Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, la mise en place de la compétence Gemapi n’a pas été simple sur certains territoires. Je souhaite aujourd’hui porter à votre attention un exemple essentiel et spécifique : la précarisation de notre modèle de gestion intégrée de l’eau par bassin versant.
Nous observons en effet un morcellement à la fois des entités et des méthodes, ce qui contribue à enrayer notre capacité à répondre aux attentes en termes de gestion de l’eau, et ce notamment en période d’urgence climatique. Deux points illustrent cette difficulté.
Le premier se situe dans la fragilisation des équilibres et des principes de solidarité déjà existants. C’est notamment le cas de la Bresle, petit fleuve côtier qui sépare la Somme de la Seine-Maritime, où deux EPCI sur sept composant le bassin versant ne travaillent pas la main dans la main, que ce soit entre eux ou avec les autres collectivités territoriales.
Cela nous amène au second point, qui concerne la clarification du périmètre des compétences, entre celles qui relèvent de la Gemapi et celles qui sont en dehors. Les problématiques liées au grand cycle de l’eau demandent une approche globale et intégrée. Plusieurs volets de la gestion de l’eau doivent être étudiés et envisagés : de nombreux pans sont à prendre en considération, passant tout autant par la qualité de l’eau que par sa quantité. Il faut également prendre en compte la biodiversité, vecteur essentiel de nos territoires, ou encore la préservation des ressources.
Monsieur le ministre, à la lumière des deux points évoqués, pensez-vous utile d’organiser dans des délais raisonnables un débat approfondi sur la question de la gouvernance et du financement des politiques de l’eau à l’échelle des bassins versants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Bignon, je vous remercie de votre question. Je me suis rendu avec la ministre dans votre territoire pour traiter des questions d’inondations et de la Gemapi.
Le comité de bassin constitue l’instance de concertation privilégiée pour tenir un débat sur la question de la gouvernance et du financement des politiques de l’eau à l’échelle des bassins versants. Regroupant différents acteurs, publics ou privés, agissant dans le domaine de l’eau – collectivités, État, usagers, personnes qualifiées, milieux socioprofessionnels et le préfet coordonnateur de bassin –, le comité de bassin forme un véritable « parlement local de l’eau ». C’est d’ailleurs son rôle.
Le comité de bassin adopte en effet les grands axes dans le cadre des politiques nationales et européennes de l’eau, et pilote l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) à l’échelle des bassins hydrographiques, lequel fixe pour six ans les orientations qui permettent d’atteindre les objectifs attendus en matière de « bon état des eaux ».
Pour répondre plus avant à votre question, oui il faut examiner la gouvernance et la conforter. Je l’ai dit tout à l’heure, il importe de voir comment la compétence se met en œuvre. Par ailleurs, sur un certain nombre de sujets que vous connaissez très bien, il est important d’examiner les modalités de financement au fur et à mesure que la compétence se déploiera.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour la réplique.
M. Jérôme Bignon. Je souhaite compléter mon premier propos en disant que la Gemapi a contribué à rendre orphelines un certain nombre de missions pourtant essentielles et considérées comme étant « hors Gemapi ». Je pense à la préservation de la ressource en eau, tant en qualité qu’en quantité. Je pense aussi à la gestion des eaux pluviales et de ruissellement dont peu de collectivités souhaitent se saisir, faute de financement et de précisions apportées par la loi. Ces différents points devraient également être pris en compte dans le débat que vous nous avez proposé sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Quand il est question de l’eau et de sa gestion, la mission du législateur n’est jamais simple. Comme c’est le cas pour la compétence « eau et assainissement », pour laquelle le débat n’est d’ailleurs toujours pas définitivement tranché, la compétence Gemapi aura eu un parcours législatif chaotique.
Aujourd’hui, plusieurs acteurs participent à cette compétence : des EPCI, des syndicats mixtes, mais aussi les départements et les régions. Toutefois, cette pluralité, qu’avait tenté de supprimer la loi Maptam, n’est pas forcément la principale difficulté. Je souhaiterais insister sur les problèmes tenant à la mise en œuvre de la Gemapi sur le littoral.
