M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre. Je distingue bien le cas des communes où le résultat est définitif de celui des communes où il ne l’est pas, le premier tour n’ayant pas permis de sanctuariser l’élection.
Je rejoins l’avis du Conseil d’État, que nous avons sollicité sur le texte qui vous est soumis. Celui-ci a estimé qu’un encadrement était nécessaire, avec une date butoir fixée au 30 juin, laquelle peut évidemment être avancée au 21 juin ou plus tôt – nous aurons l’occasion d’en reparler. En effet, comme M. le rapporteur l’a rappelé, le Conseil d’État considère qu’un délai trop long entre les deux tours mettrait en cause la sincérité du premier tour de scrutin et ferait tomber les résultats de celui-ci.
Si le Conseil d’État ne s’est pas prononcé sur ce sujet dans son avis, nous pouvons penser, par déduction, que, si nous n’étions pas en mesure d’organiser les élections avant le mois de septembre, il estimerait que le délai serait trop long et que le premier tour, pour les communes où il n’a pas été décisif, serait remis en cause.
Mme Éliane Assassi. Je retire l’amendement n° 83, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 83 est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 111.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. – Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
Ce rapport examine également les risques sanitaires et les précautions à prendre :
1° Pour l’élection du maire et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour ;
2° Pour les réunions des conseils communautaires.
B. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité national scientifique.
C. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’à l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’à cette même date ;
D. – Alinéas 9 et 10, seconde phrase
Remplacer la référence :
V
par la référence :
V bis
E. - Alinéa 27
Après les mots :
Pour les
insérer les mots :
listes de candidats ou les
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement est très important, puisqu’il vise à tirer les conséquences de la décision politique qui a été prise cet après-midi, à l’issue d’une réunion présidée par le président du Sénat et le Premier ministre, en présence du ministre de l’intérieur et du ministre des relations avec le Parlement, à laquelle participaient les présidents de tous les groupes de la Haute Assemblée.
Il aurait évidemment été éminemment souhaitable de pouvoir organiser l’élection des maires et de leurs adjoints vendredi, samedi et dimanche, comme prévu.
Mais nous avons tous pu constater que la décision de confiner la population avait changé les données du problème, puisqu’il fallait, pour organiser cette élection des maires et des adjoints, déroger aux règles de ce confinement, pour une raison infiniment respectable d’ailleurs, qui est la nécessité de faire vivre la démocratie locale, alors que les maires, dans la République, sont les premiers acteurs de la sécurité et que, dans leurs pouvoirs de police, l’hygiène publique est, historiquement, le premier fondement de leurs interventions. Par conséquent, ne pas permettre que se déroule normalement l’élection des maires des communes où tous les conseillers municipaux ont été élus lors du premier tour de scrutin est vraiment une décision très pénible à prendre.
Le ministre de l’intérieur, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale et moi-même nous sommes entretenus de cette question dès hier soir. Nous avions conclu que, si le Gouvernement souhaitait maintenir les élections de vendredi, samedi et dimanche, il fallait, à tout le moins, apporter des souplesses, que nous avons inscrites dans le texte : nous avons prévu que le quorum soit plus faible – un tiers, contre 50 % normalement –, que deux procurations puissent être données à chaque conseiller municipal présent, contre une en droit commun, que le scrutin puisse se dérouler ailleurs qu’à la mairie, et même, éventuellement, dans une commune voisine, pourvu que ce soit dans une salle permettant d’éviter la promiscuité.
De nombreux élus auraient souhaité que le scrutin soit maintenu. On ne peut pas leur donner tort du point de vue du fonctionnement de notre démocratie ni compte tenu de la nécessité de renforcer l’armature des élus. Il est important de donner aux élus qui entrent en fonctions la légitimité et la capacité d’action dont ils ont besoin.
Mais beaucoup d’autres élus s’apprêtaient à braver la loi, les consignes du ministère et celles des préfets pour ne pas tenir cette élection. Il fallait sortir de cette situation complexe. Tel est le sens de la décision qui a été prise.
Le présent amendement tire les conséquences de cette décision politique très importante, en reportant à une date qui sera fixée ultérieurement et qui doit correspondre à la fin du confinement l’élection des maires et des adjoints.
Cette nouvelle date devra être arrêtée par le Gouvernement en fonction du rapport du comité national scientifique, dont le projet de loi prévoit qu’il sera rendu public le 10 mai. C’est le même rapport qui nous éclairera sur la possibilité d’organiser le second tour des élections municipales et sur la nécessité de légiférer en cas d’impossibilité.
Il faudra expliquer le compromis proposé. Il conviendra notamment de rassurer ceux des maires qui croient déjà que l’on a annulé leur élection. Il s’agit de différer l’élection du maire, et non de remettre en cause l’élection des conseils municipaux qui ont été élus au complet dimanche dernier. Je tiens à le dire, même si cela paraît évident, parce que de nombreux élus s’inquiètent d’ores et déjà. L’information devra être diffusée de manière très rigoureuse dans les jours qui viennent.
Telle est l’économie générale de cette disposition, qui tend à prolonger le mandat des anciens conseils municipaux, des anciens maires, des anciens adjoints et des anciens délégués communautaires jusqu’à l’élection des nouveaux maires et de leurs adjoints.
M. le président. Le sous-amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 93, alinéa 8
Après le mot :
décret
insérer les mots :
au plus tard au mois de juin
La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre. J’émets d’abord un avis évidemment favorable sur l’amendement qui vient d’être présenté par le président Bas, en insistant, comme lui, sur le point suivant : cette disposition est le révélateur de la gravité de la situation dans laquelle nous sommes d’un point de vue sanitaire. C’est cette situation qui a conduit le Gouvernement à ouvrir cette discussion, et je veux saluer la qualité de nos travaux compte tenu du déchirement que peut représenter, pour certains de ceux qui ont été élus dimanche dernier, l’obligation d’attendre avant l’installation des nouveaux exécutifs.
Dans la culture américaine, une élection présidentielle peut précéder l’installation du président de plusieurs mois. Nous n’avons pas cette culture : nous pratiquons l’entrée rapide en fonction.
Or, dans le combat que nous devons mener contre le coronavirus, nous avons besoin des collectivités locales. Elles ont un rôle majeur à jouer, et nous savons quelle est la responsabilité du maire là où il s’agit d’organiser un marché, par exemple, ou de mobiliser la police municipale pour faire en sorte que les dispositions de protection de nos concitoyens soient respectées.
Nous avons donc besoin que les collectivités soient opérationnelles. La solution qui permet de maintenir en place les exécutifs sortants et de choisir le meilleur moment pour l’installation des exécutifs élus la semaine dernière va donc dans le bon sens.
Je propose néanmoins un sous-amendement visant à retirer un tout petit peu de pouvoir au Gouvernement, sachant que le texte de l’amendement n° 93 rectifié ne contient pas de référence à la date limite du 30 juin – nous venons d’avoir un échange sur cette question. Je propose, donc, d’encadrer la possibilité pour le Gouvernement de fixer par décret la date d’entrée en fonction des conseils municipaux déjà élus en introduisant une telle référence.
Cette référence est une évidence pour tous, mais, me semble-t-il, la sécurité juridique commande d’adopter l’amendement du président Bas en y intégrant ce sous-amendement, donc de prévoir, sur le modèle de ce qui est prévu pour le second tour de l’élection municipale, que le décret pris par le Gouvernement devra l’être au plus tard à la fin du mois de juin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 108 ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je découvre à l’instant ce sous-amendement ; je vais donc réfléchir à voix haute et prendre à témoin chacune et chacun d’entre vous de ma réflexion.
Mme Esther Benbassa. En deux minutes et demie ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Comme vous le savez, les présidents de commission peuvent s’exprimer chaque fois qu’ils demandent la parole,…
M. le président. Sans limite de temps !
M. Philippe Bas, rapporteur. … mais je n’abuserai pas de cette prérogative.
On ne peut pas laisser s’éterniser la situation que nous créons ce soir. À cet égard, l’idée de ne pas différer au-delà du mois de juin la prise d’un décret organisant l’élection des maires de 30 000 communes ne me paraît pas malsaine.
Mais il se peut très bien que la crise sanitaire, au mois de juin, ne se soit pas éloignée ; nous serions alors dans la même situation que celle de ce vendredi, de ce samedi et de ce dimanche s’agissant des risques sanitaires, ressentis ou réels, que prendraient les élus pour se réunir.
Monsieur le ministre, si nous acceptons de ne pas différer le choix d’une date au-delà du 30 juin, il faut en même temps que vous acceptiez – l’acceptez-vous ? – l’amendement n° 95 rectifié, que nous examinerons dans peu de temps. Nous recherchons tous les moyens d’organiser le vote en limitant autant qu’il est possible la présence physique des conseillers municipaux, si d’aventure nous étions toujours dans cette situation de crise sanitaire.
M. Bruno Retailleau. C’est fondamental !
M. Philippe Bas, rapporteur. En réalité, c’était impossible à organiser cette semaine, parce qu’une telle solution exige des mesures qui doivent être préparées. Cela veut dire que, même si nous privilégions l’hypothèse dans laquelle les conseils municipaux pourront se réunir – je le souhaite de tout cœur –, il faut que vous soyez prêt, monsieur le ministre, pour le vote par correspondance, pour le vote électronique et pour le vote à l’urne, ce dernier soulevant aussi des questions délicates.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons – c’est l’objet de l’amendement n° 95 rectifié – ouvrir des possibilités nouvelles qu’il faut que vous prépariez, afin qu’elles soient mûres à la fin du mois de juin, si d’aventure nous avions besoin d’y recourir.
M. Philippe Mouiller. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. Cela dit, avis favorable de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Il est tôt, chacun est un peu fatigué et – le président Bas l’a rappelé – le moment est à la fois grave et exceptionnel ; les débats que nous avons depuis tout à l’heure répondent à cette gravité.
Je parle à titre personnel, pas au nom de mon groupe : parce qu’il est nécessaire de prendre en compte la gravité de la situation sanitaire, j’ai souscrit à l’adaptation proposée par Philippe Bas des dispositions relatives à la réunion des conseils municipaux. Jusqu’à treize heures, tout cela paraissait acceptable.
Certes, comme le Premier ministre l’a dit, nous sommes dans un océan d’incertitudes, et la situation sanitaire va sans doute évoluer. En même temps, pour les raisons mêmes que vous avez évoquées, monsieur le ministre, j’arrive à une conclusion contraire à la vôtre. Parce que nous avons besoin de mobiliser les élus locaux et parce que, comme l’a dit le président Bas, nous devons sortir le plus vite possible, en matière de gouvernance des collectivités locales, d’une solution pleine de confusion, je pense que, dès lors qu’un premier tour a eu lieu dimanche dernier, il faut, là où le conseil municipal est déjà au complet, poursuivre la procédure et laisser les choses se faire, d’autant que les conseillers municipaux se sont organisés dans cette perspective – pour certains d’entre eux, ils avaient prévu de se réunir dans quelques heures.
Monsieur le ministre, quand vous dites que les nouveaux élus ne sauraient pas gérer une situation grave,…
Mme Françoise Gatel. … je peux partager cet avis. Je me souviens, à titre personnel, lorsque j’ai été élue pour la première fois, avoir été confrontée à une situation totalement étonnante : ne sachant quoi faire, je fus très embarrassée. Je comprends donc qu’il y ait là une difficulté.
En même temps, monsieur le ministre, nous savons tous combien difficiles sont certaines situations, là où, par exemple, un premier adjoint s’est présenté contre son maire à la tête d’une liste dissidente. Il est désormais dans l’opposition, et nous lui dirions, demain : « mon cher ami, vous avez mené un combat, vous avez été battu, mais vous allez devoir travailler de nouveau avec votre ancien maire » ?
Qu’allons-nous dire à des maires qui, très dévoués à leur commune, avaient néanmoins annoncé que, ne pouvant plus continuer, ils décidaient d’arrêter et de quitter leurs fonctions ? Dans certaines communes, c’est ce qui va se passer ! Je pense donc que la présente disposition crée trop de confusion et de difficultés ; à titre personnel, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Difficile de ne pas voter cet amendement eu égard au contexte sanitaire et à ce qu’a dit le comité national scientifique. Nous étions dans un état d’esprit totalement différent il y a quelques heures – c’est évident, et Mme Gatel l’a rappelé.
Nous ne pouvons pas ne pas faire état du malaise que l’on ressent forcément à se trouver dans cette situation tout à fait exorbitante. Que dit la loi, en effet ? La loi qui s’applique, que doivent suivre tous les maires, tous les élus, dispose qu’il faut élire le maire et les adjoints huit jours après l’élection municipale. C’est ce qui est écrit dans la loi. Or que nous a-t-on dit hier soir ? Qu’il ne fallait pas appliquer la loi ! Nous sommes même en train de réfléchir – M. Bas en a parlé – à un amendement dont l’objet est qu’il ne soit donné aucune suite à l’acte effectué par ceux qui, précisément, appliqueraient la loi.
Le comité national scientifique est une instance consultative ; c’est le pouvoir exécutif qui prend les décisions. On peut trouver malgré tout très dommageable que ce comité ne se soit pas enquis plus rapidement de cette question. Si nous avions su il y a quelques jours qu’il paraissait problématique de procéder aux élections municipales – on n’a pas découvert cette épidémie aujourd’hui ! –, nous n’en serions pas là.
Il faut bien se rendre compte du traumatisme qui va être créé. Certes, aucune solution miracle n’est disponible, mais, alors que les élections ont eu lieu, des personnes qui ont été battues seront susceptibles de rester en place, pour assurer la continuité, dans 30 000 communes de France. La loi, donc, n’est pas respectée. Cas rare : nous nous retrouvons à avaliser, partout sur le territoire national, la non-application de la loi.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. La position exprimée par le président Bas est le fruit d’une concertation ; je m’y rallierai. Je précise néanmoins que je n’y étais pas favorable, compte tenu des problèmes que nous allons créer dans toutes les communes où une liste sortante a été battue et remplacée par une autre, laquelle sera dans l’impossibilité de prendre ses fonctions alors que le processus électoral est achevé.
C’est l’importance que chacun reconnaît à l’avis du comité national scientifique qui me dicte ce ralliement : en définitive, ce sont désormais les experts qui décident de la politique. Personnellement, je pense que c’est une couverture, et que ce n’est pas un bon principe, quel que soit le sujet.
Monsieur le ministre, il faudrait, dans l’hypothèse où les choses se passent mal dans une commune où la municipalité sortante a perdu mais doit continuer à exercer ses fonctions, que la commission spéciale qui devrait être mise en place par le préfet puisse donner à l’équipe qui a gagné la conduite des affaires.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je vais voter avec beaucoup de malaise cette disposition qui vient de nous être soumise.
Il faut évidemment respecter l’alerte sanitaire très sérieuse qui nous est notifiée, et donc prendre toutes les précautions nécessaires. Reste que l’avis du comité national scientifique sur la tenue de l’installation des conseils municipaux, pour ce que j’en connais du moins – mes collègues ne semblent pas en savoir davantage – n’est pas détaillé du tout.
Dans 20 000 des 30 000 communes dont nous parlons, il s’agit de réunir sept ou onze personnes.
Mme Sophie Primas. Voire moins !
M. Alain Richard. Le risque de mise en contact et de transmission dans des groupes de cette taille est tout de même maîtrisable, si les élus prennent les précautions logiques de distance interpersonnelle. Bien sûr, ce report est prudent. Mais il crée une mise en suspens très problématique à la suite de l’expression du suffrage.
Mes collègues citent – c’est normal – les situations de conflit. Parmi les 30 000 communes qui ont pourvu à l’élection de leur conseil municipal, il y en a sans doute 25 000 où l’équipe qui reprend les rênes est soit la même, pour l’essentiel, que la précédente, avec le même chef de file, soit une liste correspondant à une succession réussie.
M. Philippe Adnot. Dans 50 % des cas seulement !
M. Alain Richard. Mais cela laisse tout de même un certain nombre de communes dans lesquelles, en effet, les relations de travail posent problème et, dirais-je même, la légitimité du maire maintenu à son poste, appelé à prendre des décisions problématiques concernant la vie quotidienne de sa commune, sera franchement mise en question.
En tout cas, il me semble que la décision que nous devons prendre quant à la nouvelle date d’installation des conseils est très différente de la décision d’appeler aux urnes 20 millions de personnes – c’est à peu près le nombre d’électeurs qui auront à se prononcer pour un deuxième tour – qui, elles, devront se déplacer en masse, par cohortes de 1 000 personnes ou plus, pour gagner un bureau de vote. Les deux situations sont très différentes.
Je voudrais donc que nous nous entendions bien avec le Gouvernement sur le fait que, certes, un rapport sera remis le 10 mai, mais que le comité national scientifique s’y prononcera sur la prévention de deux risques différents : d’une part, laisser voter, dans des salles aménagées à cet effet, des groupes de personnes en nombre limité ; d’autre part, organiser, un mois plus tard, avec une part d’incertitude donc,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Richard. … le vote de la masse des citoyens. Il faut qu’au moins nous nous conservions la possibilité de dire oui au vote des conseils municipaux dans des conditions aménagées, peut-être même avant le 10 mai – c’est une date limite – sans dire forcément oui au deuxième tour.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. C’est un sujet important. Il y a quelques heures, j’étais favorable – nous en avions parlé, avec le président Bas, à plusieurs collègues – au maintien de cette élection sous une forme allégée. Il faut aussi, en effet, que les formes anciennes puissent évoluer : on aurait très bien pu baisser le quorum, augmenter les possibilités de procuration, voire organiser le vote à l’urne, afin que les personnes concernées restent très peu de temps dans une même pièce, voire ne soient pratiquement pas en contact.
Ce qui a changé la donne, c’est évidemment l’avis du comité national scientifique, mais pas seulement, mes chers collègues. Pouvez-vous concevoir que, dans la même semaine où sont prise la décision de confinement des Français et rendu l’avis du comité national scientifique, on campe sur cette position ? Vous avez senti, comme moi, dans vos départements respectifs, monter l’angoisse. Des maires se sont déclarés opposés à toute réunion et ont même commencé à pétitionner pour dire qu’il n’était pas question qu’ils appellent les conseillers à se réunir pour élire le bureau municipal. Il était impossible de maintenir cette élection ! Les Français eux-mêmes ne l’auraient pas compris.
Nous nous sommes réunis, avec Gérard Larcher, avec les membres du Gouvernement, le Premier ministre et l’ensemble des présidents de groupe, et nous avons essayé de converger vers la moins mauvaise solution.
Il faudra faire très attention, néanmoins. Je le redis, monsieur le ministre : il faut que vous vous engagiez solennellement, dans les minutes qui viennent, à ce que le report de cette élection des municipalités, maires et adjoints, ne signifie en aucun cas l’annulation du premier tour là où l’élection a été acquise. C’est la première chose. Deuxième chose : il est important de se mettre immédiatement au travail sur les fameuses modalités, plus modernes, plus imaginatives, qui pourraient permettre malgré tout, si jamais la crise perdure, d’élire sans risque et le plus vite possible les maires et les adjoints.
