Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces dispositions sont déjà satisfaites : l’article 1er bis A du projet de loi permettra au Parlement de définir tous les cinq ans les objectifs et les priorités d’action des pouvoirs publics dans les domaines de l’énergie et du climat. Il est même prévu qu’un rapport annexé au projet de loi de finances présente la traduction de ces objectifs pour les ressources de l’État et de ses établissements publics.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. L’article 1er bis A élève au niveau législatif une partie des dispositions actuelles de la PPE : ainsi, le Parlement pourra se prononcer sur les grands choix énergétiques et les grands objectifs que nous nous sommes fixés. Dès lors, on atteindra le bon équilibre entre niveau réglementaire et niveau législatif.
En outre, le Haut Conseil pour le climat a souhaité que l’impact sur la trajectoire de lutte contre le réchauffement climatique des grandes politiques publiques menées par le Gouvernement soit mieux défini, mieux évalué. Quant au conseil de défense écologique, il a été constitué et placé sous l’égide du Président de la République lui-même, afin que nos objectifs écologiques se diffusent dans toutes nos politiques, de manière extrêmement opérationnelle.
Cet amendement me semblant satisfait, j’en demande le retrait ;à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 255 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Oui, nous le maintenons !
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 257 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase, les mots : « 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 » sont remplacés par les mots : « 57 % entre 1990 et 2030 et de réduire l’empreinte carbone de la France de 57 % entre 1990 et 2030 » ;
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement vise à reprendre l’avis du CNTE, qui souligne l’attention particulière devant être portée à la réduction de l’empreinte carbone engendrée par la consommation de produits importés. En 2017, d’après les estimations disponibles, l’empreinte carbone de la France était 1,7 fois plus importante que ses émissions territoriales : cela tient aux importations, les émissions liées à celles-ci étant en hausse régulière. Elles ont augmenté de près de 93 % entre 1995 et 2015, alors que, dans le même temps, les émissions produites sur le territoire national baissaient de près de 18 %. Il est donc essentiel de garantir un suivi et de fixer des objectifs ambitieux pour l’empreinte carbone des importations, comme pour les émissions territoriales.
C’est une façon de lutter contre les délocalisations, de favoriser la réorientation de notre industrie vers la production locale : il faut mettre un terme à la multiplication des échanges inégaux, pour ne pas dire injustes, qui, de surcroît, polluent la planète !
Mme la présidente. L’amendement n° 188, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « De réduire l’empreinte carbone de la France de 57 % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par huit entre 1990 et 2050. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement est presque identique à celui qui vient d’être présenté par Mme Lienemann. Je considère qu’il est défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 159 est présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 256 est présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
après le mot :
phrase,
insérer les mots :
le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 57 % » et
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 159.
M. Roland Courteau. Le rapport de 2018 du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a mis en avant la différence d’impact selon que le réchauffement global du climat atteindra 1,5°C ou 2°C à l’horizon 2100. Ainsi, si le réchauffement s’élève à 1,5°C plutôt qu’à 2°C, 55 millions de personnes de moins seront touchées par la faim en Afrique et 73 millions de personnes de moins seront affectées par des vagues de chaleur en Europe, les événements extrêmes, en particulier les vagues de chaleur, les pluies torrentielles et les sécheresses, seront moins intenses, 10 millions de personnes de moins seront exposées aux risques liés à la montée du niveau des mers, les chutes de rendement seront moins importantes pour le maïs, le blé et le riz, la fraction de la population mondiale exposée à une pénurie d’eau sera moitié moindre et la pêche sera moins en péril.
Le rapport du GIEC le rappelle avec force : chaque demi-degré compte. En vue de contenir le réchauffement global sous la barre de 1,5°C à la fin du siècle, plusieurs scénarios existent. Ceux comportant le plus de co-bénéfices par rapport aux objectifs de développement durable prévoient un renforcement de la baisse des émissions de gaz à effet de serre, particulièrement d’ici à 2030.
Le GIEC indique dans son rapport quelle quantité nette de gaz à effet de serre – après déduction des absorptions par les puits de carbone naturels – devra être produite en 2030 au niveau mondial pour rester sous la barre de 1,5°C dans la trajectoire P1. Dans cette perspective, une projection des émissions nationales de gaz à effet de serre prenant en compte des critères d’équité par rapport aux autres pays fait apparaître qu’une réduction de 55 % à 57 % de celles-ci en 2030 par rapport à 1990 sera nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 256.
M. Fabien Gay. L’objectif fixé dans le cadre de l’accord de Paris de maintenir la hausse des températures nettement au-dessous de 2°C constitue une borne haute. Le rapport du GIEC a mis l’accent sur les différences entre une hausse de 1,5°C et une hausse de 2°C d’ici à 2100 : les impacts seront beaucoup plus forts dans le second cas que dans le premier.
Devant l’urgence environnementale – et non pas seulement climatique –, il n’est plus temps de revoir les objectifs à la baisse ni d’en rester à de simples déclarations. L’engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 correspond à l’engagement pris par l’Union européenne dans le cadre de l’accord de Paris de 2015. Or le rythme de la transformation nécessaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050 est aujourd’hui insuffisant, comme le souligne le rapport du Haut Conseil pour le climat. Il est également insuffisant pour contenir le réchauffement climatique.
En relevant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, nous souhaitons en finir avec le report incessant des mesures et des efforts. Comme le souligne le Haut Conseil pour le climat, il faut renforcer les actions dès à présent.
Cet amendement vise donc à réajuster et à accentuer nos objectifs en fonction d’une projection des émissions nationales prenant en compte des critères d’équité entre pays. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont en nette augmentation, à hauteur de plus de 2 % en 2018. Nous sommes devant un défi planétaire ; il n’est plus temps d’attendre que les autres pays agissent, chacun doit prendre sa part de responsabilités. Notre planète nous est commune, nous devons prendre les devants et faire le maximum, dans le prolongement de l’effort déployé lors de la COP21 et en cohérence avec l’engagement dont la France a fait preuve à cette occasion.
Mme la présidente. L’amendement n° 258, présenté par M. Gay, Mmes Cukierman, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
1° Remplacer l’année :
2050
par l’année :
2040
2° Remplacer le mot :
six
par le mot :
huit
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement tend lui aussi à réviser nos ambitions climatiques à la hausse, c’est-à-dire à renforcer nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. En la matière, l’objectif retenu dans le projet de loi pour atteindre la neutralité carbone est de diviser ces émissions par un facteur supérieur à 6 d’ici à 2050 par rapport au niveau de 1990. Cela constitue un progrès par rapport au facteur de 4 actuellement prévu dans le code de l’énergie dans l’optique de limiter le réchauffement climatique à 2°C. Or, nous l’avons dit, une hausse des températures de 2°C serait déjà trop importante, comme le soulignent le GIEC et le Haut Conseil pour le climat.
Nous proposons de poursuivre dans cette voie en relevant encore les objectifs, par l’application d’un facteur de division supérieur à 8. « Notre objectif n’est plus de diviser nos émissions de gaz à effet de serre par 4 car il est maintenant bien plus ambitieux : les diviser par 8 pour atteindre zéro émissions nettes en 2050. Le @gouvernementFR va le mettre dans la loi, c’est inédit ! » