Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Vivette Lopez. Force est ainsi de reconnaître, à deux mois à peine de la date butoir de la mise en place obligatoire de la compétence Gemapi, qu’il subsiste encore de véritables questions.

Mme la présidente. Concluez, ma chère collègue, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole !

M. Patrick Kanner. Ce n’est pas grave !

Mme Vivette Lopez. Ma question est la suivante : quelles mesures l’État envisage-t-il pour renforcer la gouvernance de la Gemapi et finaliser la structuration de cette nouvelle compétence ? Qui finance ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Vivette Lopez, je voudrais d’abord saluer le travail qui a été fait dans le Gard depuis des années. Vous l’avez dit, ce département a payé un lourd tribut, de façon assez répétitive malheureusement, aux inondations. Il s’est, d’une certaine façon, organisé pour répondre aux questions que pose la prévention des inondations, et il est l’un des départements les plus « résilients », pour reprendre l’expression consacrée, en matière d’inondations.

Vous me demandez comment le Gouvernement entend agir pour favoriser la gouvernance.

D’abord – pardonnez-moi de le dire, mais je ne pense pas que ce soit une insulte ici au Sénat –, en faisant confiance aux élus locaux. Dans le Gard, comme dans beaucoup de départements – je pense aux parlementaires qui ont évoqué la Vendée –, vous vous êtes saisis vous-mêmes de la question sans attendre forcément de l’État qu’il s’en occupe.

Ensuite, comme je l’ai évoqué précédemment, en faisant en sorte que l’État puisse vous accompagner avec des missions d’appui, pour vous permettre d’organiser au mieux la gouvernance entre collectivités dans le cadre de la Gemapi.

Tel est bien au fond l’objet de la Gemapi – je le dis en me tournant vers Pierre-Yves Collombat, que je sens assez « de la partie » dans cette affaire, attentif et comptable du dispositif qu’il a fait voter en 2014 ! C’est bien l’objectif qui était visé avec le vote de l’amendement relatif à la Gemapi, et dont on constate déjà la mise en œuvre dans le Gard.

Il faut faire confiance aux élus locaux. L’État accompagnera la mise en œuvre de la gouvernance dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 janvier prochain, cela fera six ans que le processus de transfert de la compétence Gemapi a été engagé.

Six ans plus tard, la discussion autour de l’exercice de cette compétence n’est pas close. Ce débat de contrôle demandé par nos collègues du groupe du RDSE en est une preuve flagrante.

Au contraire, avec la loi dite Fesneau, puis avec la loi dite Ferrand, et enfin avec le projet de loi Engagement et proximité, nous assistons à une inflation législative sur le thème, preuve que ce transfert de compétence ne s’est pas déroulé dans les conditions que les élus appelaient de leurs vœux.

Car, contrairement à ce que certains imaginent, si les élus n’ont pas été enthousiastes à l’idée de se voir confier une compétence qui relève bien souvent de la sécurité publique, et donc du pouvoir régalien, ils ont assumé leurs responsabilités.

Mais puisque cette compétence a été transférée, et certains arguments en faveur de ce transfert sont pertinents, les législateurs que nous sommes demandent, dans le cadre du pouvoir de contrôle qui est le leur, que ce transfert de compétence soit accompagné des moyens nécessaires à son exercice.

Or les interventions d’aujourd’hui, quelles que soient les étiquettes partisanes, montrent que tel n’est pas le cas. Ma question va donc relayer l’intervention de mes collègues, et notamment celle de Patricia Morhet-Richaud, qui évoquait la sous-consommation des crédits européens.

Personne ici ne souhaite que la taxe Gemapi ou les redevances des agences de l’eau deviennent les seules variables d’ajustement d’une compétence trop lourde à porter.

Aussi, monsieur le ministre, souhaitez-vous, comme l’évoque le rapport de l’IGA et du CGEDD d’octobre dernier, que les aides européennes puissent être fléchées vers des programmes stratégiques sur l’eau ? Surtout, êtes-vous en mesure de nous garantir que la future période de programmation 2021-2027 donnera plus de place aux projets qui correspondent aux axes de prévention des risques et de protection de l’environnement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je vous apporterai deux éléments de réponse.

D’abord, je suis en désaccord avec vous sur un point : le dispositif initial a été voté par des parlementaires qui connaissaient bien la question de Gemapi. Je me vois mal dire que la compétence aurait des défauts originels…

Simplement, la mise en œuvre de la compétence a montré un certain nombre d’écueils, en termes de gouvernance et de pilotage, mais pas vraiment de financements, parce que, comme l’a rappelé Pierre-Yves Collombat, ces financements sont disponibles. C’est le dispositif qui a été choisi à l’époque non pas par un gouvernement, mais par les sénateurs.

Je vous remercie d’avoir cité la loi qui porte mon nom – cela fait toujours plaisir, car on a l’impression d’avoir fait des choses mémorables ! –, mais les textes qui ont suivi – ils invitent à la modestie – n’ont eu d’autre objectif que de simplifier le dispositif. Ce n’est pas de la surlégislation ! Ils ont répondu à la demande – plusieurs personnes le savent dans cet hémicycle –, soit de présidents de département, soit de présidents de région, soit de présidents d’intercommunalité.

Au travers de ces textes, nous n’avons fait que répondre à la demande des élus. Pour une fois, les lois n’ont pas complexifié les choses, mais les ont plutôt simplifiées, grâce à un travail de coproduction, d’analyse et d’évaluation de la façon dont la compétence était mise en œuvre sur le terrain.

Ensuite, sur les fonds européens, la précédente période de programmation était placée, comme vous le savez, sous la gouvernance des régions. Nous partageons d’ailleurs, si je puis dire, la même région – vous êtes élue d’Eure-et-Loir.

Les compétences des régions en termes de biodiversité et de préservation de l’environnement se sont exercées, pour ne citer que cet exemple, au travers des mesures d’agri-environnement. Dans le prochain programme – les financements relèvent du deuxième pilier de la politique agricole commune –, il y aura évidemment des mesures qui contribueront à la préservation de l’environnement et de la biodiversité, notamment dans les milieux aquatiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux.

M. Yves Bouloux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétence Gemapi pose un problème fondamental d’un point de vue opérationnel.

Elle transfère de façon exclusive et obligatoire la compétence aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, en associant deux volets aux problématiques bien différentes : la gestion des milieux aquatiques d’une part, la prévention des inondations d’autre part.

La loi fait référence à quatre items : l’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique ; l’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau, y compris les accès ; la défense contre les inondations et contre la mer ; la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides, ainsi que des formations boisées riveraines.

Aux différentes actions relevant de la Gemapi, différentes solidarités sont associées : la solidarité interne aux EPCI, la solidarité de bassin et la solidarité nationale.

Le rapport de l’IGA et du CGEDD recommande de clarifier la politique de l’eau et de préserver la solidarité territoriale et nationale via les agences de l’eau et le fonds Barnier.

Parmi les quatre items du code de l’environnement, il est également difficile de distinguer ce qui relève de la gestion des milieux aquatiques, du « GEMA », et ce qui relève de la prévention des inondations, du « PI ».

Monsieur le ministre, l’État a imposé aux EPCI la compétence Gemapi, mais il a une importante responsabilité à assumer, stratégique et opérationnelle certes, mais aussi financière.

À fiscalité constante, comment clarifier la compétence Gemapi sans transférer toute la responsabilité de la politique de l’eau aux communes et intercommunalités, dont beaucoup risquent de se retrouver dans une situation critique face à la multiplication des événements climatiques extraordinaires ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord clarifier une chose : l’État n’a pas d’office transféré la compétence Gemapi aux EPCI. Ce sont le Sénat, l’Assemblée nationale, les élus qui ont souhaité que cette compétence soit transférée aux EPCI.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas un transfert ! Elle n’était à personne…

M. Marc Fesneau, ministre. On ne va pas engager le débat, mais c’était un transfert dans certains cas. Il s’agissait donc d’une volonté collective.

M. Pierre-Yves Collombat. Arrêtez de dire n’importe quoi !

M. Marc Fesneau, ministre. Parfois, l’État impose de tels transferts, mais ce n’est pas le cas s’agissant de cette compétence.

M. Pierre-Yves Collombat. Ça n’a rien à voir !

M. Marc Fesneau, ministre. Ensuite, vous avez évoqué les problèmes liés à la prise en bloc de ces quatre items, mais, telle qu’elle a été votée, la loi du 30 décembre 2017 – j’ai l’impression de faire de l’autopromotion, alors je le dis avec recul – permet justement aux élus d’organiser ce qu’on appelle, en employant un terme qui n’est pas très beau, la « sécabilité » de la compétence. Cela signifie que l’on donne aux collectivités le pouvoir de décider quelles compétences relèvent du bloc Gemapi, et donc des EPCI, tandis que les autres compétences relèveraient par exemple des syndicats existants ou des syndicats de rivière.

Le dispositif est en train d’être mis en place, après avoir connu des difficultés de gouvernance, évoquées par Mme Deseyne et d’autres intervenants. La loi du 30 décembre 2017 a pour seul objectif de répondre à l’exigence que vous avez exprimée. Les outils pour ce faire existent. C’est dans ce cadre que la compétence pourra être mise en œuvre.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, mes chers collègues, le moment est venu pour moi de remercier M. le ministre d’avoir bien voulu se prêter à cet échange.

Je remercie bien évidemment les sénatrices et les sénateurs qui nous ont fait l’honneur de leur participation de s’être exprimés librement sur ce sujet d’ampleur, enrichi des situations rencontrées localement, mais aussi les nombreux élus qui ont assisté à ce débat.

Le 21 octobre dernier, paraissait donc, après plusieurs mois d’attente, le rapport de la mission du CGEDD sur l’évaluation des conséquences de la mise en œuvre des compétences dans le domaine de la Gemapi.

Certaines préconisations d’évolution ont pu recueillir pleinement notre attention et ont été citées dans le débat, comme le dialogue renforcé entre l’État et les EPCI qui doit nécessairement s’établir concernant le transfert de la gestion des digues.

Il plaît au Sénat de prendre appui sur ces travaux de fond pour dresser le bilan des évolutions des politiques publiques. Deux ans après l’adoption de la loi Gemapi et du transfert de la compétence, le présent débat n’a eu d’autre ambition que de poser les termes généraux d’un bilan, qui devra nécessairement être prolongé et entrer en résonance lors de l’examen du projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration.

Dans cet hémicycle, un constat commun est ressorti : faciliter la mise en œuvre de la Gemapi appelle nécessairement un réexamen du positionnement de l’État pour la prise en compte de la diversité des situations territoriales.

En préambule, j’évoquerai la nécessité de mettre en place un suivi harmonisé de la Gemapi qui fait encore défaut, grâce à une évaluation régulière tant à l’échelon national que territorial.

L’ambition de ce débat était d’apporter une première contribution à un inventaire nécessaire des situations.

La problématique du ruissellement, sujet des questions de Françoise Laborde et Patricia Morhet-Richaud, n’a pas été correctement traitée par les textes. La mobilisation de la taxe Gemapi pour certaines opérations de lutte contre le ruissellement constitue une piste intéressante à développer.

Concernant le modèle économique de la Gemapi, plusieurs points ont été soulevés : le souhait de voir se pérenniser les financements de l’État, mais également des questionnements sur les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation sur la Gemapi. Vous y avez répondu, monsieur le ministre.

Vous l’avez souligné dans votre discours, des disparités assez fortes entre territoires existent dans la structuration de la compétence Gemapi. Par cohérence, il est clairement apparu dans le débat qu’un accompagnement accru de l’État est attendu en fonction de la diversité des territoires.

Dans les outre-mer, l’appropriation pleine et entière par les EPCI de cette compétence doit être un chantier mené par l’État. Les assises des outre-mer de 2018 avaient mis en lumière la nécessité de consolider les ressources en matière d’ingénierie et d’animer des réseaux de professionnel avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

Dans les territoires concernés par le transfert, en 2024, des digues domaniales aux EPCI, les objectifs et les moyens financiers et humains pour la remise en état de ces digues posent légitimement question. D’autant plus qu’il y aura bien, à ce moment-là, transfert aux collectivités territoriales d’une nouvelle charge, considérable, sans compensation. Je mesure donc l’inquiétude des élus, qui devront composer avec des finances contraintes et qui savent le coût de ces ouvrages concourant à la Gemapi et de leur remise en état.

Enfin, dans les zones littorales, qui peuvent être menacées par l’érosion ou la submersion marine, le périmètre de l’EPCI apparaît largement inadapté, qu’il s’agisse du niveau du périmètre de gestion ou des ressources financières mobilisables.

En conclusion, je vous remercie au nom du groupe du RDSE d’avoir contribué à enrichir ce débat sur le bilan de la compétence Gemapi que nous aurons bien évidemment l’occasion de poursuivre – je l’espère en tout cas – lors de l’examen du projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SOCR. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Bilan et perspectives de la compétence “Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations”. »

9

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 20 novembre 2019 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

Débat sur le thème : « Pour répondre à l’urgence climatique par le développement ferroviaire : promouvons les auto-trains et les Intercités de nuit ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication