux niveaux européen et mondial. Bref, il y aura un champ considérable d’actions économiques collectives et publiques à mettre en œuvre.
Vous avez évoqué l’instrument des nationalisations. L’État est d’ores et déjà actionnaire d’un certain nombre de grands groupes qui lui paraissent stratégiques ou pour des raisons historiques, les deux n’étant pas incompatibles. Il n’a évidemment pas vocation à être actionnaire de toutes les entreprises françaises ou de toutes les entreprises qui exercent leur activité en France.
S’il fallait prendre des mesures pour veiller à l’outil industriel ou à l’outil économique dont la France est en partie ou complètement propriétaire, évidemment l’État le fera et prendra ses responsabilités.
S’il fallait intervenir – au-delà des entreprises dans lesquelles l’État est déjà actionnaire – soit par des prêts particuliers, soit par des prises de participation dans des entreprises que nous jugeons stratégiques et qui auraient été mises en difficulté par l’interruption de l’activité, voire menacées dans leur existence ou dans la répartition de leur capital par des interventions, par exemple étrangères, alors nous prendrons aussi nos responsabilités, comme l’a souligné le ministre de l’économie et des finances et comme je m’y suis engagé en tant que chef du Gouvernement. Nous avons bon espoir de pouvoir y parvenir et de faire en sorte que ces entreprises puissent repartir de l’avant lorsque la crise sera passée.
Nous n’excluons donc aucun mouvement, mais, compte tenu de l’ampleur des sujets, le fait d’annoncer par principe les interventions de l’État reviendrait à se condamner à ne pouvoir toutes les réaliser, vous le comprendrez aisément, madame la présidente Assassi.
En tout état de cause, nous serons extrêmement mobilisés. Je puis vous assurer que le ministère de l’économie et des finances suit d’un œil très attentif toutes ces questions pour déterminer où et quand il conviendra d’intervenir en fonction de la capacité desdites entreprises à passer cette période délicate et de leur caractère stratégique ou non pour le tissu productif national ou pour la souveraineté française.
Je vous ai répondu de manière générale, j’en ai conscience, dans des termes qui ne vous satisfont pas, car nous n’allons pas nationaliser l’ensemble de l’économie française ni même l’ensemble des entreprises industrielles.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai demandé !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Certes, mais si j’en crois votre enthousiasme, cela pourrait aller très loin si nous vous suivions.
Quoi qu’il en soit, nous sommes extrêmement mobilisés afin de pouvoir réagir le moment venu, si les entreprises menacées constituent un atout majeur pour la souveraineté française.
encadrement des prix des matières et produits de première nécessité
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Rachid Temal. Je souhaite avant tout avoir une pensée pour tous nos concitoyens, qu’ils soient confinés chez eux, touchés par la maladie, par le deuil, mais aussi pour l’ensemble de nos compatriotes qui assurent en ces jours des fonctions essentielles et vitales au fonctionnement de notre pays en termes de santé, d’entretien, d’alimentation, de sécurité, d’enseignement, de production ou encore de continuité du service public.
Face à cette crise sanitaire sans précédent, le Gouvernement, le Parlement et les collectivités ont dû adopter des mesures sanitaires strictes, mais vitales.
Alors que la période de confinement initialement annoncée sera prolongée, nous pouvons constater de premières conséquences économiques et sociales. Je pense à la tension naissante sur certains prix déjà visible dans l’Hexagone et dans les outre-mer. Il nous incombe donc d’être préparés dès à présent aux conséquences de la crise sur le pouvoir d’achat des Français. Nous devons anticiper cette situation et prendre des décisions immédiatement.
Dès lors, face à cette « inflation de crise », nous demandons au Gouvernement, en application de l’article 2 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 votée dimanche, de bloquer, par décret, les prix des produits de première nécessité d’alimentation et d’hygiène. Nous demandons également au Gouvernement de mettre en place un dispositif pour maintenir le pouvoir d’achat des agriculteurs et des producteurs.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quand sera pris ce décret de blocage temporaire des prix ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Temal, permettez-moi d’abord de saluer tous ceux qui contribuent dans les commerces, petits et grands, dans les usines, sur les routes et dans les entrepôts à nourrir 67 millions de Français. Ils méritent un coup de chapeau !
