COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Yves Daudigny,
M. Daniel Dubois.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
À l’issue de ces questions, la séance sera suspendue jusqu’à dix-sept heures quinze afin de permettre à la conférence des présidents de se réunir.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au temps et au respect des uns et des autres.
situation dans les banlieues
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Alain Fouché. Certains individus font des concours de guet-apens contre les services de secours et les forces de l’ordre. Ces concours de lâches se propagent depuis plusieurs jours, relayés par les réseaux sociaux. La réponse à apporter doit être la fermeté.
La nouvelle mode de ces criminels est de se filmer pendant leurs attaques contre les forces de l’ordre. Désœuvrés ou protégeant des trafics, ils oublient bien vite la chance qu’ils ont de vivre dans un pays qui respecte l’État de droit et qu’eux-mêmes ont intérêt à respecter.
Rien ne saurait justifier ces atteintes à l’ordre public, à la sécurité de nos concitoyens et à celle de ceux qui les protègent au quotidien : les gendarmes, les policiers et les pompiers, à qui je veux rendre hommage.
Les tensions dans les quartiers défavorisés sont en recrudescence. Voilà plus de trente ans que les gouvernements successifs tentent d’en venir à bout, sans y parvenir vraiment. Il semble qu’une trentaine d’individus était impliquée dans le guet-apens de Chanteloup-les-Vignes. Seules deux interpellations ont eu lieu à ce jour.
Dans cette ville, comme ailleurs, cette situation n’est pas acceptable. La réponse judiciaire doit être à la hauteur des infractions commises.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je sais que vous vous êtes rendu sur les lieux hier matin. Que comptez-vous faire pour que les forces de l’ordre disposent de moyens plus importants, nécessaires à l’accomplissement de leur mission ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Fouché, vous avez évoqué trente ans d’actions, avec des succès, des réussites en matière de politique de la ville, mais aussi des échecs.
Dans de nombreux quartiers, la situation ne s’est pas améliorée, tant en matière sociale, en matière d’espérance, de lutte contre une forme de déterminisme social ou d’assignation à résidence, que sur les questions de sécurité et de violence, notamment à l’encontre des forces de l’ordre. C’est la raison pour laquelle, hier matin, quand je me suis rendu à Chanteloup-les-Vignes, j’ai proposé à la garde des sceaux et au ministre chargé de la ville et du logement de m’accompagner. La reconquête républicaine que nous devons conduire dans ces quartiers ne relève pas que de la seule police. Elle en relève, bien évidemment, mais elle relève aussi de l’ensemble de l’action portée sur ces territoires.
Notre première volonté a été de nous tenir aux côtés de Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes, qui porte un projet ambitieux pour sa commune et qui se bat chaque jour avec les associations. Ce sont d’ailleurs les activités de ces dernières qui étaient visées. Quand nous avons rencontré les parents, les mamans de ce quartier, c’est ce qu’ils nous ont dit.
Le comportement de ces voyous est inacceptable. C’est la raison pour laquelle il faut des sanctions exemplaires. Deux personnes ont d’ores et déjà été interpellées et mises à disposition de la justice. La qualification criminelle a été retenue pour l’instruction de cette affaire. L’enquête se poursuit, et je suis convaincu que d’autres personnes seront interpellées.
Je voudrais redire, comme vous, monsieur le sénateur, tout mon soutien à l’engagement puissant, fort, manifeste, courageux de nos forces de sécurité intérieure. Je pense notamment à la police et aux sapeurs-pompiers qu’elle a protégés lors de ces incendies.
Je voudrais aussi vous dire ma détermination à renforcer plus encore les moyens de nos forces de sécurité intérieure. La nuit dernière, à l’Assemblée nationale, je présentais justement un budget de la sécurité en augmentation de 1 milliard d’euros depuis 2017. Nous aurons l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Indépendants et UC.)
situation à chanteloup-les-vignes
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le Premier ministre, connaissez-vous Chanteloup-les-Vignes ? C’est une ville de 10 000 habitants, à l’ouest de Paris, dans les Yvelines, meurtrie après les affrontements de samedi dernier entre criminels et policiers ayant entraîné l’incendie d’un équipement collectif.
Chanteloup est une ville française comme Mantes, Béziers ou Brest, qui pansent leurs plaies et se battent au quotidien pour reconquérir, mètre carré par mètre carré, chaque morceau de leur territoire républicain que des criminels souhaitent voir disloqué.
Lorsqu’on brûle nos villes, qu’on attaque nos policiers ou qu’on menace nos élus, c’est la République qu’on brûle, qu’on attaque et qu’on menace, monsieur le Premier ministre. Or, pour bien combattre ce mal, il faut bien le nommer et bien le comprendre. Relativiser ce qui s’est passé en qualifiant les agresseurs « d’imbéciles » fut une erreur.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces agresseurs, très organisés, défendent l’extraterritorialité de leur espace. Ils rejettent les lois de la République, ils refusent toute autorité venue de l’État, ils interdisent à la République de s’occuper de leurs affaires. Ils font scission, monsieur le Premier ministre.
Mme Marta de Cidrac. C’est cela que vous devez nommer et combattre avec la plus grande fermeté.
Monsieur le Premier ministre, comment envisagez-vous de rétablir l’autorité de l’État que vous devez à nos concitoyens, dans les Yvelines ou ailleurs en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, la première partie de votre question m’est adressée personnellement. Il s’agit de savoir si je connais Chanteloup-les-Vignes. La réponse est oui : j’ai la chance de connaître cette commune des Yvelines, ainsi que sa maire. Je m’y suis rendu en tant que Premier ministre. J’ai visité un certain nombre de quartiers, ainsi que le commissariat. J’ai pu rencontrer ceux qui, pour le compte des services de l’État et en tant qu’élus locaux, gèrent cette commune et essaient d’apporter les réponses les plus adaptées à une situation dont nous savons qu’elle est difficile.
Vous évoquez ensuite les événements survenus samedi dernier, en début de soirée, à savoir l’attaque, le guet-apens, contre les forces de police et l’incendie criminel de l’un des équipements culturels de Chanteloup-les-Vignes.
Vous dites aussi que, pour bien traiter les questions, il faut savoir les nommer. Ce faisant, vous faites référence à mes propos qualifiant les agresseurs de « petite bande d’imbéciles ».
Comme vous, je suis attaché à la parole publique et aux positions que prennent les élus locaux. Je me permets donc de vous faire remarquer, madame la sénatrice, que le président du conseil départemental des Yvelines, que vous connaissez et que vous respectez, comme moi, a employé le terme « crétins ». Je ne sais pas s’il est plus léger, plus infamant, plus responsable, plus dur que « petite bande d’imbéciles ». Je ne sais pas non plus si les termes « racaille » ou « sauvageons » qui ont été utilisés sont plus pertinents. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. « Galopins » !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pourrions nous entendre sur le fait que ce qui compte, au-delà du champ lexical, c’est la réalité des faits et des réponses.
Pour ce qui est de ces dernières, madame la sénatrice, nous souhaitons tout mettre en œuvre pour que l’ordre soit rétabli. Pour ce faire, nous essayons d’attaquer le problème de toutes les façons possible.
Lorsque nous doublons le budget de l’ANRU, nous ne le faisons pas pour le plaisir de doubler un budget. Nous le faisons parce que, à l’écoute des élus locaux, nous savons que les opérations de rénovation urbaine sont des éléments puissants de réponse à ce problème. Je le sais, parce que j’écoute Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes, parce que j’écoute, le cas échéant, le président du conseil départemental des Yvelines et parce que, madame la sénatrice, j’ai été maire du Havre et que je sais ce qu’est l’ANRU, ce que sont les opérations de rénovation urbaine et ce que sont les violences urbaines. Je le sais d’expérience. Je ne parle pas de façon théorique. Je sais que les opérations de rénovation urbaine permettent d’apporter non pas toutes, mais une partie des réponses que ces quartiers exigent.
C’est exactement la même logique lorsque, avec l’ensemble du Gouvernement, nous essayons d’augmenter les effectifs de la police nationale : 10 000 effectifs supplémentaires dans la police nationale sur l’ensemble du quinquennat. Pourquoi ? Non pas pour le plaisir d’augmenter les effectifs, mais parce que, malheureusement, ils font défaut. Or nous savons qu’il faut renforcer la présence des forces de l’ordre pour être en mesure d’apporter une réponse crédible. C’est ce que le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État placé auprès de lui essaient de faire.
M. François Grosdidier. Et l’équipement ? Et la réponse pénale ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Lorsque nous dédoublons les classes de CP, lorsque nous essayons de faire en sorte que l’éducation fonctionne mieux, y compris et surtout dans les zones dites sensibles, c’est exactement la même logique. Nous essayons d’aborder cette question par tous les bouts, si vous me permettez cette expression.
Nous sommes parfaitement conscients de la difficulté. Nous en avons discuté avec Mme la maire de Chanteloup-les-Vignes. Elle a d’ailleurs souligné – et je sais que vous y serez sensible, puisque vous êtes attachée, comme moi, à ce que disent les élus locaux – que nous venions perturber des trafics de stupéfiants à Chanteloup, comme dans d’autres villes. Lorsque l’on perturbe ces trafics, lorsque l’on vient briser des habitudes néfastes et criminelles, cela crée forcément des turbulences que nous devons affronter. Elles ne doivent pas nous horrifier, elles sont la conséquence d’une action résolue que nous allons poursuivre. La lutte contre le trafic de stupéfiants, la préparation du futur dans ces quartiers, dans ces villes, sont les objectifs du Gouvernement, et je suis sûr que vous les partagez. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Que nous partagions les objectifs, j’en suis tout à fait d’accord, monsieur le Premier ministre. Reste que vous me parlez de sémantique quand je vous parle d’autorité de l’État. Vous ne m’avez donc pas répondu.
Nous partageons le même constat, monsieur le Premier ministre. J’étais hier aussi à Chanteloup-les-Vignes, avec vos ministres. L’autorité de l’État est aujourd’hui absente de ces quartiers et c’est son rétablissement que nous vous demandons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
application du principe de réciprocité dans les relations commerciales entre la chine et l’europe
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes et concerne la visite du Président Emmanuel Macron en Chine.
Le Président de la République a raison : seule l’Union européenne, dans une approche coordonnée, peut devenir « un partenaire crédible et efficace » de la Chine. La France ne peut s’engager seule en Chine. Elle n’a pas la taille critique pour contrebalancer l’émergence de cette puissance aux aspirations dominatrices.
S’il est légitime que la Chine veuille s’affirmer comme une grande puissance mondiale, elle trace son chemin largement à l’écart des règles du jeu occidentales, fondées sur la réciprocité des échanges, sur la transparence commerciale et sur la probité juridique. Ne parlons même pas de valeurs démocratiques ou de libertés publiques…
Le régime chinois construit un monde orwellien pour assurer l’unité de son peuple dans un espace clos par une « cybermuraille de Chine ». C’est au sein de ce monde hermétique que se développent leurs champions nationaux comme Huawei ou Alibaba.
Il serait suicidaire pour l’Union européenne de continuer à laisser la Chine investir sur nos marchés sans bénéficier d’un principe de réciprocité. Ce qui est interdit à nos entreprises en Chine doit être interdit aux entreprises chinoises dans l’Union européenne. Comment pensez-vous imposer la réciprocité des échanges entre la Chine et l’Union européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Ce que vous dites est totalement vrai, monsieur le sénateur.
En mars dernier, l’Union européenne a reconnu, pour la première fois, la Chine comme un partenaire, mais aussi comme un concurrent et un rival. Nous avons arrêté un certain nombre d’actions concrètes pour obtenir davantage de réciprocité dans notre relation avec la Chine et nous assurer du maintien de conditions de concurrence équitables, fondées sur un respect mutuel de nos règles.
La visite d’État du Président de la République en Chine qui s’achève aujourd’hui a permis de poursuivre et d’amplifier cette dynamique, impulsée également lors de la visite du Président Xi Jinping en mars dernier, en présence de Jean-Claude Juncker et d’Angela Merkel pour incarner cette dimension européenne et arriver à construire un partenariat eurochinois ambitieux, à la hauteur des différents enjeux, notamment, comme vous l’avez rappelé, en matière de protection des données personnelles.
Priorité est donnée au commerce et aux investissements. La participation du Président de la République à la foire des importations de Shanghai, avec le Président chinois, était un moment important pour rééquilibrer nos relations économiques par le haut.
Aujourd’hui, un acte important a été posé avec la conclusion d’un accord sur les indications géographiques : cent indications géographiques chinoises et cent indications européennes, dont vingt-six françaises, vont bénéficier d’un haut degré de protection dès l’entrée en vigueur de l’accord. Concrètement, cela signifie que nos producteurs de côtes de Provence, de Roquefort, de pruneaux d’Agen seront mieux protégés et pourront davantage exporter et se développer (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.). Il ne s’agit que d’exemples…
Nous avons ensuite cherché à avancer vers un accord Union européenne-Chine sur la protection de nos investissements et de nos actifs stratégiques. Le point clé, selon moi, c’est le volet multilatéral. Il faut inciter la Chine à réformer l’OMC pour permettre à cette dernière de traiter de pratiques commerciales déloyales, dans la continuité de la déclaration franco-chinoise sur le multilatéralisme. Plutôt que d’appliquer des tarifs réciproques, comme les États-Unis, dialoguer avec fermeté nous semble essentiel pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. La Chine n’est pas un État de droit, mais un État de lois. Elle ne s’embarrasse pas de principes de transparence et de loyauté pour décrocher des marchés publics à l’international.
Pour vendre en Chine, toute l’industrie cosmétique doit passer par le site Alibaba. On peut donc se demander quel sera l’avenir des brevets des molécules cosmétiques. Les entreprises européennes ont besoin de protection commerciale.
Le groupe Union Centriste l’a porté durant la campagne des élections européennes, et nous insistons encore aujourd’hui : face à la Chine, nous devons avoir une stratégie pour défendre l’Union européenne qui est, elle, un espace de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et LaREM.)
dernières évaluations nationales en CP et CE1
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Françoise Cartron. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
À la rentrée 2018, des évaluations en CP et CE1 ont été mises en place afin d’identifier les compétences acquises par les élèves, ainsi que leurs difficultés. En comparaison, les mêmes évaluations nationales réalisées cette année font apparaître, comme vous l’avez déclaré dimanche dernier, des « progrès significatifs » chez les enfants évalués : progrès sur la fluidité de lecture et la capacité de calcul, progrès dans les territoires les plus défavorisés.
Soyons clairs : dix des treize critères évalués en CE1 montrent une amélioration par rapport à l’année dernière, mais, en même temps, une faible majorité d’écoliers a acquis le niveau attendu en ce qui concerne la maîtrise des additions et des soustractions.
Nous ne pouvons qu’espérer que ces progrès se confirmeront et s’amplifieront, et ce dans l’intérêt des enfants. Nous le souhaitons toutes et tous dans cet hémicycle.
Aussi, afin que ces résultats s’inscrivent dans une dynamique positive sur le long terme, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce qui, selon vous, explique cette amélioration ? Est-ce en partie lié au dédoublement des classes ou/et à l’évolution des pratiques pédagogiques ? Avez-vous une analyse territoriale – zones rurales, REP et REP+ – de cette évolution positive ? (Murmures sarcastiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Claude Bérit-Débat. Eh bien oui ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Françoise Cartron. Afin que cette progression devienne une tendance lourde,… (Les murmures se transforment en brouhaha.)
M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît !
Mme Françoise Cartron. … pourriez-vous préciser les dispositifs qui seront ainsi pérennisés et les initiatives nouvelles qui, demain, pourraient être mises en place ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Françoise Cartron, il s’agit d’une question essentielle. (Rires sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.) Je me réjouis de constater l’unanimité de la représentation nationale sur cette question. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
S’il n’y avait qu’une seule question en matière d’éducation, ce serait celle-ci. Nous le savons tous, énormément de choses se jouent entre zéro et sept ans. Le bon départ scolaire de tous les enfants de France est déterminant, en matière de justice sociale et, tout simplement, pour le bon niveau général de notre pays. C’est la raison pour laquelle ces résultats doivent nous encourager à plusieurs titres.
Si les résultats stagnent en début de CP, ils sont meilleurs en début de CE1, ce qui montre que les efforts réalisés l’an dernier en faveur de l’année de CP ont payé. Je pense au dédoublement des classes et aux pratiques pédagogiques. Ces résultats nous montrent aussi qu’il reste du travail à faire pour l’école maternelle. Nous le savons, si un enfant arrive en CP avec un vocabulaire trop faible, il aura des difficultés à entrer dans la lecture et l’écriture, ce qui justifie pleinement une politique prioritaire pour l’école maternelle et renvoie à la question que vous posez sur l’avenir.
Comme vous le savez, nous allons dédoubler les grandes sections de maternelle en REP et en REP+, de façon à ce qu’il y ait des classes de douze élèves, et améliorer le temps d’encadrement partout, en garantissant un maximum de vingt-quatre élèves par classe dans toute la France en grande section de maternelle, en CP et en CE1. Tous ces éléments contribueront évidemment aux améliorations nécessaires.
D’ores et déjà, nous avons constaté deux progrès, indiqués sur le site du ministère. Le premier concerne le début de CE1, ce qui renvoie donc aux efforts fournis en faveur du CP. Le second est lié à la réduction de l’écart entre les réseaux d’éducation prioritaire et le reste du pays : là où il y avait 12 points d’écart quant aux résultats en lecture, il y en a désormais 10.
Même s’il reste du chemin à faire, ces résultats sont encourageants. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
réforme de la fiscalité locale
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Il y a quelques jours, nous étions sur ces travées pour soutenir les élus, faciliter l’exercice quotidien de leur mandat et encourager leur vocation, au service de leurs concitoyens. Que souhaitent-ils ? Monsieur le ministre, vous me permettrez de citer votre collègue chargé des collectivités territoriales : « Si les élus souhaitent que nous corrigions les défauts des réformes passées, ils veulent aussi de la stabilité. » Je ne dirais pas mieux !
Toutefois, ce qui vaut en matière institutionnelle vaut aussi en matière de finances locales, car, pour assurer efficacement l’ensemble des services à la population, les communes et EPCI doivent disposer de réelles capacités d’action. En la matière, l’inquiétude est grande. En effet, élus et candidats, qui préparent leur programme municipal sur des bases crédibles, viennent de prendre connaissance des simulations des conséquences de la suppression de la taxe d’habitation sur le potentiel fiscal.
Le mécanisme est pourtant bien connu : malgré une compensation à l’euro près, la suppression de la taxe d’habitation jouera nécessairement sur le potentiel fiscal et, donc, sur le niveau des dotations d’État et des péréquations correspondantes. Sont ainsi appelés à varier dès 2023, et donc en cours de mandat, près de onze des dix-huit critères de répartition pour les communes. Nous sommes loin de la stabilité et de la visibilité fiscales nécessaires à l’exercice serein du mandat d’élu.
Sur la base de ces simulations, les communes les plus pauvres deviendraient subitement plus riches, grâce à une hausse mécanique de leur potentiel fiscal, et donc moins aidées par l’État, tandis que des communes réputées plus riches, connaîtraient la trajectoire inverse ! Où est la logique fiscale ? Où est la solidarité nationale ? Où est l’esprit de la décentralisation ?
Monsieur le ministre, mes interrogations sont donc simples : comment et quand comptez-vous concrètement corriger les effets néfastes des variations du potentiel fiscal ? Allez-vous accueillir les propositions des sénateurs, qui souhaitent rectifier dès maintenant les conséquences majeures induites par la fin de la taxe d’habitation ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, vous relayez les interrogations des élus locaux, en particulier de votre département, sur les finances locales et la réforme de la fiscalité locale. J’entends deux interrogations majeures : l’une sur la stabilité et la visibilité ; l’autre, plus technique, sur le potentiel fiscal servant de référence au calcul des critères d’accès à telle ou telle dotation.
Sur la stabilité, nous pouvons rassurer les élus. Depuis le début de ce quinquennat, nous avons fait le choix de stabiliser les dotations à un niveau global : le budget pour 2020 prévoit la stabilité de la DGF et des dotations d’investissement et une légère augmentation des concours de l’État aux collectivités, qui passent de 48,3 milliards d’euros à 49,1 milliards d’euros.
Sur la lisibilité, notre volonté est de trouver un modèle simple de compensation de la taxe d’habitation pour les collectivités, ce qui correspond aux engagements du Président de la République. La simplicité de ce modèle repose sur le transfert et l’attribution de la quasi-totalité de la taxe foncière aux communes, avec un pouvoir de taux dès 2021. Il s’agit d’une recette dynamique, puisque c’est une recette fiscale. Pour les départements et les intercommunalités, il est également prévu l’affectation d’une fraction de TVA pour compenser la perte des recettes fiscales afférentes, à hauteur de 3 % par an.
Votre question présente également un aspect plus technique – c’est une litote –, qui concerne le potentiel fiscal, lequel détermine l’accès des collectivités locales à telle ou telle dotation de péréquation.
Jacqueline Gourault et moi-même l’avons dit lors de notre audition par le Comité des finances locales, le 26 septembre dernier, et j’ai eu l’occasion de le redire voilà quelques jours devant la délégation aux collectivités territoriales de votre assemblée : nous proposons de mettre à profit les premiers mois de l’année 2020 pour voir si le potentiel fiscal peut être redéfini. À cet égard, toutes vos propositions sont les bienvenues. Pouvons-nous améliorer cet indicateur de la mesure des richesses théoriques des communes et des territoires ? C’est une entreprise difficile, extrêmement compliquée techniquement.
Si nous n’arrivions pas à le modifier correctement, ce qui peut arriver, nous mettrions à profit le projet de loi de finances pour 2021, afin de neutraliser les effets de la réforme de la taxe d’habitation. En effet, il est hors de question pour le Gouvernement que la suppression de la taxe d’habitation et la réforme de la fiscalité locale se traduisent par l’évolution artificielle d’un indicateur qui conditionne l’accès à telle ou telle dotation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
réforme de l’assurance chômage