M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos outre-mer sont particulièrement sensibles au changement climatique, du fait de leur insularité et de leurs différentes situations géographiques.
Il est dès lors primordial d’investir dans la recherche, l’observation et la prévention des risques climatiques pour tous les territoires ultramarins.
Pluies torrentielles, cyclones, tremblements de terre et tsunamis sont autant de phénomènes à l’intensité et à la fréquence croissantes.
Il en résulte des mouvements de terrain et des inondations sur les terres littorales, mais aussi, chose plus grave encore, des infiltrations d’eau salée dans les nappes phréatiques. Ainsi, à Wallis, l’eau deviendra à terme impropre tant à la consommation qu’à toute culture agricole.
Ce phénomène d’élévation inéluctable du niveau de la mer, combiné à l’acidification croissante des océans, est appelé à s’accroître dans la plupart des territoires ultramarins. Cela affectera à terme la survie et le bon fonctionnement des écosystèmes littoraux, tels que les récifs coralliens et les mangroves, qui exercent une fonction protectrice des littoraux.
Des marges de progrès existent pour les territoires d’outre-mer les plus démunis, en particulier à Mayotte et Wallis-et-Futuna. Des investissements doivent être faits dans le domaine des équipements, notamment pour renforcer la couverture en radars météorologiques et en houlographes.
Par ailleurs, des structures de coopération devraient être mises en place avec les autres îles et territoires de l’environnement régional de nos outre-mer.
Madame la ministre, je souhaiterais donc savoir à quels investissements le Gouvernement envisage de procéder dans ces deux domaines.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Je suis d’accord avec vous, monsieur le sénateur Laufoaulu : il convient de conserver des dispositifs de surveillance et d’observation de qualité, tant pour les phénomènes liés au réchauffement climatique que pour les autres risques auxquels sont exposés nos différents territoires d’outre-mer, où qu’ils soient situés.
Je veux proclamer ici, comme j’ai eu l’occasion de le faire en Polynésie il y a quelques jours, que nos territoires ultramarins sont de véritables vigies du dérèglement climatique sur nos trois océans. Il faut que nous soyons mieux équipés pour assumer ce rôle de vigie.
Dans mon propos introductif, j’ai rappelé combien nous étions investis dans la préparation à la lutte contre ces risques majeurs. Ces risques sont largement gérés aujourd’hui, comme l’illustrent plusieurs exemples. Nous sommes bien ces vigies !
Ainsi, nous disposons d’un observatoire volcanologique et sismologique à la pointe de la technologie ; il produit des résultats.
Nous avons également procédé à des investissements majeurs pour la surveillance des inondations et nous comptons les poursuivre. Nous menons plusieurs études prospectives cycloniques : divers organismes et chercheurs sont engagés sur ces sujets. Nous procédons à la régionalisation des scénarios climatiques outre-mer ; des modèles de submersion ont été développés. Nous disposons donc de plusieurs outils pour suivre l’évolution du dérèglement climatique et des risques qu’il engendre pour les territoires d’outre-mer.
Bien évidemment, nous maintiendrons notre capacité en la matière sur les trois bassins. Le Président de la République se rendra bientôt en Polynésie ; il souhaite partager avec les États insulaires du Pacifique l’ensemble de nos outils. Wallis-et-Futuna sera également représenté lors de ce déplacement.
Le Criobe, le Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement, travaille sur le dérèglement climatique en milieu insulaire, effectue des recherches sur le corail qui pourront être ainsi partagées. Nous savons bien combien les barrières de corail nous protègent ; c’est pourquoi il nous faut travailler sur ces sujets.
Je pense aussi à Mayotte…
M. le président. Il vous faut conclure, madame la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. Ces deux dernières années, Mayotte a connu des séismes. On a découvert l’existence d’un volcan sous-marin à proximité de l’île. Nous en assurerons la veille en permanence, et je crois pouvoir dire que tous les moyens sont mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’ouragan Irma, dont les conséquences dramatiques sont à l’origine de ce débat, a eu un impact profond sur les constructions dans les îles qui se trouvaient sur son passage, en particulier Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Cependant, il est rapidement apparu que les dégâts ont été significativement plus importants à Saint-Martin qu’à Saint-Barthélemy, et ce pour une raison très simple : la plus forte présence dans la première de ces îles d’un habitat informel ou insalubre, couplé à un moindre respect des règles d’urbanisme.
Nous avions déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce point, ici au Sénat, en novembre 2018, à l’occasion de la ratification d’une ordonnance visant justement à mieux faire respecter le code de l’urbanisme à Saint-Martin.
Les questions d’habitat, notamment d’habitat insalubre, sont particulièrement prégnantes en métropole. Elles le sont encore plus outre-mer, où la précarité de l’habitat vient démultiplier l’impact des catastrophes naturelles, avec les risques que cela comporte pour la population au moment de la catastrophe et les conséquences très lourdes qui la suivent. C’est vrai dans tous les territoires : à La Réunion, sur les collines de Mayotte, à Saint-Martin ou encore en bord de mer à Wallis et Futuna.
Par surcroît, les habitats insalubres ou qui ne sont pas aux normes ne sont pas assurés pour bon nombre d’entre eux. Cela place leurs occupants dans une situation encore plus compliquée en cas de sinistre ; on a pu le constater, par exemple à Saint-Martin après le passage de l’ouragan Irma.
Quelle est donc, madame la ministre, la politique du Gouvernement pour assurer outre-mer le respect des règles d’urbanisme et de construction décente ? Quelles réponses apportez-vous à la source de ces problèmes que sont les enjeux fonciers et la gestion des cadastres ultramarins ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Prince, vous soulignez à juste titre l’importance du respect des règles d’urbanisme pour assurer une meilleure résilience de nos territoires face aux risques majeurs, en prenant l’exemple de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy face à Irma.
L’action de l’État en la matière est multiple.
Je le rappelais, les outre-mer sont souvent en avance par rapport à l’Hexagone en matière de plans de prévention des risques, grâce à l’action des services de l’État dans l’ensemble des territoires, mais aussi des collectivités qui souhaitent apporter des réponses.
Comme vous le savez, les plans de prévention des risques, les PPR, imposent des prescriptions pour les documents d’urbanisme des collectivités. Dans l’Hexagone comme dans les DROM – il y a quelques exceptions pour les COM –, ce sont les communes qui fixent et mettent en œuvre les règles d’urbanisme, mais soyez assuré que l’État est plus particulièrement vigilant dans le cadre de son contrôle de légalité des actes d’urbanisme dans les zones à risque.
L’État s’implique aussi – c’est tout à fait normal –, en termes de financement. Il apporte ainsi des financements significatifs en matière de lutte contre l’habitat informel et insalubre. Entre 2015 et 2019, la participation de l’État via la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée aux opérations de résorption de l’habitat indigne, s’est élevée à 93,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 101 millions d’euros de crédits de paiement. Ces opérations concernent au total plus de 12 000 ménages.
Les aides à l’amélioration de l’habitat et à l’accession très sociale participent également de la lutte contre l’habitat indigne. Sur la période 2015-2019, la LBU a permis de financer à hauteur de 125 millions d’euros la réhabilitation de près de 6 000 logements et la construction d’environ 2 000 logements pour les accédants modestes.
Par ailleurs, le rétablissement de l’aide à l’accession, opéré en loi de finances 2020 et voté sur ces travées, permettra de contribuer efficacement à l’action de l’État contre l’habitat indigne outre-mer.
Enfin, une politique spécifique de lutte contre l’habitat spontané et précaire, indispensable à Mayotte et en Guyane, sera menée par expérimentation. De nouveaux modes de construction seront donc également prévus.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, notre collègue Guillaume Arnell a fait état du rapport que nous avons rendu au nom de la délégation aux outre-mer présidée par notre collègue président Michel Magras.
Dans ce rapport, nous avons été attentifs à montrer la diversité des risques pour l’ensemble des territoires, qu’il s’agisse de cyclones, de tsunamis, de séismes, d’éruptions ou de nouveaux risques comme les sargasses. Cette vulnérabilité et cette exposition croissantes appellent d’urgence des mesures d’ampleur adaptées, en particulier en matière de prévention, madame la ministre.
