M. Maurice Antiste. L’actuel projet de loi de finances fait l’impasse sur un problème majeur pour les outre-mer : les féminicides et les violences faites aux femmes.
À l’instar de l’enquête Violences et rapports de genre, l’enquête Virage, dans l’Hexagone, l’un des objectifs centraux de cette enquête dans les outre-mer est de mesurer les faits de violences verbales, psychologiques, physiques et sexuelles contre les femmes.
Cette étude englobe les violences vécues au sein de la sphère conjugale, familiale, au travail et dans les espaces publics, d’une part, au cours des douze derniers mois en outre-mer, et, d’autre part, au long de la vie. Il en ressort que les violences faites aux femmes sont plus nombreuses que dans l’Hexagone.
Cet amendement vise à créer un fonds spécifique aux territoires ultramarins pour lutter contre ces violences. Il serait doté de 5 millions d’euros et aurait pour vocation d’accompagner les femmes victimes en les aidant dans la poursuite de leurs activités scolaires, professionnelles, en leur assurant un logement et une aide pour leurs démarches administratives.
Le pilotage de ce fonds pourrait être confié aux associations qui collaborent déjà avec les préfectures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Il est vrai que le problème des violences faites aux femmes se pose avec beaucoup plus d’acuité dans nos outre-mer. Mais, là encore, nous ne pouvons accepter un prélèvement sur l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une grande cause du quinquennat. Le Premier ministre a lancé le Grenelle des violences conjugales le 3 septembre. La semaine dernière a été dévoilé le résultat de ce travail, qui a également été mis en route dans les territoires d’outre-mer.
J’ai insisté pour qu’il y ait deux niveaux de débat : dans les territoires, avec les acteurs locaux, et au plan national, avec un groupe spécifique dédié à l’outre-mer. C’est ce qui a été fait. Marlène Schiappa s’est d’ailleurs rendue à La Réunion, comme moi, pour parler de ce sujet, et a annoncé 1 million d’euros supplémentaires pour les territoires d’outre-mer.
À mon arrivée au ministère, les associations intervenant sur ce thème spécifique étaient financées sur la ligne « Subventions aux associations » de l’action n° 04 à hauteur de 148 000 euros ; j’ai triplé cette somme, puisque, en 2019, nous en sommes à 489 000 euros de soutien.
C’est vrai, les besoins sont importants, les victimes étant beaucoup plus nombreuses dans les territoires d’outre-mer. Aussi, des plans d’action seront mis en place, grâce aux crédits supplémentaires annoncés par Marlène Schiappa et au soutien des associations. Je reste très vigilante, et s’il s’avérait nécessaire d’augmenter le budget des associations, je le ferais directement en interne en redistribuant les crédits en fonction des priorités. Je sais que nous avons les mêmes. L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. L’amendement n° II-900 rectifié bis, présenté par MM. Laufoaulu, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, A. Marc, Wattebled et Bignon et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
4 000 000 |
|
1 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
4 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
4 000 000 |
4 000 000 |
1 000 000 |
1 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement, dont le premier signataire, Robert Laufoaulu, est retenu à Wallis en raison de la session de l’assemblée territoriale, vise à rappeler l’État à ses obligations issues de la loi du 29 juillet 1961, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer
Des sommes considérables sont allouées dans le programme 123, sous forme de dotations spéciales, pour l’équipement scolaire en Guyane, et pour la construction et l’équipement des établissements scolaires en Guyane et à Mayotte. C’est une excellente chose, car cela répond à de réels besoins.
Cependant, le territoire de Wallis-et-Futuna est une fois encore oublié, alors même que le bâti scolaire est dans un état de délabrement indicible. Voilà quelque temps, un plafond s’est même écroulé dans une classe, mais heureusement en dehors des heures d’enseignement, ce qui a évité de déplorer des morts et des blessés. L’équipement scolaire est également très insuffisant : ainsi, les classes techniques ou professionnelles ne peuvent être assurées correctement, faute de matériel.
