M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire que je vous trouve beaucoup plus agréable en tête-à-tête que dans l’hémicycle : alors que nous avions jusqu’alors eu des discussions courtoises et pu exprimer nos différences, vous portez ici des accusations à notre encontre que, comme certains de mes collègues, dont M. Husson, je ne goûte pas.
Je ne goûte pas non plus ce que je lis dans la presse depuis deux jours sur votre prétendue solitude dans la lutte contre le plastique face aux lobbies des gros recycleurs français.
L’hémicycle est un sanctuaire où nous ne représentons que les collectivités territoriales. Nous ne représentons ni Évian, ni Danone, ni Nestlé, ni les gros recycleurs. Nous ne faisons que représenter un système qui fonctionne, même s’il doit être amélioré à la marge. Ce système a été mis en œuvre par les collectivités territoriales avec beaucoup de talent, au prix de nombreux efforts et de lourds investissements. Au reste, n’oubliez pas que ceux-ci ont été possibles grâce à la taxe pour enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, qui pèse aujourd’hui sur le pouvoir d’achat des Français.
Vous dites que, depuis trois mois, depuis que vous leur expliquez que le gaspillage est terminé, les Français ont changé. Tant mieux si les Français changent ! Faisons confiance à leur sens des responsabilités. S’ils veulent lutter contre le gaspillage et contre la prolifération des plastiques, ils prendront une gourde et, s’ils utilisent une bouteille en plastique, ils la déposeront dans la poubelle prévue à cet effet plutôt que dans la rue. Une fois dans cette poubelle, la bouteille sera recyclée par les collectivités territoriales, pour un coût infiniment moins élevé que ce que vous nous proposez.
Peut-être pourrait-on maintenant arrêter de débattre du système actuel. Il fonctionne ! Discuter de ce qui marche n’est pas utile et ne fait pas progresser la réflexion.
Je préférerais que l’on s’emploie à prévoir des garde-fous face à des initiatives privées qui ne sont évidemment pas souhaitables pour nos collectivités. Organisons ces garde-fous, laissons fonctionner ce qui fonctionne et améliorons ce qui fonctionne moins bien.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, la démocratie est en danger. Ce que les citoyens et les citoyennes nous demandent aujourd’hui, à nous, politiques, c’est de leur présenter, face aux problèmes, des positions claires, que nous assumons tous en responsabilité.
Le Sénat a introduit dans le projet de loi des articles, sur lesquels vous avez émis un avis défavorable, prévoyant des mesures fortes et des engagements importants en termes de réduction des volumes de plastique et de calendrier.
Vous évoquez une loi « communiste ». C’est une loi humaniste. D’ailleurs, je salue le chemin fait par nos collègues siégeant de l’autre côté de l’hémicycle pour permettre d’aboutir à des positions communes et à un désir unanime du Sénat de réduire les emballages plastiques.
Madame la secrétaire d’État, vous allez bientôt présenter ce texte devant l’Assemblée nationale. Ce que les citoyens et les citoyennes vous demandent maintenant, pas par voie de sondage, c’est de défendre devant la représentation nationale, l’engagement fort et unanime du Sénat en faveur de la réduction du plastique. Dites-nous maintenant si oui ou non le Gouvernement portera cet engagement ! (MM. Joël Bigot et Joël Labbé applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Le débat est particulièrement sensible et passionné. Nous essayons d’être tous solidaires pour ne pas casser ce qui fonctionne tout de même relativement bien.
Madame la secrétaire d’État, votre amendement sur le dispositif de la consigne suscite beaucoup d’inquiétudes, inquiétudes légitimes sur lesquelles bon nombre de mes collègues se sont exprimés.
Les inquiétudes existent aussi au niveau des entreprises, qu’il s’agisse des grands groupes d’eau minérale ou de boissons ou des petites entreprises à caractère familial qui existent au plan national. Il en existe une dans mon département des Ardennes : les sources Alma, qui emploient 64 personnes. S’y expriment des inquiétudes qui sont elles aussi légitimes.
