M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jean-Marie Bockel, nous avons tous été extrêmement touchés par le meurtre de Mme Attal-Halimi. Je comprends bien évidemment l’émoi que la décision de la cour d’appel de Paris a suscité.
Je tiens à rappeler précisément ce qui s’est passé sur le plan juridique. À l’issue de l’instruction, une audience s’est tenue devant la cour d’appel de Paris, portant sur la question de l’irresponsabilité pénale de l’accusé, en raison de troubles psychiques.
Comme l’a indiqué M. le Premier ministre à l’instant, au terme de cette audience, les juges ont expressément retenu le caractère antisémite du meurtre de Mme Halimi. Cette audience s’est déroulée dans le cadre d’une procédure mise en œuvre en vertu d’une loi de 2008, qui a permis à l’ensemble des parties de débattre publiquement et contradictoirement de la question des expertises subies par l’accusé. Six experts psychiatres sur sept ont considéré que l’accusé était irresponsable au moment des faits et que son discernement était aboli. La cour a suivi ces expertises et a estimé que le suspect ne pouvait être condamné pénalement.
Comme la loi le permet, la cour, premièrement, a ordonné que le suspect soit hospitalisé d’office et, deuxièmement, lui a interdit d’entrer en contact avec la famille pendant une durée de vingt ans. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Je sais que cette décision n’a pas été comprise par les parties civiles, en raison notamment de l’appréciation qui a été faite de l’état psychiatrique de l’intéressé, lié à sa consommation préalable et prolongée de cannabis.
Nous sommes face à une situation juridique complexe et inédite. Je suis certaine que la Cour de cassation apportera toutes les réponses juridiques nécessaires, puisqu’elle a été saisie par les parties civiles d’un pourvoi en cassation.
Pour terminer, je veux simplement souligner que, sur le plan procédural, la loi de 2008 a apporté une réponse aux victimes, puisque, je le répète, elle met en place une audience publique et contradictoire. Ce débat a été rendu possible sans que soit remis en cause un principe cardinal de notre droit pénal, qui existe, en France, depuis le code Napoléon et qui existe dans tous les autres États de droit, selon lequel on ne juge pas les malades mentaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse précise et étayée.
Cela dit, un principe d’irresponsabilité pénale reprécisé par la loi ou par la jurisprudence de la Cour de cassation – peu importe –, dans le strict respect de l’indépendance de la justice, permettrait de ne pas priver de procès les victimes, les familles et, finalement, la Nation tout entière, notamment dans le cas d’actes antisémites ou terroristes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, Les Indépendants et RDSE.)
service minimum dans les transports publics
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le secrétaire d’État, la liberté d’aller et venir est une composante fondamentale de la liberté individuelle. Chacun peut circuler sur l’ensemble du territoire national dès lors qu’il y est régulièrement entré.
Or voilà maintenant plus d’un mois que la SNCF et la RATP ne sont plus en capacité d’assurer normalement leur mission de service public.
Sur l’initiative de Bruno Retailleau et de très nombreux collègues, notre groupe propose la création d’un véritable service minimum de transport garanti, applicable à l’ensemble des transports publics.
Ce service minimum garanti ne remet pas en cause le droit de grève. Il consiste simplement à aménager son exercice, à l’instar de ce que prévoit déjà la loi pour d’autres services publics, comme les hôpitaux ou la télévision publique.
Il s’inscrit clairement dans une jurisprudence bien établie du Conseil constitutionnel.
Mais ce n’est pas tout ! Cette proposition de loi prévoit également de simplifier les démarches des usagers dont le voyage est annulé, afin qu’ils ne soient plus pénalisés financièrement. Elle tend à interdire l’avoir actuellement scandaleusement mis en place, au profit d’un remboursement direct.
Notons d’ailleurs au passage que la SNCF est plus à l’aise avec le siphonnage de nos cartes bleues qu’avec le respect de ses horaires ! (Sourires.)
J’ajoute enfin que Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d’Île-de-France, demande à juste titre depuis plusieurs semaines, et dans le même esprit, le remboursement intégral du pass Navigo pour tous les jours de grève.
Monsieur le secrétaire d’État, il est de votre responsabilité de prendre les mesures qui s’imposent pour en finir avec l’insupportable triptyque : pagaille, racket et escroquerie. Que comptez-vous faire concrètement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur Hugonet, je veux d’abord rappeler le cadre de la loi Bertrand, adoptée en 2007. Elle impose aux grévistes de se déclarer 48 heures à l’avance, de manière à organiser le plan de transport, afin que les usagers puissent anticiper au mieux leurs déplacements.
Cette loi Bertrand a certainement atteint quelques limites, dans la mesure où elle est aujourd’hui contournée au sein des entreprises. C’est notamment le cas des grèves de 59 minutes, très déstabilisantes pour l’organisation du travail, ou encore des préavis illimités, qui sont validés par les juges. Ainsi le Gouvernement est-il prêt, sur ces sujets, à en tirer les conséquences, en lien avec les entreprises concernées.
S’agissant du service minimum, à proprement parler, vous savez très bien, monsieur le sénateur, que la proposition élaborée dans vos rangs est inopérante en l’état. Par ailleurs, elle a été formulée opportunément quelques jours avant le début de la grève.
Dès lors, je tiens à le rappeler, à droit constant, l’État est parfaitement fondé à agir dès lors que les Français sont durablement empêchés de se déplacer, dès lors que les besoins essentiels de la Nation ne sont plus satisfaits, dès lors que l’activité économique et sociale est durablement entravée.
M. Gérard Longuet. C’est le cas !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Par ailleurs, nous l’avons toujours dit, le Gouvernement est attentif à la séquence qui se déroule actuellement. Il en tirera éventuellement des conclusions concernant les compléments aux dispositifs existants, à l’aide de mesures opérationnelles et efficaces.
À cet égard, je saisis l’occasion qui m’est offerte pour saluer la très grande majorité des agents de la SNCF et de la RATP, qui, depuis le 5 décembre dernier, travaillent tous les jours dans des conditions difficiles et transportent des millions de Français en sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Sauf votre respect, monsieur le secrétaire d’État, ce ne sont que des confettis de paroles ! La réalité, c’est que nos concitoyens sont exaspérés. Si vous êtes fondés à agir, agissez ! Les Français n’en peuvent plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réforme des retraites à saint-pierre-et-miquelon
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon est dotée d’un régime de retraite applicable aux salariés du secteur privé datant de 1987, lequel, pour tenir compte des spécificités locales liées au climat, s’est progressivement écarté du droit commun.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant réforme de l’assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon prévoit un alignement complet avec le régime de droit commun national en 2033. L’âge d’ouverture des droits à retraite est progressivement relevé de 60 ans à 62 ans ; la durée de référence pour l’obtention du taux plein est progressivement allongée et portée au niveau national en 2033, soit 172 trimestres pour la génération 1973 ; enfin, en 2022, le revenu annuel moyen sera calculé sur la base des vingt-cinq meilleures années et non plus sur la totalité de la carrière.
Malgré la volonté d’alignement progressif des taux de cotisations, les spécificités de notre régime de retraite de base ont été maintenues afin d’assurer une transition plus douce vers le régime général.
La loi du 28 février 2017 a mis en place le financement pérenne de la prise en charge pour la retraite des périodes de chômage saisonnier pour les salariés de certains secteurs d’activité comme le BTP, en raison des conditions climatiques particulières.
Le 3 décembre dernier, j’ai interrogé le haut-commissaire sur l’application du projet de réforme des retraites à Saint-Pierre-et-Miquelon, au regard de notre cadre actuel.
À ce jour, je n’ai obtenu aucune réponse. Pourtant, les conséquences peuvent être importantes pour mes compatriotes.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement sur les conditions d’application de son projet de réforme des retraites à Saint-Pierre-et-Miquelon tant pour les entreprises que pour les salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Monsieur le sénateur Artano, vous attirez mon attention sur la situation particulière de l’assurance vieillesse sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, que vous connaissez bien. Vous l’avez rappelé, le régime des assurés de ce territoire est en ce moment même en cours de convergence avec le régime général, tant en matière d’âge de départ que de durée nécessaire pour valider le taux plein ou de calcul sur la base des 25 meilleures années.
Les modalités de cette convergence ont été définies de manière relativement récente, puisqu’une ordonnance du 23 juillet 2015 et un décret de 2017 sont venus les préciser.
La convergence sera, pour certains de ses paramètres, achevée en 2025, au moment de l’entrée en vigueur du nouveau système de retraite universel. Je tiens à vous rassurer – tel est, me semble-t-il, l’objet de votre question –, le calendrier prévu pour la convergence ne sera pas remis en cause. Comme cela avait été annoncé dans le rapport de Jean-Paul Delevoye, une ordonnance viendra préciser les modalités d’adaptation du système universel aux caractéristiques et contraintes particulières du territoire de votre collectivité.
J’évoquerai une spécificité, que vous avez également mise en avant dans le cadre de votre question. Elle concerne le fait que certains salariés, notamment ceux issus du secteur de la pêche, de l’agriculture et du BTP, peuvent voir leurs allocations chômage prises en compte dans leur revenu de référence, pour les interruptions d’activité intervenant chaque année lors des périodes climatiques difficiles.
Je le rappelle, ce principe deviendra la règle dans le cadre du système universel, puisque les périodes de chômage indemnisées donneront systématiquement droit à points. Ce sera donc également le cas sur votre territoire, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Permettez-moi d’attirer votre attention sur un point, monsieur le secrétaire d’État. Si le recours à des ordonnances est un bon moyen pour adapter des textes à Saint-Pierre-et-Miquelon, il est à l’origine d’un véritable fiasco s’agissant de la formation professionnelle.
Adoptée en septembre 2018, la loi n’entrera en vigueur chez nous qu’en 2021, grâce à la volonté de la collectivité locale.
Il est donc nécessaire d’associer l’ensemble des acteurs du territoire et d’anticiper les éléments spécifiques que vous avez mentionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
tensions entre les états-unis et l’iran
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Le 3 janvier dernier, une opération militaire décidée par le président des États-Unis d’Amérique tuait le général Qassem Soleimani sur le territoire irakien. La mort de ce chef militaire et responsable politique iranien, par ses circonstances et par ce qu’elle représente, est un vecteur de nouveaux risques et drames dans la région. Elle alimente la spirale des vengeances, chacun trouvant dans les actes de son adversaire la justification de ses engagements.
Les conséquences sont graves. La diplomatie visant à lutter contre la prolifération nucléaire, dont l’accord de 2015 était un aboutissement exigeant, en particulier grâce à l’action de Laurent Fabius, est décrédibilisée.
L’Iran, qui avait été le théâtre d’une répression violente, inouïe, de l’expression de son peuple en décembre, voit les éléments les plus extrêmes se renforcer dans le pays. Enfin, la réaction du Parlement irakien remet en cause les conditions de la présence de la coalition internationale de lutte contre l’État islamique, car la présence d’armées étrangères n’est plus souhaitée par les autorités du pays.
Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser plusieurs questions à ce sujet. Les États-Unis avaient-ils informé le gouvernement français de leur action du 3 janvier et de leurs objectifs ? Comment pourrions-nous être solidaires de ce pays s’il ne l’a pas fait ?
Les conditions de la lutte contre l’État islamique, ainsi que la situation des terroristes et de leurs familles restées en Irak, sont profondément modifiées après cette action et la réaction des autorités irakiennes. Comment ces préoccupations peuvent-elles être prises en compte désormais ?