C’est d’autant plus inadmissible que l’État a la charge financière de l’éducation, tant dans son fonctionnement que dans l’équipement et le bâti, à Wallis-et-Futuna. Cet amendement vise donc à faire face à l’urgence de rénovation du bâti scolaire et du manque d’équipements dans ce territoire en tendant à prélever 4 millions d’euros en autorisations de programme et 1 million d’euros en crédits de paiement de l’action n° 04 du programme 138 pour augmenter l’action n° 04 du programme 123.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Cet amendement vise à augmenter les crédits finançant le bâti scolaire à Wallis-et-Futuna. Son adoption entraînerait toutefois une baisse de l’action n° 04 du programme 138, créée dans le cadre du PLF pour 2019, et qui soutient des dispositifs grâce aux ressources dégagées par les réformes fiscales. Ces mesures spécifiques de soutien aux entreprises et associations ultramarines ont pour objet d’accompagner le développement économique et l’attractivité des territoires ultramarins. Les dispositifs ainsi financés concernent le prêt de développement outre-mer – élargissement des bénéficiaires et des critères d’attribution –, les subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets outre-mer, et le soutien au microcrédit outre-mer.
Compte tenu de l’importance de ces actions, la commission des finances émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le sénateur, personne ne nie l’état de délabrement de certains bâtiments scolaires à Wallis-et-Futuna, et surtout pas moi, qui me suis rendue dans ces établissements lors de ma dernière visite.
Vous avez raison, c’est l’État qui y a la charge de l’éducation en matière de fonctionnement et d’investissement. C’est une particularité statutaire qui est bien prise en compte par l’État. Ainsi, je rappelle que 2,2 millions d’euros de crédits d’État sont prévus dans le contrat de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022, notamment pour des travaux de réhabilitation et de maintenance des établissements, de sécurité électrique, incendie et de repérage de l’amiante. Cette liste non exhaustive vous permet de comprendre qu’il y a nombre d’urgences à traiter.
Sachez aussi qu’au-delà du contrat de convergence et de transformation, deux subventions de 732 000 euros et de 220 000 euros ont été affectées en 2019 pour des travaux d’urgence.
Je dois reconnaître que le lycée nécessite de gros travaux, dont le coût va très certainement s’établir autour de 20 millions d’euros. Une estimation est en cours. Le périmètre « réhabilitation-rénovation » est prévu dans le CCT, ainsi que dans les crédits que je viens d’évoquer. C’est insuffisant, mais l’opération est importante.
Jean-Michel Blanquer et moi-même avons également missionné deux personnes à Wallis-et-Futuna pour évaluer exactement le coût de ce problème structurel sur le long terme, au-delà des urgences, qui, elles, sont prises en charge grâce aux sommes que j’ai détaillées.
Aussi, vous comprenez bien que ce n’est pas le vote de cet amendement qui donnera le souffle nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Tous ces amendements expriment un besoin réel de faire comprendre au Gouvernement nos préoccupations légitimes, quel que soit notre territoire. À travers ces questions, nous nous interrogeons en fait sur l’existence même du ministère des outre-mer. Pour ma part, j’y suis attaché, mais, à vous entendre, madame la ministre, on a l’impression qu’un certain nombre de sujets doivent être traités par d’autres ministères, votre enveloppe étant limitée. Aussi, nous apprécierions que d’autres ministres participent à nos débats budgétaires pour qu’ils comprennent notre réalité. En effet, je n’ai pas le sentiment que les informations et les requêtes soient relayées dans ces ministères.
Madame la ministre, interprétez nos demandes comme notre souhait de voir ces informations transmises. Nous savons que votre voix porte, mais nous demandons qu’elle soit encore plus audible par vos collègues pour que nous soyons mieux entendus.
Je comprends votre réticence à voir Pierre déshabillé pour habiller Paul, mais nous n’avons que ce moyen à notre disposition, puisque nous ne pouvons pas sortir de cette enveloppe.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je soutiens cet amendement. Moi aussi, j’ai eu l’occasion d’aller plusieurs fois à Wallis-et-Futuna. Je recommande à mes collègues de prendre le temps de lire le texte : en 1961, le général de Gaulle s’est engagé pour que le roi de l’époque accepte la protection française.