À l’image de cette entreprise, qui a réduit le poids des bouteilles en plastique, les entreprises font de grands efforts. Il faut les respecter, car il y va de l’activité économique.
Parallèlement, depuis des années, nos collectivités locales – communes, intercommunalités, syndicats notamment – ont mis en place le tri sélectif. Beaucoup d’entre nous, maires de petites communes, se sont engagés dans cette démarche avec une détermination forte et un souci de pédagogie. Au fond, ces systèmes fonctionnent correctement, même si l’on peut toujours les améliorer.
C’est pourquoi je me rallie à l’avis de notre commission du développement durable, qui a beaucoup travaillé sur ces sujets de société particulièrement sensibles. Je crois qu’il faut véritablement, sur ces sujets, avoir une démarche de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur les différents points qui ont été abordés avec brio par mes collègues.
Je veux vous poser une seule question : vous nous dites qu’il faut se battre contre les industriels vendeurs de boissons. À titre personnel, je n’ai rien contre eux : je pense qu’ils sauront s’adapter. Mais comment expliquez-vous que les seuls acteurs qui défendent ouvertement votre projet, si je me réfère au dernier Journal du dimanche ou à La Tribune, sont justement ces industriels ?
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, j’aspire à un débat serein.
Je crois que vous ne mesurez pas vraiment votre chance.
Un texte qui arrive au Sénat et qui en ressort beaucoup plus humaniste – en fait, beaucoup plus écolo –, croyez-en mon expérience, ce n’est pas si fréquent ! (Sourires.)
M. Jean-François Husson. On va changer la couleur des sièges !
M. Ronan Dantec. Aujourd’hui, nous ne vous proposons pas le statu quo, contrairement à ce que quelques interventions un peu ambiguës peuvent avoir laissé croire. Nous vous proposons non pas simplement de garder le système tel qu’il est, mais de définir une stratégie qui permettra au secteur du verre d’augmenter ses parts de marché en France.
Dès lors qu’existera une consigne pour le verre, je peux vous dire que les premiers industriels qui proposeront des bouteilles en verre gagneront sur les autres, parce que cela répond aujourd’hui à la demande des consommateurs. D’ici à quelques années, tout le monde aura oublié notre débat de cet après-midi, la part du verre se sera accrue et l’on aura vu des créations d’emploi local. Tout le monde se dira que c’est grâce à la loi Poirson !
De plus, vous pourrez dire aux industriels qui grognent parce qu’on leur change leurs habitudes que c’est la faute des Républicains et des centristes, ce qui vous protégera ! (Sourires sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Ce n’est pas tous les jours que l’on bénéficie d’une configuration aussi favorable…
Pour ma part, je trouve que nous avons bien avancé. Que l’on ne me fasse pas de procès d’intention au sujet des amendements que j’ai déposés avec Mme Loisier : ils visent le réemploi et la réutilisation, comme nous l’avons explicitement précisé. Nous proposons un système de reconquête. Demain, il y aura moins de plastique dans la nature, tout simplement parce que les produits que l’on y jette aujourd’hui seront en verre.
Pour toutes ces raisons, ce n’est pas la peine que l’on se crispe à ce stade. Nous avons posé le cadre : cette loi est très écolo et elle portera votre nom ! (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour explication de vote.
M. Éric Gold. Je veux revenir sur la crainte qu’inspire l’amendement du Gouvernement, qui a pour l’instant comme seule vertu de mettre sur un pied d’égalité la consigne pour réemploi ou réutilisation et la consigne pour recyclage en termes de contraintes, ce que le texte de la commission ne permet pas.
Pourquoi en est-on arrivé aujourd’hui à ce blocage sur la consigne, censée être la mesure phare du projet de loi ? L’article 8 tel qu’il était rédigé n’apportait aucune information quant aux modalités de mise en place de la consigne : de quel recyclage s’agissait-il ? Quid du réemploi ? Quelles étaient les filières concernées ? Quels étaient les résultats attendus ? Quelle était la conception sous-jacente du traitement des déchets ?
Par la rédaction de l’article, le Gouvernement a réussi à raviver la méfiance de toutes les parties prenantes, y compris de celles qui y étaient plutôt favorables.
Comme je l’ai évoqué de lors de la présentation de notre amendement, nous ne disposons pas d’éléments objectifs indépendants pour nous prononcer sur le bien-fondé de la consigne pour recyclage.
Pour revenir à l’amendement du Gouvernement, l’échelle régionale qui est proposée n’est pas satisfaisante pour assurer un maillage fin du territoire en dispositifs de consigne et permettre au consommateur de récupérer la consigne. Le consommateur qui ne peut accéder à des points de déconsignation paiera pour tous les autres. L’avis simple de la région sur le schéma d’implantation des dispositifs de déconsignation n’apporte aucune garantie satisfaisante.
Ensuite, la possibilité pour les collectivités territoriales de récupérer les bouteilles, par le biais de machines similaires à celles des producteurs, est peu compréhensible. La rétribution qui leur sera versée couvrira-t-elle les frais d’investissements nécessaires ?
Enfin, qu’en est-il des consignes instaurées à une échelle moins large que la région ?
Toutes ces questions nous permettent de dire que les conditions ne sont pas réunies pour mettre en place des garde-fous. Or il faut des garde-fous pour assurer la protection du consommateur, pour mailler le territoire plus finement, pour associer les collectivités territoriales à la gouvernance du dispositif, pour favoriser le réemploi et, enfin, pour responsabiliser les producteurs quant aux déchets qu’ils produisent. Autant de difficultés que le groupe du RDSE voulait mettre en évidence.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.
M. Frédéric Marchand. « La conviction est la volonté humaine arrivée à sa plus grande puissance », disait Honoré de Balzac.
Je crois et je mesure depuis mardi que nous partageons, sur toutes les travées de cet hémicycle, avec quelques nuances bien évidemment, la conviction forte qu’il faut modifier nos modes de consommation pour aller vers une société écologiquement plus vertueuse. Nous avons vu, à l’occasion de l’examen d’amendements déposés par tous les groupes politiques, que nous tendions vers cette volonté.
Se posent donc invariablement la question du plastique et celle de la consigne, qui s’est invitée dans notre débat « à l’insu de notre plein gré », comme dirait un célèbre coureur cycliste.
Notre commission a revu le texte en se consacrant sur la consigne pour réemploi et réutilisation, sujets aujourd’hui prioritaires dans l’opinion. Il suffit de se promener dans nos communes et d’échanger avec nos concitoyens pour comprendre qu’ils sont encore nombreux à rester sur la photographie de la fameuse bouteille en verre que l’on va rapporter pour qu’elle soit réutilisée.
Pour autant, il ne faut pas se voiler la face. Il serait complètement irresponsable d’écarter d’un revers de main la question du recyclage du PET, le polyéthylène téréphtalate. Comme je le soulignais lors de la discussion générale, le sujet mérite qu’on s’y arrête de manière sereine, en intégrant tous les paramètres de notre système de collecte à la française, unique en son genre, et notamment la place des collectivités – je le dis, je le répète et je crois qu’il faut le marteler dans le dispositif.
Les collectivités ont fait, depuis des années, des efforts inouïs en matière de collecte. L’extension des collectes de tri doit se poursuivre en lien avec nos concitoyens, qui en ont assez de ce plastique. Nous pouvons faire confiance aux collectivités pour développer toutes les bonnes initiatives.
En témoignent nos débats, c’est toute la question de la place du plastique dans notre vie quotidienne qui est posée. Il me semble essentiel, à ce moment de la discussion sur l’amendement n° 551, de ne pas confondre vitesse, précipitation et confusion.
Il me paraît nécessaire de continuer de travailler en réaffirmant cette injonction que nous avons tous rappelée : on ne peut répéter à l’envi qu’il faut moins de plastique et mettre en place un dispositif qui ne ferait, au final, qu’encourager – l’exemple allemand est là pour nous le rappeler – la consommation de plastique.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous invite vraiment, madame la secrétaire d’État, à rester dans la posture de dialogue qui a été la vôtre, comme le soulignait Sophie Primas voilà quelques instants.