Pourtant, lors de nos auditions, les collectivités locales nous ont fait part de leurs difficultés à porter les projets nécessaires, compte tenu notamment des possibilités limitées de mobilisation du fonds Barnier. Au manque d’ingénierie qui est fortement préjudiciable à la mise en œuvre rapide et efficace des projets nécessaires dans les territoires s’ajoutent les conditions d’éligibilité restrictives à ce fonds.
C’est pourquoi nous avons demandé la création au sein du fonds Barnier d’une section propre aux outre-mer, avec des conditions d’éligibilité assouplies, sous gestion conjointe du ministère de l’action des comptes publics, du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et du ministère des outre-mer.
Par ailleurs, nous avons demandé à revenir sur le plafonnement, voté en loi de finances pour 2018, des ressources affectées au fonds Barnier. Nos collègues Hassani et Rapin ont noté dans le second volet du rapport les progrès accomplis dans la loi de finances pour 2019, notamment en ce qui concerne les assouplissements de plafond, mais aussi s’agissant du plan Séisme Antilles. Ces améliorations doivent être signalées.
Ma question est donc la suivante : quelles évolutions législatives, réglementaires et budgétaires le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour que le fonds Barnier prenne davantage en compte, et dans la durée, les contraintes des territoires ultramarins ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Mathieu Darnaud, les outre-mer bénéficient de dispositions plus favorables que l’Hexagone, et c’est bien normal, pour répondre aux défis énormes qui sont les leurs.
Dans les territoires d’outre-mer, il est possible de démolir des bâtiments construits sans droit ni titre – ce n’est pas possible ailleurs. Le fonds Barnier peut financer la mise aux normes parasismiques de bâtiments aux Antilles, par exemple des bâtiments de l’État qui sont utiles à la gestion de crise. Depuis 2019, le plafond du taux de soutien aux collectivités peut aller jusqu’à 80 % – ce qui n’est pas le cas en métropole, où ce plafond est fixé à 50 %.
S’agissant du fonds Barnier, je crois honnêtement que la question n’est pas celle des moyens budgétaires. Chaque année, la part de ce fonds allouée aux outre-mer est en augmentation : elle était de 23,7 millions d’euros en 2017, de 37,8 millions d’euros en 2018 et de 52,2 millions d’euros en 2019. Le fonds Barnier est donc largement mobilisé pour les actions menées outre-mer, notamment pour le plan Séisme Antilles.
Vous avez soulevé la question de l’ingénierie et de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Nous avons ouvert à l’Agence française de développement (AFD) une ligne budgétaire de 7 millions d’euros pour accompagner tous les projets des territoires d’outre-mer, qu’il s’agisse de projets visant à lutter contre les risques naturels ou d’autres projets.
Le fonds européen de développement régional (Feder), dont la gestion est assurée pour l’essentiel par les collectivités, le pseudo-fonds vert de l’AFD, qui permet l’octroi de prêts à taux zéro et dispose d’une enveloppe de 37 millions d’euros chaque année – nous y reviendrons peut-être –, ou encore la Caisse des dépôts peuvent également être mobilisés.
Ces dispositifs me paraissent susceptibles de répondre aux besoins des territoires d’outre-mer. Soyez assuré que l’ingénierie est à mes yeux une priorité.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, le 6 septembre 2017, les vents violents du cyclone Irma frappaient Saint-Martin et Saint-Barthélemy, entraînant d’importantes conséquences sociales, environnementales, urbaines, économiques et humaines.
Je tiens à saluer l’implication de la délégation sénatoriale aux outre-mer et de son président, M. Michel Magras. Le travail dense et approfondi mené par tous les rapporteurs nous a permis de proposer 100 recommandations concrètes pour répondre à la problématique des risques naturels outre-mer.
Dans le cadre de la différenciation de chaque territoire, les réponses doivent être diverses et adaptées aux réalités de chaque région.
Ainsi, chers collègues, je souhaite insister sur l’un des points qui nous paraissent prioritaires : la prévention. En effet, celle-ci est fondamentale pour permettre aux populations et aux élus de mieux anticiper les risques et les aléas, et ainsi, mieux gérer les situations d’urgence.
Pour ce faire, des moyens humains et matériels importants doivent être mobilisés dès maintenant pour mettre à niveau les dispositifs territoriaux d’alerte et de prévention en direction des populations et des entreprises, en créant la continuité des activités économiques, sociales et sanitaires.
Il importe également d’impliquer les salariés et les usagers, pour désormais apprendre à vivre avec les risques naturels et pour anticiper toutes les situations prévisibles avec sérénité, en coordonnant les actions institutionnelles avec tous les partenaires publics et privés, la population et les volontaires des différents services de sécurité publique.
L’objectif est de renforcer la capacité d’anticipation pour une meilleure acculturation des populations et des entreprises, afin de mieux vivre les aléas potentiels.
Les amendements du sénateur Antiste au projet de loi de finances pour 2020, et le mien au projet de loi de finances pour 2019, étaient déjà des appels, madame la ministre, pour revoir les modalités du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».
Ce fonds, qui est devenu la principale source de financement de la prévention, notamment pour le plan Séisme Antilles, est malheureusement difficilement mobilisable pour les collectivités d’outre-mer.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. L’adaptabilité est désormais la règle, et la culture du risque est fondamentale. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour éviter les répliques humaines ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, oui, nous devons nous préparer à faire face à ce que nous avons déjà connu – un cyclone de la violence d’Irma –, mais nous devons aussi nous préparer à pire.
L’enquête que j’évoquais à l’instant montre que le nord des Antilles sera encore davantage touché par des cyclones violents dans les années à venir. Cela nous oblige à nous préparer, dans votre collectivité comme dans l’ensemble des territoires d’outre-mer.
Cela nous oblige à réfléchir à la formation des fonctionnaires – cela a été pointé dans vos rapports – à la formation de nos jeunes et, plus largement, à la formation et à la préparation de nos populations à ce type de risque. Il nous faut développer davantage le modèle des « journées japonaises », aussi bien pour les formations professionnelles que pour la population.
La vigilance doit bien sûr être de rigueur partout dans nos territoires d’outre-mer. Elle doit nous obliger à nous préparer au pire.
Je suis d’accord avec vous : nous devons agir pour que des solutions soient apportées en ce domaine. Le délégué interministériel travaille sur ces sujets et formulera des propositions importantes dans le cadre de la loi, mais aussi, plus largement, au travers des plans que nous allons mettre en place.
Vous avez également évoqué le plan Barnier. Honnêtement, je me suis demandé, en préparant cette rencontre avec vous, quels projets n’auraient pas abouti avec le fonds Barnier. Il n’y en a pas ! Je veux bien que l’on dise que les collectivités n’arrivent pas à accéder au fonds Barnier, mais quel exemple pouvez-vous me donner ? Pourquoi et comment tel projet n’a-t-il pas abouti ?
En revanche, je sais que des projets ne se concrétisent jamais par manque d’ingénierie et d’accompagnement. C’est cet aspect que nous devons certainement creuser, en soutenant la maîtrise d’ouvrage et en fournissant une assistance aux différentes collectivités grâce aux moyens mobilisés par l’AFD.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Madame la ministre, en matière de risques naturels majeurs, la commune de Miquelon-Langlade est confrontée aux mêmes difficultés que celles que nos rapporteurs ont pointées du doigt, difficultés auxquelles s’ajoute un enjeu d’ingénierie qui pèse fortement sur ses équipes. Il faut évidemment une réponse adaptée, et je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre.
De plus, le transfert de compétences de la protection du littoral à la commune, auquel je me suis opposé, contrairement à vous, madame la ministre, n’a pas amélioré sa situation.
L’exposition du village de Miquelon-Langlage au risque de submersion marine présente un caractère exceptionnel, car tout le village est concerné. Le coût des travaux dans notre archipel est fortement supérieur à celui de l’Hexagone, même si le fonds Barnier peut financer une partie des études et des travaux – 40 % pour les particuliers, 50 % pour la prévention pour les collectivités et 40 % pour les travaux –, nous ne disposons pas de taux dérogatoire à Saint-Pierre-et-Miquelon – Mathieu Darnaud a déjà quelque peu défloré le sujet.