L’État est responsable et doit payer. L’hôpital a connu des problèmes ; aujourd’hui, ce sont les écoles. On nous dit que des crédits sont prévus dans les ministères de tutelle : ainsi, on nous parle de 27 millions d’euros, prélèvement sur recettes, pour la Guyane, mais, en même temps, on garde dans le budget des outre-mer des crédits pour construire des lycées et des collèges, notamment en Guyane, mais aussi en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte. J’ai du mal à comprendre.
Il est vrai de relever que Wallis-et-Futuna a été oublié. Il faut aller sur place pour le constater. Pourtant, on retrouve beaucoup de Wallisiens dans l’armée, sur tous les théâtres d’opérations à l’étranger. Ce sont de vrais patriotes ! Aujourd’hui, on leur dit que ce budget ne peut pas être modifié. C’est un jeu à sommes nulles, comme disent les mathématiciens. Aussi, nous votons ce budget en ayant tout à fait conscience que c’est un exercice virtuel puisque l’on ne peut rien bouger.
Le président Sarkozy avait créé le conseil interministériel de l’outre-mer (CIOM). Le président Hollande, puis le président Macron l’ont maintenu. Cette structure a précisément pour objet de réaliser des arbitrages en amont, avec toutes les missions, tous les ministères. Elle ne sert en fait à rien du tout ! J’invite vraiment mes collègues à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. On voit là, grandeur nature, les limites de l’exercice, avec cette façon de nous traiter dans un tiré à part. C’est un peu une tradition. C’est la raison pour laquelle j’ai dit que je ne partageais pas cet héritage, cette façon de faire.
On a besoin d’une vraie révolution au fond. Comment peut-on faire pour rééquilibrer les choses, pour rétablir l’équité entre territoires, afin de permettre un meilleur développement endogène, une plus grande autonomie alimentaire et énergétique ?
Mme la ministre se bat énormément – c’est tout à son honneur – pour arracher des crédits çà et là, et surtout pour se faire entendre. Mais dans l’organigramme du Gouvernement, comportant les photos des membres de ce dernier, son portrait est tout en bas, à droite au fond, tout petit. Il a traversé les océans des autres ministères pour se retrouver là !
Tout le monde doit faire un effort. Nous ne devons plus être traités à la manière des anciennes colonies avant 1946, quand on a transformé le ministère des colonies en ministère de l’outre-mer. Il faut passer à autre chose, avec une vraie révolution, une nouvelle philosophie. C’est ce que j’appelle de mes vœux, avant que nous soyons tous épuisés.
Gérard Poadja a défendu avec détermination son amendement. Faites-lui confiance, madame la ministre ; il connaît la réalité ! Or ce sont ses collègues, qui ne vivent pas dans son territoire, qui votent contre ! C’est à la limite du méprisant !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre. La place de ma photo dans l’organigramme du Gouvernement n’est pas ma première préoccupation. En revanche, faire entendre la voix des outre-mer est important pour moi.
J’ai fait en sorte que, comme le disait M. Magras, chacun ait le « réflexe outre-mer ». Sans doute n’est-ce qu’une partie du chemin, car vous avez raison, monsieur le rapporteur pour avis : il faudrait plutôt parler de « culture outre-mer ».
Cette culture, c’est aussi ce que nous faisons ici, mesdames, messieurs les sénateurs : échanger des informations à l’occasion de l’examen de vos amendements, mener ces échanges au fur et à mesure desquels chacun acquiert une meilleure compréhension de la situation des différents territoires ultramarins.
Pour ma part, je n’oppose jamais les territoires ultramarins aux autres. En effet, vous ne l’ignorez pas, ce n’est pas qu’outre-mer qu’on trouve aujourd’hui des territoires isolés ; il y en a bien d’autres, dans l’ensemble de la France.
C’est sans doute ainsi qu’on doit mener les différents combats, et c’est bien ce que veut le Gouvernement : apporter aux outre-mer une attention particulière et des réponses adaptées. Le Président de la République porte justement cette différenciation, qui est extrêmement importante et que l’on attendait depuis longtemps. Je suis précisément à mon poste pour que cette différenciation fournisse de réelles réponses aux territoires ultramarins.
Vous nous dites qu’il faudrait sans doute changer quelque chose à la manière dont le budget est organisé. Eh bien, avant d’occuper ce poste, j’ai été députée, à partir de 2007, et c’est à ce titre que je veux vous dire que nous aussi, parlementaires de l’outre-mer, pourrions peut-être accepter de venir défendre nos intérêts à l’occasion de l’examen de toutes les missions budgétaires, plutôt que de ne nous donner rendez-vous que pour cette mission-ci. Il conviendrait peut-être également que nous portions un regard différent sur l’ensemble des 22 milliards d’euros qui sont affectés aux outre-mer au sein des différentes missions.
Je peux vous garantir, monsieur Lurel, que tous les ministres sont aujourd’hui engagés aux côtés des territoires ultramarins comme jamais auparavant. Vous savez pertinemment que je combats depuis bien longtemps pour la reconnaissance des outre-mer et les problématiques qui les affectent, y compris, quelquefois, à vos côtés.
Sans doute, il faut que les choses bougent. Cela faisait dix ans que le comité interministériel des outre-mer, le CIOM, ne s’était pas réuni, qu’on n’avait pas mis tous les ministres concernés autour de la table et que le Premier ministre ne leur avait pas demandé où en était chaque dossier. Certes, le Livre bleu est important, mais il importe surtout que ses recommandations soient suivies. Et ce CIOM, nous l’avons réuni !
Certes, on n’avance pas assez vite par rapport aux énormes besoins des territoires d’outre-mer, mais on avance !
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’aurais aimé ne pas avoir à dire ce que je m’apprête à dire, car nos territoires connaissent suffisamment de difficultés pour qu’on n’y ajoute pas des querelles politiciennes.
Pardonnez-moi, mes chers collègues : je veux bien entendre tous les arguments de fond qu’on emploie pour soutenir nos collectivités et, en particulier, Wallis-et-Futuna ; ces arguments sont tous recevables. En revanche, quand j’entends Victorin Lurel, j’ai l’impression qu’il n’a jamais exercé de fonctions ministérielles, en tout cas aucune en rapport avec les outre-mer !
On ne découvre pas ces difficultés aujourd’hui ! Elles remontent à de nombreuses années. Aujourd’hui, au moins, on entreprend des démarches, on prend des initiatives pour s’en occuper : Mme la ministre s’en est expliqué.
On peut être d’accord ou non avec ces initiatives, mais je ne peux tolérer la mauvaise foi qui consiste à prétendre découvrir ces problèmes alors même qu’on était aux responsabilités il n’y a pas si longtemps ; je sature ! (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je ne peux m’empêcher d’intervenir. Depuis toujours – cela fait douze ans que je participe à ces discussions –, le débat sur les crédits de la mission « Outre-mer » est le moment où nous, sénateurs d’outre-mer, et nos collègues métropolitains, de plus en plus nombreux à s’intéresser à ces questions, avons l’occasion, probablement unique, de dire à notre ministre ce que nous pensons. Nous intervenons assez librement, ce que ne lui permet pas forcément le poste qu’elle occupe.
J’entends bien mes collègues, quand ils affirment que se pose réellement aujourd’hui la question de l’existence du ministère des outre-mer. Nous sommes bien conscients que les crédits destinés aux outre-mer émargent sur une vingtaine de missions, sur soixante-dix programmes,…
M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … alors que la mission « Outre-mer » n’a que deux programmes aux crédits fluctuants. Tous ceux qui ont occupé ce poste avant Mme la ministre savent bien qu’on fait dire ce qu’on veut à ce budget ; je l’ai moi-même dénoncé dix ans durant.
J’entends le malaise qui s’exprime et qui nous met dans une situation extrêmement difficile. Je suis très tenté d’inviter mes collègues à adopter tous les amendements qui nous sont proposés, mais ce serait détruire le budget de la mission « Outre-mer ». Or lorsqu’on détruit ce budget, que, en quelque sorte, on le rejette, qu’on se positionne contre, on prend position non pas contre l’État, mais bien contre le ministère des outre-mer et, par voie conséquence, contre les outre-mer, contre nous-mêmes !
En ce sens, le Sénat a toujours eu la sagesse de reconnaître qu’on ne peut pas faire autrement que de donner sa chance à cette mission à deux programmes.
Pour autant, madame la ministre, je ne partage pas votre position sur un point. J’ai entendu les interventions de mes collègues, mardi soir, au sujet de l’Odéadom, l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer. Le Gouvernement a décidé de fusionner l’Odéadom avec FranceAgriMer et de ponctionner une partie des 5,8 millions d’euros que recevait cet office, alors même que l’Odéadom gère de manière excellente – du moins, je n’ai jamais entendu de reproches à ce sujet – les fonds du Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Posei). Confiez donc ces fonds aux chambres de commerce et d’industrie de chaque territoire, vous verrez le résultat dans quelques années ! Qu’est-ce, en effet, que 5 millions d’euros quand on gère une enveloppe de 400 millions ?
Je suis vraiment face à une difficulté : j’aimerais soutenir mes collègues, mais je ne veux pas déséquilibrer le budget de la mission.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour un rappel au règlement.
M. Victorin Lurel. J’apprécie, monsieur le président, la grande mansuétude dont vous faites preuve en me donnant la possibilité de répondre à l’interpellation dont j’ai fait l’objet, ce qui est couvert par l’article 36 de notre règlement.
Je me suis peut-être mal exprimé : je ne m’oppose pas à ce qu’on finance des lycées, des collèges ou des classes à Mayotte. Je relève simplement l’étrangeté de l’écriture budgétaire : une partie de ces crédits figure dans la mission « Outre-mer », mais une autre dans d’autres missions.
Par ailleurs, Thani Mohamed Soilihi était membre de la majorité socialiste à l’époque où j’étais ministre ; il venait dans mon ministère pour plaider en faveur du plan Mayotte 2025, et nous avons lancé ce plan.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je l’assume !
M. Victorin Lurel. Quant à moi, je n’ai pas vendu mon âme pour un plat de lentilles ! Je reste campé sur mes convictions ; c’est très clair. Je ne m’oppose pas à ce que nous trouvions des solutions, mais je n’ai pas connu les difficultés que rencontre Mme la ministre, qui ne peut rien bouger dans son ministère, rien !
En vérité, il n’y a pas d’argent frais, et nous vous en demandons d’en trouver.
Nous n’avons jamais protesté quant à la fongibilité pratiquée par le Gouvernement à l’insu des parlementaires.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Victorin Lurel. On prélève de l’argent sur les départements d’outre-mer, on en alloue aux autres collectivités d’outre-mer, ou encore à la Guyane. Nous n’avons jamais créé de polémiques ! Nous devrions être tous ensemble ! Je demande donc à mes collègues de voter pour cet amendement relatif à Wallis-et-Futuna.
M. le président. Je vous donne acte de ce rappel au règlement,… qui n’en était d’ailleurs pas vraiment un, mon cher collègue. Je vous invite à respecter le règlement dans la suite de nos débats.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lagourgue. Je vous ai bien entendue, madame la ministre. Vous nous demandez un peu de patience, mais je voudrais quand même vous rappeler un élément de notre défense de cet amendement : il y a quelque temps, un plafond s’est écroulé dans une salle de classe, heureusement en dehors des heures de présence, sans quoi il y aurait eu des morts et des blessés. Cela me paraît très important !
