M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil de la commune de résidence des parents, présentée par M. Marseille et plus de quatre-vingts de nos collègues, répond à une demande régulière des maires, qui souhaitent pouvoir faire vivre l’état civil de leur commune alors que plus aucune naissance n’a lieu sur le territoire de celle-ci.
Comme l’a justement relevé M. Marseille, la concentration des lieux de naissance a entraîné, automatiquement, celle des lieux de déclaration à l’officier d’état civil. Ainsi, selon l’Insee, les officiers d’état civil dressent des actes de naissance sur leur territoire dans seulement 7,8 % des communes. En 2016, sur 35 900 communes existant alors, seules 2 800 avaient été le lieu de naissance d’un enfant et 99,6 % des naissances étaient survenues dans seulement 500 communes. Cette concentration des lieux de déclaration des naissances aboutit au dépeuplement des registres d’état civil des 33 100 communes restantes.
La présente proposition de loi tend donc à remédier au dépeuplement des registres des naissances de nombreuses communes. Des modifications significatives lui ont été apportées lors de son examen en commission, afin de garantir l’opérationnalité du dispositif.
Ces modifications ont visé, dans un premier temps, à sécuriser juridiquement le dispositif prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi. Pour ce faire, la commission des lois a adopté deux amendements : le premier avait pour objet de clarifier la procédure dans le cas où les parents auraient des domiciles distincts ; le second tendait à supprimer plusieurs coordinations que le texte initial effectuait dans le code civil et qui auraient eu pour conséquence de substituer, dans la détermination de l’identité juridique de la personne, le « lieu de déclaration de naissance » au « lieu de naissance ». La commission a également adopté un amendement, déposé par notre collègue Michel Canevet, visant à ajouter le « ñ » à la liste des lettres comportant des signes diacritiques qui peuvent être utilisées dans les prénoms inscrits à l’état civil.
Malgré ces modifications adoptées la semaine dernière en commission, le dispositif du texte n’était pas pleinement satisfaisant du point de vue juridique.
Premièrement, son coût pour les communes concernées n’avait pas fait l’objet d’une évaluation claire. Je précise que, dans sa contribution écrite, l’AMF avait attiré notre attention sur ce point. Il me semble que le dispositif adopté par le Sénat ne doit en aucun cas compliquer la gestion financière qui incombe aux maires des petites communes.
Deuxièmement, certains risques pour la fiabilité des registres d’état civil persistaient dans le texte adopté par la commission : à titre d’exemple, le raccordement des communes concernées au dispositif de communication électronique des données de l’état civil (Comedec), qui permet aux communes de vérifier les données d’état civil, n’était pas prévu ; le risque de double enregistrement n’était donc pas tout à fait écarté.
Enfin, la rédaction initiale de la proposition de loi pouvait engendrer une certaine confusion en faisant coexister une distinction juridique entre lieu de naissance et lieu de déclaration de naissance. Malgré les améliorations apportées par la commission, en particulier par la suppression de plusieurs coordinations à l’article 2 du texte initial, nos débats ont montré que cette complexité suscitait de nombreuses questions et était source de confusion.
Je souhaiterais donc apporter, à ce stade, une clarification qui me semble nécessaire au vu des échanges que nous avons eus en commission. De fait, remplacer la mention du lieu de naissance, sur les actes de naissance et les documents officiels, par celle du lieu de déclaration de naissance n’est en aucun cas souhaitable. Une telle évolution reviendrait à complexifier considérablement l’état civil et serait un contresens juridique, puisque l’identité de la personne repose sur son lieu de naissance, et non sur celui de la déclaration de naissance. En effet, la création d’une personnalité juridique par l’acte de naissance repose sur le constat de la naissance d’une personne physique à une date et en un lieu donnés. Le lieu de naissance est donc constitutif de l’identité des personnes, et il me semble que l’objet de la présente proposition de loi n’est pas de modifier cet état de fait.
En raison de ces difficultés juridiques persistantes et à la suite de nos échanges avec le Gouvernement, il nous a donc paru préférable d’adopter le dispositif prévu au travers de l’amendement n° 3, que j’ai déposé au nom de la commission. Il s’agit d’une solution alternative, que nous avions évoquée lors de l’élaboration du texte en commission, mais que les règles de recevabilité financière nous empêchaient de déposer sans l’accord du Gouvernement. L’amendement est le fruit d’échanges avec la Chancellerie ; M. le secrétaire d’État devrait nous confirmer l’accord du Gouvernement sur le dispositif proposé.
Cette rédaction permettrait d’expérimenter, pour une durée de trois ans, les registres d’actes dits « miroirs ». Cela répondrait aux difficultés juridiques soulevées plus tôt. Premièrement, le coût pour les communes concernées fera, au même titre que l’ensemble des impacts, l’objet d’une évaluation précise remise au Parlement six mois avant le terme de l’expérimentation. Deuxièmement, les éventuelles difficultés en matière de fiabilité des registres d’état civil seront traitées par le biais d’un décret en Conseil d’État.
En effet, le fonctionnement du dispositif serait le suivant : les conditions de déclaration d’une naissance, dont le lieu, ne seraient pas modifiées ; après avoir dressé l’acte de naissance, l’officier d’état civil du lieu de naissance en enverrait une copie intégrale à l’officier d’état civil du lieu de domicile du ou des parents ; si les domiciles des parents sont distincts, une copie intégrale serait envoyée à l’officier d’état civil de chacun des lieux de domicile ; enfin, les officiers d’état civil concernés seraient tenus non seulement de transcrire la copie d’acte sur leurs registres de naissance, mais également de les tenir à jour afin de pouvoir en délivrer des copies et extraits.
En résumé, le lieu de déclaration de la naissance et le lieu de naissance resteraient identiques, à l’image de ce qui est pratiqué aujourd’hui. En revanche, le service public que représente l’état civil des petites communes serait revivifié, ce qui représente, à l’heure où la proximité des services publics fait l’objet de débats nourris, un avantage indéniable pour les citoyens. Par ailleurs, le poids symbolique d’un registre des naissances vide pour les maires de petites communes disparaîtrait, puisque les actes de naissance d’enfants de foyers installés dans leur commune, mais nés sur le territoire d’une autre commune, seraient dorénavant transcrits sur leur registre des naissances.
L’expérimentation proposée permettra, à tout le moins, de lever les ambiguïtés sur ce sujet qui revient de manière lancinante nourrir nos débats. Je précise enfin que l’arrêté du garde des sceaux fixant la liste des communes retenues pour cette expérimentation serait pris en tenant compte de la capacité et de la volonté des communes en question de mener à bien ladite expérimentation, afin de ne mettre aucune commune en difficulté.
Ainsi, je suis convaincue que ce dispositif, si nous l’adoptons, permettra de satisfaire pleinement l’intention des auteurs de la proposition de loi, tout en instaurant un mécanisme pleinement opérationnel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM. – M. François Calvet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de représenter le Gouvernement devant vous cet après-midi en lieu et place de Mme la garde des sceaux, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
L’objectif de revitalisation des communes que vous avez exposé, monsieur le sénateur Marseille, est évidemment louable et partagé par tous.
La vitalité d’une commune se mesure à l’implication de ses résidents dans la vie et le développement de la communauté, à son nombre d’habitants, au développement de ses infrastructures, à son accessibilité, à son taux d’activité, et à bien d’autres critères encore. Je ne peux ignorer l’attachement des Français à la tenue des registres des naissances ayant lieu sur le territoire de leur commune, qui est l’un de ces critères.
L’Insee publie d’ailleurs chaque année des statistiques de naissances par commune – les dernières, fort intéressantes, ont été publiées il y a deux jours seulement – permettant de connaître le nombre de naissances sur l’ensemble des territoires, ruraux ou urbains, et de valoriser leur vitalité.
La présente proposition de loi est née d’un échange, lors du grand débat national, entre le Président de la République et le maire de Bar-le-Duc. Dans la rédaction issue des travaux de votre commission, elle vise tout d’abord à prévoir que les déclarations de naissance soient faites, non plus exclusivement à l’officier de l’état civil du lieu de l’accouchement, mais également à celui du lieu de domicile des parents.
