Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Frédéric Marchand. Quant aux trains de nuit, ils ne sont plus viables tels que nous les avons connus. Ils ne sont guère empruntés et subissent de plein fouet la concurrence des cars et des solutions de covoiturage. Il est donc urgent d’attendre le rapport du Gouvernement,…
Mme Éliane Assassi. Attendons, attendons !
M. Frédéric Marchand. … qui nous sera remis en juin 2020, pour imaginer un avenir aux trains de nuit. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec ce débat, les élus de mon groupe persistent et signent dans leur volonté de porter haut et fort le combat pour le redéploiement des trains de nuit. Il m’est difficile d’intervenir après le très riche propos liminaire de ma présidente de groupe, mais je vais tenter l’exercice…
Je ne développerai pas davantage l’incohérence totale de notre politique des transports, qui favorise encore et toujours la route et l’aérien au détriment du rail tout en prétendant vouloir agir contre le réchauffement climatique et la pollution. J’ajouterai deux arguments pour insister sur le bien-fondé d’une nouvelle offre de trains de nuit.
Mon premier argument est que le train de nuit représente une offre de transport qui n’a pas de concurrence sur les longues distances. Aucune autre offre ne permet à un travailleur résidant dans le sud de la France et travaillant en région parisienne de passer une soirée avec sa famille avant de prendre son train et d’arriver sur son lieu de travail tôt le matin. Les derniers trains, les derniers avions du soir partent entre vingt heures et vingt et une heures ; les premiers trains ne permettent pas d’arriver à huit heures sur son lieu de travail, pas plus que les premiers avions, qui ne décollent pas avant six heures du matin. Pour tous ces travailleurs, la suppression des trains de nuit signifie, ou signifierait, une vie de famille amputée de précieux moments.
Puisque nous parlons des travailleurs, je rappelle que dix millions d’entre eux sont en horaires décalés, dont une grande partie travaille de nuit. Pour tous ces travailleurs, le train de nuit et ses dessertes fines des territoires peuvent représenter une solution de substitution bienvenue et sécurisante par rapport à la voiture.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que le gouvernement auquel vous appartenez prépare une réforme du travail de nuit, je vous demande d’être attentif à la mobilité des travailleurs de nuit, véritable enjeu de sécurité routière.
Mon second argument est d’ordre écologique.
Nous voyons apparaître dans nos sociétés un nouveau sentiment : la honte de prendre l’avion. C’est ce que nos amis Suédois, précurseurs en la matière, appellent le flygskam. On les comprend : le bilan carbone du secteur aérien est absolument désastreux. Je rappelle que, pour chaque kilomètre que vous faites en avion, vous émettez autant de CO2 que si vous parcouriez la même distance tout seul dans un petit camion. L’Allemagne, qui augmente les taxes sur l’avion en réduisant la TVA sur le ferroviaire, nous montre l’exemple à suivre pour corriger cette erreur.
Cette honte de prendre l’avion est particulièrement prégnante dans la jeune génération, laquelle est particulièrement sensible aux enjeux climatiques. Pour autant, cette génération est désireuse de voir le monde et, pour partie, elle entretient un rapport différent au voyage. Elle voyage en prenant le temps, en considérant le déplacement comme une part entière du voyage et non comme une translation entre un point de départ et un point d’arrivée. Cette forme de tourisme et de déplacement, qui tente de respecter au maximum notre environnement, doit être encouragée.
Un élan européen de renaissance du train de nuit commence à poindre, en Suède, en Allemagne, en Autriche notamment.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous invitons à porter ce dossier à Bruxelles, à vous coordonner avec nos voisins pour renforcer l’offre intereuropéenne de trains de nuit. Voilà une colonne vertébrale pour renforcer l’offre et assurer une solution alternative à l’avion !