M. le président. L’amendement n° II-551 rectifié bis, présenté par MM. Poadja et Laurey, Mme Tetuanui, MM. Delcros, Détraigne et Henno, Mme Joissains, MM. Lagourgue, Le Nay, Longeot et Louault et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
Conditions de vie outre-mer |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard Poadja.
M. Gérard Poadja. La Nouvelle-Calédonie connaît un problème majeur de continuité territoriale. Les plafonds de revenus qui conditionnent le bénéfice de l’aide majorée sont trop bas pour que cette aide bénéficie aux Calédoniens.
Or, si l’intégralité du billet d’avion n’est pas prise en charge, le dispositif n’est pas opérant, dans la mesure où les vols entre Nouméa et Paris sont tellement chers que les familles ne peuvent pas payer le complément.
Je demande, au travers de cet amendement, que les plafonds soient revus pour être en cohérence avec le coût de la vie dans le territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Georges Patient, rapporteur spécial. Je comprends les motivations des auteurs de cet amendement. Il est nécessaire de prendre en compte la situation des archipels et l’enclavement interne de certains territoires ultramarins.
Nous ne pouvons toutefois émettre un avis favorable sur cet amendement, car il tend à retirer 2,5 millions d’euros à l’action 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Annick Girardin, ministre. Monsieur le sénateur Poadja, vous avez raison sur plusieurs points, notamment sur les plafonds de ressources. Cela fait exactement dix ans que ces plafonds n’ont pas été revus ; ils devront donc l’être.
Dans la mesure où ces plafonds ne relèvent pas du domaine législatif, comme je vous l’ai expliqué, nous avons décidé de lancer un groupe de travail sur ce sujet dans sa totalité, ce qui comprend la mobilité, la continuité territoriale et la réforme de Ladom.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement dans l’attente de ces travaux, auxquels vous pourrez participer et qui, avant la fin de l’année, permettront de faire évoluer les plafonds de ressources selon les territoires. La Nouvelle-Calédonie n’est pas le seul territoire à se plaindre de ces plafonds, et ce à juste titre, puisqu’ils sont vieux de dix ans. Nous allons trouver des solutions ensemble, en dehors de cet hémicycle. J’ai bien entendu votre appel : nous y répondrons.
M. le président. Monsieur Poadja, l’amendement n° II-551 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gérard Poadja. Je tiens à préciser que je parle non pas seulement de mon territoire, mais bien de tous les territoires affectés. Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-551 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-550 rectifié bis, présenté par MM. Poadja et Laurey, Mme Tetuanui, MM. Delcros, Détraigne et Henno, Mme Joissains, MM. Lagourgue, Le Nay, Longeot et Louault et Mme Doineau, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Emploi outre-mer dont titre 2 |
|
2 800 000 |
|
2 800 000 |
Conditions de vie outre-mer |
2 800 000 |
|
2 800 000 |
|
TOTAL |
2 800 000 |
2 800 000 |
2 800 000 |
2 800 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard Poadja.
M. Gérard Poadja. Madame la ministre, les contours de la continuité territoriale doivent être modifiés pour mieux s’adapter aux besoins de nos territoires.
En effet, les liaisons entre les îles de l’archipel néo-calédonien ne sont pas prises en compte en matière de continuité territoriale, alors que les liaisons entre les îles de Wallis et Futuna sont subventionnées au titre de l’aide à la continuité territoriale. La situation doit être la même pour nos collègues polynésiens. Il serait urgent de pouvoir agir sur ce point.
De plus, le principe de continuité territoriale doit pouvoir s’appliquer pour les liaisons entre les îles d’un même bassin géographique, de manière à favoriser les échanges économiques. Vous l’avez étendu, lors des débats à l’Assemblée nationale, à la mobilité étudiante ; il faut désormais en faire bénéficier les acteurs économiques et les familles, qui vivent parfois dans des îles appartenant à des collectivités différentes.
Une nouvelle fois, au travers de cet amendement, nous vous proposons d’en revoir les contours pour mieux l’adapter aux réalités de nos territoires du Pacifique.