M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Bonhomme, rapporteur. Je voudrais d’abord remercier notre collègue Stéphane Piednoir, qui a soulevé ce débat concernant la taille des panneaux électoraux.
Je l’ai dit, initialement, la proposition de loi tendait à réduire de moitié la taille de toutes les affiches lorsque les panneaux sont utilisés par plus de quinze candidats. Or cela soulevait des difficultés pratiques, car la plupart des affiches sont imprimées avant le délai limite pour le dépôt des candidatures. Le risque était donc d’envoyer au pilon un grand nombre d’affiches.
Dans un souci de compromis, la commission a proposé un dispositif beaucoup plus souple, qui consacre la possibilité pour le maire d’adapter les dimensions des panneaux électoraux. Une telle faculté serait réservée aux hypothèses où la commune ne dispose pas de suffisamment de panneaux. Elle présenterait le mérite de permettre aux maires de répondre à des problèmes concrets, tout en respectant le droit des candidats. Ce dispositif s’inscrit dans la même logique que la faculté qui est reconnue aux instructions ministérielles dont parlait Mme la ministre de scinder les panneaux électoraux en deux parties.
Mon cher collègue, je préfère en rester au compromis trouvé par la commission, qui me semble conserver les deux principes, à savoir le respect de l’égalité des droits des candidats et le maintien, pour le maire, de la faculté de juger. Je comprends l’esprit de votre proposition ; j’émets néanmoins un avis défavorable.
M. Ladislas Poniatowski. Une demande de retrait aurait été plus élégante !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement, puisque, lors des travaux en commission, il avait déjà émis un avis réservé sur les dispositions de l’alinéa 8 de l’article 1er.
Cet alinéa ne précise pas dans quelle mesure le maire peut réduire la dimension des panneaux. En l’état du texte, un maire pourrait choisir, en fonction du nombre de candidats, une dimension pour les panneaux qui soit inférieure à la taille des affiches, fixée, elle, par décret. Les candidats pourraient ainsi se retrouver avec des affiches inadaptées aux panneaux mis en place, ce qui porterait atteinte à leur liberté d’expression.
En outre, la possibilité laissée au maire de diminuer la dimension des panneaux d’affichage dans la limite de la taille des affiches fixée par l’article R. 39 du code électoral est une solution qui est déjà proposée au maire en cas de candidatures pléthoriques, sans qu’il soit nécessaire de légiférer.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je suis évidemment très contrarié de manifester une petite différence avec le Gouvernement. (Exclamations amusées sur diverses travées.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est un frondeur !
M. Alain Richard. Chacun connaît mon amitié pour ses membres. Néanmoins, je crois que l’opposition que manifeste avec insistance Mme la ministre à cette proposition de loi paraît surmontable.
On sait tous que les affiches font 60 x 80 centimètres – on en a tous collé !
M. Gérard Longuet. Ou décollé !
M. Ladislas Poniatowski. Pas forcément les mêmes !
M. Alain Richard. Cher collègue Piednoir, les panneaux ont des dimensions beaucoup plus grandes que les affiches. Il est donc tout à fait possible – les maires savent le faire – de diviser les panneaux de manière qu’il reste au moins 60 centimètres de large ou, comme me le faisait remarquer très justement Jean-Marc Gabouty, qui connaît le mieux la situation, 80 centimètres pour que l’affiche puisse être posée à l’italienne. La réduction des panneaux jusqu’à cette taille n’empêche donc pas d’apposer les affiches.
Pour entrer dans le détail, on devrait améliorer légèrement la rédaction du texte, en prévoyant que les maires ne peuvent restreindre les panneaux quand ils les divisent que dans les limites prévues par voie réglementaire, c’est-à-dire par le fameux décret. Simplement, les maires sont tout à fait capables de se rappeler que le minimum est de 80 centimètres et qu’ils ne peuvent réduire les panneaux au-delà. Cela n’empêche pas d’écarter l’amendement. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. La disposition telle qu’elle figure dans le texte me paraît inopérante. En effet, le problème, pour les maires, c’est le manque de panneaux. Or ce n’est pas en coupant des bouts de panneaux et en réutilisant tous les rebuts qu’ils pourront en fabriquer un nouveau ! (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
M. Pierre Ouzoulias. Pourquoi pas ?
M. Jean-Marc Gabouty. Que font les maires en général ? Ils les coupent en deux !
M. Olivier Paccaud. Ils les divisent !
M. Jean-Marc Gabouty. Cela étant, la plupart de ceux qui se présentent aux élections municipales doivent savoir que les listes sont pratiquement toujours complètes et que les photos sont déjà faites avant l’ouverture de la campagne électorale. La décision d’un maire se heurte donc au fait que la communication des affiches a été faite bien en amont, souvent avec une photo au format « paysage » – il est plus facile de présenter une équipe de candidats en largeur qu’en hauteur.
Autre difficulté : l’affiche sert aujourd’hui à identifier les candidats, à les valoriser. Ce n’est plus un programme à lire comme c’était le cas voilà un peu plus d’un siècle.
Certes, des réductions concernant le nombre de panneaux ont déjà eu lieu. Autrefois, il fallait un nombre précis de panneaux par nombre d’habitants, notamment dans les communes rurales. Aujourd’hui, cela n’est imposé qu’à proximité des bureaux de vote.
On pourrait à l’avenir penser à réduire les panneaux en superficie pour y loger juste ce qui est nécessaire et rien d’autre. Je le rappelle, la loi prévoit que l’on peut apposer deux affiches identiques par panneau. Ce n’est pas forcément justifié. Revoir cette mesure pourrait faire partie d’un toilettage, madame la ministre.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. On pourrait aussi apposer des affichettes de réunions.
Une réflexion d’ensemble doit être menée sur ces problématiques.
J’aurais préféré conserver la formule initiale, c’est-à-dire sanctionner ceux qui n’utilisent pas les emplacements qu’ils ont réservés, afin de les inciter à plus de responsabilité. Laisser cette appréciation au maire, c’est faire peser sur lui, en définitive, le poids de certaines décisions difficiles. Il faut aussi réfléchir à cet aspect des choses.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. J’ai entendu le rapporteur, et j’ai bien compris que nous avions un certain nombre de convergences, d’où ce petit avis défavorable de la commission, qui rejoint la plupart des arguments que j’ai exposés.
Je me satisfais, comme mon collègue Collombat, de rejoindre le Gouvernement sur ce point particulier.
Les propos que vous venez de tenir à l’instant, monsieur Richard, vont tout à fait dans le sens de Mme la ministre : c’est d’ordre réglementaire. Il suffit que le Gouvernement rédige, à quelques jours de l’ouverture de la campagne officielle, une circulaire pour indiquer aux maires ce qu’ils doivent faire ; de temps en temps, ils aiment bien savoir ce qu’ils ont à faire dans le cadre de ces campagnes qui relèvent de l’autorité du Gouvernement.
Puisque nous sommes à peu près tous d’accord, je vous enjoins à voter tous ensemble cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus, rapporteur. Je pensais que Stéphane Piednoir allait retirer son amendement… (Sourires.)
J’entends son inquiétude principale : que l’on mette au pilon des affiches ayant été imprimées en amont dont la taille ne conviendrait plus. C’est la raison pour laquelle la commission a recalé ma proposition et préféré, non pas imposer la réduction de la taille des affiches, mais laisser la possibilité aux maires de réduire la taille des panneaux.
Comme l’a très bien rappelé le rapporteur ainsi que notre collègue Richard, il ne s’agit en aucun cas de réduire la taille des affiches. Les panneaux sont beaucoup plus grands que les affiches ; d’ailleurs, aujourd’hui, on peut souvent apposer deux affiches sur le même panneau. Mon collègue angevin Stéphane Piednoir, qui est agrégé de mathématiques, sait donc parfaitement qu’un panneau peut contenir plusieurs affiches : aucun empiétement n’est possible, pas plus que la réduction de la taille des affiches. Faisons confiance aux maires pour réduire la taille des panneaux à leur plus juste proportion, c’est-à-dire au minimum à la taille de l’affiche réglementaire – ni plus ni moins.
Il me semble que la commission a fait preuve de sagesse. C’est la raison pour laquelle je soutiens vivement sa version et je m’oppose à l’amendement de mon excellent collègue angevin.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Si j’avais encore quelques doutes, le débat qui vient d’avoir lieu me montre que, moins on en mettra dans ce texte, mieux ce sera ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par M. Paccaud, Mme A.M. Bertrand, M. J.M. Boyer, Mme Bruguière, MM. Capus et Cardoux, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme L. Darcos, M. Charon, Mmes Deroche et Deromedi, M. Dufaut, Mmes Eustache-Brinio et Garriaud-Maylam, M. Grosdidier, Mme Gruny, M. Houpert, Mme Imbert, MM. Joyandet et Kennel, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mmes Lopez et Noël, MM. Pellevat, Pemezec, Piednoir et Poniatowski, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Saury et Savin, Mme Thomas et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 52-3 du code électoral, il est inséré un article L. 52-… ainsi rédigé :
« Art. L. 52-…. – La mention et la présence d’une autre personne que la candidate ou le candidat et sa suppléante ou son suppléant sur les affiches électorales et les bulletins de vote sont interdites. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Nous avons beaucoup parlé des panneaux, de leur taille, des affiches. Moi, je veux vous parler du contenu de l’affiche.