Déconsidérer ainsi à la fois le travail du Sénat et celui des élus et des collectivités locales n’est pas la solution aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Comme cela a été dit, les collectivités locales et les élus réalisent, depuis des années, des efforts importants.
Nous sommes aujourd’hui à l’aube de dispositifs d’élargissement des consignes de tri. Déjà, les premiers mois sont très prometteurs. Ils montrent une explosion des capacités de collecte des collectivités.
Il ne faut pas discréditer le système mis en place. Les collectivités se plaignent de n’avoir pas eu la possibilité de démontrer qu’elles pouvaient atteindre les objectifs retenus en matière de collecte des emballages. Elles ne peuvent entendre que la seule et unique solution viable soit celle de la consigne pour recyclage défendue par les industriels, qui veulent essentiellement capter le gisement et faire payer le dispositif par le consommateur. Ce n’est pas acceptable.
Je vous invite, madame la secrétaire d’État, à soutenir les collectivités, à les aider à développer le hors foyer et à aider aussi les industriels à développer l’obligation de tri cinq flux et non à signer des dérogations les autorisant à reporter la mise en place de ces dispositifs d’ici à quelques années. Au contraire, il faut les obliger à les mettre en place dès 2020. C’est ainsi que nous atteindrons ensemble, collectivités et industriels, les objectifs que nous nous sommes fixés.
Mme Michèle Vullien. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je ne reviendrai pas sur le fond du sujet. Je partage ce qui a été dit de l’amendement du Gouvernement : à mon sens, son économie n’est pas bonne.
En revanche, je voudrais évoquer sa portée – j’allais presque dire sa portée géographique. Le troisième paragraphe de son II dispose que « lorsqu’un dispositif de consigne à une échelle plus large qu’une région est mis en place », le schéma d’implantations est soumis pour avis aux conseils régionaux.
Les conseils régionaux de la Réunion ou de la Guadeloupe seraient donc concernés. Mais j’ai un doute, car il semble s’agir ici de l’Hexagone et de la Corse. Peut-on préciser les choses et dire qu’il faudrait également une consultation pour l’échelle infrarégionale ? Qu’y a-t-il de plus large que la région Guadeloupe ou Réunion ou même que la collectivité territoriale de Martinique ou de Guyane ?
Ils ne seraient pas consultés, alors qu’ils ont élaboré des schémas et notamment des plans de prévention et de gestion des déchets ? Au-delà de la position que nous aurons sur cet amendement, avec les manquements et les déficits qui sont les siens, pourra-t-on modifier cette rédaction ?
J’imagine en effet qu’il sera repris à l’Assemblée nationale, raison pour laquelle j’aimerais que le Gouvernement précise les choses en allant au-delà de ce qui est prévu dans d’autres parties du texte de l’article 8 en faveur des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution.
Pour conclure, je suis presque un jeune sénateur…
M. Roger Karoutchi. Très jeune !
M. Victorin Lurel. Je voudrais vous dire, madame la secrétaire d’État, que l’univers parlementaire est courtois, mais souvent très rude. Vous en faites l’apprentissage, mais je ne voudrais pas, comme nous tous ici, que vous en sortiez meurtrie. Je suis sûr que vous viendrez tout à l’heure à résipiscence et que vous comprendrez l’intelligence en action au Sénat. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit. Je partage quasiment l’ensemble des propos qui ont été tenus.
Nous partageons une priorité commune, que vous avez soulignée, madame la secrétaire d’État : sortir du plastique. Nous proposerons des amendements visant à réaliser cet objectif dès 2040, ce qui correspond également à la volonté de sortir des hydrocarbures la même année. J’imagine donc que vous les soutiendrez.
Je tiens également à rappeler que, si vous avez parlé du recyclage à 100 % du plastique en 2025, c’est nous qui l’avons inscrit dans ce texte. (Mme la secrétaire d’État applaudit ostensiblement en direction de l’orateur.) C’est la réalité, madame la secrétaire d’État !