Si je suis sensible aux incidences des regroupements d’établissements de santé en termes de vitalité des communes, il n’en reste pas moins que ces dispositions portent atteinte à certains principes essentiels de l’état civil et emportent des conséquences pratiques importantes pour l’ensemble des communes et villages de France.
Il s’agirait en effet d’imposer aux communes de domicile des parents d’établir des actes de naissance pour des naissances ayant eu lieu dans une autre commune. Ces communes de domicile auront donc la charge de mettre à jour les actes ainsi établis à chaque événement nouveau. Un mariage, la conclusion d’un pacte civil de solidarité, un divorce, un changement de nom, de prénom ou de sexe, bien d’autres événements encore : tous doivent être mentionnés en marge de l’acte de naissance.
Ces communes seront ainsi contraintes de recruter et de former des agents à ces nouvelles fonctions d’établissement et de mise à jour des registres de l’état civil. Elles devront également engager des dépenses importantes pour la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données d’état civil, comprenant les coûts de la licence du logiciel d’état civil, de ses mises à jour et de la maintenance de l’installation informatique.
Au-delà de ces conséquences pratiques importantes pour nos communes, conséquences qu’il ne faut pas minorer, ces dispositions me paraissent accentuer le risque de fraude documentaire.
En effet, elles dérogeraient au principe général selon lequel les actes de l’état civil doivent être dressés au lieu de l’événement qu’ils relatent, ce qui garantit leur caractère authentique. Cette dérogation irait à l’encontre des objectifs et des dispositifs de fiabilité et de sécurité des actes de l’état civil et des titres d’identité établis sur la base des actes de naissance. Or ces dispositifs sont mis en œuvre depuis quelques années déjà par les communes de naissance. Permettre à l’ensemble des communes françaises d’établir des actes de naissance constituerait, sur ce point, un recul massif dans la lutte contre la fraude documentaire.
Toutefois, comme je vous le disais au début de mon intervention, le Gouvernement est sensible à la demande formulée. C’est pourquoi une évolution des dispositions en vigueur est parfaitement envisageable. Elle devra tenir compte des conséquences financières et juridiques que je viens d’exposer.
Nous avons travaillé en ce sens avec Mme la rapporteure et M. le sénateur Marseille, et proposons la mise en place d’une expérimentation conforme à l’article 37-1 de la Constitution, ouvrant la possibilité, pour la ou les communes de domicile des parents, de transcrire sur leurs registres de l’état civil l’acte de naissance établi par la commune de naissance.
L’amendement n° 3 que vous examinerez tout à l’heure, qui reçoit l’avis favorable du Gouvernement, vise à appliquer aux actes de naissance les dispositions de l’article 80 du code civil d’ores et déjà prévues pour les actes de décès.
Ainsi, l’officier de l’état civil du lieu de naissance établirait l’acte de naissance de l’enfant au vu du certificat d’accouchement et des éléments d’identité du ou des parents ; cet officier de l’état civil transmettrait sans délai une copie intégrale de l’acte de naissance à l’officier de l’état civil du lieu de domicile du ou des parents ; enfin, ce dernier transcrirait l’acte de naissance sur les registres de l’état civil de sa commune. À défaut de domicile commun des parents, la copie de l’acte serait transmise à l’officier de l’état civil du lieu de domicile de chacun d’entre eux.
L’amendement prévoit par ailleurs qu’un décret en Conseil d’État viendrait fixer les modalités d’application de cette disposition, en particulier les conditions dans lesquelles celles-ci garantissent la fiabilité et la préservation de l’intégrité des données de l’état civil des personnes intéressées. Cette expérimentation ferait par ailleurs l’objet d’une évaluation, dont le rapport serait adressé par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant son terme.
Cette proposition d’expérimentation apparaît indispensable pour mesurer les effets de l’introduction de telles dispositions sur les communes, d’une part, et sur la sécurité et la fiabilité des registres de l’état civil, d’autre part.
En outre, la commission des lois a adopté un amendement visant à reconnaître le tilde comme un signe diacritique pouvant être utilisé dans la langue française, au même titre que les signes et ligatures déjà admis.
Comme vous le savez, les langues régionales ont été consacrées dans la Constitution : elles appartiennent au patrimoine de notre pays. Leur promotion et leur préservation vont bien au-delà de leur usage dans les actes de l’état civil. Elles sont assurées, avant tout, par la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales dans les écoles de la République et la promotion des cultures régionales. Le patrimoine régional doit vivre, et il vit par la culture et l’enseignement.
Si je comprends l’objectif de la commission, l’introduction du tilde comme signe diacritique reconnu par la langue française me semble n’avoir qu’un lien ténu avec l’objet de la présente proposition de loi, « relative à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil du lieu de résidence des parents ».
Se pose aussi la question de l’impact financier de cette disposition pour les collectivités territoriales, mais également pour l’ensemble des administrations et services potentiellement concernés.
En effet, introduire l’utilisation d’un ou de plusieurs signes diacritiques régionaux dans les actes de naissance aurait nécessairement une incidence sur l’ensemble des actes et démarches effectués tout au long de la vie des intéressés : affiliation à la sécurité sociale, délivrance des titres d’identité, inscriptions scolaires, conclusion de contrats de travail ou de baux d’habitation, établissement d’actes notariés, etc.
Pour les communes, une adaptation des logiciels métiers sera nécessaire, ainsi qu’un renouvellement des claviers d’ordinateur et une mise à jour des actes de l’état civil, des titres d’identité, des documents de sécurité sociale et des actes notariés…
Ces implications sont particulièrement larges et, en l’état, n’ont pas toutes été anticipées.
La question de l’admission du tilde dans les actes de naissance, et non dans les actes de mariage ou de décès, peut également se poser. En l’état, il y aurait une incohérence entre les actes de l’état civil relatifs à une même personne.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le Gouvernement étudie actuellement la faisabilité d’une intégration de certains signes diacritiques pour permettre la prise en compte de l’orthographe de certains prénoms issus de langues régionales. Pour l’heure, le Gouvernement est réservé sur cette disposition.
Sous cette réserve et sous celle de l’adoption de l’amendement n° 3, à l’article 1er, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jérôme Bignon et François Calvet applaudissent également.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer l’initiative du président de notre groupe, Hervé Marseille, qui nous permet de débattre aujourd’hui d’un texte relatif à la déclaration de naissance auprès de l’officier d’état civil du lieu de résidence des parents.
Autrement dit – je le précise afin d’éviter certaines confusions dont on retrouve l’écho dans la presse de ce matin ! –, il s’agit d’offrir aux parents la faculté de choisir le lieu de déclaration de naissance de leur enfant, qui pourrait être soit celui de l’accouchement, soit celui du domicile de l’un d’entre eux. Il s’agit donc d’ouvrir une nouvelle possibilité, et non de créer une obligation. Il n’est nullement question de modifier le lieu de naissance, qui reste attesté par le certificat délivré par la maternité.
Avant de revenir sur les fondements de cette proposition de loi, force est de constater que l’idée d’une déclaration de naissance au lieu du domicile avait été avancée au Sénat dès 1999 par des parlementaires de tous bords, mais sans faire l’objet d’une discussion en séance publique. Nos collègues députés ont également été nombreux, au cours des dernières années, à déposer des propositions de loi sur ce sujet sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Comme cela a été rappelé, ce texte tend à répondre à un problème souligné de manière récurrente par les maires des petites communes, notamment rurales, à savoir le « dépeuplement » des registres de naissance. Aujourd’hui, il est de plus en plus rare d’accoucher à domicile, dans sa commune de résidence, et donc d’inscrire les enfants sur les registres de naissance de celle-ci. À titre d’illustration, en 2016, 99,6 % des naissances ont été enregistrées dans seulement 500 communes de notre pays.
Ce constat n’est pas sans poser quelques difficultés pour les élus locaux et les citoyens.
Tout d’abord, sur le plan symbolique, s’il y a bien un territoire auquel sont attachés nos concitoyens, c’est celui de la commune. Or la commune de résidence n’apparaît pas sur les documents officiels – acte de naissance, carte nationale d’identité, passeport… Pour nos voisins et amis suisses, le village d’origine est un élément très important de leur identité ! La concentration des naissances met à mal l’attachement de nos concitoyens à leur commune de domicile. En outre, pour les maires et leurs adjoints, ce dépeuplement des registres de naissance est un signal négatif pour la revitalisation des petites communes et peut être perçu comme non représentatif de la démographie réelle de celles-ci.
Ensuite, ce dépeuplement des registres exprime, pour les usagers, la perte d’un service public de proximité dans de nombreuses communes. À l’heure de la dématérialisation des procédures, certaines démarches administratives doivent cependant toujours être accomplies en mairie, notamment la délivrance de copies ou d’extraits d’actes de naissance.
Enfin, il y a également un impact sur le tourisme, qui mérite d’être souligné même s’il est moins significatif. De nos jours, du fait de la concentration des naissances dans un petit nombre de lieux, la plupart des communes voient de moins en moins de personnalités célèbres naître sur leur territoire. Or nombreuses sont les petites communes rurales qui valorisent leur patrimoine en ouvrant au public les maisons natales d’écrivains ou de compositeurs. Ainsi, La Côte-Saint-André, petite commune d’Isère, a ouvert au public la maison natale d’Hector Berlioz dans les années 1930, en recréant le cadre dans lequel l’illustre compositeur a vécu.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, afin de limiter ces effets négatifs, la présente proposition de loi tend à laisser aux parents le choix du lieu de déclaration de la naissance de leur enfant. Ils pourraient ainsi déclarer celle-ci au lieu de naissance, comme c’est le cas aujourd’hui, ou au lieu du domicile de l’un d’eux. Par ailleurs, le délai pour effectuer cette déclaration serait porté à huit jours.
Je tiens à saluer le travail effectué par notre rapporteur, Agnès Canayer, qui a parfaitement compris l’intérêt et l’enjeu, pour nos communes, de la proposition de loi présentée par notre groupe. Elle a opportunément pris l’initiative d’un certain nombre de modifications techniques adoptées en commission, avec l’accord de l’auteur du texte, et nous propose cette après-midi d’adopter une rédaction qui n’est sans doute pas encore parfaite, mais qui permet d’amorcer la navette parlementaire.
Le Gouvernement a autorisé l’expérimentation pour une durée de trois ans des actes dits « miroirs » : le même acte serait enregistré et pourrait être exploité dans deux registres distincts, ceux du lieu de naissance et du lieu de résidence. J’espère qu’il veillera à ce que l’esprit de notre proposition de loi soit maintenu.
Pour conclure mon propos, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais mettre en exergue une disposition introduite dans le texte de notre commission grâce à l’adoption d’un amendement de mon collègue Michel Canevet. Il s’agit d’inclure le « ñ » parmi les lettres portant des signes diacritiques que peuvent comporter les prénoms inscrits à l’état civil. Mon propre prénom comportant un signe diacritique – un tréma ou Umlaut –, je ne peux que soutenir cette démarche ! Admis dans la langue française depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, le tilde est peu à peu tombé en désuétude et n’est aujourd’hui mentionné dans aucune disposition réglementaire. Un tel vide juridique peut être source d’incompréhension pour des parents qui se voient refuser, dans certains cas, d’introduire ce signe dans la graphie du prénom de leur enfant.
M. Michel Canevet. Bravo !
M. Loïc Hervé. Mes chers collègues nos communes rurales ont besoin de rayonner à nouveau : restituons-leur ce qui leur appartient ! Je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jérôme Bignon et François Calvet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, il est rare qu’une niche parlementaire suscite autant d’intérêt à l’extérieur de notre hémicycle !
Je tiens à remercier ici les instigateurs de ce débat : notre collègue Hervé Marseille, mais aussi notre collègue député Christophe Bouillon, qui défend la même idée dans l’arrondissement voisin, à l’Assemblée nationale, avec le soutien de l’Association des petites villes de France. Ils ont mis le doigt, visiblement, sur un sujet qui intéresse nos concitoyens.
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Jérôme Durain. Je reviendrai plus tard sur cet impact médiatique, parce qu’il n’est pas neutre.
Les débats qui se sont tenus en commission des lois ont été très éclairants. Les questionnements de nos collègues nous ont permis de mieux cerner l’esprit de cette initiative, qui n’est d’ailleurs pas inédite au Sénat : je salue nos prédécesseurs au sein du groupe socialiste qui avaient eu la même intuition en 2003.
L’inscription de la naissance à l’état civil de la commune de résidence des parents ne sera qu’optionnelle : elle ne vient donc pas « supprimer le lieu de naissance », comme un journal parisien a pu le titrer ce matin. Des dispositions sont prévues pour prendre en compte le cas de parents séparés.
Nos collègues ont rappelé en commission des lois les différences qui pouvaient exister avec le modèle suisse. Je remercie Jean-Pierre Sueur, pertinent comme toujours, d’avoir évoqué le sujet du décès, qui pourrait entraîner les mêmes questions En 2016, 594 000 personnes sont décédées en France : 59 % dans un établissement de santé, 26 % à domicile, 14 % en maison de retraite et 1 % sur la voie publique.
Certes, ce dernier point nous fait perdre de vue l’intérêt de notre démarche en matière d’attractivité des petites communes ! Mais si je suis convaincu de l’importance symbolique de cette initiative pour le monde rural, je doute en revanche qu’elle permette de compenser les fermetures de maternités.
Notre collègue Jacques Bigot a déposé un amendement visant à s’assurer de l’engagement de l’État pour éviter que des effets pervers n’abîment notre si précieux état civil. La rigueur en la matière est de mise, on le sait. Il serait regrettable que, dans quelques années, des Français cherchant à obtenir des titres de séjour dans d’autres pays se voient opposer un refus en raison d’une mention peu claire sur leur extrait d’acte de naissance. Nous comprenons que la majorité sénatoriale a choisi une autre voie avec cette expérimentation qui ne nous semble pas totalement sécurisante. Nous ne nous opposerons cependant pas à ces solutions, par souci de compromis, mais l’investissement du Gouvernement pour sécuriser le dispositif retenu est d’une importance capitale.
Je veux à ce propos rappeler à cette tribune quelques-unes des préventions ou des craintes qui ont été exprimées en commission des lois : l’absence d’étude d’impact nous empêche d’envisager toutes les conséquences pratiques de la mise en œuvre du dispositif de ce texte ; celle-ci entraînera malgré tout une relative complexification des actes administratifs, dans la mesure où il faudra en établir deux ou trois supplémentaires ; la réalité factuelle risque de se voir substituer une réalité virtuelle, en termes de lieu de la naissance, ce qui peut remettre en cause la crédibilité et l’efficacité de notre état civil ; si le lieu de naissance est fixe, celui du domicile des parents peut changer et le rattachement à la commune peut n’être que très éphémère ; enfin, dans certains territoires, le dispositif prévu peut faire peser un risque de discrimination sociale.
Ces arguments ne peuvent être balayés d’un revers de la main, mais notre groupe a majoritairement choisi de soutenir ce texte. Nous ne pinaillerons pas.
Il y a 565 communes dans mon département de Saône-et-Loire : comme ailleurs, la diversité des lieux de naissance est en recul. Par exemple, la liste des célébrités nées à Saint-Rémy ne s’enrichira plus, alors qu’elle compte deux candidats à la mairie de Paris – Benjamin Griveaux et Rachida Dati –, un député – Régis Juanico, qui n’est pas candidat à Paris – et un artiste, Florent Pagny, qui n’est, à ma connaissance, candidat nulle part ! (Sourires.) Cette liste est close depuis la fermeture de la maternité. L’adoption de la présente proposition de loi permettra peut-être que de futurs prétendants à la mairie de Paris fassent à nouveau honneur à cette petite commune dynamique.
Pour favoriser la vitalité du peuplement des états civils de nos territoires et le dynamisme de la ruralité, nous voterons ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM, Les Indépendants et UC.)