M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous couvert de simplification législative afin de favoriser les énergies renouvelables et de mettre fin à un risque de conflit d’intérêts, cet article réduit en fait les prérogatives de l’autorité environnementale en étendant la procédure du cas par cas.
En effet, nous assistons depuis les ordonnances de 2016, ratifiées ici en 2017, à un recul du champ d’application de l’évaluation environnementale automatique au profit d’un examen au cas par cas, ce qui constitue à notre sens une sérieuse régression du droit de l’environnement.
Cet article tend à remédier au problème du rôle que jouent les préfets et leurs services lors des examens au cas par cas, où ils seraient à la fois juges et parties, rôle contesté par la jurisprudence.
La solution proposée pour résoudre ce problème est néanmoins insuffisante, car l’autorité chargée de déterminer au cas par cas si un projet doit ou non faire l’objet d’une évaluation environnementale, définie par décret, risque de fait de cibler les services instructeurs des préfets, dont l’autonomie fonctionnelle n’est pas avérée.
Alors que l’on considère parfois que les évaluations de l’autorité environnementale ralentissent la réalisation de projets, voire qu’elles leur font obstacle, cet article pose forcément question. En confiant aux services des préfets la décision de l’examen au cas par cas, les prérogatives de l’autorité environnementale sont de fait réduites, ce qui ouvre la voie à une multiplication des situations de conflits d’intérêts. Au final, c’est bien le préfet lui-même qui donnera un avis sur l’évaluation environnementale. La question se pose également de savoir si ses services ont les compétences effectives pour déterminer si une évaluation est nécessaire ou non.
Vitesse ne peut donc rimer avec précipitation et méconnaissance des principes du droit.
La réponse apportée à cette situation problématique est donc très largement insuffisante, mais également dangereuse pour l’environnement. Rappelons tout de même que toute activité humaine a une incidence sur l’environnement, et que, par voie de conséquence, tout projet devrait faire l’objet d’une évaluation de l’autorité environnementale.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour l’heure, l’autorité environnementale, définie par voie de décret, a pour mission d’évaluer les incidences sur l’environnement de divers projets. Son rôle est primordial puisqu’elle se donne pour objectif de faire de la prévention écologique à l’échelle départementale.
Pourtant, ses prérogatives avaient déjà été réduites par la loi ÉLAN, car il lui était reproché d’être un frein au développement de nombreux projets locaux.
Ainsi, et progressivement, c’est le préfet qui a eu la charge de délivrer au cas par cas des autorisations de développement, lesquelles auraient à l’origine nécessité l’aval de l’autorité environnementale.
Une telle évolution pourrait se révéler dangereuse, car elle déposséderait ladite autorité de ses fonctions au profit du préfet. Or en quoi le préfet est-il compétent pour évaluer l’impact des projets de développement sur la biodiversité ? L’autorité environnementale était, elle, habilitée en la matière, car elle était en mesure d’effectuer une évaluation scientifique. Désormais, elle ne sera plus qu’un « service instructeur » pour les préfets. Somme toute, ces derniers seront souverains dans leurs décisions, tandis que l’autorité, qui dispose d’une véritable expertise, jouera au mieux un rôle de conseiller. Au pire, elle ne sera qu’une simple chambre d’enregistrement soumise à la toute-puissance de l’administration.
Alors que l’exécutif se donnait pour mission de rétablir une répartition rationnelle des compétences entre le préfet et l’autorité environnementale, il réduit le rôle de cette dernière. Une telle solution, si elle était adoptée, mettrait probablement fin aux mesures de préservation de la biodiversité à l’échelon local. C’est l’écologie du quotidien qui s’en trouverait entravée.
Alors que la transition énergétique devrait gagner en vigueur, certains signaux envoyés par le Gouvernement sont particulièrement décourageants.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 140 est présenté par Mme Préville, MM. Courteau, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 282 est présenté par MM. Gontard et Gay, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 140.
Mme Angèle Préville. L’évaluation environnementale est un processus clé, incluant un ensemble d’actions : l’élaboration d’une étude d’impact, la consultation de certains acteurs concernés, ainsi que l’examen, par l’autorité compétente pour autoriser le projet, de l’ensemble des informations présentées dans l’étude d’impact, reçues du maître d’ouvrage et collectées lors des consultations effectuées. L’évaluation environnementale permet de décrire et d’apprécier les incidences sur la population et sur la santé humaine, sur la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage.
Nous avons construit ce processus au fil du temps et mis en place des mécanismes de protection de la nature au fur et à mesure de l’éveil de nos préoccupations, dans le souci de protéger notre bien commun, la nature elle-même, pour ne pas dire nous-mêmes.
Certains projets sont systématiquement soumis à évaluation environnementale, d’autres jamais. Certains, enfin, y sont soumis au cas par cas.
Pour ces derniers, dont la liste est fixée par décret, la directive européenne Projets a fixé des critères permettant de déterminer si les conséquences environnementales présumées du projet justifient une évaluation environnementale. Déterminer si elle est nécessaire est donc une compétence majeure, lourde de conséquences potentielles.
Par ailleurs, cet article s’applique non seulement aux énergies renouvelables, mais également à des installations d’élevage, à la construction de certains aérodromes, à des barrages, des défrichements ou des rejets en mer.
Il revient déjà au préfet d’autoriser ou non un projet in fine, en tenant compte des aspects économiques et sociaux. En lui confiant également la tâche de déterminer si une évaluation environnementale est nécessaire ou non, on lui demande d’assumer plusieurs rôles tout en maintenant une apparence d’impartialité dans chacun de ses rôles.
De plus, cette disposition multiplie les autorités à consulter : une pour le cas par cas, une pour apprécier la qualité de l’évaluation environnementale et, dans certains cas, une troisième en cas de modification d’un projet existant, voire une quatrième lorsque le projet nécessite l’évolution d’un plan.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 282.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a été excellemment défendu par mes collègues Esther Benbassa et Angèle Préville.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?
Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ces deux amendements de suppression me donnent l’occasion de revenir sur la réforme de l’autorité environnementale prévue par le Gouvernement à l’article 4 et sur ce que nous avons fait en commission.
Actuellement, les projets de travaux et d’ouvrages susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale pouvant être, en fonction de seuils, soit systématique, soit effectuée au cas par cas, sur décision de l’autorité environnementale, comme cela vient d’être expliqué.
Jusqu’à présent, cette autorité environnementale pouvait être, en fonction des projets, le ministre chargé de l’environnement, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, les missions régionales de l’autorité environnementale, les MRAE, ou le préfet de région. Toutefois, dans une décision du 6 décembre 2017, le Conseil d’État a annulé les dispositions permettant aux préfets d’être à la fois l’autorité chargée de donner un avis sur l’évaluation environnementale d’un projet et l’autorité compétente pour autoriser ce projet, considérant qu’elles plaçaient les préfets en situation de conflit d’intérêts.
L’article 4 du projet de loi prévoit par conséquent de séparer la fonction d’autorité chargée de l’examen au cas par cas des projets, qui pourrait être laissée au préfet, de celle d’autorité chargée d’émettre un avis sur l’évaluation environnementale des projets, qui serait confiée aux MRAE, lesquelles bénéficient d’une autonomie par rapport au préfet. Toutefois, cette solution continue de poser problème, puisqu’elle permet à un préfet d’être à la fois celui qui décide si un projet doit faire ou non l’objet d’une évaluation environnementale et celui qui est compétent pour autoriser ce projet. Je le sais, c’est extrêmement complexe…
En conséquence, de nombreux recours seront probablement engagés contre les décisions des préfets, au motif qu’ils seront en situation de conflit d’intérêts. Loin de sécuriser les porteurs de projet, la solution retenue par le Gouvernement pourrait donc aboutir à une multiplication des recours.
C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que l’autorité chargée du cas par cas devra bénéficier d’une autonomie fonctionnelle par rapport à l’autorité compétente pour autoriser le projet. Au demeurant, c’est mot pour mot ce qu’a indiqué le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. Il reviendra donc au Gouvernement de prévoir des mécanismes de déport des préfets, qui ont d’ailleurs été évoqués lors des auditions, afin d’éviter les situations de conflit d’intérêts.
Supprimer l’article 4 reviendrait à devoir confier l’examen au cas par cas des projets aux MRAE, or celles-ci ne sont pas dimensionnées pour traiter un tel volume de dossiers supplémentaires, ce qui risquerait d’allonger les procédures pour les porteurs de projets.
Considérant qu’il convient de s’en tenir à la rédaction de la commission, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mme la rapporteure a parfaitement décrit le dispositif proposé dans le projet de loi. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je rappelle que le Conseil d’État a validé la rédaction du projet de loi sans la notion d’autorité fonctionnelle. Le Gouvernement ne souhaite donc pas qu’elle soit réintroduite dans le texte.
Pour éviter les situations de conflit d’intérêts, lorsque l’État sera maître d’ouvrage, le préfet ne pourra pas être l’autorité définissant le cas par cas. Ce rôle reviendra alors à l’autorité environnementale nationale. D’autres cas spécifiques pourront être traités dans ce cadre, en fonction des situations individuelles des préfets.
Comme Mme la rapporteure pour avis, j’émets un avis défavorable sur ces amendements. Ce qui permet le mieux de réduire l’impact des projets sur la biodiversité, c’est la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser », qui, je le rappelle, a été renforcée dans la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 140 et 282.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par MM. Dantec, Gold, Labbé, Artano, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 4, 6 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le code de l’environnement prévoit que les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement sont soumis à évaluation environnementale, conformément à la directive européenne.
Le système retenu par la France prévoit soit une évaluation systématique en vertu de seuils fixés par voie réglementaire, soit au cas par cas, après examen par l’autorité environnementale. Le maître d’ouvrage s’adresse à elle pour décider si le projet doit y être soumis. Celle-ci est désignée par décret. Actuellement, il peut s’agir du ministre chargé de l’environnement, d’une formation du CGEDD, des missions régionales de l’autorité environnementale ou du préfet de région.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a soulevé une incompatibilité du droit actuel avec le droit européen.
Jusque-là, nous sommes tous d’accord. C’est ensuite que les choses se gâtent !
Dès lors que l’autorité environnementale sera supprimée comme lieu clé, comment fonctionnerons-nous, notamment avec les MRAE, qui devront évaluer de nombreux projets ? La réforme complique les choses, le rôle de l’autorité environnementale ne me paraissant pas si clair.
Mme la ministre a raison de dire que la séquence « éviter, réduire, compenser » a été renforcée dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Je pense d’ailleurs modestement avoir été un artisan de ce renforcement. Ce qu’il nous faudrait aujourd’hui, c’est une grande autorité environnementale indépendante. Ce serait logique.
Pour avoir connu un certain nombre de dossiers ayant abouti à une évaluation environnementale défavorable, je pense qu’il faudrait renforcer l’autorité environnementale et la rendre indépendante des autres pouvoirs administratifs. Or ce n’est pas du tout ce qui est prévu. C’est vrai qu’il s’agit d’un sujet très technique, nous en sommes d’accord. Nous verrons comment le système fonctionnera, mais force est de reconnaître qu’il suscite de nombreuses inquiétudes, notamment à l’échelon régional, cela a été dit par Mme la rapporteure.
L’amendement que nous vous proposons est assez simple. Il vise à ne conserver que l’alinéa prévoyant que l’autorité chargée de l’examen au cas par cas doit disposer d’une autonomie fonctionnelle par rapport à l’autorité compétente. Il faut répondre à l’inquiétude à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?
Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis. Nous en revenons au principe que nous avons évoqué précédemment.
Si les alinéas 3, 4, 6 et 8 étaient supprimés, comme vous le souhaitez, monsieur Dantec, il ne serait plus possible de confier l’examen au cas par cas à une autorité autre que l’autorité environnementale. Je l’ai déjà dit, cela reviendrait à confier cette mission aux MRAE, ce qui est impossible, car il n’est pas envisageable de les surcharger, en tout cas aujourd’hui.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Dantec, Gold, Labbé, Artano, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…) Après le même II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Lorsqu’un projet, en deçà des seuils fixés, est toutefois susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine, l’autorité compétente transmet les informations relatives au projet dont elle dispose à l’autorité environnementale qui examine sans délai la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
« La saisine de l’autorité environnementale est également ouverte au maître d’ouvrage qui peut transmettre à l’autorité environnementale une demande d’examen au cas par cas.
« Lorsque le maître d’ouvrage n’est pas à l’origine de la demande, l’autorité compétente l’informe sans délai.
« L’absence de réponse de l’autorité environnementale au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut dispense de réaliser une étude d’impact.
« Les modalités d’application du présent paragraphe sont fixées par voie réglementaire. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le Conseil d’État a considéré dans une décision du 8 décembre 2017 qu’une réglementation qui exempte d’évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à obligation environnementale au cas par cas n’est pas conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement s’il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.
Nombre d’associations qui connaissent très bien ces sujets craignent que le système actuel n’aboutisse à ce que des projets ayant une incidence notable sur l’environnement ne fassent plus l’objet d’une évaluation. Cela ne serait pas compatible avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle tous les projets ayant une telle incidence, y compris lorsqu’ils sont de dimension réduite, doivent être soumis à évaluation environnementale.
Par cet amendement, nous souhaitons permettre à l’autorité compétente chargée de l’instruction du dossier de saisir l’autorité environnementale lorsqu’un projet se situant en deçà des seuils est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou sur la santé humaine. La saisine serait ouverte au maître d’ouvrage. La sécurité juridique des projets serait renforcée, puisque l’absence de réponse de l’autorité environnementale vaudrait dispense de réaliser l’étude d’impact. Nous reprenons ainsi une recommandation du groupe de travail présidé par Jacques Vernier, qui préconisait une « clause de rattrapage ».
Encore une fois, l’article 4 du projet de loi, combiné à cette lacune, constitue une régression du droit de l’environnement. Cette situation ne peut que réduire l’acceptabilité des projets. Le fait que l’autorité environnementale ne sera pas saisie des petits projets augmentera le nombre de contentieux qui, tant qu’ils n’auront pas été jugés, permettront aux associations sur le terrain, j’en fais le pari, de bloquer les projets, au motif qu’ils ne sont pas juridiquement acceptables. Les projets s’en trouveront ralentis.
La proposition du groupe de travail présidé par Jacques Vernier, qui doit créer plus de fluidité, nous semble être de bon sens et assez consensuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?
Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à créer une clause de rattrapage – on a parlé aussi de « clause filet » – pour permettre à l’autorité compétente pour autoriser des projets de saisir l’autorité environnementale afin d’examiner s’il est nécessaire de soumettre ces projets à évaluation environnementale, même s’ils sont en deçà des seuils fixés par décret.
Le droit actuel fixe des seuils pour déterminer les projets devant faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou au cas par cas. La possibilité de définir de tels seuils est expressément prévue par la directive de l’Union européenne concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
Je rappelle que notre droit national est conforme au droit européen sans qu’il soit besoin de procéder aux ajouts que prévoit cet amendement. Nous le disons suffisamment dans cet hémicycle, il n’est nul besoin de surtransposer les directives européennes.
Je rappelle également que des discussions ont déjà eu lieu sur cette question à l’occasion de l’examen du projet de loi ratifiant les ordonnances du 3 août 2016 relatives à l’évaluation environnementale des projets. Nous avions alors décidé de ne pas instaurer une telle clause de rattrapage, considérant qu’elle pourrait avoir des impacts lourds pour certains petits projets, notamment agricoles, comme certains d’entre vous l’ont dit aujourd’hui.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends que l’intention est d’accroître la sécurité juridique. Or je pense que, si cet amendement était adopté, nous créerions au contraire de l’insécurité juridique. Il faut en effet avoir en tête que, potentiellement, tout permis de construire pourrait être concerné et faire l’objet d’une procédure de rattrapage ou de la « clause balai » que vous mentionnez.
Le choix que la France a fait, qui est prévu par la directive, est de proposer des seuils d’examen au cas par cas. Cela offre une clarté aux porteurs de projets, sur laquelle je pense qu’il n’est pas souhaitable de revenir.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous n’allons pas avoir un long débat aujourd’hui sur cette question, mais tel n’est pas le sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. À mon avis, c’est plutôt l’inverse. Nous verrons au cours des prochains mois ou des prochaines années ce qu’il en sera.
Pour ma part, je pense que la « clause filet » sécuriserait le processus et permettrait d’éviter des contestations systématiques, mais nous ne nous mettrons pas d’accord sur ce point ce soir.
M. le président. L’amendement n° 241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer les mots :
, ou ne disposent pas d’une autonomie fonctionnelle par rapport à l’autorité compétente pour autoriser le projet
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l’article 4 permettant de séparer la fonction d’autorité chargée de l’examen au cas par cas de celle d’autorité environnementale chargée d’émettre un avis sur l’évaluation environnementale des projets.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a validé cette disposition. C’est aussi celle qui a été retenue dans la loi pour un État au service d’une société de confiance, la loi Essoc, en particulier pour les modifications, sans objection, là non plus, du Conseil d’État.
Par ailleurs, la directive indique que les États doivent veiller aux situations de conflit dans sa mise en œuvre. Des dispositions spécifiques sont donc prévues pour les projets pour lesquels l’État est maître d’ouvrage. Ce point important est imposé par la directive européenne.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ?
Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis. Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, mais la suppression de la mention que nous avons introduite en commission risquerait au contraire de nous placer dans une situation juridique plus préoccupante. Il s’agit mot pour mot de la condition nécessaire selon le Conseil d’État pour assurer la conformité au droit européen du dispositif prévu à l’article 4, l’objectif étant véritablement de limiter les cas de conflit d’intérêts.
Comme vous l’avez dit, la directive indique bien que les États membres doivent veiller à ce que les autorités chargées de l’examen au cas par cas remplissent leur mission de façon objective, sans être dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts. Nous nous sommes donc efforcés en commission de trouver une position équilibrée.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Mon amendement précédent tendait à supprimer les alinéas 3, 4, 6 et 8 de l’article et à ne conserver que l’alinéa 7, ce qui constituait une reconnaissance du travail fait par la commission.
Je ne vous fais pas de procès d’intention, madame la ministre, mais le signal que vous envoyez en proposant de supprimer l’alinéa 7 nous inquiète un peu, alors que la question fondamentale est tout de même celle de l’indépendance de l’autorité environnementale.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 242, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre Ier du code de l’environnement est complété par un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Dispositions contentieuses
« Chapitre unique
« Régularisation en cours d’instance
« Art. L. 191-… – Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un plan ou programme mentionné au 1° de l’article L. 122-5, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le plan ou programme reste applicable.
« Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. En l’état de la législation, toute illégalité entachant les plans ou programmes pris en application du code de l’environnement entraîne leur annulation, même pour un simple vice de procédure qui pourrait être régularisé. Or l’approbation de ces plans et programmes est le résultat d’une procédure longue, incluant une concertation de l’ensemble des acteurs concernés, notamment les collectivités, les usagers, les riverains, afin d’identifier des solutions consensuelles à des problématiques qui peuvent être complexes.
Ces plans et ces programmes incluent notamment les plans climat-air-énergie territoriaux, les schémas régionaux climat-air-énergie, les plans de prévention des risques naturels ou technologiques, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux.
Le présent amendement vise à étendre à ces plans et à ces programmes figurant au code de l’environnement la faculté ouverte au juge administratif par l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme pour certains documents d’urbanisme, lorsqu’il constate qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de l’un de ces actes est susceptible d’être régularisée, de surseoir à statuer pour permettre à l’autorité administrative d’y procéder, ce qui lui évite de prononcer une annulation.
Une annulation peut parfois être très lourde de conséquences, par exemple dans le cas des plans de prévention des risques technologiques, car elle augmente alors les risques pour les populations riveraines. Il convient donc que les vices de procédure qui peuvent être régularisés puissent l’être avant de prononcer l’annulation du plan programme.