À ce titre, le Gouvernement a promis 30 millions d’euros dans le budget pour 2020. C’est un premier pas bienvenu, mais qui demeure insuffisant pour développer une offre digne de ce nom, notamment aux deux extrémités du spectre voyageur : l’offre de sièges inclinables pour les voyageurs les plus modestes et l’offre de cabines individuelles avec salle de bains pour les voyageurs professionnels pris en charge par leur entreprise.
Parmi les points de détail, j’attire votre vigilance sur l’indigence des offres en ligne de la SNCF : de manière incompréhensible, les trains de nuit n’y sont souvent pas indiqués.
Malgré tous ces handicaps, les trains de nuit qui subsistent en France ont un taux d’occupation de 45 % à 50 %, ce qui est remarquable. Le modèle autrichien nous montre que le seuil de rentabilité des trains de nuit se situe autour d’un taux d’occupation de 60 % ; l’effort à fournir pour y parvenir n’est donc pas énorme.
Une autre aberration doit être corrigée pour développer le train de nuit : elle concerne les droits de péage des petites gares. Aujourd’hui, le train de nuit paie des péages dans chaque gare qu’il dessert. Cette situation n’incite pas à multiplier les arrêts, lesquels sont pourtant indispensables à son bon fonctionnement et à une desserte fine du territoire. Aujourd’hui, la gare d’Austerlitz est la gare la plus chère de France, alors qu’elle accueille beaucoup moins de trains que les autres gares parisiennes. C’est aberrant !
L’État doit inciter SNCF Réseau à déployer une tarification beaucoup plus incitative, voire à proposer un péage inversé, une sorte de bonus « aménagement du territoire » pour rendre attractives les gares des zones urbaines de moins de 200 000 habitants.
Aujourd’hui, la France ne compte plus que deux lignes de trains de nuit encore actives. L’une d’elles me tient particulièrement à cœur : il s’agit – vous l’aurez deviné – du Paris-Briançon. Il faut impérativement assurer la continuité de la ligne : même provisoire, la solution par car est inacceptable.
Vous avez évoqué la possibilité de détourner le tracé pendant les travaux sur le tronçon Valence-Veynes, en 2021, en passant par la ligne Grenoble-Veynes-Gap. Je me réjouis naturellement de l’intérêt que vous portez à cette ligne – nous en avons déjà parlé –, dont je ne doute pas un instant de l’utilité.
Vous le savez, cette option implique d’engager sans tarder les travaux de rénovation de l’étoile ferroviaire de Veynes, pour lesquels le Gouvernement a promis son concours financier. Pourriez-vous saisir l’occasion qui vous est fournie ce soir pour nous préciser le plan d’action et le calendrier du Gouvernement pour la rénovation des lignes Grenoble-Veynes et Valence-Veynes, lesquelles sont absolument vitales pour la desserte des Alpes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’urgence peut-elle nous imposer la lenteur ? C’est une vraie question.
Le climat est en danger, et c’est peut-être par des déplacements en trains qui ne roulent pas à grande vitesse que nous pourrions contribuer à le préserver. C’est en tout cas la réflexion à laquelle nous invite ce débat.
« Prenez le temps d’aller vite », nous disait la SNCF en faisant la promotion du TGV. Il s’agit effectivement d’une prouesse technologique que le monde nous envie. Le TGV a permis de raccourcir les distances comme jamais : Marseille est à trois heures quinze de Paris, Rennes à une heure trente, Lille à une heure. Avons-nous cependant toujours besoin d’aller si vite ? Le TGV remplit bien sûr un besoin existant, mais est-il systématiquement nécessaire ?
« Le train, l’automobile du pauvre. Il ne lui manque que de pouvoir aller partout », écrivait Jules Renard. La pertinence de ces mots a évolué avec le temps. Son prix a augmenté, mais le train continue de ne pas aller partout : il dessert même de moins en moins de lieux, car, pour aller vite, il n’est pas possible de s’arrêter dans toutes les gares.
Il existe pourtant tout un monde entre les grandes villes françaises. Ce monde, par définition, ne peut pas être desservi par le TGV. Nos territoires ont besoin, en plus des lignes à grande vitesse, de lignes de desserte fine pour permettre à tous de se déplacer. Nous avons besoin d’avoir le choix.
Les trains de nuit pourraient utilement compléter l’offre actuelle. Ils ont le double avantage de desservir plus de gares et de rendre les longs trajets plus agréables et plus commodes. Je suis suffisamment âgé pour le dire : j’ai le souvenir des nombreux trains de nuit que j’ai pris pour aller dans des camps, pour aller en vacances, pour aller skier, pour me déplacer en tant qu’étudiant. C’étaient des aventures assez formidables.
De plus, si nous voulons offrir une véritable solution de substitution à l’automobile, il faut proposer aux Français d’autres modes de transport, pour les grandes ou les moins grandes distances.
Avec l’auto-train, la SNCF parvenait effectivement à « donner au train des idées d’avance » – je cite le slogan qu’elle avait donné à ce service. Ce dernier était, hélas ! insuffisamment connu de nos concitoyens. C’est peut-être pourquoi il n’était pas assez utilisé, alors même qu’il a toute sa place dans le panel des modes de transport. Sa disparition a entraîné une hausse de l’utilisation des automobiles et, donc, des conséquences écologiques négatives.
Nous ne devons pas nous restreindre à une alternative opposant le TGV au transport routier. C’est pourtant ce que semblent privilégier certains en prônant l’interdiction des vols intérieurs.
Monsieur le secrétaire d’État, chaque mode de transport a son utilité. Nous sommes convaincus que les usagers doivent avoir le choix. Nous sommes également convaincus que le prix des voyages doit refléter l’impact écologique, afin que les moins polluants soient les moins chers.
Le train est un moyen de transport d’avenir. De nouvelles technologies sont à l’étude, comme le train à hydrogène : la SNCF a annoncé que les premiers trains de ce type circuleraient en France d’ici à deux ans. En outre, il a beaucoup été question des trains légers, qui sont susceptibles de faire évoluer le seuil de rentabilité des voyages ferroviaires.
Le transport ferroviaire doit continuer de se verdir. En ce sens, nous souhaitons que les services d’auto-train et les trains de nuit puissent de nouveau circuler en France. Pour paraphraser la SNCF, « à eux de nous faire préférer le train » ! (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE. – MM. Jean-Paul Émorine et Jean-François Longeot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche.
M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le train de nuit revient à la mode, paraît-il… Moins polluant que les autres moyens de transport et plus sûr que la voiture ou le bus, il présente beaucoup d’avantages pour des trajets de longue distance. Pourtant, nous sommes quelques-uns ici à pouvoir en témoigner, il y a à peine deux ans, nous redoutions sa suppression définitive. Au reste, nous avions exprimé notre crainte à la ministre, Mme Borne, et elle s’était engagée à maintenir les deux lignes restantes, dont le Paris-Rodez, qui concerne mon département de l’Aveyron.
Cette ligne de train de nuit est notre seule liaison directe terrestre avec Paris. Comme beaucoup d’autres lignes de nuit desservant les villes moyennes, les Millau-Paris et les Villefranche-de-Rouergue-Paris ont été supprimés. Les conséquences sur l’attractivité de ces territoires sont bien visibles. Le train de nuit Paris-Rodez a, lui aussi, failli disparaître ; si elle n’a pas encore disparu, cette liaison est en grande souffrance.
La politique du tout-TGV n’a rien laissé aux trains de nuit.
Le trajet du train de nuit Paris-Rodez, avec les mêmes arrêts, dure une heure de plus qu’en 1956, c’est-à-dire il y a soixante-trois ans : on peine à l’imaginer ! Les wagons ont plus de quarante ans. Le confort de ces trains – certains de mes collègues l’ont rappelé – n’a pas évolué.
Depuis quand n’avez-vous pas vu, lu, entendu une publicité pour le train de nuit français ? Il n’y en a eu aucune depuis longtemps !
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Claude Luche. Enfin, même si les travaux sur les voies sont nécessaires, chaque nouveau chantier dissuade un peu plus les utilisateurs, en entraînant des retards et des trajets à rallonge.
Malgré toutes ces difficultés, le taux de remplissage du Paris-Rodez avoisine les 50 %.
Oui, pour nous, Aveyronnais, le train de nuit présente de nombreux avantages ! Il est utilisé depuis longtemps par toutes les générations. Il est le moyen de transport le plus facile et le moins cher pour monter à Paris ou pour descendre au pays. La liaison est directe. On arrive ici en centre-ville, sans être coincé dans les nombreux embouteillages. On ne perd pas une demi-journée ou une journée dans la voiture ou du fait des nombreuses correspondances en passant par Toulouse, Montpellier ou Clermont-Ferrand.
Avec le train de nuit, pas de temps gaspillé ! La formule pourrait être reprise à des fins de communication. Cela étant, comme l’a rappelé Josiane Costes, l’arrêt de quatre heures à Brive soulève un certain nombre de questions…
Mme Josiane Costes. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. Exact !
M. Jean-Claude Luche. On arrive tôt le matin et l’on repart le soir.
Malgré tous ces bons arguments en faveur du train de nuit, un seul parvient à relancer le débat : il serait plus écologique que d’autres moyens de transport.
Monsieur le secrétaire d’État, il devient urgent, comme l’Autriche et la Suède viennent de le faire, de réinvestir dans les trains de nuit et de les promouvoir. On pourrait rouvrir d’anciennes lignes ou imaginer de nouveaux itinéraires en France ou vers l’étranger. Il est plus que nécessaire de moderniser ces trains et d’assurer un niveau suffisant de confort, qu’il s’agisse des sièges inclinables – M. Gontard vient de le rappeler – ou des couchettes.
Une nouvelle clientèle est prête à s’approprier le train de nuit : la demande est là, mais l’offre n’existe pas ou n’est pas adaptée.
Le train de nuit est laissé à l’abandon. Il est en déshérence depuis trop longtemps. Si l’argument écologique pouvait susciter un engouement en sa faveur, nous en serions évidemment les plus heureux : même si ce nouvel essor bénéficierait sans doute à des destinations plus touristiques ou à de plus grandes villes, notre train de nuit Paris-Rodez ne serait plus menacé comme il l’a été durant tant d’années.
En somme, par leurs pratiques et par leur attachement au train de nuit, les Aveyronnais, que je représente ici, faisaient de l’écologie avant la prise de conscience de l’urgence climatique qui est aujourd’hui d’actualité.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jean-Claude Luche. Il est temps que le train de nuit soit de nouveau mis en valeur. Monsieur le secrétaire d’État, je compte sur votre volonté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)
Mme Christine Lavarde. « Jamais l’État n’a fait un diagnostic complet et apporté une réponse globale aux problèmes du ferroviaire. […] La vraie casse du service public, c’est quand on a près de 20 % des lignes qui sont ralenties par manque d’entretien comme aujourd’hui. La vraie casse du service public, c’est quand on laisse se dégrader la qualité du service dans les trains de nuit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de voyageurs et qu’on arrête ces trains. La casse du service public, c’est de laisser perdurer la situation actuelle ! » Ces mots ne sont pas ceux d’un syndicat du rail, mais ceux d’Élisabeth Borne dans une interview accordée au JDD en février 2018.
En tant que rapporteur spécial du budget des transports, j’approuve ce constat. Il est effectivement urgent d’agir : urgent d’agir pour financer la régénération ferroviaire, urgent d’agir pour moderniser notre aiguillage. Toutefois, au-delà des trains de nuit et des auto-trains, il me semble nécessaire d’élargir le débat pour parler des trains de fret.