Les acteurs se trouvent confrontés à un empilement de procédures administratives, financières et environnementales de toutes sortes. Surtout, on constate que, dans les faits, la décentralisation n’est pas allée à son terme. Sur le terrain, la multiplication des procédures, les éternels aller-retour avec l’administration centrale masquent alors l’arbitrage local. On se retrouve aujourd’hui face à une contradiction : la lourdeur et la longueur des procédures s’opposent à l’urgence de protection des populations. Comment accélérer et simplifier les procédures ?
En Vendée, je citerai notamment l’exemple du syndicat mixte du Marais poitevin bassin du Lay. Cet organisme chargé de la Gemapi a récupéré un ensemble d’ouvrages en ruine qui nécessiteraient trois ou quatre ans d’études préalables à leur remise en état. Il se retrouve alors dans une situation très délicate, puisqu’il est dorénavant seul responsable d’ouvrages, en l’occurrence des digues, pour lesquels la responsabilité est demeurée floue pendant près de soixante ans. C’est une situation souvent techniquement et financièrement intenable. J’ajouterai qu’elle est moralement insupportable dans un département qui commémorera en février prochain les dix ans du drame de la tempête Xynthia.
Enfin, je poserai une dernière question, plus concrète encore, monsieur le ministre : de quels moyens dispose l’autorité chargée de la Gemapi si elle souhaite faire une digue sur un tracé qui a été refusé par le maire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Billon, votre question comporte des éléments très techniques. Pardonnez-moi si je ne vous réponds pas dans le détail. Je transmettrai votre question à la ministre pour qu’elle vous apporte des réponses précises.
Vous avez soulevé plusieurs difficultés. Vous m’avez notamment interrogé sur les modalités de mise en œuvre de la compétence et sur sa complexité, notamment dans un département comme le vôtre qui a été particulièrement impacté. La loi de 2017 a introduit un certain nombre de simplifications, que j’ai rappelées tout à l’heure, pour répondre en partie à des départements comme le vôtre. Je pense, notamment, à la possibilité de réintroduire les départements dans le jeu. Cela dit, la prise de compétences, et parfois la prise d’ouvrages, s’opère dans des conditions administratives complexes.
Des simplifications importantes ont été apportées à la réglementation sur les ouvrages hydrauliques, notamment avec l’instauration de l’autorisation environnementale unique, qui permet d’accélérer un certain nombre de procédures. L’État est conscient de l’enjeu lié à la nécessité de réaliser des travaux rapidement, notamment à la suite d’une crue ou en raison d’un risque de crue avérée. Une mission a donc été confiée aux inspections afin de voir comment accélérer la production d’un programme d’actions de prévention des inondations (PAPI), et sa mise en œuvre. Ses résultats seront connus d’ici à la fin de l’année 2019.
Par ailleurs, vous m’interrogez sur un projet qui n’aurait pas l’accord du maire. Je vous apporterai plutôt une réponse écrite plus précise. Quoi qu’il en soit, le fonds Barnier peut financer un certain nombre de renforcements, sans parler du onzième programme d’intervention. J’ai entendu votre sollicitation sur la préservation nécessaire des moyens de l’agence de l’eau. Il s’agit de moyens pouvant être dévolus au-delà de la taxe Gemapi pour répondre aux exigences de prise de compétence par les collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 29 octobre dernier, le Sénat a débattu des conclusions du rapport de ma collègue Nicole Bonnefoy Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, fait au nom de la mission d’information sur les risques climatiques que j’ai eu l’honneur de présider.
Le rapport conclut qu’une modernisation de nos politiques de prévention et d’indemnisation est indispensable pour relever durablement le défi du changement climatique.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne nous sommes pas uniquement focalisés sur les conséquences des catastrophes climatiques et donc sur le régime de catastrophe naturelle, mais nous nous intéressons à l’ensemble du phénomène, tout particulièrement à la prise en compte du risque, ce qui rejoint le débat que nous avons aujourd’hui sur l’initiative du groupe du RDSE.