Notre engagement, dans ces circonstances nouvelles, sera-t-il soumis au Parlement ? Comment pouvons-nous considérer les États-Unis comme des partenaires dans la lutte antiterroriste après ces dernières semaines ?
Enfin, à la lumière de ce qui s’est passé ces dernières heures, quelles mesures sont prises pour assurer la sécurité de nos ressortissants dans la région, ceux qui y vivent et ceux qui y voyagent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je m’efforcerai de répondre à vos questions en reprenant les éléments que j’ai déjà pu évoquer aujourd’hui.
Non, nous n’avons pas été informés, puisqu’il s’agit d’une décision américaine prise sur la base d’éléments de sécurité nationale. Il s’agit donc d’une initiative dont les États-Unis ont la responsabilité.
Je l’ai dit à M. Pierre Laurent, la solidarité que j’ai évoquée est celle que nous devons à nos alliés de la coalition contre Daech. S’ils sont visés, nous sommes solidaires. Chacun peut le comprendre, nous sommes, à la demande des autorités irakiennes, dans une coalition réunissant plus de 70 partenaires et organisations internationales, engagés contre Daech en Syrie et en Irak. Nous avons pu mettre fin au califat territorial et arrêter la campagne de reprise de territoires que souhaitaient les terroristes. Certes, nous le savons, la menace reste extrêmement forte. Nous devons donc rester extrêmement mobilisés. Dans ce cadre, nous cherchons à maintenir vivante la coalition contre Daech.
Dans les jours qui viennent, nous aurons un dialogue avec les autorités irakiennes, afin de préserver leur souveraineté. Les échanges que M. Jean-Yves Le Drian a pu avoir avec le Premier ministre irakien montrent bien que la lutte contre le terrorisme reste une priorité pour tous. Sa présence aujourd’hui en Égypte contribue d’ailleurs à trouver les voies et moyens pour poursuivre avec tous les acteurs régionaux la lutte contre le terrorisme.
Nos alliés sont à nos côtés pour mener cette lutte contre le terrorisme et pour lutter contre la prolifération nucléaire. Ces deux priorités sont essentielles pour la France, qui reste pleinement mobilisée sur ces sujets.
Quant à la sécurité de nos ressortissants, qu’ils soient civils ou militaires, nous avons engagé dès vendredi dernier, je l’ai dit, un plan sur le terrain. Les mesures ont été renforcées en Iran et en Irak au cours des dernières heures et nous suivons la situation très attentivement. À mes yeux, la clé est la réunion exceptionnelle qui se tiendra vendredi à Bruxelles, avec tous les ministres européens des affaires étrangères réunis autour de Josep Borrell, pour chercher la voie de la désescalade, de la lutte contre la prolifération nucléaire et du maintien d’une coalition forte contre le terrorisme.
réforme des retraites (iii)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas, monsieur le secrétaire d’État, mais ma question sur le sujet des retraites, qui agite et inquiète notre pays tout entier, s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, je n’irai pas par quatre chemins : votre réforme des retraites est une mauvaise réforme !
Mauvaise, parce que vous avez mis la charrue avant les bœufs. La priorité aurait dû être de régler la question du déficit !
Mauvaise, parce que les régimes spéciaux en sortent renforcés, alors même qu’Emmanuel Macron, le 4 octobre dernier à Rodez, affirmait : « Il n’y aura plus de régimes spéciaux. »
Mauvaise, parce que votre système, au-delà des discours, dont on voit la faible durée de vie, appauvrira les retraités. Le point est volatil, les femmes et les familles y perdront parfois beaucoup, et les pensions de réversion ne seront versées qu’à 62 ans.
Mauvaise, parce que, à des régimes différents, vous substituez une inégalité entre les générations.
Mauvaise, parce que les travailleurs indépendants devront cotiser plus.