Est-il envisageable, dans le projet de loi qui nous sera présenté dans le courant de l’année 2020, que les coefficients d’intervention du fonds Barnier, tant pour les particuliers que pour les collectivités, soient réévalués, afin de tenir compte des coûts de construction locaux, qui sont de 1,4 à 1,7 fois plus élevés que les coûts constatés dans l’Hexagone ?
Par ailleurs, en janvier dernier, nos concitoyens ont signifié leur désir de construire leur avenir au sud du village. Cette demande, qui n’avait jamais été exprimée aussi fortement, fera l’objet d’une réponse favorable du conseil territorial qui va s’engager pour urbaniser de nouvelles zones – cela s’impose avec le plan de prévention des risques littoraux (PPRL).
Tous les acteurs devront être au rendez-vous, car c’est l’ensemble des infrastructures qu’il s’agit à terme de relocaliser. Le président de la collectivité, Stéphane Lenormand, lancera cette concertation ce jeudi.
Vous avez indiqué lors de votre dernier déplacement vouloir soutenir la collectivité. Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, quels sont les fonds que l’État peut mobiliser pour ce projet, vital pour la population, et que la collectivité ne pourra mener à elle seule.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Artano, vous parlez de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est votre collectivité comme la mienne.
N’étant pas parlementaire, je n’ai pas voté le texte que vous avez évoqué en 2018… Je me garderai donc de tout commentaire.
Le PPRL de Saint-Pierre-et-Miquelon a été signé le 28 septembre 2018. J’évoquais précédemment des situations particulières dans la négociation, notamment à Saint-Martin. À Saint-Pierre-et-Miquelon, certaines pratiques n’ont pas nécessairement été assez ouvertes à la population et aux collectivités. C’est pourquoi je veille désormais à ce que la transparence soit de rigueur.
Le schéma territorial d’aménagement et d’urbanisme, le STAU, de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui doit être compatible avec le PPR, fait actuellement débat. Ces sujets sont toujours très sensibles pour les populations de Saint-Pierre-et-Miquelon comme de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy ou de Wallis et Futuna.
Il était temps – je l’ai dit il y a plus d’un an – que l’on repense l’aménagement du village de Miquelon, afin d’étendre le village vers des terrains qui ne sont pas inondables ou, du moins, qui ne connaissent pas ce type de risque.
J’avais dit être prête à aider des porteurs de projets d’éco-quartier. Je suis prête à aider la collectivité et toutes les collectivités d’outre-mer en mobilisant le fonds Barnier, l’AFD et la Caisse des dépôts, qui peuvent accompagner les collectivités, notamment par des prêts à des taux très faibles, voire nuls sur des durées très importantes. Il est urgent de mettre ce travail en place.
Je me félicite de la prise en compte des demandes de nos concitoyens de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce devrait être le cas partout.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Je partage votre souci de réflexion et de projection : quand les travaux du STAU ont été lancés, ni la population ni les élus de la commune n’étaient prêts…
Je regrette simplement que vous ne m’ayez pas répondu sur la question des coefficients d’intervention du fonds Barnier. Compte tenu des taux d’intervention ailleurs outre-mer et du prix des travaux à Saint-Pierre-et-Miquelon – de 1,4 à 1,7 fois le coût de l’Hexagone –, il me paraît que la question devrait être posée dans le projet de loi à venir pour permettre aux communes, mais également aux particuliers, de pouvoir envisager des travaux, d’autant que certains de ces derniers ont été mis en demeure de le faire dans les cinq années qui viennent.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Madame la ministre, je souhaite évoquer le problème des sargasses.
Depuis quelques années, vous le savez, les échouements d’algues sargasses se multiplient sur les côtes de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, voire de la Guyane pour les zones de pêche. Après un pic en 2014 et en 2015, les échouements ont repris de plus belle à partir de février 2018, et la situation pourrait bien s’intensifier dans les mois et les années à venir.
Ces flux ont des conséquences économiques, bien sûr, puisqu’ils compliquent l’accès à certaines zones touristiques ou simplement de vie, mais aussi sanitaires, dans la mesure où la décomposition des sargasses libère du sulfure d’hydrogène et d’ammoniac.
Avec certains de mes collègues ici présents, j’ai eu l’occasion à de multiples reprises d’attirer l’attention de la représentation nationale et du Gouvernement sur ce sujet. Depuis quelques années, parlementaires et élus locaux de tous bords demandent que ces échouements massifs soient reconnus comme catastrophe naturelle.