Pour ces raisons, nous avons successivement proposé : de renforcer le rôle du conseil de gestion du fonds Barnier et de supprimer les sous-plafonds pour donner davantage de souplesse à sa gestion ; d’achever la politique d’élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) ; d’accélérer le traitement des demandes de labellisation des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) et de simplifier les procédures applicables aux actions réalisées dans ce cadre ; de créer des instruments juridiques adaptés aux territoires confrontés au recul du trait de côte ; enfin, de créer les conditions pour développer une culture du risque chez nos concitoyens.
Pourquoi ce rappel ?
Parce que le transport de la compétence Gemapi a profondément fait évoluer le rôle des élus, qui sont devenus acteurs de la prévention des risques, et ce alors même que la frontière entre ce qui relève de la Gemapi et ce qui n’en relève pas n’est pas claire, et que le modèle financier n’est pas réaliste. Ce n’est pas vous, monsieur le ministre, qui pouvez me contredire sur ce point.
Surtout aussi, parce que le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’inspection générale de l’administration (IGA) ont été mandatés pour évaluer l’efficacité de la mise en œuvre des PAPI et qu’ils sont, en ce moment même, en train d’examiner certaines des solutions que nous proposions dans nos travaux.
Monsieur le ministre, ceux qui veulent faire bouger les choses vont-ils, pour une fois, l’emporter sur les conservateurs, et la voix des élus sera-t-elle entendue par l’administration centrale ? (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a lu avec attention le rapport qui a été fait par le Sénat sur l’indemnisation et la prévention des risques climatiques.
En ce qui concerne le régime des catastrophes naturelles, des réflexions sont en cours en lien avec les acteurs concernés pour améliorer l’efficacité du dispositif.
Sur la prévention des risques, nous vous confirmons que le fonds Barnier est un levier essentiel du financement de la politique de prévention des inondations. Le plafonnement actuel de ce fonds n’obère pas son efficacité en raison de la trésorerie encore disponible. Sa gouvernance sera rénovée, avec l’implication plus importante du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), qui rassemble toutes les parties prenantes. Nous rejoignons aussi les recommandations du rapport visant à poursuivre et renforcer les actions de prévention : PPR, PAPI, développement d’une meilleure appréhension du risque, réduction de la vulnérabilité.
S’agissant de la vulnérabilité, je souligne que le taux d’aide aux propriétaires d’habitation par le fonds Barnier est désormais passé de 40 % à 80 % pour les PAPI. Il en sera de même pour les PPR dans les jours à venir.
Je veux revenir à ce que vous avez dit sur le rôle des élus. Il est vrai que du fait de la prise de la compétence Gemapi, les élus se retrouvent désormais plus souvent en première ligne. Autrefois, ils s’occupaient plutôt de la gestion après la survenance du risque, au moment des intempéries. Aujourd’hui, les citoyens leur demandent de prendre leurs responsabilités, ce qui rend nécessaire une articulation avec nos concitoyens et une appropriation du risque par ceux-ci, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant. C’est un travail difficile, à mener avec les élus.
Je ne sais pas si je vais parvenir à vous rassurer, mais je tiens à vous faire part de notre volonté, avec ce dispositif Gemapi, à la fois, d’atteindre de grands objectifs et de tenir compte de la réalité du terrain afin d’adapter la législation ou les règlements aux réalités et aux besoins des élus.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, quelles conclusions tirez-vous de la réforme, en 2017, du dispositif qui avait été mis en œuvre en 2014, en particulier, je tiens à le souligner ici, grâce à l’implication de notre collègue et ami Pierre-Yves Collombat ?
Les sécabilités – pardonnez-moi d’employer ce terme quelque peu barbare – qui ont été introduites n’ont-elles pas pour effet de dissocier les instances qui s’occupent de la prévention des inondations et celles qui traitent de l’urbanisme et de l’aménagement ? Or, vous le savez, le problème central est de lier les deux, c’est-à-dire de construire en prenant en compte le risque d’inondation.
Enfin, vous n’ignorez pas qu’est intervenue une réforme de la taxe d’habitation ni que la Gemapi est assise, pour une part non négligeable, sur la taxe d’habitation.
Comment comptez-vous, dans ces circonstances, garantir les ressources qui financeront le dispositif Gemapi, et même les accroître, ce qui est absolument nécessaire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, peut-être est-il un peu tôt pour tirer les conséquences du texte de 2017 qui est venu renforcer et améliorer le dispositif de 2014 ? Il était en effet prévu que ces compétences deviennent effectives, pour les uns au 1er janvier 2018, et pour d’autres au plus tard 1er janvier 2020. Vous le voyez, nous sommes encore dans un processus d’appropriation de la gouvernance de cette compétence.
Je ne crois pas que la sécabilité implique le risque d’une dissociation. Tout d’abord, ce sont souvent les mêmes élus qui siègent dans ces instances. Il ne vous aura pas échappé par ailleurs – je sais que vous connaissez bien l’agglomération orléanaise – que, dans un certain nombre de cas, l’aménagement du territoire et l’urbanisme demeurent des compétences des communes, le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) restant optionnel.
Il faut donc faire confiance aux élus pour parler des problèmes d’inondations – c’est pourquoi il est intéressant de traiter de la compétence Gemapi à l’échelle intercommunale –, mais aussi des questions d’aménagement et de construction. En effet, vous avez raison, on ne peut pas dissocier le risque d’inondation de la constructibilité ou de la faculté de rendre certaines zones constructibles.
Je ne pense donc pas qu’il y ait de risque structurel de dissociation. Dès lors que la question des inondations et de leur prévention est de la responsabilité des élus, j’imagine que ceux-ci portent une attention permanente à ce sujet. Pour les connaître tout autant que vous, je suis certain qu’ils veilleront à ce que, en matière de construction, les choses soient bien faites.
Vous m’avez demandé quel serait l’avenir de la taxe Gemapi après la suppression de la taxe d’habitation.
La suppression de la taxe d’habitation ne change rien aux pouvoirs des intercommunalités. Celles-ci pourront, tout comme auparavant, percevoir un produit, lequel sera réparti sur les autres taxes restantes. Je précise qu’un dispositif transitoire est prévu jusqu’à la suppression complète de la taxe d’habitation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses, mais je reste quelque peu sceptique sur la question financière. Il ne sera pas si simple pour les élus de répartir le produit aujourd’hui indexé ou annexé à la taxe d’habitation sur toutes les autres taxes…
M. Pierre-Yves Collombat. Sur toutes les taxes foncières !
M. Jean-Pierre Sueur. … lesquelles augmenteront en conséquence.
Je ne suis pas certain, en outre, que ce transfert permettra d’accroître la ressource, ce qui est pourtant important. Car, si la mise en œuvre de la taxe Gemapi est une mesure positive et nécessaire, nous savons tous aussi que son produit n’est pas encore à la mesure des besoins. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un certain nombre d’élus nous ont fait part de leurs inquiétudes et du fait qu’ils souhaiteraient des évolutions dans le but d’optimiser et de mieux financer certaines opérations de lutte contre le ruissellement. En effet, dans certains territoires, c’est l’une des premières causes d’inondations.
La taxe Gemapi définie à l’article 1530 bis du code général des impôts peut être mobilisée afin de permettre le financement des opérations de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, dès lors que ces opérations contribuent à réduire le risque d’inondation. Cela est d’ailleurs clarifié par la circulaire sur la mise en œuvre de la loi Gemapi du 30 décembre 2017.
Par exemple, les ouvrages hydrauliques conçus de manière à limiter les dommages des eaux de ruissellement peuvent être financés au titre de la compétence Gemapi.