Mme Éliane Assassi. Oui !
Mme Christine Lavarde. Les besoins de transports liés au développement économique devraient augmenter de 30 % à horizon de 2030. À parts modales inchangées, l’augmentation des émissions de CO2 serait alors de 80 millions de tonnes par an.
Le ferroviaire a toute sa place dans la transition écologique à laquelle aspirent nos concitoyens. Aujourd’hui, le transport ferroviaire représente seulement 11 % du transport intérieur de passagers et à peine 10 % du transport intérieur terrestre de marchandises. Pourtant, un train de fret émet seulement 3 tonnes de CO2 et permet d’éviter quarante-cinq poids lourds sur la route, qui, cumulés, représenteraient 44 tonnes de CO2.
Mme Éliane Assassi. Très juste !
Mme Christine Lavarde. En matière de transports, le principe du pollueur-payeur n’est pas complètement abouti. La directrice du pôle fret de la SNCF l’a reconnu devant une mission d’information de l’Assemblée nationale. Elle regrettait notamment que, pour les politiques publiques nationales de subventionnement des modes alternatifs, qui produisent surtout moins d’externalités négatives, la France soit en retrait par rapport à ses partenaires européens. Toutefois, elle notait également des avancées au sujet des péages – elle relevait notamment leur stabilisation.
Très exposées à la conjoncture économique, souffrant de la concurrence routière sur un marché tout de même relativement étroit, les entreprises de fret ferroviaire connaissent toutes des difficultés économiques.
Dans un récent communiqué de presse, le GNTC, le groupement national des transports combinés, s’inquiète des répercussions de la grève du 5 décembre prochain. En effet, au cours de l’année 2019, la progression du fret ferroviaire s’est fortement accélérée – cette hausse est d’un peu plus de 6 %. Or, en 2018, la grève perlée n’avait pas été sans conséquence pour l’activité de fret : cette dernière s’était contractée d’environ 4 %.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle réponse le Gouvernement compte-t-il apporter à la demande de service minimum exprimée par le GNTC ?
Au-delà de ce futur immédiat, l’horizon de la filière du fret ferroviaire est nébuleux, faute d’un soutien affirmé et d’une stratégie de développement clairement arrêtée.
Dès lors, je vous pose deux questions.
Premièrement, quel sort sera réservé aux lignes de desserte fine, qui concourent à l’acheminement de 20 % du fret hexagonal ?
Deuxièmement, l’État compte-t-il abandonner aux régions la gestion des lignes capillaires de fret ? Si oui, avec quels moyens ? Très récemment, la région Hauts-de-France est venue en soutien à deux lignes qui auraient dû fermer : la ligne Valenciennes-Quiévrain et la ligne Compiègne-Lamotte-Breuil. Cette dernière ligne, longue de quelque treize kilomètres, évacue divers produits chimiques avec un trafic de l’ordre de quatre à cinq trains quotidiens. Sa pertinence environnementale ne peut donc pas être remise en cause.
Ce soir, nous avons parlé du fret ferroviaire ; mais nous aurions également pu parler du fret fluvial.
En 2007, le Grenelle de l’environnement avait fixé, pour 2020, un objectif de 20 % de parts modales pour les modes alternatifs à la route. À un an de l’objectif, nous n’en sommes qu’à 11 % ! Je vous l’accorde, cet échec ne peut pas être porté au seul débit de ce gouvernement. Mais, aujourd’hui, c’est vous qui avez les moyens pour agir ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Éliane Assassi et M. Olivier Jacquin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Mme Martine Filleul. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nombreux sont les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle à propos du transport ferroviaire. Malheureusement, nous dressons toujours le même constat : une offre de service public qui diminue, des infrastructures qui manquent d’investissements et, surtout, un secteur qui souffre face à la concurrence de l’aérien et du routier.