M. Stéphane Piednoir. Ah ! C’est intéressant !
M. Olivier Paccaud. Lors des dernières élections législatives, les candidats de la majorité présidentielle se sont tous affichés sur les panneaux électoraux avec le chef de l’État, dès lors candidat dans les 577 circonscriptions. Or on n’est pas député par procuration. On est élu sur son nom pour représenter les citoyens d’un territoire.
Malgré la courte période entre l’élection présidentielle et les élections législatives, la responsabilité politique n’est pas la même. Le Président de la République est le Président de tous les Français, pas le député de tous les Français. L’exécutif ne peut pas se substituer au législatif, ni l’inverse. C’est la sacro-sainte séparation des pouvoirs régulièrement invoquée.
Il s’agit insensiblement, mais bien visiblement, d’une dérive de nos principes constitutionnels. Raymond Aron parlait d’« empire parlementaire » pour qualifier la Ve République. Elle est de plus en plus monarchique, de moins en moins républicaine.
Par ailleurs, d’autres candidats choisissent de faire figurer sur leur affiche le leader de leur mouvement. Cette identification à une personnalité nationale, qui n’est pas elle-même éligible sur le territoire concerné, entraîne une forme de confusion, de dépersonnalisation ou, pis, d’anonymisation des candidatures.
Afin d’assurer une meilleure lisibilité politique, je propose que ne puissent figurer et être mentionnés sur les affiches et les bulletins de vote que les noms et les photographies des candidats et des suppléants à l’élection visée.
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Bonhomme, rapporteur. Notre collègue Olivier Paccaud rouvre un débat qui a déjà eu lieu, notamment lors de l’examen de la loi Richard visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.
Le premier objectif est satisfait, car, à compter du 30 juin prochain, le candidat ne pourra plus faire figurer le nom d’autres personnes sur son bulletin de vote.
M. Olivier Paccaud. Sur le bulletin, oui !
M. François Bonhomme, rapporteur. Il est important de le spécifier : plus aucune confusion ne sera possible au moment où l’électeur introduira son bulletin de vote dans l’enveloppe.
Le second objectif fait davantage débat : faut-il interdire ou non d’apposer la photographie d’une autre personne ou de mentionner son nom sur les affiches électorales, comme c’est régulièrement le cas ?
On ne s’inspire pas suffisamment de l’exemple de La Manche, qui est pourtant très éclairant, monsieur le président de la commission des lois. (Sourires.) Je pense à un cas bien connu des spécialistes. Dans les années 1960, le candidat Lepourry avait indiqué sur son affiche : « Voter Lepourry, c’est voter de Gaulle ! » (Rires.) Vous voyez le genre de confusion que cela peut introduire…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et il a été élu ! (Sourires.)
M. François Bonhomme, rapporteur. Dernièrement, le Président de la République figurait sur les affiches de son parti à la veille des élections européennes. Cela a en effet soulevé une difficulté. Je comprends donc parfaitement la logique du présent amendement. Toutefois, et c’est ce qu’il faut retenir, les affiches tout comme les professions de foi demeurent un espace de libre expression, contrairement aux bulletins de vote. D’ailleurs, certains candidats se montrent sur leurs affiches photographiés avec des habitants.
M. Olivier Paccaud. C’est vrai !
M. François Bonhomme, rapporteur. Interdire cette pratique me semble donc difficile. J’espère que ce sera la position de la majorité d’entre vous, mes chers collègues. En attendant, je ne peux qu’inviter notre collègue à retirer son amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Françoise Gatel. Quelle sagesse !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme l’a rappelé à l’instant le rapporteur, pour les bulletins de vote, cet amendement est satisfait par l’article 10 de loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral et qui entrera en vigueur le 30 juin prochain.
Si une telle interdiction est justifiée pour les bulletins de vote, afin de ne pas induire en erreur l’électeur quant à la personne pour laquelle il vote, elle l’est beaucoup moins pour les affiches. Vous avez rappelé ce qui s’est produit lors des dernières élections législatives, monsieur le sénateur ; je vous invite à vous référer aux élections législatives de 2008. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je suis taquine…
M. Olivier Paccaud. Les législatives, c’était en 2007 !
M. Jérôme Bascher. En 2008, c’était rapide… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Au fond, comme vient de le dire le rapporteur, c’est un espace de liberté d’expression. Il semble donc légitime de laisser au candidat la liberté d’afficher ses soutiens pendant la campagne électorale.
J’irai même plus loin : j’en connais qui, au moment des élections législatives, ne montrent pas du tout leur tête et affichent celle…
M. Ladislas Poniatowski. Du chef du parti !
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Par mégarde, je n’ai pas cosigné cet amendement, mais je vais évidemment le voter !
Il n’est pas juste de parler de liberté d’expression s’agissant des affiches électorales.
D’abord, elles sont encadrées par la loi, comme nous venons d’en débattre lors de l’examen de l’article 1er. Il serait faux d’arguer de cela pour interdire l’amendement de notre collègue Olivier Paccaud.
M. Jérôme Bascher. Ensuite, l’affiche doit représenter l’élection dont il s’agit.
Madame la ministre, votre langue a fourché, car les élections législatives en 2008 ont été très rares ! Quelques partielles peut-être…
M. Jérôme Bascher. Mais la question n’est pas là. Vous l’aurez compris, c’était une plaisanterie, madame la ministre, même s’il est bon, parfois, de rappeler les choses.
En revanche, ce qui n’est pas une plaisanterie, c’est que certains candidats strictement inconnus sur le territoire sont élus par hasard, par la volonté d’un chef de parti ou d’un Président de la République. Ils sont élus… démocratiquement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), alors qu’ils ne connaissent pas la réalité du terrain – on le voit d’ailleurs bien souvent.
Nous, nous voulons que nos concitoyens sachent pour qui ils votent. C’est extrêmement important. On a bien compris avec la circulaire Castaner que le Gouvernement favorisait parfois la confusion. Heureusement, tout cela a été repris, et bien repris, suivant la vieille tradition de la République.
Moi, je voudrais que, selon la vieille tradition de la République, on en revienne à des candidats de terrain, à ceux qui sont réellement élus sur leurs opinions « clairement affichées » – c’est la bonne expression. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. J’indique tout de suite que je ne retirerai pas cet amendement.
L’argument de la liberté d’expression s’agissant de l’affichage est totalement faux : l’affichage fait l’objet de règles très précises, concernant, par exemple, la combinaison des couleurs. Le bleu-blanc-rouge n’est pas utilisable, en vertu de l’article R. 27 du code électoral. Dans un avis de 2015, le Conseil d’État précise qu’il ne faut pas combiner ces trois couleurs, pour ne pas conférer au document un aspect institutionnel. Si le Président de la République n’a pas une dimension institutionnelle, le mot « hypocrisie » n’a plus de sens !
Soyons cohérents ! Le bleu-blanc-rouge est interdit sur les affiches depuis des décennies : comment permettre d’y représenter le Président de la République ?
De plus, mon collègue et ami Jérôme Bascher a évoqué l’élection de candidats « hors-sol », grâce au soutien remarquable d’un non-candidat qui partage leurs idées. C’est un fait ; mais est-ce une bonne chose pour la démocratie elle-même ? Très sincèrement, je ne le pense pas.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je voterai cet amendement pour plusieurs raisons.
Premièrement, quand d’autres personnes que les candidats figurent sur les affiches, il y a tromperie sur la marchandise, tout simplement !
Mme Françoise Férat. On peut le dire comme ça ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Deuxièmement, ce procédé est totalement irrespectueux de l’électeur.
Par exemple, sur les affiches des législatives, on a vu le candidat titulaire sans son suppléant, et avec une autre personne. On l’a peut-être vu d’autres fois auparavant…
M. Laurent Duplomb. Il y avait bien tromperie sur la marchandise – on ne vote pas aux législatives pour un candidat élu à la présidentielle – et irrespect envers l’électeur : quand on vote pour le titulaire, on vote aussi pour le suppléant, car, si le titulaire décède, c’est le suppléant qui le remplace. Par définition, il devrait être obligatoire que les deux personnes représentées sur l’affiche soient le titulaire et le suppléant.
Je voterai cet amendement de bon sens : il y va de la légitimité des élections et du respect pour les électeurs ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. La traçabilité, c’est important !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Tous les raisonnements développés sur ce sujet ne sont peut-être pas totalement de bonne foi…
Tout d’abord, le phénomène n’est pas nouveau : j’ai été candidat aux législatives en 2012, contre une candidate qui faisait figurer le Président de la République sur son affiche.
Au fond, à quoi revient la faute ? À l’inversion du calendrier électoral, tout simplement ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Yves Collombat. Exact !
M. Jean-Marc Gabouty. Les élections législatives sont devenues un scrutin subsidiaire de l’élection présidentielle. Il faut quand même le dire !
M. Olivier Paccaud. C’est vrai !
M. Jean-Marc Gabouty. Cela étant, je ne suis pas choqué que l’on fasse référence à un chef de file national, lors des élections législatives, ou local, lors des élections régionales ou départementales : un candidat aux cantonales peut tout à fait figurer sur l’affiche avec son binôme et le président du conseil départemental. C’est l’évolution progressive des législatives, depuis l’inversion du calendrier électoral.
M. Olivier Paccaud. Pour la profession de foi, d’accord, mais pas pour l’affiche !
M. Jean-Marc Gabouty. La profession de foi et l’affiche sont deux moyens de communication : l’un est envoyé à domicile, l’autre est dans l’espace public.
Je veux bien que l’on tente d’anonymiser…
M. Olivier Paccaud. De ne pas anonymiser !
M. Jean-Marc Gabouty. Si ! C’est un marqueur politique… (M. Olivier Paccaud s’exclame.)
M. le président. Cher collègue, seul M. Gabouty a la parole !
M. Jean-Marc Gabouty. Refuser la référence à un chef de file départemental, régional ou national, cela revient à rechercher une forme de neutralisation. Quand un ministre a voulu le faire pour des listes, qui sont forcément diverses, il a été très critiqué… J’ai cru comprendre que vous n’étiez pas l’inspirateur de cette mesure. En tout cas, cette démarche me semble un peu contradictoire.
M. Olivier Paccaud. On peut mettre les emblèmes, pas la photo !
M. Ladislas Poniatowski. Moi, je voterai cet amendement, car son auteur est excellent !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues, moi aussi je suis contre l’hypocrisie. Mais alors, allons jusqu’au bout ! Notre collègue Gabouty vient de le dire : l’origine du problème, ce ne sont pas les affiches, c’est l’inversion du calendrier électoral.
M. Pierre-Yves Collombat. Actuellement, les élections législatives suivent l’élection du Président de la République. Le Président de la République est devenu le chef de la majorité parlementaire à l’Assemblée nationale. Il est donc le chef de tout !
M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi !
M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y a plus de séparation des pouvoirs : ça vous a peut-être échappé ?
Pour notre part, nous allons déposer une proposition de loi tendant à inverser de nouveau le calendrier électoral, et je suis sûr que vous allez la voter !
M. Olivier Paccaud. Chiche !
M. Fabien Gay. On le note, cher collègue !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il faut tenir compte d’une réalité, qu’on l’apprécie ou non : lors des élections législatives et, de plus en plus, lors d’autres scrutins, comme les élections cantonales, il s’agit d’apporter son soutien à un exécutif, qui a été ou va être mis en place.
On invoque la loyauté de la campagne électorale et du scrutin : pour l’électeur, il ne me paraît pas négligeable de savoir que tel candidat entend soutenir un Président de la République,…
M. Pierre-Yves Collombat. Tant pis pour la séparation des pouvoirs !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … ou un potentiel président de conseil départemental.
Cela peut nous plaire ou nous déplaire ; ce système a peut-être atteint une forme d’hystérisation…
M. Pierre-Yves Collombat. Certainement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce débat mérite d’avoir lieu, car c’est un débat de fond. Il me paraît intéressant d’aborder de telles questions…
M. Pierre-Yves Collombat. On ne les aborde jamais !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … à l’occasion d’un texte portant sur le format ou la composition des affiches électorales. Mais nous n’allons pas les résoudre en décidant de permettre, ou non, d’apposer sur l’affiche électorale la photographie d’une personnalité ou d’un leader auquel on veut apporter son soutien.
Ceux qui, parmi nous, défendent cette interdiction ont certainement de bonnes intentions. Mais, malgré la sympathie que j’éprouve pour leur inspiration, j’en suis également convaincu : il y va de la loyauté des élections démocratiques. Or la bonne information des électeurs, permettant de faciliter leur choix, repose en partie sur cette question : le candidat aux élections législatives soutient-il ou non le Président de la République élu ? Et quoi de mieux, dans une démocratie incarnée, que de permettre d’utiliser sa photographie ?
Je signale que tous les partis politiques de France ont, tour à tour, utilisé cette faculté après l’élection de leur candidat à la présidence de la République.
M. Fabien Gay. Bien sûr… Sauf nous ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Chers collègues, vous pouvez considérer que, dès lors que votre candidat n’est pas élu, il faut immédiatement mettre un terme à cette pratique. Mais, pour ceux qui ont vocation à exercer des responsabilités au gouvernement,…
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, certains ont vocation à gouverner, et d’autres non ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … la clarté envers les électeurs suppose de maintenir ce type d’information sur les affiches électorales.
M. Ladislas Poniatowski. Je n’en suis pas sûr !