Toutefois, cette taxe ne peut pas être mobilisée pour réparer les dégâts causés par le ruissellement et l’érosion, et leur non-intégration au sein de la Gemapi empêche la mobilisation des fonds qui lui sont consacrés pour mener des actions de réparation, avec des coûts parfois très lourds pour les collectivités concernées, compte tenu de leur situation budgétaire.
Par ailleurs, le rapport inscrit à l’article 7 de la loi, qui a été rendu en avril 2018, soulève la réflexion à mener pour mieux articuler le financement des opérations et équipements concourant à la prévention des inondations par la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.
Je souhaite donc connaître votre position, monsieur le ministre, sur l’éventuelle intégration de la lutte contre l’érosion et le ruissellement au sein de la compétence Gemapi, afin de permettre aux collectivités de mobiliser cette taxe pour ces opérations spécifiques, et sur les suites données aux recommandations de ce rapport. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question qui va me permettre de clarifier un certain nombre d’éléments, même si, concernant cette compétence – vous l’avez dit à juste titre –, la frontière peut être ténue…
La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, mentionnée au 4° de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, demeure partagée entre les différents échelons de collectivités territoriales, dans la mesure où elle ne se rattache ni au service public de gestion des eaux pluviales urbaines ni à la compétence relative à la Gemapi ; c’est une difficulté que vous avez soulevée.
Il convient toutefois de préciser que les opérations répondant à la finalité de prévention des inondations, en assurant la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, sont considérées comme relevant de la compétence Gemapi et peuvent, de ce fait, être financées par la taxe Gemapi. C’est le cas pour la reconstruction d’un réseau – un exemple que vous avez cité –, dès lors que cette opération participe à la lutte contre le ruissellement ; à défaut, ce sont d’autres budgets qui sont sollicités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Vous dites, monsieur le ministre, que la réparation peut être considérée comme une mesure de prévention, et je l’entends. De nombreux maires étant présents cette semaine, je pensais que c’était une bonne occasion de vous poser cette question.
Nous sommes en présence de deux enjeux majeurs : le risque de se concentrer seulement sur les compétences obligatoires, et celui que les collectivités territoriales ne communiquent pas suffisamment entre elles ; un EPCI, par exemple, ne fait pas les choses de la même façon que son voisin… C’est parfois la difficulté de la loi Gemapi.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, ma question, qui s’inscrit dans la continuité de celle de Jean-Pierre Sueur, porte sur le devenir de l’assiette de la taxe Gemapi, qui est fragilisée par la suppression de la taxe d’habitation.
En effet, cette suppression laisse planer quelques incertitudes notoires quant à la composition de l’assiette de recettes de la compétence Gemapi, laquelle peine, chacun le sait, à s’adosser à un modèle économique stable. Je rappelle aussi, et vous l’avez confirmé précédemment, qu’il s’agit de plus de 150 millions d’euros, un montant de crédits modique à l’échelle nationale.
Le rapport d’évaluation des conséquences du transfert de cette compétence aux EPCI à fiscalité propre, qui a été confié à l’IGA et au CGEDD, préconise de « fiabiliser l’assiette de la taxe, qui subira le contrecoup logique de la suppression de la taxe d’habitation ».
En l’état, la suppression de cette taxe, sur laquelle est partiellement assise la Gemapi, emporte le risque de déplacer la charge de son coût budgétaire des populations locales aux entités qui sont redevables de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ce qui aurait pour effet d’instituer logiquement une asymétrie de traitement, dès lors que les propriétaires du bâti exposé tireront le principal bénéfice de la réduction de l’exposition au risque.
Une attention particulière sera-t-elle portée au nécessaire rééquilibrage de l’assiette, entre taxe foncière et CFE ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Votre question, monsieur le sénateur, va me permettre de compléter la réponse que j’ai faite à M. Sueur.
La refonte de la fiscalité locale liée à la suppression de la taxe d’habitation ne modifie aucunement la faculté laissée aux communes et aux EPCI à fiscalité propre d’adopter un produit de la taxe Gemapi – je rappelle, en effet, que c’est sur un produit que l’on vote.
Les communes et les EPCI à fiscalité propre continueront, dans les mêmes conditions, à pouvoir adopter annuellement un produit d’imposition affecté au dépensier à l’exercice de la compétence, et plafonné à 40 euros par habitant.
L’article 5 du projet de loi de finances pour 2020, qui a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et sera débattu dans quelques jours au Sénat, est clair quant à l’assiette de la taxe Gemapi retenue après la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Contrairement à ce que vous dites, aucune incertitude notoire ne persiste. La refonte de la fiscalité locale modifie simplement les modalités de répartition du paiement de la taxe entre les redevables.
En 2020, la taxe Gemapi sera répartie entre la taxe d’habitation, les taxes foncières et la CFE, mais le taux additionnel de répartition appliqué sur la taxe d’habitation sera identique à celui de 2019. Cela permet de garantir à 80 % des foyers fiscaux de ne payer aucune taxe d’habitation en 2020. Le produit supplémentaire éventuellement adopté par l’EPCI à fiscalité propre sera réparti sur les autres impositions.
En 2021 et 2022, le montant de la taxe Gemapi réparti sur la taxe d’habitation sera diminué des dégrèvements accordés en 2020, pour éviter que les 20 % de foyers fiscaux restant temporairement assujettis à la taxe d’habitation ne soient confrontés à un ressaut de fiscalité.
À compter de 2023, le produit de la taxe Gemapi sera réparti sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, les taxes foncières et la CFE. La part répartie sur la taxe foncière sur les propriétés bâties sera calculée sur la base du taux communal.
Par construction, à produit de taxe Gemapi égal, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales entraînera un report de la répartition sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, les taxes foncières et la CFE.
Néanmoins, d’une part, ces modalités de répartition ne modifient pas le pouvoir d’institution et de fixation du produit accordé aux communes et aux EPCI à fiscalité propre compétents ; d’autre part, la hausse de la pression fiscale sur les redevables a été analysée et n’est pas excessive. Elle sera dans la majorité des cas de quelques dizaines d’euros au maximum.
Monsieur Sueur, je vous confirme que nous laissons aux collectivités la possibilité d’activer ou non, en fonction de leurs moyens et de leurs demandes, la taxe Gemapi.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Se donner les moyens de ses ambitions, tel est le titre du rapport d’information du Sénat à l’origine de la loi dite Gemapi, qui a donné les moyens d’une politique pérenne et générale de prévention de l’inondation.
D’abord, les moyens juridiques : en l’absence de gouvernance clairement identifiée, il s’agit d’attribuer la compétence – elle ne doit pas être « orpheline », comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – aux EPCI, dont le bras armé sera au niveau des bassins, des syndicats, mixtes ou non, nommés les Épage.
Ensuite, les moyens financiers : ils sont assurés par une taxe assise sur une base très large, c’est-à-dire l’ensemble du foncier.
Ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont plus les moyens, car le produit de la taxe Gemapi peut être augmenté – il y a des marges de manœuvre – et il s’ajoute à quelque chose qui existait ou non. J’entends que ce n’est pas suffisant : commençons déjà par utiliser ce dont nous disposons, et puis nous verrons ensuite !
Le problème est un manque de volonté et d’ambition, lesquelles ont été usées par l’opposition des acteurs traditionnels de la prévention et par les querelles byzantines des théologiens du contrôle de légalité, à propos de « qui doit faire quoi » et de l’utilisation licite ou non de la taxe Gemapi. On leur doit la paralysie de nombreuses opérations visant à maîtriser le ruissellement, cause principale des catastrophes survenues dans le sud de la France.
Ces oppositions semblent avoir votre oreille, monsieur le ministre, puisque la loi Fesneau, selon son exposé des motifs, correspond à « une demande forte exprimée par plusieurs collectivités territoriales ».
On rompt donc avec un apport de la loi : l’unicité de décision et de compétence, qui permet de ne plus séparer les problèmes d’urbanisation et ceux de prévention stricto sensu. Or la loi elle-même, au travers de la création des Épage, qui ont une structure de syndicat mixte,…