Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Segouin, en juillet 2018, la commission exécutive du CIO a encadré le processus décisionnel pour les épreuves des nouveaux sports des jeux Olympiques de Paris de 2024. Pour les jeux de Tokyo de 2020, le quota d’athlètes et le nombre d’épreuves des nouveaux sports étaient prévus en plus du quota de 10 500 athlètes et de 310 épreuves alloué aux sports olympiques. En revanche, pour les jeux de Paris, le CIO a souhaité intégrer le quota des nouveaux sports à celui qui est fixé pour les épreuves olympiques, ce qui fait peser une contrainte naturelle sur les choix à faire.
En accord avec le calendrier établi par le CIO, dix-neuf fédérations internationales, dont la World Karate Federation, ont été reçues par le comité d’organisation des jeux Olympiques (COJO) de Paris de 2024. Mme la ministre des sports a également reçu les représentants de la World Karate Federation.
Ces dix-neuf propositions ont été analysées au regard des grands principes suivants, conformément à la demande du CIO.
D’abord, les jeux devront être durables et responsables : les sports représentés rassembleront un nombre limité d’athlètes et ne devront nécessiter aucune construction pérenne.
Ensuite, les jeux devront être connectés avec leur époque, inspirer de nouveaux publics et attirer la jeune génération : les sports représentés, pratiqués partout au quotidien, en ville comme dans la nature, relèveront à la fois d’un moyen d’expression et d’un style de vie.
Enfin, les jeux devront refléter l’identité de Paris 2024, en accueillant des sports spectaculaires qui tissent des liens avec la culture, des sports accessibles, inclusifs et praticables hors des stades qui invitent à l’engagement, des sports, enfin, qui font appel à la créativité.
Les quatre nouveaux sports qui ont finalement été retenus sont le breaking, l’escalade, le skateboard et le surf. Le CIO a désormais la possibilité de retirer l’un des quatre sports proposés par le comité d’organisation Paris 2024 à la suite des jeux de Tokyo, mais il ne pourra en aucun cas en rajouter.
Le choix opéré a été extrêmement difficile, mais il ne remet pas en cause toute la reconnaissance liée à la popularité et au succès du karaté en France et dans le monde. En tout état de cause, je veux rappeler tout le soutien que le ministère des sports apporte à la Fédération française de karaté. Il a ainsi été décidé de lui accorder en 2019 une subvention de plus d’un million d’euros, notamment pour le développement du sport de haut niveau. Ce montant représente une augmentation de l’ordre de 20 % par rapport à l’effort financier consenti par le ministère des sports en 2018 et marque notre attachement à ce sport, porteur de valeurs fortes et qui compte de très nombreux licenciés. Indépendamment du choix du COJO quant aux sports additionnels qui figureront au programme des jeux Olympiques de Paris de 2024, la pratique du karaté en France continuera de faire l’objet d’une grande attention de notre part.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour la réplique.
M. Vincent Segouin. Monsieur le secrétaire d’État, vous reconnaissez l’importance de ce sport et la subvention qui lui est accordée augmente, mais votre réponse fera un grand nombre de déçus parmi les licenciés : l’organisation d’épreuves lors des jeux Olympiques est essentielle pour bénéficier d’une visibilité mondiale. Il est bien dommage que cette décision, liée surtout à des considérations budgétaires, ne puisse être revue.
taux de fiscalité sur le foncier bâti du conseil départemental de l’aisne
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1077, transmise à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Antoine Lefèvre. Depuis le 1er janvier 2011, le conseil général, devenu départemental, de l’Aisne, applique la déliaison du taux de la taxe d’habitation avec ceux des taxes foncières sur les ressources dont bénéficient les communes du département – une possibilité ouverte à l’occasion de la suppression de la taxe professionnelle.
Ainsi, pour l’exercice 2011, le taux de la taxe d’habitation a été diminué de 43 % et ramené à 19 %, tandis que le taux de la taxe sur le foncier bâti (TFB) a augmenté de 61 %. Actuellement, le taux axonais s’élève à près de 32 %, soit le troisième taux le plus élevé en France. Je me fais donc ici le relais du président du conseil départemental de l’Aisne, qui a par ailleurs saisi le Gouvernement de ce sujet à la fin du mois de décembre.
En effet, du fait de la baisse du taux de la taxe d’habitation de 13 % à environ 6 % et du relèvement de 7,7 points du taux de la taxe sur le foncier bâti, les marges de manœuvre fiscales du département ont été fortement réduites, ce qui entraîne à terme des conséquences négatives pour le département : capacités d’investissement des bailleurs réduites, prélèvements importants sur les locaux professionnels et commerciaux, et donc perte d’attractivité.
Par conséquent, la décision du Gouvernement de supprimer la taxe d’habitation n’aura qu’un effet très limité pour les Axonais. C’est pourquoi le conseil départemental sollicite l’autorisation de revenir sur la décision de 2010 en ramenant le taux de la taxe sur le foncier bâti à ce qu’il aurait été si cette déliaison, unique en France, n’avait pas été mise en œuvre.
Cette mesure aurait pour corollaire de diminuer d’autant la fraction de TVA compensatrice du conseil départemental, à laquelle serait substituée une dotation non indexée, du type de celles du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
Certes, l’État devrait, dans ce cas, faire un effort budgétaire supplémentaire correspondant au montant de TFB non prélevé, mais, dans le même temps, il conserverait le dynamisme de la partie de TVA non attribuée au département. Le conseil départemental perdrait pour sa part le dynamisme de cette fraction de TVA, mais notre département retrouverait de l’attractivité aux yeux du monde économique et des propriétaires, et ces derniers bénéficieraient du gain de pouvoir d’achat annoncé par la suppression de la taxe d’habitation.
Monsieur le secrétaire d’État, l’Aisne est prête à faire un effort financier. Comme d’autres départements, elle est très impatiente de connaître le sentiment et la réponse du Gouvernement sur ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la taxe professionnelle a été supprimée en 2010. Cette année-là, les départements n’ont voté que les taux des taxes dites « ménages », soit la taxe d’habitation et les taxes foncières.
Le département de l’Aisne est le seul à avoir réduit de plus de 40 % deux de ces taux : celui de la taxe d’habitation et celui de la taxe sur le foncier non bâti. Il a compensé ces deux importantes baisses par une hausse de plus de 60 % du taux de la taxe sur le foncier bâti, dont la variation est libre de toute contrainte, sous réserve du respect du plafond prévu à l’article 1636 B septies du code général des impôts.
L’année suivante, les parts départementales de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés non bâties ont été transférées aux collectivités du bloc communal.
L’article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoit que, à compter de 2021, une fraction du produit net de la TVA est affectée aux départements en compensation de la perte de leur part de taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette compensation est notamment calculée en fonction de la taxe foncière sur les propriétés bâties résultant du produit de la base d’imposition 2020 par le taux départemental appliqué sur le territoire départemental en 2019. Ce taux, légalement voté et appliqué pour une taxation devenue définitive, ne saurait être modifié.
S’agissant de l’année 2020, l’article 16 de la loi de finances pour 2020 ne prévoit aucune mesure de gel ou d’encadrement du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les départements gardent toute liberté de réduire ce taux à leur convenance, voire de l’augmenter dans les limites du plafond précité. Le département de l’Aisne pourrait donc ramener ce taux au niveau qui lui convient pour l’année 2020, au prix, évidemment, de l’acceptation d’une sensible baisse de ressources.
Il convient également de souligner qu’une telle décision réduirait d’autant le produit de taxe foncière transféré aux communes axonaises en contrepartie de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. En effet, le mécanisme de compensation prévu au IV de l’article 16 de la loi de finances pour 2020 repose sur une comparaison entre une perte communale de référence au titre de la taxe d’habitation et les ressources de taxe foncière départementale sur le foncier bâti constatées sur le territoire communal au titre de 2020.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de toutes ces informations sur ce sujet éminemment technique. Je vais les faire analyser. Il m’apparaît toutefois que, le taux de la taxe sur le foncier bâti étant chez nous supérieur à 150 % de la moyenne nationale, on aurait pu, à titre exceptionnel, permettre aux collectivités concernées de le réduire. Dans notre territoire, nous avons besoin de souplesse.
comptes de trésorerie des budgets annexes
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1132, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le flou juridique qui peut subsister dans la définition des budgets annexes des collectivités territoriales.
Je prendrai l’exemple de la reprise en régie par la commune de Lesparre-Médoc de la gestion de ses services « eau et assainissement », auparavant confiés à un délégataire. Consécutivement à ce transfert, le comptable public a procédé, de façon unilatérale, à la création d’un compte de trésorerie 515 pour chacun de ces services.
Cette décision, prise de la même façon dans d’autres communes, crée dans nombre de ces collectivités des difficultés de trésorerie, les obligeant parfois à avoir recours à l’emprunt du fait du manque de trésorerie dû à cette dissociation artificielle entre le compte de trésorerie du budget principal et le compte de trésorerie dédié à l’exercice de la compétence eau et assainissement.
De plus, des différences significatives d’appréciation existent entre les différents comptables publics. En effet, d’autres collectivités dont les services « eau et assainissement » sont également en régie n’ont pas été obligées de mettre en place des comptes de trésorerie 515 séparés.
Depuis l’instruction M14, budget principal et budget annexe doivent faire l’objet d’une présentation agrégée. Selon la jurisprudence « Préfet de la Haute-Corse » du Conseil d’État en date du 25 février 1998, il appert qu’un budget autonome n’est pas un budget juridiquement distinct de celui de la collectivité, en ce sens qu’il doit impérativement être annexé à ce dernier et que toute suspension du budget principal entraîne l’impossibilité d’effectuer une quelconque opération d’exécution ou de modification du budget annexe.
Enfin, l’instruction sur les modalités de gestion des moyens de paiement et des activités bancaires du secteur public, qui explicite la mécanique des comptes de disponibilité, ne donne pas d’indications sur cette question.
C’est pourquoi je vous prie tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir tenter de clarifier les règles applicables en la matière et de procéder ensuite à une harmonisation des directives adressées aux comptables publics sur l’ensemble du territoire national.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la sénatrice, les articles L. 1412-1 et L. 1412-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) disposent que les services publics peuvent faire l’objet d’une individualisation au sein d’un budget annexe. Cette individualisation est même obligatoire dans le cas des services publics à caractère industriel et commercial.
L’article L. 2224-11 du CGCT prévoit par ailleurs que « les services publics d’eau et d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ».
Il résulte de ces principes, comme le prévoit une circulaire du 10 juin 2016, qu’un service public industriel et commercial (SPIC) en gestion directe prend obligatoirement la forme d’une régie dotée de l’autonomie financière avec un compte de trésorerie dédié. La seule exception concerne les régies simples ou directes créées avant le 28 décembre 1926. Il demeure alors une tolérance pour un rattachement au budget principal par un compte de liaison.
Cette individualisation budgétaire s’explique par le principe d’équilibre financier qui s’applique au budget des SPIC, en vertu des articles L. 2224-1 et L. 2224-2 du CGCT, et par le principe de proportionnalité de la redevance perçue auprès des usagers par rapport au coût du service. Le budget du SPIC doit ainsi retracer l’intégralité des dépenses et des recettes de l’activité, afin de dégager le coût réel du service et, par voie de conséquence, de déterminer le montant de la redevance due par les usagers.
L’architecture budgétaire et comptable à retenir est tributaire des modes de gestion adoptés par les collectivités territoriales. Par conséquent, le changement du mode de gestion d’une activité industrielle et commerciale peut emporter des conséquences, non seulement sur les modalités de suivi budgétaire et comptable, mais également sur la gestion de la trésorerie du budget.
À titre d’exemple, une délégation de service public est suivie au sein d’un budget annexe sans autonomie financière et sans compte de trésorerie. Le passage à une régie directe nécessite alors de doter ce budget de l’autonomie financière, et donc de son propre compte de trésorerie.
Compte tenu de la nature concurrentielle d’une activité commerciale, le principe d’équilibre financier ne permet pas une mutualisation de la trésorerie entre budget principal et budget annexe. C’est ce qu’a indiqué la direction régionale des finances publiques de la Gironde à la commune de Lesparre-Médoc. Elle demeure à sa disposition pour l’accompagner dans cette évolution.
imposition des français de l’étranger
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 1081, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, en décembre 2018, une réforme proposée et votée par votre majorité a prévu d’aligner la fiscalité des non-résidents sur celle des résidents français. Elle prévoit que leur soit appliquée une imposition de 20 % dès le premier euro gagné, ce qui entraînera une hausse d’impôts de 30 % à 200 %, y compris pour les titulaires de faibles revenus, sans par ailleurs ouvrir droit à des déductions fiscales, par exemple au titre des frais de garde ou de déplacement.
Devant l’inquiétude suscitée par cette réforme, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020 à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a rétropédalé et décalé d’un an sa mise en œuvre, qui devait intervenir dès le 1er janvier 2020. Au Sénat, les membres du groupe socialiste et républicain ont demandé l’abrogation de ces règles discriminantes.
En effet – faut-il le rappeler ? –, ces Français de l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux ! Dans la région des Hauts-de-France, près de 10 000 de nos compatriotes vivant en Belgique mais travaillant en France sont concernés. Ils sont inquiets, car si un moratoire a été voté, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une manière de gagner du temps afin de procéder aux ajustements nécessaires au maintien de cette réforme.
Par ailleurs, l’étude d’impact qui doit accompagner ce moratoire ne devrait être publiée qu’en juin. Une telle échéance pose pour le moins question, puisqu’elle intervient après les élections consulaires. De plus, la méthodologie est opaque.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en sont ces travaux et comment le Gouvernement compte garantir une juste imposition pour les Français non résidents ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la sénatrice, le Gouvernement a entendu, en 2019, la demande émanant de plusieurs parlementaires représentant les Français de l’étranger de simplifier l’imposition des Français non résidents et de la rapprocher de celle des résidents.
Cette volonté de simplification et de convergence des fiscalités s’est traduite par plusieurs mesures adoptées en loi de finances pour 2019 : une simplification est intervenue, avec la possibilité d’appliquer le prélèvement à la source pour les non-résidents comme pour l’ensemble des Français ; une convergence est assurée par un plus grand alignement de la fiscalité, d’une part, et des avantages fiscaux, d’autre part.
Les Français résidant à l’étranger peuvent désormais déduire de leur revenu imposable les pensions alimentaires qu’ils versent en France et continuer à bénéficier de la réduction d’impôt Pinel lorsqu’ils s’expatrient.
Dans le même temps, il était prévu de relever le taux minimum d’imposition de 20 % à 30 %. Cette modification, qui devait entrer en vigueur au 1er janvier 2020, a été reportée d’une année. Le Gouvernement a ainsi entendu les inquiétudes exprimées par les Français de l’étranger.
Par conséquent, pour 2020, rien ne change, et le barème spécifique des non-résidents n’est pas modifié. Les salaires perçus par les non-résidents sont soumis à la retenue à la source aux taux de 0 % pour la fraction du salaire net inférieure à 14 988 euros, de 12 % de 14 988 euros à 43 477 euros et de 20 % au-delà de 43 477 euros. La retenue à la source aux taux de 0 % et de 12 % est libératoire de l’impôt sur le revenu, ce qui signifie que seule la fraction du salaire soumise à la retenue à la source au taux de 20 % est imposable à l’impôt sur le revenu lors du traitement de la déclaration de revenus souscrite par le non-résident.
Si de nouvelles évolutions doivent intervenir, l’examen du projet de loi de finances pour 2021 pourra être l’occasion d’en débattre. Le Gouvernement a souhaité que cette année supplémentaire soit mise à profit pour expliquer la réforme à chaque personne concernée et dissiper les incompréhensions.
L’article 12 de la loi de finances pour 2020 prévoit la convergence entre la fiscalité des non-résidents et celle des résidents à compter du 1er janvier 2023. Cette convergence connaîtra une première étape avec la suppression du caractère libératoire de la retenue à la source aux taux de 0 % et de 12 % dès l’imposition des revenus de 2021.
Le législateur a par ailleurs prévu la remise avant le 1er juin 2020 d’un rapport au Parlement sur la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables fiscalement domiciliés hors de France, dont les conclusions pourraient aboutir à d’éventuelles corrections et améliorations, pour l’avenir, du dispositif applicable aux non-résidents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Tout en appréciant les avancées que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d’État, nous continuons à demander le rétablissement d’une imposition progressive, plus proche du droit commun, mais tenant tout de même compte des spécificités de la situation des Français de l’étranger.
En effet, la réforme fiscale prévue est discriminante envers la majeure partie de nos concitoyens établis hors de France, a fortiori pour les plus fragiles d’entre eux. Un salarié payé au SMIC continue ainsi à être imposé à 20 %. La progressivité de l’impôt relève pourtant de la justice fiscale !
réforme de l’apprentissage dans le secteur public
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 889, transmise à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Didier Mandelli. Fin décembre 2019, la France comptait 485 800 apprentis, soit une hausse de leur nombre de 16 % par rapport à l’année précédente. Je me réjouis de cette progression significative – excepté dans le service public –, qui traduit l’appétence des jeunes et de leurs parents pour la formation par alternance. C’est une réussite collective.
En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié la gouvernance et le financement de l’apprentissage en France, marginalisant le rôle des régions, qui avaient jusqu’au 1er janvier dernier la compétence exclusive.
De nombreux présidents de région – pour ne pas dire la totalité d’entre eux – ont alerté le Gouvernement sur les risques de déséquilibre qu’emporte cette réforme. Les régions s’inquiètent d’un renforcement des branches professionnelles les plus importantes au détriment des plus petites, du fait notamment de la rémunération des centres de formation d’apprentis (CFA) en fonction du nombre de contrats. Le financement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur devenant plus attractif que celui des formations infra-bac, les CFA auront logiquement une préférence pour les formations tertiaires plutôt que pour les formations aux métiers artisanaux ou industriels, nécessitant des investissements plus lourds.
Du fait de la recentralisation de la compétence de l’apprentissage, les régions perdent la possibilité de veiller au maintien des formations pour les premiers niveaux de qualification, et donc d’assurer l’équilibre de l’offre sur leur territoire.
Monsieur le secrétaire d’État, comment l’État compte-t-il veiller à l’équité des financements pour tous les métiers, pour tous les niveaux et sur tous les territoires ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé l’apprentissage en modifiant son financement, sa gouvernance et sa réglementation autour d’un nouvel acteur, France compétences. Ce dernier financera les opérateurs de compétences (OPCO), qui ont notamment pour mission de financer les contrats d’apprentissage et d’aider les branches à construire les certifications professionnelles, en vertu de l’article L. 6332-1 du code du travail.
Les collectivités territoriales n’étant pas redevables de la taxe d’apprentissage, elles ne participent pas à la gouvernance des OPCO.
Les contrats signés avant le 31 décembre 2019 ont été encore financés, selon les modalités antérieures à la loi n° 2018-771, par les conseils régionaux. En 2019, l’État a compensé financièrement la totalité de ces contrats par une part de la taxe d’apprentissage et des fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), à hauteur d’environ 2 milliards d’euros. Le financement de ces contrats sera ensuite repris par les OPCO durant toute leur durée, jusqu’en 2021.
Les contrats d’apprentissage signés après le 31 décembre 2019 seront pris en charge par les OPCO selon un mode de financement dit « au coût-contrat », sur la base de niveaux déterminés par chaque branche et tenant compte des recommandations de France compétences.
L’État finance par ailleurs, depuis le 1er janvier 2019, une nouvelle aide unique à l’apprentissage qui fusionne trois anciennes aides, ainsi qu’un crédit d’impôt à destination des employeurs d’apprentis.
Vous l’avez noté, l’apprentissage constitue un puissant levier à la formation et à l’insertion professionnelle des jeunes au sein des collectivités territoriales. De ce fait, la loi de transformation de la fonction publique prévoit que les contrats signés par les collectivités après le 31 décembre 2019 soient financés pour moitié par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), au titre d’une mission qui lui a été attribuée en 2016, l’autre moitié étant assurée par les collectivités elles-mêmes. Cette participation s’explique par le fait qu’elles ne sont pas redevables de la taxe d’apprentissage, dont le taux atteint 0,68 % de la masse salariale.
De surcroît, les régions continueront de bénéficier d’un soutien financier au titre de l’aménagement du territoire et de l’investissement des centres de formation des apprentis. Elles profiteront par ailleurs d’une enveloppe supplémentaire octroyée au titre de la recentralisation de l’apprentissage.
En définitive, à partir de 2020, l’État versera aux régions environ 590 millions d’euros au titre de la réforme de l’apprentissage.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas vraiment répondu à ma question sur l’équilibre de l’offre de formation et le financement des CFA.
Le contenu de la réforme est connu. Il faudra veiller, y compris dans le secteur public, où l’on note une baisse significative du nombre d’apprentis, au respect des équilibres dans les territoires et entre filières professionnelles, toutes n’ayant pas les mêmes ressources. Des moyens complémentaires seront peut-être nécessaires pour assurer à la fois une offre en adéquation avec les besoins des entreprises et la pérennité de certains centres de formation.
développement des habitats partagés et impact sur les budgets des conseils départementaux
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, en remplacement de M. Michel Vaspart, auteur de la question n° 1052, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Didier Mandelli. Cette question adressée au nouveau ministre des solidarités et de la santé porte sur le développement des habitats partagés pour des personnes bénéficiant d’une orientation en maison d’accueil spécialisée et son impact sur le budget des conseils départementaux, notamment de celui des Côtes-d’Armor, département de Michel Vaspart, auteur de la question.
Ce type d’habitat se développe fortement sous l’impulsion d’associations dynamiques. Cependant, ce développement se fait sans régulation possible, dans la mesure où il s’agit de domiciles.
Bien qu’ils apportent des solutions de prise en charge aux personnes, ces dispositifs posent des problèmes en termes de sécurité des résidents et de soutenabilité financière pour les départements. En effet, faute de places disponibles en établissement ou par choix personnel, les résidents des habitats partagés bénéficient de la prestation de compensation du handicap à domicile, généralement par le biais d’un accompagnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, alors que, dans le cas d’un accueil en maison d’accueil spécialisée (MAS), ils sont pris en charge grâce à des crédits relevant de l’assurance maladie.
Pour le département des Côtes-d’Armor, cela représente des millions d’euros de dépenses supplémentaires. Or, dans le même temps, la compensation versée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne progresse quasiment pas.
Une telle situation est évidemment de nature à inquiéter les présidents de département, dans les Côtes-d’Armor comme ailleurs, puisque les orientations nationales promeuvent le développement de l’habitat inclusif, y compris par le biais de cofinancements départementaux extralégaux, les départements devant, dans le même temps, maîtriser leurs dépenses.
Je souhaite donc connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de mettre fin à ce qui s’apparente à un transfert de charges de l’assurance maladie vers le conseil départemental.