Il faudra, enfin, que les préfets puissent rédiger très rapidement, dans la semaine, une circulaire qui précisera par exemple la conduite à tenir pour les communes qui n’avaient pas eu le temps de voter les budgets ou n’avaient pas voulu le faire – c’est ce qu’on appelle expédier les affaires courantes : c’est extrêmement important.
Merci de me répondre sur ces différents points, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre. Je comprends parfaitement les remarques qui ont été formulées, et les oppositions à la proposition du président Bas.
Nous connaissons les difficultés qui peuvent exister dans telle ou telle commune. J’étais ce matin l’invité d’une matinale, sur Europe 1 ; un maire m’a interpellé et m’a posé précisément cette question. J’ai évoqué, comme je l’avais fait la veille avec Philippe Bas, notre volonté de simplifier au maximum les modalités du vote pour faire en sorte qu’il puisse se dérouler dans de bonnes conditions sanitaires.
Je vais même vous confier quelque chose de très personnel : j’ai décidé au dernier moment, en venant cet après-midi au Sénat, de ne pas lire le texte de la réponse qui avait été préparée à une question d’actualité portant sur ce sujet. Dans la voiture qui me conduisait ici, en effet, j’ai reçu l’avis du président du comité national scientifique à qui nous avions soumis la démarche dans laquelle nous pensions inscrire notre travail, sur la base de l’amendement de Philippe Bas. Même sous de telles conditions, nous disait le comité, l’organisation de ces élections vendredi, samedi ou dimanche serait risquée, et ne pourrait aller sans dangers.
J’ai donc très vite évoqué ce risque sanitaire avec certains d’entre vous. Le risque sanitaire doit éclairer la décision politique – cette question a été souvent soulevée : ce n’est pas aux experts de décider pour le politique, mais l’analyse des experts doit nous permettre de prendre des décisions éclairées.
C’est la raison pour laquelle il me semble opportun de ne pas contraindre les élus, dont beaucoup ont, ces dernières vingt-quatre heures, comme les fonctionnaires municipaux qui sont mobilisés dans ce cadre-là, émis de fortes réserves sur l’idée de devoir participer au déroulement d’opérations de vote ce week-end.
À cet égard, le dispositif proposé va dans le bon sens. Mais, évidemment, nous devons impérativement faire en sorte que le processus électoral suive son cours, même si je ne peux pas m’engager. De toute façon – je vous réponds, monsieur Retailleau –, la suppression du premier tour impliquerait une loi, et non pas une décision unilatérale du Gouvernement. Et nous avons tous ici un même objectif : que ces élections puissent se dérouler, et ce le plus vite possible. Nous avons discuté tout à l’heure de la référence au 30 juin ; il faut qu’elles puissent avoir lieu avant cette date. Cela démontrera la victoire de notre pays sur le Covid-19, et permettra aux équipes élues d’entrer le plus vite possible dans la gestion municipale opérationnelle.
Je veux, sur ce sujet, prendre plusieurs engagements. Je serai favorable à tous les allégements de procédure qui permettront de voter dans les conditions les plus simples et les plus sûres. En la matière, et là encore, je rejoindrai ultérieurement les propositions du président Bas, avec quelques réserves dont nous avons pu discuter, sur le vote à main levée par exemple – le principe du secret du vote, en pareille circonstance, est à mon sens constitutionnellement protégé ; peut-être ne faut-il pas y toucher. En tout état de cause, simplifions au maximum !
Et je propose que, sur cette ordonnance, nous travaillions avec vous, vraiment, et pas en cabinet, seuls dans notre coin, afin de simplifier par tous les moyens.
Je voudrais préciser que si, dans certaines situations, l’équipe en place ne souhaite pas assurer ses fonctions et décide de démissionner, le préfet aura la possibilité de désigner une équipe par mandat spécial. Je transmettrai une recommandation, ou un conseil, en ce sens aux préfets – il n’appartient pas au ministre de décider qui doit exercer ce mandat, mais il serait parfaitement légitime que le préfet choisisse celui qui a gagné les élections.