Depuis le début de ce débat, je pense que nous nous heurtons à un vrai problème de définition. La consigne consiste à mettre en dépôt et donc à réutiliser. Il faut arrêter de parler de consigne quand il s’agit de recyclage. À ne pas utiliser les bons mots, nous allons induire nos concitoyens en erreur. Pour eux, la consigne, ce n’est pas ça. Nous disposons aujourd’hui d’un système qui fonctionne dans l’ensemble de nos collectivités.
Ce que je crains, c’est la marchandisation de l’acte de tri. Aujourd’hui, trier ses déchets est un acte citoyen. Cette marchandisation n’est pas souhaitable, je lui préfère l’appel à la citoyenneté.
Tous les propos qui ont été tenus, tous les amendements qui seront présentés visent à encadrer. À l’heure actuelle, rien n’empêche de grands groupes de commencer à faire ce tri. C’est la raison pour laquelle il faut un encadrement, vous avez raison, mais les dispositions de votre amendement ne sont pas satisfaisantes. Elles ne précisent d’ailleurs pas qu’il s’agit de recyclage.
Nous avions discuté de cette question en commission, lors de l’examen de l’amendement de Mme Loisier. Je me demande encore ce que va devenir la manne des 17 milliards de bouteilles collectées à 15 centimes d’euros… Les 10 % à 20 % qui ne seront pas réutilisés seront-ils dirigés vers les collectivités ? Une vraie question financière vient donc s’ajouter à toutes celles que nous nous posons déjà.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. J’ai bien entendu l’avis de notre rapporteure. Je vais retirer, à sa demande, l’amendement n° 644 rectifié bis.
Je me réjouis de l’avis favorable qu’a reçu l’amendement n° 651 rectifié ter relatif à l’étude d’impact. Il est essentiel de pouvoir disposer de données économiques. On ne peut travailler au doigt mouillé, madame la secrétaire d’État. Derrière, il y a des entreprises, une organisation et des emplois.
M. le président. L’amendement n° 644 rectifié bis est retiré.
Monsieur Laménie, l’amendement n° 432 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Non, je le retire, monsieur le président.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je ne souhaite nullement vous convaincre, mais seulement apporter quelques précisions.
Non, la consigne n’est pas la mesure phare de ce projet de loi…
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. C’est pourtant ce que vous avez dit !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La preuve en est que nous avons construit ensemble, hier soir, la mesure phare de ce texte avec l’interdiction d’élimination des produits invendus. Voilà la vraie mesure phare, le signe que nous changeons de type d’économie.
Viendront ensuite les nouvelles filières pollueur-payeur que nous allons créer ensemble. Au final, la création de ces filières REP – responsabilité élargie des producteurs – représente un transfert de 500 millions d’euros des industriels vers les collectivités locales.
Par ailleurs, le Gouvernement a sciemment choisi de ne pas préciser le terme « consigne ». Je le répète, je pense que nous aurions dû construire ensemble des garde-fous, des limites au pouvoir des industriels. Non seulement ensemble, mais avec vous comme chefs de file, car vous connaissez mieux que quiconque les collectivités locales.
J’ai émis un avis favorable sur certains de vos amendements qui me semblaient constituer des garde-fous très utiles. Il faudrait aller plus loin pour contenir le secteur privé.
Si nous nous concentrons sur les bouteilles en plastique et les canettes, c’est parce que les industriels sont dos au mur. Ils subissent la pression de la Commission européenne qui leur impose 75 % de bouteilles collectées ou recyclées d’ici à 2025. Ils n’ont pas le choix. Et c’est la raison pour laquelle je crains qu’ils n’installent des machines à déconsignation sur les parkings loin des cœurs de ville pour siphonner le bac jaune des collectivités locales, alors que nous avons les moyens de les en empêcher.
Il s’agit de protéger le service public de gestion des déchets qui est, comme vous l’avez tous souligné, excellent. D’autres pays européens s’en sont d’ailleurs inspirés – je pense notamment aux filières REP. Quand il a été créé, notre système n’a pas été pensé pour fonctionner au maximum du niveau de performance. Dans les années 1970, notre pays croulait sous les décharges et les objets en plastique à usage unique. La France a été pionnière en 1975, en 1992, dans la création de filières de responsabilité élargie du producteur, mais jamais pour atteindre, par exemple, les taux de collecte de bouteilles de 90 % qui nous sont aujourd’hui imposés.
Il ne s’agit pas de l’objectif du Gouvernement, mais de celui de l’Union européenne que l’on doit transcrire en droit français. C’est la réalité et cela exige certains changements.
Tous les trente ans, il faut franchir une grande marche. Je me disais naïvement – c’est peut-être ce qui me caractérise… – que nous aurions pu le faire ensemble. Nous avons passé les premières étapes en instaurant des garde-fous. Les propositions du Gouvernement me paraissaient tout à fait utiles.
En ce qui concerne le recyclage, je suis d’accord avec vous : nous devons impérativement aller vers la réutilisation et le réemploi. C’est l’objectif même du projet de loi. Je suis intimement persuadée que nous allons vers une société sans emballages jetables. Leur existence est une aberration à laquelle nous nous sommes habitués, mais que ne comprennent pas les nouvelles générations. On parle de bouteilles et de canettes, mais les entreprises vont toutes développer des systèmes de consigne pour leurs emballages qu’elles iront ensuite collecter. C’est ce que l’on appelle la « collecte diffuse ».
Soit le service public de gestion des déchets reste à la marge et regarde les industriels organiser ce type de système – et nous n’avons pas les moyens constitutionnels de les en empêcher –, soit nous faisons en sorte, dès aujourd’hui, de placer les collectivités au cœur du dispositif en les rendant indispensables. Tel est notre objectif. Mais plus je le dis et le répète, plus certains s’y opposent…
La réutilisation et le recyclage, c’est essentiel. Le recyclage est une phase de transition que j’espère la plus courte possible. Si je reprends vos chiffres, en particulier ceux du rapport Stefanini, dont nous n’avons jamais eu copie et dont les conclusions diffèrent de celles du rapport de Jacques Vernier…
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Il est consultable en ligne !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Il l’est depuis plusieurs semaines…
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ai personnellement envoyé à chacun d’entre vous une copie du rapport Vernier…
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Après la presse !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. C’est faux, mais je m’habitue à certains enfantillages…
Je voudrais simplement rappeler une évidence : selon ce rapport, 98 % des bouteilles en plastique sont collectées. Les 2 % restants représentent donc 200 millions de bouteilles qui finissent dans la nature.
M. Claude Kern. Vous oubliez le hors foyer !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Une partie du hors foyer finit dans la poubelle grise, c’est-à-dire dans l’incinérateur. Le recyclage, c’est mieux. Il faudrait développer partout la tarification incitative, mais je n’en ai pas le pouvoir.
En ce qui concerne la hausse de la consommation de plastique en Allemagne lors de la mise en place de la consigne, il ne faut pas confondre corrélation et causalité. On constate une même hausse un peu partout en Europe. Elle est due à un changement de mode de consommation vers davantage de plastique. Sans la consigne, cette hausse aurait été beaucoup plus élevée.
Enfin, je suis surprise de la place que vous faites au rapport Stefanini, selon lequel les collectivités locales auront à supporter un coût de plusieurs millions d’euros. Ce rapport aurait plus de valeur que la loi de 2001, que celle de 2009 ou que la nécessité de transposer les règles européennes. Vous êtes pourtant les mieux placés pour défendre la loi, que je sache. Je suis assez surprise…
Je voulais rappeler ces quelques vérités. Je sais aussi que plus je défends quelque chose, moins vous le soutenez, je vais donc me taire et vous céder la parole.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 551.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 7 |
Contre | 300 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur toutes les travées, à l’exception de celles du groupe La République En Marche.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 282 rectifié et 501 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)