La récente annonce de la suppression des auto-trains en est un exemple supplémentaire. La SNCF se justifie en indiquant que le service est structurellement déficitaire à cause du faible remplissage de ces trains, ce qui entraîne une perte de chiffre d’affaires. Mais il est difficile de se satisfaire d’un argument comptable.
Dans quelques jours, l’auto-train sera remplacé par une start-up qui propose l’acheminement par un chauffeur particulier ou par un professionnel. Cela revient non seulement à ubériser ce service, mais aussi à mettre en circulation des voitures supplémentaires jusque-là acheminées par train. Il s’agit là d’un non-sens pour l’écologie comme pour la sécurité.
Ne faudrait-il pas imaginer d’autres solutions ou remettre au goût du jour des services qui ont existé, mais qui, faute d’avoir pu évoluer, ont disparu alors même qu’ils présentent de nombreux avantages ? Je pense bien sûr aux trains de nuit.
Il est indéniable que ce service devait se réformer et que des améliorations étaient nécessaires ; les trains de nuit présentent néanmoins une double pertinence pour l’aménagement du territoire et pour la revitalisation des centres. Les Intercités de nuit permettraient à la fois de connecter de nombreuses villes situées à plus de quatre ou cinq heures de train de Paris et, surtout, d’assurer des liaisons transversales pour relier les régions distantes.
En l’absence d’une telle offre, les villes moyennes éloignées les unes des autres sont mal connectées entre elles. En effet, les liaisons aériennes entre deux villes moyennes sont rares et onéreuses. En effectuant ces trajets de nuit, on évite également de perdre des heures de travail, ou de vacances, dans la journée.
Ces trains constituent donc une très bonne offre de mobilité, alliant la desserte de l’ensemble des territoires français, notamment les plus éloignés, à un impact énergétique et écologique faible.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : partout en Europe, ce moyen de transport économe revient sur le devant de la scène. Avec la vague du flight shame, on assiste à une véritable renaissance des lignes nocturnes. Un opérateur autrichien affirme ainsi avoir doublé ses ventes de billets pour les trains de nuit ces dernières années ; il annonce le lancement de treize nouveaux trains de nuit début 2022. En Suisse, le trafic de nuit a augmenté de 25 % depuis le début de l’année 2019.
Le train de nuit peut également être un complément efficient aux lignes à grande vitesse et pourrait présenter une offre de mobilité touristique attractive. Pour cela, il faudrait bien sûr investir davantage : les 30 millions d’euros promis par le Gouvernement sont loin d’être satisfaisants, sachant que, parmi les différents scenarii proposés par la SNCF, on a choisi l’enveloppe minimale, permettant tout juste de rénover le nombre suffisant de voitures.
Par ailleurs, il faudrait réfléchir à l’articulation entre l’organisation du trafic et les nombreux travaux engagés sur les voies, qui s’effectuent essentiellement de nuit. En outre, et surtout, il convient de se pencher sur la tarification des péages appliqués à ces trains de voyageurs : ils doivent bénéficier des tarifs, moins élevés, en vigueur pour le fret.
De manière générale, pour optimiser les mobilités, ne faudrait-il pas favoriser les trains mixtes, comme les trains auto-couchettes ou les trains de nuit voyageurs-marchandises ?
Pour conclure, je tiens à remercier sincèrement nos collègues à l’initiative de ce débat : il n’est pas acceptable qu’aujourd’hui, dans le domaine des transports, le choix se réduise comme peau de chagrin avec quelques options, onéreuses pour le TGV ou polluantes pour la route et l’avion. L’offre de transports publics doit répondre aux différents besoins, qu’il s’agisse des citoyens ou des collectivités, tout en permettant à chacun de se déplacer de manière écologiquement responsable. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que de temps perdu ! Alors qu’en 2016 l’État annonçait la suppression de la totalité des trains de nuit, rebasculant ainsi une partie du trafic ferroviaire sur la route via les solutions de covoiturage ou les cars Macron, la priorité qui taraude la Commission européenne, et à laquelle je souscris pleinement, est bien de savoir comment transférer les passagers de la route vers le rail afin de réduire les émissions polluantes.
Si les émissions du secteur des transports représentent actuellement plus d’un quart de l’empreinte carbone totale de l’Union européenne, le train, lui, ne représente que 3 % de ces émissions, quand la route est responsable de plus de 70 %.
Or la Commission, qui devrait prochainement présenter un Green Deal, a identifié les difficultés qui pourraient contrecarrer l’objectif d’un continent neutre en carbone d’ici à 2050.
La première concerne l’état des infrastructures.
En effet, l’objectif de l’Union est de transférer 30 % du transport routier effectuant des distances de plus de 300 kilomètres vers le train et les barges d’ici à 2030 et d’atteindre 50 % d’ici à 2050. Or les infrastructures ferroviaires ne peuvent, en l’état actuel, répondre à une telle hausse du trafic. La preuve en est que, en Allemagne, un train de longue distance sur quatre est maintenant retardé, en partie en raison des problèmes de capacité du réseau ferroviaire allemand. De même, dans leur majorité, les grandes villes sont en difficulté, car les hubs importants tournent à pleine capacité.
Une première réponse consisterait donc à promouvoir les auto-trains et les Intercités de nuit, à l’heure où la demande est croissante, sous l’effet cumulé du prix élevé des billets de TGV et d’une certaine culpabilité liée au flygskam, la honte de prendre l’avion. Les auto-trains et les trains de nuit offrent donc une alternative sérieuse, à laquelle on ne saurait reprocher de ne pas être rentable, car elle ne le sera certainement jamais, comme les deux tiers des dessertes par TGV, qui restent déficitaires. L’intérêt de ces solutions sera, à court terme, d’utiliser le potentiel de capacité des infrastructures, notamment la nuit.
La seconde difficulté identifiée par la Commission européenne concerne les financements.
La suppression de trains Intercités et de trains de nuit a été, en 2016, le résultat malheureux de l’abandon de l’écotaxe, laquelle devait alimenter le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Cet abandon a été à l’origine d’un manque à gagner terrible pour l’État, au détriment de plus de soixante lignes de trains de nuit qui se déployaient alors sur le territoire français.
Dès lors, il nous faut nous donner les moyens de réinvestir dans le rail.
Il est ainsi estimé que quelque 500 milliards d’euros seront nécessaires d’ici à 2030 pour achever les travaux sur les réseaux ferrés transeuropéens. Or les projets ferroviaires ne sont pas attractifs pour les investisseurs privés et exigent donc un financement public beaucoup plus important, ce qui explique que le rail représente 68 % de l’enveloppe de 24 milliards d’euros investis par l’Union depuis 2014 dans les transports.
Au niveau national, vous n’êtes pas sans savoir que la loi d’orientation des mobilités n’est pas à la hauteur des enjeux ferroviaires, en raison d’une programmation au rabais des investissements de l’État dans les transports pour les dix prochaines années par rapport aux préconisations du Conseil d’orientation des infrastructures et d’un manque de sincérité et de crédibilité, dans la mesure où son financement n’est pas assuré. Notre commission avait ainsi proposé, après l’abandon de l’écotaxe, l’affectation intégrale à l’Afitf, chaque année, du produit de l’augmentation de la TICPE ainsi qu’une sanctuarisation de ses ressources.
Le ferroviaire constitue donc une véritable solution pour répondre au défi climatique. Nous en sommes tous ici convaincus. J’ajoute qu’il représente également un véritable enjeu d’aménagement du territoire : la promotion des auto-trains et des Intercités de nuit offrirait à coup sûr des solutions de mobilité accrues – de préférence abordables – à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Christine Lavarde applaudit également.)