M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, plus de 3 200 rave-parties sont organisées en France, majoritairement dans des zones rurales, presque toujours sur des terrains privés, sans qu’aucune autorisation ait été demandée par les organisateurs.
En 2015, lorsque j’étais directeur des études de l’Institut d’études judiciaires, j’avais demandé à la gendarmerie de venir faire de la prévention auprès de mes étudiants. Ainsi, une colonelle est venue présenter les modalités d’une organisation gigantesque, organisée et encadrée à Cambrai, pour le Teknival, sur l’ex-base aérienne 103. Elle avait montré l’importance des matériels nécessaires – poste de commandement de la gendarmerie sur les lieux, voitures avec groupe électrogène, caméras, patrouilles cynophiles… – pour garantir la sécurité des personnes et des biens aux alentours du site, limiter les nuisances pour les riverains et, aussi et surtout, lutter contre la délinquance spécifique à ce type de manifestations, en particulier les trafics de stupéfiants et les atteintes aux personnes.
La gendarmerie devait aussi garantir la fluidité de la circulation en périphérie de la zone, grâce à la présence d’unités de force mobile sur le terrain. La préfecture avait mis en place des supports logistiques pour l’eau, l’électricité, les sanitaires. Une zone de soins avait été installée, avec des lits d’appoint et des tentes. Une clôture avait même été dressée autour de l’emprise de la zone du Teknival pour délimiter la manifestation.
À l’issue de cette présentation, tous mes étudiants ont pris conscience que les fêtes en plein air, si elles devaient bien sûr continuer d’exister, nécessitaient un encadrement professionnel afin de se dérouler dans les meilleures conditions possible. Toutes les rave-parties ne prennent pas une telle ampleur, bien sûr, mais les étudiants ont compris le bien-fondé de la demande d’autorisation stricte et généralisée, compte tenu des risques qui existent à plus ou moins grande échelle.
Notre objectif n’est pas bien sûr d’interdire ces rassemblements. Nous devons simplement prendre les mesures nécessaires pour faire respecter les lois et l’ordre public. En effet, il n’est pas concevable de ruiner un terrain agricole, de saccager un site naturel ou de provoquer des troubles anormaux du voisinage, tels que ceux qu’ont évoqués mes collègues.
Dans un état de droit, où la liberté reste la règle, les organisateurs doivent simplement prendre leurs responsabilités en trouvant un lieu adéquat, en concertation avec les pouvoirs publics, afin d’occasionner le moins de gêne possible ; en facilitant la mission d’accompagnement, de sécurisation et de maintien de l’ordre public des gendarmes ; en remettant en état le site sur lequel s’est déroulé le rassemblement. Seul un dialogue constructif est en mesure d’apporter les garanties nécessaires.
Aujourd’hui, la loi prévoit que c’est au maire qu’il appartient de gérer ces événements lorsque les rassemblements n’excèdent pas 500 participants. Or, comme je l’ai dit plus tôt, ces rassemblements ayant généralement lieu dans des zones rurales peu habitées, les maires sont trop souvent démunis. Ils disposent de moyens trop faibles pour appréhender ces réunions. C’est donc au Sénat, en tant que représentant des territoires, qu’il revient de fournir aux élus les moyens d’y faire face.
Aussi, je me réjouis que cette proposition de loi prévoie d’abaisser le seuil déclenchant l’obligation de déclarer de telles fêtes au préfet. Il dispose, lui, de moyens plus importants que les maires des petites communes rurales.
L’article 2 accroît les sanctions contre les organisateurs de rave-parties illégales. La commission des lois a exploré la possibilité de mettre en place une charte de l’organisation des rassemblements, qui serait définie, après négociation avec les organisateurs, par les pouvoirs publics. Je salue cette initiative, qui me semble aller dans le bon sens.
Nous ne pouvons pas empêcher toutes les rave-parties de se tenir. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est inciter les organisateurs à rester dans la légalité. C’est l’objectif de cette proposition de loi.
À cet égard, il convient d’ailleurs de préciser que nombre de ces rave-parties se déroulent dans une atmosphère bon enfant. Il est par exemple fréquent que les organisateurs des soirées prévoient, entre deux concerts, des pauses de quelques heures destinées à permettre le ramassage de tous les détritus et la remise en état du site.
La proposition de loi dont nous débattons me paraît équilibrée, car elle encourage les comportements vertueux et s’attaque aux comportements nuisibles, sans toutefois mettre tous les organisateurs dans le même panier. Je la voterai donc sans hésiter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les raves-parties à répétition exaspèrent », « on en a marre », « on n’en peut plus » : voilà ce que nous entendons trop souvent. En effet, les rave-parties provoquent de multiples nuisances publiques, à commencer par le bruit – un déluge de décibels ! –, mais pas seulement… Elles sont également l’occasion pour les participants de faire une consommation excessive d’alcool et de faire usage de stupéfiants. Enfin, les champs sont saccagés, jonchés de déchets divers.
Beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues, permettez-moi néanmoins de faire un bref rappel historique.
Lorsque la Direction générale de la police nationale s’est saisie du sujet pour la première fois en 1995, elle ne l’a fait que sous l’angle des problèmes : une circulaire a alors mis l’accent sur la vente et la consommation de stupéfiants. Une autre, en 1998, a distingué, d’une part, les organisateurs effectuant une demande auprès des services administratifs, et, d’autre part, les organisateurs clandestins de ce qu’on nommera dès lors des « free-parties ».
La loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne entérine ce système. Pourtant, en 2002, seules sept raves ont été déclarées dans mon département de l’Eure, puis neuf en 2003. Or nous connaissons tous la réalité dans nos territoires : nous savons tous qu’il y en a bien plus, dans l’Eure comme ailleurs. Il est évident qu’une grande partie de ces événements échappait au cadre légal jusqu’alors proposé.
Compte tenu de l’ampleur que les rave-parties ont prise, nous devons adapter notre sémantique. Tel est aujourd’hui l’objet de ce texte, qui vient à point pour étendre le champ des déclarations préalables et donner le contrôle de celles-ci aux maires pour les événements rassemblant moins de 500 participants.
D’abord, il faut ouvrir les possibilités d’agrément pour les organisateurs, afin qu’ils ne soient plus tentés de passer outre la déclaration préalable et d’organiser des raves illégales. Ce texte y parvient avec brio.
Ensuite, il faut faire preuve de sévérité envers ceux qui continuent de contrevenir à la loi, en dépit de ce nouveau dispositif. Nos compatriotes dont le calme est troublé par ces raves, qui plus est très régulièrement dans certaines zones, sont en droit d’attendre de nous une telle sévérité, légitime. Toutefois, cette sévérité doit être proportionnelle à la gravité des faits. Les peines encourues ne peuvent être équivalentes à celles qui sont prévues pour des faits plus graves. Ainsi, mon premier amendement tend à prévoir de porter de 3 750 euros à 4 500 euros le montant de l’amende pour ceux qui organisent des raves non déclarées.
En outre, les rave-parties rassemblent des participants venus parfois de loin et prévenus longtemps en avance sur les réseaux sociaux. La communication s’organise en effet au mépris de la loi, le lieu de rendez-vous demeurant imprécis, quand il n’est pas modifié à la dernière minute. Il convient donc d’encadrer ce canal, en ne permettant pas la diffusion d’informations relatives à la tenue d’une rave avant l’obtention de l’agrément. Tel est l’objet d’un second amendement, qui tend à prévoir une contravention en cas de non-respect de cette interdiction.
Enfin, en vertu d’un décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, le niveau sonore ne peut excéder 105 décibels en général, et 102 décibels sur quinze minutes. Le niveau sonore est une nuisance, pour ne pas dire « la » nuisance principale, tant pour les participants que pour le voisinage. Il est essentiel qu’il soit connu. Il faut donc inciter les organisateurs à installer des écrans affichant en direct le volume diffusé, de la même manière que dans les festivals.
Notre rôle sera désormais de rester attentifs à la mise en œuvre de cette proposition de loi, en particulier concernant le périmètre des éléments mentionnés par les organisateurs et la réponse des maires lorsqu’une rave se tient sur les territoires limitrophes de plusieurs communes.
Je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tant mieux !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à renforcer l’encadrement des rave-parties et les sanctions à l’encontre de leurs organisateurs
Article 1er
L’article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les rassemblements répondant aux mêmes caractéristiques mais qui, compte tenu de leur importance, ne sont pas soumis à déclaration auprès du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, font l’objet au moins un mois avant la date prévue d’une déclaration auprès des maires des communes dans lesquelles ils doivent se tenir. » ;
2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « Dans tous les cas, la déclaration mentionne les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publiques, éviter les nuisances subies par le voisinage et limiter l’impact sur la biodiversité. »
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, sur l’article.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Pascale Bories d’avoir déposé cette proposition de loi, car elle soulève en effet un véritable problème.
Je reconnais aussi que donner des pouvoirs supplémentaires aux maires, comme le prévoit la proposition de loi, sans toutefois leur octroyer des moyens suffisants, pose problème, comme l’a d’ailleurs souligné M. le secrétaire d’État dans son intervention.
Vous avez évoqué, madame Bories, la petite commune rurale de Saint-Pargoire, dans l’Hérault. En général, ces manifestations ont lieu dans ce genre de petites communes. Or leurs maires n’ont absolument pas les moyens d’assumer les responsabilités que nous allons peut-être leur donner.
J’insisterai sur deux faits. Il faut bien évidemment trouver des solutions afin de préserver certains territoires et de limiter l’impact sur la biodiversité, cela a été évoqué. Une rave-party organisée dans l’Hérault présentait ainsi des risques pour l’eau potable de la commune, située sur le bassin versant.
Comme l’a dit notre collègue Pascale Bories lors de la discussion générale, nous ne parviendrons à trouver de solutions que dans le dialogue et la concertation, grâce à la volonté des parties prenantes.
Cela n’a pas été dit, ou alors je ne l’ai pas entendu, les rave-parties, qu’elles rassemblent plus ou moins de 500 participants, font très peu souvent l’objet d’une déclaration. Très peu sont autorisées, parce que les organisateurs ont toujours des difficultés pour trouver un endroit où les participants peuvent s’exprimer. Notre travail est donc d’abord et avant tout de leur permettre de trouver un endroit.
J’aurai l’occasion de m’exprimer sur divers amendements, mais j’y insiste : le maître mot de cette proposition de loi doit être « concertation ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Je l’ai déjà dit en commission : on ne peut tout de même pas continuer à tout réprimer ! Les sociétés ont besoin de catharsis. Les fêtes comme les rave-parties existent depuis l’Antiquité. Elles prennent ailleurs la forme de carnavals par exemple.
C’est vrai qu’il faut encadrer ce genre de festivités, qu’il faut trouver des solutions, mais on ne peut pas empêcher les débordements.
C’est la partie économiquement libérale du Sénat qui a élaboré ce texte. Le festival de Woodstock n’a pas empêché les États-Unis de demeurer le champion du libéralisme économique ! C’était pourtant le temple du sexe, de la drogue, de Jimi Hendrix, etc. M. Bas n’était pas encore né à cette époque !
Je persiste à dire que ces fêtes sont des soupapes de sécurité pour la société. M. Bas me dira que c’est de la philosophie, mais il faut bien un peu de philosophie pour gérer les sociétés, pas seulement de la police. La police est nécessaire, mais pas dans ce genre de fêtes, où l’encadrement doit être plus « light ».
Enfin, permettez-moi de rappeler le tragique événement de Nantes et la noyade de Steve Maia Caniço lors d’une intervention policière pendant une technofête. Il faut tirer les leçons de cet exemple. On ne peut pas tout le temps être dans le sécuritaire, parce que le tout-sécuritaire n’existe pas ; il ne correspond pas au genre humain. Il faut lâcher prise !
Il faut certes trouver des solutions, mais non pas voter une loi prévoyant des peines d’emprisonnement. Pourquoi ne pas aussi envisager un placement en hôpital psychiatrique ? J’ai du mal à comprendre ! Peut-être faudrait-il accompagner certains de nos collègues à des rave-parties pour qu’ils voient un peu ce qu’il s’y passe ?
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis avec attention les débats sur cette proposition de loi – je félicite d’ailleurs son auteure –, auxquels je souhaite contribuer, en me fondant sur des événements qui se sont produits dans mon département.
Il est vrai que les dégâts provoqués par ces rassemblements constituent un réel problème, de même que les nuisances sonores pour les habitations à proximité.
Cela étant, il se trouve également, et c’est le point sur lequel je souhaite attirer l’attention du Gouvernement, que les organisateurs de tels événements font parfois face à des aléas, en raison du refus qui leur est opposé au dernier moment d’utiliser des sites qui étaient pourtant pressentis et qui avaient fait l’objet d’une contractualisation et d’un accord de la préfecture.
Dans un tel contexte, et alors que la manifestation est trop proche pour être annulée, les organisateurs trouvent une solution d’urgence, proche géographiquement, et dans des délais brefs, en raison, je le rappelle, d’une résiliation unilatérale et abusive du contrat, sans faute particulière des organisateurs.
Il faut donc, mes chers collègues, condamner les excès d’un côté, c’est une évidence, mais également reconnaître parfois des situations de désorganisation involontaires et fortuites d’un autre côté.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Leroy, rapporteur. Je tiens à préciser que l’article 1er ne crée ni ne transfère aucun pouvoir au maire. C’est faux, ou pour le moins inexact. En réalité, il institue un régime déclaratif, après concertation, et prévoit, à l’article 1er bis, l’établissement d’une charte par les pouvoirs publics. Tout est dans l’article 2.
Lorsqu’un maire constate un délit ou, lorsqu’une manifestation a lieu alors qu’elle n’avait pas été autorisée, le maire a le devoir non seulement d’informer la gendarmerie ou la police qui est territorialement compétente, mais également le sous-préfet les trois quarts du temps. Le maire n’agit pas avec ses propres moyens.
La présente proposition de loi ne crée ni ne transfère aucun pouvoir spécial au maire. L’idée n’est pas de lui donner un pouvoir nouveau sans lui octroyer les moyens de l’exercer, ce serait impossible. Je le répète, son rôle, lorsqu’il a connaissance d’un délit, est d’en informer les autorités compétentes, c’est-à-dire l’État, par l’intermédiaire des services de police et de gendarmerie.
Je ne vois donc pas pourquoi on parle du transfert d’un pouvoir, monsieur le secrétaire d’État, il n’y en a pas, bien au contraire. C’est à la gendarmerie qu’il revient de constater le délit et de prendre les mesures coercitives – gardes à vue, saisies – pour faire appliquer la loi, tout simplement. Ce n’est pas le maire qui agit. Il ne fait qu’informer les autorités de police judiciaire compétentes, y compris dans une commune qui ne compterait que dix habitants. Le maire n’a pas à mettre à exécution le constat d’un délit.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. L’article 1er prévoit l’information préalable des maires avant tout rassemblement, via un nouveau régime de déclaration, pour tous les cas où le préfet n’est pas compétent, notamment lorsque moins de 500 personnes sont attendues et en l’absence de publicité. Quelle que soit la taille du rassemblement, les organisateurs devront désormais présenter les documents permettant d’organiser précisément le rassemblement. De ce point de vue, le texte me semble être une avancée.
J’ajouterai juste à l’adresse de notre collègue Benbassa, avec qui nous avons souvent l’occasion de discuter de ces sujets, que j’ai apprécié sa culture politique, ses références à Woodstock, naturellement,…
Mme Esther Benbassa. Le « naturellement » est de trop !
M. François Bonhomme. … sa justification philosophique sur la catharsis, sa théorie selon laquelle la société aurait besoin de défouloirs qu’il ne faudrait pas trop organiser (Mme Esther Benbassa s’exclame.), mais je m’étonne qu’elle oublie, pour une raison qui m’échappe, les dérapages et les dérives auxquels ces rassemblements donnent parfois lieu. Elle a en outre fait un lien entre cette proposition de loi et le libéralisme. Je suis surpris de son interprétation.
Dans toutes ces manifestations règne précisément l’hyper-individualisme. L’individu y est roi, il ne supporte pas la moindre restriction qui viendrait limiter le droit à la fête qu’il revendique, toute restriction étant forcément qualifiée de liberticide. Ce vitalisme débridé ne supporte pas le moindre obstacle à son expression. Le droit à la fête, dans ce cas-là, est forcément une expression légitime de l’être, qui se répand dans ses droits. (Mme Esther Benbassa proteste.) Toute limite à ce droit serait forcément de nature autoritaire. Je pense qu’il faut resituer un peu les choses. Ces personnes ne supportent pas la moindre contrainte formaliste permettant d’organiser au mieux ces événements plutôt que de les subir.
Vos propos font toujours sourire. Toutes les conditions que nous posons nous valent systématiquement d’être disqualifiés : nous serions rétrogrades, sourds aux musiques actuelles, incapables de comprendre les musiques d’avant-garde. Je suis désolé, mais toutes les fêtes, chère madame Benbassa, ne donnent pas lieu aux dérives qui viennent d’être évoquées.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Durain, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
au moins un mois avant la date prévue
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Les rave-parties sont régies par le code de la sécurité intérieure, dans sa partie législative, ainsi que dans sa partie réglementaire. Ces manifestations sont donc précisément encadrées. D’une part, il existe les dispositions générales qui relèvent de la loi. D’autre part, les formalités pratiques auxquelles doivent se soumettre les organisateurs de rave-parties sont renvoyées au domaine réglementaire.
En prévoyant une nouvelle déclaration auprès du maire pour tous les cas où le préfet n’est pas compétent, l’article 1er crée un nouveau régime déclaratif.
La volonté de donner aux maires la capacité d’anticiper pareille manifestation est légitime. L’esprit de dialogue et d’accompagnement qui a présidé à l’élaboration du cadre législatif en vigueur pour les rave-parties de taille importante serait ainsi appliqué aux rave-parties de moyenne importance.
Afin d’assurer la cohérence de l’ensemble des dispositions relatives aux rave-parties, l’amendement que nous présentons vise simplement à aligner le régime destiné aux « petites » raves sur le régime en vigueur.
En effet, la précision relative au délai d’un mois est de nature réglementaire. Il serait approprié de laisser le décret définir cette durée, au même titre que pour les grands rassemblements.
Je rappelle que lorsque nous avons porté en 2006 de 250 à 500 le nombre de participants à partir duquel une déclaration est rendue obligatoire afin de mieux cibler les gros événements qui préoccupaient alors les pouvoirs publics, cette précision étant de nature réglementaire, un simple décret du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy a suffi. Il n’a nullement été besoin de légiférer.
Je signale au passage que nous aurions également pu demander la suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er, qui impose de mentionner dans la déclaration les nuisances de toutes natures qui peuvent résulter d’une manifestation. Cette prescription figure déjà dans le décret. La déclaration comporte en particulier toutes précisions sur les modalités de stockage, d’enlèvement des déchets divers et de remise en état du lieu utilisé pour le rassemblement.
Cet amendement a un but pragmatique. Il s’agit de faire en sorte que le cadre législatif applicable aux rave-parties conserve une certaine souplesse.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
un mois
par les mots :
deux mois
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le délai d’un mois est trop court. Il faut tout de même laisser à l’administration, une fois que la déclaration a été faite, le temps de réagir, ce qui sera extrêmement difficile, le temps que tout se mette en branle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. D’un côté, on veut supprimer le délai, de l’autre, l’allonger. Si la question est adéquate, elle reçoit des réponses variables dans le code de la sécurité intérieure. En l’état actuel de la proposition de loi, je pense que le bon délai est d’un mois. Quand le texte prospérera, peut-être ce délai sera-t-il modifié.
Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Je rappellerai tout d’abord la position globale du Gouvernement, dont découle son avis sur ces deux amendements.
Pour nous, l’instauration de l’obligation de déclarer les rave-parties dont les organisateurs estiment à moins de 500 le nombre de participants revient à confier au maire la gestion de l’événement dans le cadre de ses seuls pouvoirs de police générale. Or, in fine, et vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, le maire se retourne vers les services de l’État, vers le sous-préfet, et c’est aux gendarmes qu’il revient d’encadrer la rave-party. Ce régime ne nous paraît donc pas satisfaisant de ce point de vue. Par ailleurs, il offre la possibilité aux organisateurs de contourner le régime de police spéciale en déclarant moins de 500 participants quand ils en attendent plus.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous sommes défavorables à l’article 1er. Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié de M. Durain, même si la fixation du délai relève en effet du pouvoir réglementaire. De même, nous sommes défavorables à l’amendement de M. Masson.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut, soit en amont, soit au cours d’un tel rassemblement, en informer le représentant de l’État, afin qu’il puisse prendre les mesures prévues à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, sans mise en demeure préalable. » ;
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Le dispositif Vaillant fixé en 2001 prévoit la responsabilisation des services de l’État uniquement pour les regroupements supérieurs à 500 personnes. Or, en Gironde par exemple, ce sont surtout de plus petits rassemblements qui sont organisés, sous forme de free-parties. Dans ces situations, nous l’avons tous évoqué ici, les maires des communes se sentent livrés à eux-mêmes. À cet égard, j’ai en mémoire les propos du maire de Salles, qui a été confronté à une telle situation.
Lorsqu’ils souhaitent empêcher de tels rassemblements, les maires manquent de moyens et se sentent seuls face à des groupes d’individus bien organisés. Lorsqu’ils souhaitent au contraire les permettre dans des conditions susceptibles de satisfaire les participants, les riverains et les conditions de sécurité, ils ne peuvent là aussi parfois compter que sur eux-mêmes pour mobiliser les forces de l’ordre et la préfecture.
Cet amendement tend donc à mettre en place un régime de responsabilité partagée entre les maires et l’État, les maires ayant la charge de la concertation et de l’information, les services de la préfecture celle de l’intervention, si nécessaire, afin de garantir la sécurité de ces manifestations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Le maire peut déjà informer le préfet, et on peut penser que c’est d’abord de l’appui des forces de l’ordre dont il a besoin.
Surtout, l’amendement fait référence à l’article L. 2215-1 du code général des collectivités locales, qui prévoit que le préfet peut se substituer aux maires défaillants pour assurer la salubrité, la sûreté, la tranquillité publique. Il est difficile d’écrire dans la loi que le maire peut invoquer sa propre carence pour faire intervenir le préfet.
Enfin, le régime de déclaration, tel qu’il est mis en place, ne crée pas de nouvelles responsabilités pour le maire. Il n’y a donc pas lieu de prévoir de responsabilité partagée.
Avis défavorable.