Mauvaise, parce qu’il est indispensable de maintenir nos régimes complémentaires, comme partout en Europe. Nous serions les seuls à avoir un régime étatisé et unique !
Enfin, et ce n’est pas la moindre raison, votre réforme est mauvaise, parce que vous sortez les plus hauts revenus d’un système par répartition qui contribuait à assurer notre ciment national.
N’avez-vous pas le sentiment, monsieur le Premier ministre, qu’il y a un fossé entre l’engagement d’Emmanuel Macron de ne pas modifier l’âge légal, les objectifs affichés d’universalité et de justice et la réalité des conséquences de votre projet pour les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous avez votre avis sur ce projet de réforme, et il est tout à fait respectable, sans doute.
Toutefois, je voudrais vous indiquer que, si le Parlement vote le projet que nous portons, il n’y aura plus de régimes spéciaux de retraite. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Vous le savez sans doute, depuis le 1er janvier 2020, il n’y a plus, à la SNCF, d’embauches au statut. Sans doute vous en souvenez-vous, madame la sénatrice, quand nous avons engagé cette réforme, certains nous reprochaient de réaliser une petite réforme ne touchant pas les régimes spéciaux ! Pourtant, nous l’avons menée à terme, ce qui n’avait pas été fait auparavant.
De la même façon, nous allons régler le problème récurrent de l’équilibre du régime des retraites. Selon nous, nous l’avons dit, un problème d’équilibre est un problème sérieux dans un régime de retraite, quel qu’il soit. Nous voulons faire en sorte que le régime soit équilibré.
Nous sommes donc attachés à la question de l’équilibre. Nous voulons que le système universel remplace la diversité des systèmes existants, ce qui implique la suppression des régimes spéciaux.
Croyez-moi, madame la sénatrice, en dépit de ce que vous dites, un certain nombre de ceux qui sont soumis à ces régimes spéciaux ou qui en bénéficient ont bien compris le message. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ils protestent. On ne peut pas dire, d’un côté, qu’il ne se passe rien et, d’un autre côté, qu’on change tout ! Cette contradiction même prouve que nous avançons.
Par ailleurs, vous dites, madame la sénatrice, que c’est une mauvaise réforme. J’espère que vous lutterez de façon résolue contre le minimum contributif à 1 000 euros, y compris pour les agriculteurs, les artisans et les indépendants… (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. C’est vous qui ne l’avez pas voté ici !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’espère que vous direz combien cette mesure est scandaleuse, à quel point elle représente un déni de justice sociale par rapport à ce qui prévalait jusqu’à présent !
J’espère également, madame la sénatrice, que vous expliquerez clairement à toutes celles et tous ceux qui doivent attendre 67 ans pour liquider leur retraite sans décote, souvent des femmes et des hommes ayant mené des carrières hachées et difficiles, que la réforme que nous proposons n’est pas une réforme de justice sociale, dans la mesure où ils pourront partir à 64 ans.
Le débat qui nous réunira à l’Assemblée nationale puis au Sénat sera passionnant. Mais avant d’examiner précisément les dispositions qui seront soumises aux parlementaires, pouvons-nous ne pas nous envoyer à la figure des affirmations qui sont bien souvent des affirmations de posture ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) Je le dis très tranquillement ! On me fait trop souvent ce reproche pour que je m’interdise de le dire.
Je le répète, le projet que nous présenterons au Parlement est en tout point conforme aux engagements pris par le Président de la République et par les parlementaires de la majorité : universalité, équité, âge légal de départ à 62 ans. Nous verrons comment inciter les Français à travailler plus longtemps, pour faire en sorte que les retraites soient assurées. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.
Mme Martine Berthet. Monsieur le Premier ministre, votre réforme coûtera plusieurs dizaines de milliards d’euros et se traduira par une baisse du niveau de vie des retraités. Ce n’est pas une affirmation de posture ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 15 janvier 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)