Le Gouvernement suit l’évolution du prix des denrées alimentaires, notamment des produits frais. Une première analyse montre que moins de 10 % des produits frais ont augmenté de plus de 10 % durant la semaine du 16 au 22 mars. Ce sont les chiffres de Rungis.
Il faut bien sûr rester vigilant dans un contexte où les coûts de production et de transport pour amener ces produits au plus près des Français augmentent – je pense notamment aux coûts logistiques. Comme vous le savez, les conditions de travail sont plus difficiles, mais il est également plus compliqué de transporter de la marchandise et de remplir à plein les camions.
Bien évidemment, il existe des mesures, notamment le dispositif des accords de modération des marges sur les fruits et légumes frais en application du code rural et de la pêche maritime. À ce jour, seize accords ont été signés par des enseignes. Ils ont été récemment activés pour les fraises – rondes et gariguettes – et pour les asperges.
En cas de flambée anormale, le Gouvernement peut prendre des mesures de fixation des prix en application du code de commerce. J’ai donc demandé à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) de suivre de très près l’augmentation de ces prix.
L’enjeu qui est le nôtre est de nourrir les Français. Nous faisons un point tous les jours avec l’ensemble de la filière agroalimentaire, et nous nous assurons d’enlever tous les grains de sable qui bloquent l’acheminement des marchandises : cela va du manque de bras dans les fermes, dans le secteur logistique, dans les entrepôts et jusque dans la distribution. Il importe aussi, je veux le souligner, que les Français soient très solidaires dans la façon dont ils consomment.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Madame la secrétaire d’État, nous avons les uns et les autres le souci de nourrir 67 millions de personnes et de permettre à notre filière agricole de pouvoir travailler. J’entends ce que vous me dites, mais je vous demande d’anticiper. Nous enregistrons déjà sur les marchés et dans les magasins des augmentations de prix. J’espère que la logique que nous avons adoptée collectivement sur les tarifs pourra être activée. On l’a fait pour le gel hydroalcoolique, mais il faudrait également activer cette clause pour d’autres produits, y compris en outre-mer.
implication des assurances dans la crise économique liée à la situation sanitaire
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, dans une crise sanitaire, comme dans toute catastrophe, l’action publique doit d’abord parer au plus urgent : protéger les vies humaines, quoi qu’il en coûte. C’est la ligne retenue par le Gouvernement, celle aussi soutenue par le Parlement et surtout celle attendue par les Français. Pour commencer, je voudrais donc me joindre à l’hommage rendu par les orateurs qui m’ont précédé à tous les personnels soignants de notre pays.
Après avoir mis en œuvre des mesures drastiques pour limiter l’expansion du virus, il faut agir avec autant de force pour que l’économie ne s’effondre pas. Nous y avons contribué en adoptant dimanche dernier les deux projets de loi que vous nous aviez soumis. Le Gouvernement dispose désormais d’importants moyens pour tendre à nos entreprises de nécessaires filets de sécurité.
Mais l’État ne peut pas tout. Alors que tout indique un ralentissement globalisé de l’économie, la mobilisation du secteur privé sera également indispensable : aucune des forces vives du pays ne doit manquer à l’appel.
Bon nombre de nos entreprises accusent le coup et s’apprêtent à ouvrir des lignes de crédits garantis par l’État. Pour remettre les entreprises sur les rails de l’activité, l’action des professionnels de l’assurance sera également nécessaire.
La couverture d’un risque consiste pour l’essentiel à évaluer la probabilité qu’un événement se produise, ainsi que les dégâts financiers qu’il pourrait causer. Lorsque l’événement est inédit et les dégâts incommensurables, la tâche évidemment se complique… De très nombreuses entreprises font savoir que les pertes d’exploitation qu’elles subissent actuellement ne sont pas couvertes par leurs contrats d’assurance. Leurs dirigeants sont bien sûr très inquiets.
