Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Absolument !
M. Alain Richard. … qui a fait beaucoup de progrès et qui compte parmi nos amis ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à remercier le président de la commission, Christian Cambon, d’avoir demandé l’inscription en séance publique de ce débat sur la ratification de la convention d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN. C’est en effet un sujet d’importance, qui ne saurait être expédié sans réflexion.
De quoi s’agit-il ? De sécurité régionale, nous disent les partisans de cette adhésion. Permettez-nous d’en douter.
En vérité, le processus d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN a été engagé en 1995, quand les États-Unis ont décidé de hâter l’entrée dans l’OTAN de tous les pays des Balkans issus de l’éclatement de la Yougoslavie et de la guerre qui a ensanglanté la région.
En vérité, les États-Unis ont alors entrepris ce qu’ils appellent encore aujourd’hui « l’extension de la ligne de front de l’OTAN vers la Russie ». Cette politique concerne les Balkans et tous les pays de l’est de l’Europe jusqu’à l’Ukraine.
En 2003 était signée la charte de l’Adriatique avec les États-Unis, qui poussait les feux de ce projet et constitue jusqu’à aujourd’hui le motif premier de cette adhésion.
C’est ce projet américain qui enregistrera un nouveau progrès si nous ratifions aujourd’hui cette adhésion, dont le ressort principal ne relève donc pas d’un projet partagé de sécurité régionale, mais bien de l’accélération du processus d’élargissement de l’OTAN vers l’est de l’Europe, sous impulsion américaine.
Il y a presque trois ans, notre chambre débattait de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN, intervenue en 2017. Cohérent, notre groupe soulignait déjà dans ce débat les dangers de la militarisation atlantiste de la zone balkanique, qui, loin d’améliorer sa sécurité, en fait, au contraire, une plaque sensible du surarmement comme du commerce, légal et illégal, des armes entre l’Europe et les zones de conflit moyen orientales.
De surcroît, cette adhésion s’accompagnera d’une contrepartie, exigée des pays membres de l’OTAN : l’augmentation des dépenses militaires de la Macédoine du Nord, qui devront atteindre 2 % de son PIB, contre 1,35 % aujourd’hui. Celles du Monténégro ont déjà grimpé de près de 25 % en trois ans, passant de 56 millions d’euros à 71 millions d’euros.
Est-ce de cela que ces pays ont un urgent besoin ? Selon l’Organisation internationale du travail, la pauvreté touche 41 % de la population de Macédoine du Nord. N’y a-t-il pas de priorité plus urgente ?
Le comble est que cette intégration à l’OTAN ne semble en rien être le prélude à une adhésion à l’Union européenne, contrairement à ce que l’on nous dit. Les mêmes qui poussent les pays balkaniques à entrer dans l’organisation militaire atlantique sont les premiers à repousser aux calendes grecques l’intégration économique et politique de ces pays.
Dès lors, ils ne peuvent même pas nous expliquer qu’il s’agit de jeter les bases d’un futur de système de défense européen, puisque la Macédoine du Nord adhérera à l’OTAN, mais sera soigneusement maintenue dans l’antichambre de l’Union européenne, sans espoir d’en sortir à court ou à moyen terme.
Quel est donc le sens de cette adhésion, qui sonnera comme une victoire pour les États-Unis au moment même où ceux-ci et leurs alliés turcs, également très actifs dans la région balkanique, viennent de provoquer une crise majeure de l’OTAN en tournant le dos à leurs alliés européens de la coalition en Syrie et en lançant une offensive condamnée par nous tous contre les Kurdes ?
L’adhésion d’un trentième pays à l’OTAN est dangereusement anachronique. Elle torpille toute velléité d’une réflexion indépendante sur un nouveau système de sécurité collective en Europe. Elle tourne le dos aux autres modèles de coopération nécessaires. Elle affaiblit le rôle de l’ONU au profit d’un système aligné, désuet et dangereusement miné par outrances américaines et par les contradictions entre ses principaux contributeurs.
Nous devrions parler avec la Russie ; c’est d’ailleurs ce qu’affirme désormais le Président de la République, mais l’élargissement de l’OTAN éloigne encore cette perspective.
Cette adhésion fera monter la tension. Comme le rappelle le Président de la République fédérale d’Allemagne : « Celui qui croit augmenter le niveau de la sécurité avec des parades de chars sur le front est de l’alliance se trompe ». Tel est pourtant l’objectif sans cesse énoncé par le secrétaire général de l’alliance atlantique.
Il faut cesser d’urgence la course à la confrontation dans laquelle l’OTAN joue un rôle de premier plan, comme le montre son action de plus en plus contestable dans les récentes crises et conflits internationaux et, tout au contraire, relancer d’urgence l’initiative politique pour une nouvelle conférence paneuropéenne sur la sécurité collective du continent.
L’OTAN a besoin non pas d’un trentième adhérent, mais de la tenue d’un débat parlementaire en urgence, dans lequel nous, parlementaires français, prendrons le temps d’évaluer le sens de la situation et de cette alliance, ainsi que notre rôle au sein de son commandement intégré.
Arrêtons la machine infernale de l’escalade militaire qui s’est remise en route au plan mondial et élaborons d’autres systèmes de sécurité collective du XXIe siècle, avant qu’il ne soit trop tard.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre cette ratification. N’y voyez pas un geste de défiance à l’égard de la Macédoine du Nord : notre vote est un appel à reprendre d’urgence notre destin en main, loin des visées bellicistes dans lesquelles, à défaut, la France et l’Europe risquent de se trouver entraînées toujours plus loin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Macédoine du Nord est née en 1991 de l’ancienne Yougoslavie. Depuis près de vingt ans, ce pays est un partenaire fiable de l’OTAN, qui participe déjà à certaines opérations, dont Resolute Support en Afghanistan.
L’entrée de ce pays au sein de l’OTAN a été entravée en raison d’un différend au sujet du nom « Macédoine », qui l’a opposé durant de nombreuses années à la Grèce. Une solution a été trouvée et la situation est réglée depuis cette année.
Ainsi, la république de Macédoine du Nord est sur le point de devenir le trentième État membre de l’OTAN, une organisation qui a fêté cette année ses soixante-dix ans d’existence et qui continue d’être efficace, comme l’ont montré ses interventions dans les Balkans, en Afghanistan, en Irak et en Libye.
L’OTAN a évolué au cours de son histoire. Conçue dans le contexte de la guerre froide comme un rempart au péril stalinien, elle a perduré après l’effondrement de l’Union soviétique et a été progressivement élargie aux pays d’Europe, à la Turquie et à d’anciennes Républiques du bloc communiste, en 1999 et en 2004.
Ces élargissements, issus de la politique dite « de la porte ouverte », ont donné lieu à des tensions avec la Russie, qui voit ces pays s’éloigner un peu plus de sa sphère d’influence. Pour notre groupe, il ne s’agit pas de faire un choix en opposition avec la Russie, mais bien de répondre à la demande d’un État. La même question se pose à propos de l’élargissement de l’Union européenne, auquel, d’ailleurs, la Macédoine du Nord est candidate.
Ces deux organisations jouent un rôle dans la défense européenne. Pendant longtemps, l’OTAN représentait la promesse d’une protection assurée par les États-Unis. Elle a participé, avec les « dividendes de la paix », évoqués dans les années 1980 par le Premier ministre Laurent Fabius, à la dégradation des capacités de défense des pays européens.
Cela a entraîné une dépendance des pays d’Europe envers l’allié américain sur le plan militaire, avec deux exceptions : la France et le Royaume-Uni, qui ont pris le parti de conserver des capacités militaires effectives, de les entretenir constamment et de les développer.
Depuis le sommet de Saint-Malo en 1998, ces deux pays constituent le cœur de la défense européenne. Nous verrons peut-être le Royaume-Uni quitter l’Union à la fin du mois. Cela ne constitue pas une bonne nouvelle, en particulier pour la défense de l’Europe, qui verrait partir l’un de ses deux piliers.
Avant son départ effectif, le président des États-Unis a critiqué, ces dernières années, la trop faible contribution des États européens au budget de l’OTAN, ainsi que le niveau trop bas de leur budget de défense. Cette critique doit nous interpeller, parce que les États-Unis, comme d’autres, pourraient avoir intérêt à conserver une Europe dans un état de dépendance.
Or le président américain affirme que les États-Unis ne peuvent plus être le gendarme du monde. Il est à craindre que nos alliés américains portent leurs efforts sur d’autres zones – « doctrine Monroe » ou « pivot asiatique » –, au détriment de la protection de nos territoires.
Dans ce contexte, l’OTAN ne peut pas reposer sur la seule initiative américaine. Pour perdurer, cette organisation a besoin de nouveaux membres, comme la Macédoine du Nord. Le désinvestissement des États-Unis met aussi en lumière combien il est crucial que les pays européens soient autonomes.
L’Europe doit pouvoir assurer sa propre défense afin de faire entendre sa voix, dans l’intérêt de ses membres. À l’heure d’une nouvelle mandature et d’une nouvelle composition des organes dirigeants de l’Union européenne, il faut tendre vers plus d’intégration, ainsi, d’ailleurs, que de plus en plus d’États européens le proclament haut et fort.
L’Europe est en crise, notamment idéologique. Elle doit se renouveler pour perdurer. La définition de la politique de défense européenne est incontournable, car elle doit parvenir à une autonomie stratégique. Je veux saluer ici le travail de mes collègues Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret, qui ont produit un rapport éclairant sur la défense européenne et le défi de l’autonomie stratégique.
Le Président de la République a appelé de ses vœux une meilleure intégration. Cette dynamique est enclenchée. Le Fonds européen de la défense finance déjà des projets communs de recherche dans ce domaine, mais il reste beaucoup à faire pour parvenir à cette autonomie.
Le groupe Les Indépendants – République et territoires votera en faveur de l’accession de la Macédoine à l’OTAN. Nous souhaitons cependant que les élargissements ne fassent pas oublier la nécessité, pour l’Europe, d’atteindre l’autonomie stratégique, ainsi qu’une plus grande intégration de ses moyens de défense.
Dans bien des domaines, la coopération européenne entre nos forces militaires doit être intensifiée en termes de recherche, d’investissement, et de coopération humaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la République de Macédoine du Nord.
Depuis 1991, la Grèce a toujours mis son veto à l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN. Athènes s’opposait à ce que cet État, issu de l’éclatement de la République fédérale de Yougoslavie, porte le même nom qu’une de ses régions, la Macédoine.
Ce désaccord sur la dénomination de ce petit pays des Balkans a cristallisé bien des passions, de part et d’autre de la frontière, et a toujours été le principal facteur de blocage de son adhésion à l’OTAN, adhésion qui nécessitait l’accord de l’ensemble des membres de l’organisation, donc de la Grèce.
Comme cela a été souligné par mes collègues, l’accord de Prespa de juin 2018, signé par Athènes et Skopje, a débloqué la situation pour que, enfin, la Macédoine du Nord puisse entamer son processus d’adhésion.
Devenir membre de cette alliance ouvre la voie à l’intégration de ce pays dans la communauté occidentale et constitue un marqueur identitaire fort, mais aussi un symbole de reconnaissance internationale. Cette accession illustre également l’aboutissement de progrès importants réalisés dans le cadre du plan d’action pour l’adhésion.
L’intérêt d’accueillir ce trentième membre au sein de l’OTAN ne saute peut-être pas aux yeux, puisque la Macédoine du Nord reste un pays en proie à de nombreuses difficultés et dont les forces armées demeurent modestes. Cependant, son adhésion permettra de renforcer la stabilité des Balkans occidentaux et d’amoindrir les tensions avec la Bulgarie et l’Albanie.
La Macédoine est la quatrième des six ex-républiques yougoslaves à adhérer à l’OTAN, après la Slovénie, la Croatie et le Monténégro. Cette démarche s’inscrit avant tout dans la politique dite « de la porte ouverte » visant à encourager la « sécurité coopérative », la paix et la démocratie.
Certains y discerneront une éventuelle intention de l’OTAN de réduire l’influence russe dans la région. Il convient à ce sujet de rappeler la prudence de la France, qui a pour préoccupation majeure d’atténuer les malentendus qui pourraient découler des élargissements de l’OTAN, dans le cadre des relations avec la Russie.
Comme l’a rappelé notre rapporteur Joëlle Garriaud-Maylam dans son rapport, notre pays a à cœur de soutenir que toute candidature doit, avant tout, être évaluée en fonction de sa capacité à contribuer à la stabilité de l’alliance, une contribution, monsieur le secrétaire d’État, dont les événements qui se produisent à la frontière syrienne nous rappellent l’impérieuse nécessité.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. C’est une bonne observation !
M. Olivier Cigolotti. Si l’adhésion à l’OTAN est l’objet de nos discussions aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que la candidature de la Macédoine du Nord à l’Union européenne, présentée depuis 2004, reste également au centre des préoccupations. Elle ne va pas sans poser question à la France, qui n’encourage pas l’examen, sans cesse reporté, des recommandations d’ouverture des négociations d’adhésion.
Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées reste également très réservée sur la question de l’élargissement européen, lui préférant une refondation au préalable.
Pour conclure, l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN constitue une avancée significative pour la stabilité politique de la région et s’inscrit dans une dynamique vertueuse d’intégration. C’est pourquoi notre groupe votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN ne va pas de soi. La longueur du processus, engagé depuis 1999, en atteste. De ce point de vue, il faut entendre les arguments que notre collègue Pierre Laurent a développés à l’instant.
L’ambassadeur russe à Skopje a d’ailleurs pu déclarer récemment que la perspective euro-atlantique n’était pas la seule disponible. « Il y a toujours une autre solution », a-t-il ajouté. C’est d’autant plus vrai que la Russie ne cesse de resserrer ses liens avec les peuples slaves, notamment pour éviter que la Serbie et la République serbe de Bosnie n’adhèrent à l’OTAN.
On connaît les méthodes de la Russie : le soft power, comme on dit en bon français, qu’il soit médiatique, culturel ou même religieux – je pense notamment aux liens entre les patriarcats de Moscou et de Belgrade ; la « diplomatie Gazprom » ; et je ne parle même pas du rappel périodique des bombardements de la Serbie, sans mandat des Nations unies, par l’OTAN.
De son côté, en contrepartie, pour continuer de justifier son existence, l’OTAN alimente toujours la peur – fantasmée ou non – de la Russie.
Le parti de gauche en Macédoine, le Levica, s’oppose fortement à l’adhésion à l’OTAN et dénonce la stratégie des États-Unis, qu’il juge dangereuse pour la paix dans le contexte géopolitique actuel, notamment dans la perspective d’une éventuelle future confrontation, avec la Russie ou l’Iran, dont la péninsule des Balkans et la Méditerranée orientale pourraient être le théâtre.
À ses yeux, l’adhésion de la Macédoine à l’OTAN ne serait ainsi qu’une étape dans l’escalade militariste qui se met en route dans la région. (M. Alain Richard fait un signe de dénégation.) Mon cher collègue, je ne fais qu’exposer ce que pense le parti de gauche macédonien ; je ne prétends pas partager cet avis, mais seulement chercher à éclairer l’ensemble du débat.
M. Alain Richard. Certes, mais le gouvernement social-démocrate a pris ses responsabilités !
M. André Vallini. Pour autant, il nous semble que nous pouvons accepter l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN.
Il faut, d’abord, noter que le processus fut long, puisque la Macédoine a adhéré au partenariat pour la paix de l’OTAN dès 1995 et qu’elle participe depuis 1999 au plan d’action pour son adhésion, qu’elle présente, avec raison, comme le gage de son ancrage dans le monde occidental et le symbole d’une reconnaissance internationale à laquelle elle aspire.
Il faut aussi reconnaître que, après l’ère autoritaire et clientéliste du gouvernement de Nikola Gruevski, de 2006 à 2016, le gouvernement du Premier ministre social-démocrate Zoran Zaev – je vois que M. Richard, cette fois, approuve ! (Sourires.) – a apporté sa contribution à la stabilité régionale, avec l’accord de Prespa du 12 juin 2018, qui a mis fin à trois décennies de dispute avec la Grèce sur le nom du pays, ainsi qu’avec le traité d’amitié avec la Bulgarie, après soixante-quinze ans de relations conflictuelles entre Skopje et Sofia.
Toutefois, l’argument le plus important en faveur de l’adhésion tient à la position géographique de la Macédoine du Nord, qui en fait un enjeu stratégique pour la sécurité européenne : alors que la déstabilisation s’aggrave en Syrie et devant le manque de fiabilité – c’est le moins que l’on puisse dire – de la Turquie, pourtant membre de l’OTAN, la consolidation de l’architecture de sécurité des Balkans s’impose.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Très bien !
M. André Vallini. Pour terminer, je ne peux pas ce matin ne pas m’interroger sur le rôle et sur le fonctionnement de l’OTAN, comme vous sans doute, mes chers collègues.
J’ai bien entendu ce qu’a dit Mme le rapporteur Joëlle Garriaud-Maylam à propos de cette institution solide, qui a soixante-dix ans, qui a fait ses preuves et qui est un gage de sécurité pour de nombreux pays. Mais j’ai également entendu les propos qu’elle a tenus en commission, ainsi que ceux du président Christian Cambon et de Jean-Marc Todeschini, à propos de la dernière assemblée parlementaire qui s’est tenue dimanche dernier et des non-réponses du secrétaire général de l’OTAN aux questions posées, notamment, par Christian Cambon.
Au regard de ce qui se passe en Syrie depuis quelques jours, on s’interroge sur le rôle de l’organisation. En effet, dans le nord de la Syrie, la Turquie agit non seulement seule, mais au mépris de tous ses engagements à l’égard de ses alliés. Elle semble n’écouter que ce que lui dit la Russie, à laquelle, de surcroît, elle vient d’acheter des missiles. L’OTAN est décidément bien malade, et nous n’échapperons pas à une réflexion sur son avenir dans les prochains mois et les prochaines années.
Pour autant, le groupe socialiste et républicain votera en faveur du projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’accession de la république de Macédoine du Nord. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Alain Richard et Éric Jeansannetas applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame le rapporteur, mes chers collègues, depuis sa déclaration d’indépendance en 1991, la République de Macédoine du Nord a souhaité intégrer quelques-unes des grandes organisations internationales pour affirmer d’emblée son identité.
Si son entrée à l’ONU a pu se faire dès 1993 sous un nom provisoire, son arrimage à l’OTAN a été compliqué, la Grèce contestant le choix par Skopje du nom de « République de Macédoine ». Les deux pays avaient, en effet, ouvert un contentieux animé par des enjeux identitaires sur fond d’héritage culturel et patrimonial, un désaccord qui a longtemps brouillé les relations entre la Grèce et la Macédoine.
Notre collègue rapporteur, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, l’a rappelé, la recherche d’une solution sur un nom mutuellement acceptable conditionnait l’entrée de la Macédoine du Nord dans l’OTAN, selon le principe affirmé au sommet de Bucarest, en 2008. Je souhaitais souligner que cette posture de prudence, adoptée par les membres de l’organisation, a été la bonne.
Nonobstant l’obstacle du nom, la Macédoine du Nord avait acquis en 1999 le statut de pays candidat à l’alliance atlantique suivi d’un plan d’action pour l’adhésion. La voie était donc ouverte.
En ce qui concerne la Grèce, au regard de ses qualités de membre de l’OTAN depuis 1952 et de l’Union européenne depuis 1981, nous lui devions certains égards. Au sein de l’alliance, la Grèce occupe une position stratégique dans la région Sud, à proximité de l’Europe du Sud-Est, de la Méditerranée orientale, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, une zone dont nous connaissons les enjeux stratégiques pour notre sécurité. Cette situation consacre Athènes comme un acteur important de la stabilité de l’Europe.
Dans ces conditions, oui, il était essentiel de régler le litige gréco-macédonien. C’est chose faite depuis l’accord bilatéral de Prespa, signé le 17 juin 2018 en Albanie. Pour en arriver là, il a fallu beaucoup de volonté de la part des deux chefs de gouvernement concernés, Zoran Zaev, côté macédonien, et Alexis Tsipras, côté grec, face aux droites nationalistes, lesquelles ont été particulièrement actives dans les deux pays pour tenter de saboter l’accord.
Comme l’a rappelé notre collègue rapporteur, au terme des quelques dernières notifications de ratification du protocole d’adhésion signé le 6 février dernier entre l’OTAN et la Macédoine du Nord, cette dernière deviendra le trentième pays membre de l’alliance.
Le RDSE approuvera évidemment le projet de loi de ratification du protocole précité. Je mets de côté la très faible contribution financière de la Macédoine du Nord à l’OTAN : on ne peut guère exiger plus de ce pays, compte tenu de son niveau économique. Malgré cela, son adhésion sera un atout, notamment pour la stabilité des Balkans, une région encore potentiellement fragile, on le sait, du fait de son histoire et de sa diversité ethnique.
Néanmoins, je m’attarderai sur la problématique plus générale de l’élargissement sans fin de l’OTAN. On connaît l’impact sur la Russie de la politique dite de la « porte ouverte » vers l’Est, menée par l’organisation. C’est une préoccupation régulièrement exprimée au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
En effet, depuis la création de l’OTAN en 1949, le nombre des pays membres de l’alliance est passé de douze à vingt-neuf, en sept vagues d’élargissement, les dernières conduisant à intégrer les anciens pays du bloc de l’Est, crispant ainsi les rapports avec Moscou. Lors d’une visite à Belgrade au début de l’année, Vladimir Poutine s’en est pris une nouvelle fois à cette doctrine de l’OTAN, la qualifiant de « vestige de la guerre froide » et de « stratégie militaire et politique mal inspirée et destructrice », qui conduit à « tracer de nouvelles lignes de division sur le continent européen ».
Or, à la fin de la guerre froide, des promesses sur les contours de l’OTAN avaient été faites, qui n’ont pas été tenues. Veillons à ne pas dépasser les bornes, si j’ose dire, pour maintenir le lien russo-occidental. On le sait, la Russie est un acteur incontournable pour la maîtrise des armements conventionnels ou pour résoudre les crises en Syrie, en Iran ou en Ukraine ; l’actualité est là pour nous le rappeler.
Enfin, sans entamer un vaste débat aujourd’hui, la réflexion sur les limites de l’élargissement de l’OTAN pourrait concerner également l’Union européenne, que la Macédoine du Nord demande à intégrer depuis 2004. En juin dernier, la décision relative à l’ouverture des négociations d’adhésion a été reportée. On peut certes arguer que la Macédoine du Nord ne remplit pas à ce jour les conditions pour intégrer le marché commun, mais cela finira par arriver.
Par conséquent, la question est plutôt de savoir si le fonctionnement actuel de l’Union européenne lui permet de s’élargir encore et encore. C’est la position que la France a exprimée mardi dernier au Luxembourg, en rappelant la nécessité de s’interroger sur les bases de l’élargissement avant d’accepter de nouveaux États membres, et qu’elle a confirmée hier en opposant son veto à la Macédoine du Nord, ainsi qu’à l’Albanie. Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que les membres du RDSE vous suivent sur cette ligne.
Mes chers collègues, nous soutiendrons ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Marta de Cidrac. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame le rapporteur, mes chers collègues, après l’entrée de la Slovénie en 2004, de la Croatie et de l’Albanie en 2009, et du Monténégro en 2017, la Macédoine du Nord deviendra, si le Sénat approuve ce projet de loi, le cinquième pays des Balkans occidentaux à rejoindre l’alliance atlantique.
Disons-le d’emblée : le groupe Les Républicains du Sénat votera en faveur de cette adhésion.