Le 15 janvier dernier, lors de l’examen d’une proposition de loi visant à réformer ce régime, le Sénat a adopté à cette fin un sous-amendement de ma collègue Catherine Conconne.
Vous avez régulièrement manifesté votre opposition à cette réforme, madame la ministre : comme vos prédécesseurs d’ailleurs, qui, sous une autre étiquette politique, aboutissaient à cette même conclusion, vous considérez qu’elle ne constitue pas une réponse appropriée.
La loi sur les catastrophes naturelles, actuellement en préparation, devrait selon vous offrir une alternative. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser vos propos, ainsi que l’état d’avancement de ce texte, dont l’examen a été plusieurs fois repoussé ?
Pour nous permettre de disposer de davantage de visibilité sur cette notion de catastrophe naturelle, pouvez-vous nous en dire davantage et, si possible, définitivement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, je sais votre engagement sur le sujet de la lutte contre les sargasses, phénomène qui touche votre territoire, comme d’ailleurs les deux territoires des Antilles, ainsi que la Guyane plus incidemment.
Vous évoquez l’amendement déposé par la sénatrice Catherine Conconne lors de l’examen d’une proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Celui-ci tendait à supprimer le critère de « caractère anormal » de l’aléa causé par l’échouage des sargasses.
Le Gouvernement s’est opposé à cet amendement, car l’adoption de celui-ci n’aurait rien apporté et n’aurait aucun effet concret.
Aujourd’hui, le caractère anormal de l’aléa est au fondement même du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Mais, en réalité, c’est l’absence de relation directe entre le phénomène d’échouement et les dégâts provoqués sur les biens qui explique le rejet des demandes communales jusqu’à aujourd’hui.
En clair, lorsqu’elles sont ramassées dans les quarante-huit heures, les algues sargasses ne dégagent aucun gaz et ne causent aucun dommage. Comment peut-on dire, dans ces conditions, que ce fléau présente un caractère anormal ? Certes, vous avez raison, il s’agit d’un fléau, qui est naturel et qui constitue une catastrophe, mais il ne peut pas pour autant relever de ce régime.
Pour moi, il faut davantage aider les collectivités à collecter ces algues : c’est la seule solution dont nous disposons aujourd’hui. À ce titre, l’État a accordé 6 millions d’euros aux collectivités en 2018, puis 4,5 millions d’euros en 2019 : tout dépend en effet de la quantité d’algues qui échouent sur les côtes de la Guadeloupe ou de la Martinique. Un certain nombre de financements ont également été engagés pour mieux équiper les communes en vue du ramassage des sargasses.
Vous le savez, nous avons aussi lancé plusieurs études pour mieux comprendre le phénomène, déterminer exactement d’où il vient,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. … et, enfin, y apporter une réponse définitive.
Vous comprendrez pourquoi je reste dubitative devant une solution législative, qui n’apportera pas de réponse concrète sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est formel : les dérèglements climatiques vont croissant et risquent d’avoir des impacts durables dans les zones tropicales vulnérables, tels que nos territoires ultramarins.
En effet, le réchauffement climatique pourrait bientôt être à l’origine d’incendies de grande ampleur, à l’instar de ce qui s’est produit récemment en Australie. Les cyclones, de plus en plus nombreux et violents, sont également la conséquence directe de la hausse des températures et ont déjà fait de nombreux dégâts ; je pense notamment à l’ouragan Irma.
De même, la fonte des glaciers a déjà pour effet de créer des tensions au sein de la croûte terrestre, démultipliant ainsi les activités sismiques particulièrement dangereuses dans les régions volcaniques, notamment dans nos territoires des Antilles et de l’océan Indien.
Enfin, la montée du niveau des eaux rendra le risque d’inondation très élevé et causera le développement d’infections vectorielles.
Ma question est la suivante : madame la ministre, quels dispositifs financiers prévoyez-vous de développer, afin d’accroître la surveillance et l’observation des phénomènes climatiques outre-mer, pour mieux préparer les populations à faire face aux risques naturels majeurs directement liés aux dérèglements climatiques ?