Monsieur le Premier ministre, que peut faire le Gouvernement pour adapter le cadre assurantiel à la gravité de la situation que nous connaissons ? L’état d’urgence sanitaire qui vient d’être institué a-t-il vocation à intégrer un volet assurantiel, par exemple sur le modèle du régime existant en matière de catastrophes naturelles ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, il appartient au chef du Gouvernement de remercier le Parlement de lui avoir donné les moyens, en votant les deux lois que nous soumettions à son examen, de répondre aux difficultés économiques considérables suscitées par le confinement et l’interruption de l’activité dans de très nombreux secteurs.
Ce cadre juridique que vous avez voté, nous l’avons utilisé : nous avons présenté ce matin en conseil des ministres vingt-cinq ordonnances. Je ne fais pas de fétichisme du chiffre, mais vingt-cinq est un nombre considérable. Ces ordonnances permettent, secteur par secteur et sujet par sujet, d’essayer d’apporter des solutions juridiques aux problèmes que rencontre le tissu productif français, et pas seulement lui. En effet, comme vous le savez, un certain nombre de ces ordonnances sont destinées à accompagner les établissements de santé et les soignants.
Je l’ai dit, le montant du plan d’urgence s’élève à 45 milliards d’euros. Les 300 milliards d’euros de garanties accordées pour permettre la poursuite du financement de l’économie étaient indispensables : cela montre l’engagement de l’État, c’est-à-dire dire de la Nation.
Vous avez évoqué, monsieur le président Malhuret, la situation des assureurs. Il est vrai que, comme vous l’avez indiqué, les garanties en matière de pertes d’exploitation prévues dans les contrats d’assurance ne s’appliquent pas, dans la grande majorité des cas, aux pertes qui résulteraient d’une cause autre qu’un dommage matériel. Autrement dit, les contrats actuels n’ont pas, pour l’immense majorité d’entre eux, prévu ce type de dommage, d’accident, d’aléa. Constatant cette impossibilité, nous sommes intervenus de trois façons.
Premier élément : nous avons demandé au secteur des assurances de contribuer au fonds de solidarité que nous avons créé. Nous allons faire en sorte que ce soit le cas dès le mois de mars, et pour avril si c’est nécessaire. Ils se sont engagés à ce stade à hauteur de 200 millions d’euros environ pour le mois de mars, ce qui n’est pas négligeable. C’est évidemment une façon d’apporter des solutions aux indépendants et aux toutes petites entreprises qui se trouvent confrontés à l’interruption de leur activité.
Le deuxième élément utile est le maintien des garanties d’assurance des TPE qui connaîtraient des difficultés ou des retards de paiement pendant toute la durée de la période de suspension de l’activité. Cela signifie que, dès lors qu’il n’y a pas de recettes, il ne pourra pas y avoir de perte de droits parce qu’il n’y aurait plus de paiement des polices d’assurance. Cet engagement important a été pris par le secteur, et il sera garanti.
Enfin, même s’il est probablement trop tôt pour tirer tous les enseignements de cette crise mais il sera utile d’y réfléchir très rapidement, le ministère de l’économie et des finances va engager des travaux avec les assureurs pour imaginer des propositions innovantes en matière de mécanisme d’assurance permettant une couverture adaptée à ce type d’aléas.
Vous le voyez, monsieur le président Malhuret, en la matière, nous devons avoir une discussion approfondie avec le secteur des assurances afin que nous nous aidions mutuellement à passer cette crise. Il faut veiller à ne pas faire disparaître ce secteur, car nous en avons besoin, mais il doit lui aussi, j’y insiste, nous aider à passer cette crise.
La discussion qui va se nouer sera intense et absolument nécessaire. Je ne peux pas vous dire ici, maintenant, quels en seront les résultats, mais je tiens à vous faire part de notre disponibilité complète pour engager cette discussion, à laquelle le ministère de l’économie et des finances s’est déjà attelé.
efficacité des mesures d’urgence pour limiter l’impact économique sur les entreprises
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Dallier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Sénat a adopté à la quasi-unanimité, sans vote contre, les mesures d’urgence pour soutenir l’activité et l’emploi lors de cette crise sanitaire, qui sera aussi une crise économique majeure. Cependant, il nous semble qu’il y a quelques trous dans la raquette, comme nous l’avions dit en séance et comme semblent le confirmer les remontées du terrain.
Concernant le chômage partiel, il faudrait, puisque toutes les entreprises vont être touchées par cette crise, étendre les mesures aux TPE, commerçants et artisans qui vont rester ouverts parce que leur activité est considérée comme essentielle, mais qui subiront tout de même une perte de chiffre d’affaires. Il faudrait les aider : êtes-vous prêt à agir en ce sens, monsieur le Premier ministre ?
Le dispositif des 1 500 euros pour ceux qui ont perdu 70 % de leur chiffre d’affaires par rapport à mars 2019 sera de peu d’effet. Le report des charges ou des factures de gaz ou d’électricité à quelques mois ne sera pas non plus suffisant.
La bonne mesure, ce sont les 300 milliards d’euros du fonds de garantie, à la condition que les banques puissent accorder ces prêts rapidement, largement et partout sur le territoire. Il semble qu’il y ait déjà certains secteurs dans lesquels les agences sont fermées. Il est donc difficile de déposer des chèques ou des fonds. Quelles assurances pourriez-vous nous apporter sur ce sujet ?
Ceux qui sont au travail, que nous saluons tous, doivent être encouragés. Or les mesures qui ont été adoptées sont limitées aux salariés, probablement des grandes entreprises. Êtes-vous prêt à prendre des dispositions pour le secteur public, pour les hôpitaux, pour tous ceux qui sont au travail et que nous devons soutenir ?
Je terminerai mon intervention par une question très particulière. Nombreux sont ceux qui ont pu commander des masques en Chine, notamment les collectivités locales, mais il semble qu’il y ait des problèmes d’acheminement. On parle de la mise en place d’un pont aérien. Qu’en est-il ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, votre question comporte beaucoup de questions.
D’abord, je voudrais relever les points positifs.
Je vous remercie de souligner que la garantie d’emprunt apportée par l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros, est un élément favorable qui doit évidemment être mis en œuvre avec le soutien des banques. J’ai cru comprendre, à la lecture d’un certain nombre de messages ce matin, que les banques, ayant constaté, à la fois, le vote favorable du Sénat que vous avez mentionné et la promulgation de la loi, avaient déjà commencé à faire part à leurs clients de leur disponibilité à accorder ces emprunts. Je sais que certaines banques ont été très réactives. Notre objectif est évidemment que cet instrument serve, car les entreprises en ont besoin.
Je ne méconnais pas les difficultés qui, çà et là, peuvent se poser compte tenu du plan de charges des agences ou de la difficulté à faire en sorte que l’ensemble de celles-ci fonctionnent dans de bonnes conditions. Mais je peux vous faire état, monsieur le sénateur, de la grande mobilisation du secteur bancaire et de la volonté que cet instrument puisse porter tous ses fruits.
Vous avez évoqué un certain nombre de limites s’agissant des instruments d’urgence que nous avons mis en place. Peut-être pouvons-nous néanmoins convenir que le dispositif d’activité partielle que nous allons instaurer est inédit en France ? Nous avons créé – pardonnez-moi cette expression – le « paquet » le plus généreux d’Europe : dans notre dispositif, les entreprises ne subissent aucune perte si elles décident de passer en chômage partiel et les salariés voient leur revenu garanti à une hauteur qui est supérieure à ce qui se fait dans d’autres pays, y compris l’Allemagne.
Nous sommes donc allés très loin dans le dispositif d’activité partielle, de façon, là encore, à permettre aux entreprises et bien entendu aux salariés de passer ce cap difficile. Je comprends qu’on puisse se dire qu’il en faudrait encore plus – ce sera peut-être d’ailleurs le cas –, mais, je le redis, il s’agit là de mesures d’urgence qui permettent de franchir le cap.
Sur la question du fonds de solidarité pour les TPE, n’oubliez pas, mais je sais que vous ne le ferez pas, que ce fonds est à deux étages.
Le premier étage est automatique : dès lors que l’on remplit un certain nombre de conditions, les 1 500 euros sont versés automatiquement par la DGFiP (direction générale des finances publiques), dans des conditions de délais extrêmement restreints.
Le deuxième étage fera, quant à lui, l’objet d’une appréciation, notamment grâce à l’instruction des conseils régionaux. Nous allons en effet travailler avec les régions pour qu’elles puissent nous aider à apprécier la situation régionale et individuelle de chaque entreprise. Pour le deuxième étage du fonds de solidarité, il y aura donc une appréciation générale, mais aussi un accompagnement.
Si je peux me permettre d’insister, nous ne réduisons pas le fonds de solidarité au simple premier étage : les deux étages doivent durer aussi longtemps que la crise sanitaire et, donc, les difficultés économiques.
Je voudrais répondre à la question spécifique que vous avez posée à la fin de votre propos sur le pont aérien.
Un certain nombre de commandes de masques ont été passées par l’État et d’autres acteurs, publics ou privés. Il faut pouvoir les acheminer dans de bonnes conditions. Nous avons donc fait appel aux meilleurs logisticiens pour nous assister et nous conseiller.
Des avions-cargos iront en Chine chercher ces masques ; ces avions sont affrétés. On peut effectivement prendre l’image d’un pont aérien, car c’est de fait ce qui va se passer.
Je l’ai dit, dans la mesure où il nous manquerait des avions pour aller chercher ces masques – pour l’instant, rien n’indique que ce soit le cas –, nous pourrions, non pas réquisitionner, comme le proposerait Mme la présidente Assassi (Sourires.), mais faire appel aux capacités, aujourd’hui beaucoup moins utilisées, des compagnies nationales, qui nous ont indiqué leur disponibilité. Nous leur avons répondu que nous ferions appel à elles si nous avons besoin de faire revenir des Français bloqués à l’étranger, dans un pays dont les liaisons commerciales ont été interrompues, ou d’aller chercher ces masques.
De ce point de vue, les choses sont donc claires : les commandes sont passées, les avions sont affrétés et ils devraient servir dans des délais très brefs. Croyez-moi, je suis le premier à faire en sorte que cela se passe ainsi, puisque nous avons besoin de cette ressource. Je pense que tout se passera correctement, mais permettez-moi, monsieur le sénateur, de faire preuve d’un optimisme mesuré : en la matière, j’aime mieux tenir qu’espérer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le Premier ministre, il y a juste un point sur lequel vous n’avez pas répondu, mais que je vous demande de garder à l’esprit : pensez à encourager financièrement, d’une manière ou d’une autre, ceux qui sont en poste, au travail, dans des conditions souvent difficiles, et ce dans tous les secteurs. Ils le méritent ! (M. le Premier ministre opine.)
M. le président. Je vois que le Premier ministre a parfaitement entendu ce message.
moyens budgétaires alloués à l’hôpital et tests généralisés
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sabine Van Heghe. La lutte contre le Covid-19 impose l’unité nationale, à laquelle nous souscrivons.
Je m’associe aux hommages que vous avez formulés, mes chers collègues, à l’endroit de nos concitoyens qui travaillent dans des conditions très difficiles, au premier rang desquels les personnels de santé, mais aussi les professionnels de tous les secteurs qui permettent aux Français de disposer des biens et services indispensables. Je souligne également l’investissement des fonctionnaires de nos services publics, dont on réalise, plus encore en ces périodes de crise majeure, qu’ils sont, non pas une dépense, mais un investissement, une protection dont on ne peut se passer.
Les maires et les élus locaux sont également en première ligne.
L’unité nationale ne doit pas empêcher le débat démocratique, et je veux me faire la porte-parole des interrogations exprimées par nos concitoyens sur les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre cette pandémie.
Le renforcement du confinement protège et sauve des vies, mais il est grand temps de mettre tout en œuvre pour se doter de masques, de tests de dépistage, de gels hydroalcooliques, de respirateurs, qui continuent de manquer scandaleusement. Quand les personnels mobilisés pour combattre cette épidémie disposeront-ils de ces éléments de protection et de soins élémentaires ?
Il faut tirer les leçons de cette crise sanitaire sans précédent et, dès maintenant, augmenter les moyens financiers et humains qui manquent cruellement à notre système de santé.
L’OMS (Organisation mondiale de la santé) demande la généralisation des tests de dépistage du Covid-19 afin de confiner les personnes positives et, ainsi, éviter de nouvelles contaminations. Les tests disponibles à ce jour et dans les jours qui viennent seront absolument insuffisants, notamment au regard des 800 000 résidents des Ehpad menacés d’une effroyable hécatombe si des dispositions drastiques ne sont pas prises de toute urgence.
Monsieur le ministre, quand vous rangerez-vous à ces recommandations de l’OMS et quand ces tests seront-ils enfin généralisés dans notre pays ?
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Van Heghe, qui me donne l’occasion de revenir sur les annonces que j’ai faites.
Nous allons continuer de nous conformer scrupuleusement aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière de tests. Les recommandations ont évolué avec la connaissance du virus, les recommandations ont évolué avec l’apparition de la pandémie, les recommandations ont évolué avec l’identification des différentes stratégies mises en place dans tous les pays qui ont fait face en même temps que nous, ou quasiment en même temps que nous, à l’épidémie. Ces pays ont choisi des stratégies qui leur étaient propres, en fonction des moyens à leur disposition.
J’ai déjà souligné que j’avais entendu l’appel du directeur de l’OMS : « testez, testez, testez ! » Cet enjeu sera encore plus important au moment où nous nous apprêterons à déconfiner la France, à l’heure où les Français seront amenés à quitter leur domicile pour retrouver une vie normale. L’enjeu de ces tests sera surtout de savoir qui aura été malade et qui ne l’aura pas été.
Je peux vous confirmer que nous aurons, sous quinzaine, la possibilité de passer des 5 000 tests par jour que nous réalisons actuellement à près de 20 000 à 25 000 tests – sans doute un peu plus. L’Allemagne, souvent citée en exemple, réalise aujourd’hui 12 000 tests par jour. Cela sous-entend aussi de pouvoir amener suffisamment de réactifs, de kits de prélèvement… Nous passons toutes les commandes nécessaires aux pays étrangers et auprès des producteurs présents sur le territoire national. Il s’agit d’un enjeu important.
Toutefois, nous n’allons pas nous contenter des PCR, qui nous indiquent si l’on est malade à un moment donné. Ce qui nous intéresse, c’est la sérologie, laquelle va aussi se développer à une vitesse grand V. La recherche et l’innovation nous permettront rapidement de savoir, par une simple prise de sang, qui aura été immunisé contre le virus, asymptomatique ou non, et qui ne l’aura pas été.
Cette information sera très importante pour savoir où nous en sommes dans l’épidémie à l’échelle du pays, à l’échelle de l’Europe et à l’échelle du monde. Cela permettra aussi à chacun de savoir s’il est immunisé pour de bon contre la maladie ou pas encore.
Je pense également à la recherche et au développement en cours sur les autotests et les tests rapides sur l’ensemble du territoire national, en Europe et ailleurs dans le monde. Ils seront disponibles pour les Français, dès l’instant où ils seront validés, où que ce soit dans le monde.
Voilà ce que je pouvais vous répondre, madame la sénatrice, sur les tests. Je vous prie de m’excuser de ne pouvoir répondre à vos autres questions, faute de temps.
gestion des examens et concours
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. La fermeture des écoles et établissements scolaires a plongé l’ensemble du système éducatif dans une situation inédite. Dans ces conditions difficiles, je tiens à saluer l’implication des directeurs d’établissement et des enseignants, qui assurent la continuité pédagogique et le respect des programmes dans notre pays. Si le constat est globalement positif, quelques questions et interrogations demeurent.
En ce qui concerne l’égal accès à l’enseignement, chaque famille ne possède pas toujours les équipements réseaux et informatiques nécessaires pour suivre un téléenseignement de qualité. De surcroît, le rôle des parents est essentiel et pallie l’absence contrainte des enseignants.
Il existe de grandes disparités entre les familles au sein desquelles les parents sont disponibles pour aider tout au long de la journée leur enfant et celles où les parents sont nécessairement moins présents. Le risque est grand de voir une forme de décalage se renforcer entre deux catégories de familles : celles qui disposent du temps nécessaire, de la maîtrise des derniers outils technologiques et les autres. La question du rattrapage, une fois le confinement terminé, se posera pour certains enfants.
Les familles sont en demande d’information de la part des enseignants sur le rôle qu’elles doivent tenir dans l’accompagnement pédagogique des enfants. Il semblerait qu’il existe des disparités d’un enseignant à l’autre.
Je voudrais enfin appeler votre attention sur deux points particuliers.
Le ministère de l’éducation nationale engage actuellement des démarches d’élaboration des ouvertures et des fermetures de classes en vue de la rentrée prochaine. Dans certaines communes, dans quelques jours, des maires pourraient recevoir des courriers leur indiquant la fermeture de classes dans leurs écoles. Dans la période actuelle, il apparaît opportun de suspendre ce calendrier et d’éviter des tensions supplémentaires dont nous n’avons pas besoin.
Par ailleurs, la question du baccalauréat et de son calendrier, en particulier des épreuves de contrôle continu qui devaient débuter à l’issue des vacances de printemps, se pose. Ce calendrier est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Lafon, vous avez réussi, en deux minutes, à concentrer des questions qui nécessiteraient une réponse d’environ une heure. (Sourires.)
Je vais m’efforcer d’aller droit au but, mais je voudrais d’abord, comme vous, rendre hommage aux professeurs et à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, qui ont accompli un travail exceptionnel qui a permis, dès le début de la semaine dernière, d’entrer dans ces circonstances exceptionnelles avec volontarisme et d’assurer le suivi de tous nos élèves. Les familles nous font même savoir qu’il y a parfois trop de travail. Nous allons réguler la situation de façon à planifier les prochaines semaines de manière équilibrée pour l’ensemble des élèves de France.
Comme vous l’avez souligné, une telle situation peut accentuer les inégalités en ce que les circonstances familiales déterminent presque à elles seules la qualité du travail à distance quotidien des enfants. Nous devons compenser ces inégalités, raison pour laquelle j’ai demandé que chaque famille puisse être contactée au moins une fois par semaine, voire plus pour les familles défavorisées, afin d’assurer un suivi personnalisé, un dialogue professeur-parents, notamment par téléphone. Il s’agit d’un point majeur.
Nous avons pris une série de dispositions nous permettant de porter une attention particulière à ces situations. Je pense, par exemple, à ce que nous faisons en matière d’enseignement professionnel. Nous prendrons d’autres dispositions à l’issue de cette crise, notamment des modules de soutien scolaire gratuits. C’est aussi un point essentiel.
En ce qui concerne les concours et les examens, nous avons publié hier, avec Frédérique Vidal, un communiqué précisant un certain nombre de détails. En ce qui concerne le baccalauréat, je suis actuellement en discussion, par téléconférence, avec l’ensemble des organisations syndicales. Nous devrions pouvoir, d’ici à une dizaine de jours, déterminer les modalités retenues, aussi bien en ce qui concerne la date que la nature des épreuves.
Bien évidemment, mon but est de préserver les intérêts de tous nos élèves, autrement dit leur permettre d’obtenir leur diplôme. Pour ceux qui passent des concours cette année, je veux qu’ils puissent le faire selon des modalités qui ne lèsent personne. Toutes ces mesures pourront être précisées dans les prochains jours, dans les prochaines semaines.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces éléments de réponse.
Je voudrais appeler votre attention sur la question de la préparation de la rentrée scolaire et des procédures mises en place actuellement au sein des différents rectorats. Les tensions ou les inquiétudes qu’elles peuvent générer ne sont pas forcément indispensables dans la période que nous traversons.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions de contrôle au Gouvernement.
Je voudrais saluer nos collègues qui nous suivent sur Public Sénat, les remercier des « remontées » qu’ils nous font parvenir depuis les territoires qu’ils représentent.
Avant de conclure notre séance, je vous rappelle, mes chers collègues, que le droit de questionnement continue également à s’exercer sous la forme des questions écrites auxquelles j’invite le Gouvernement à apporter des réponses dans les délais les plus raisonnables.
3
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires économiques a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 1er avril 2020 :
À quinze heures :
Questions au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinq.)
nomination d’un membre d’une commission
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée. Mme Guylène Pantel est membre de la commission des affaires économiques.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication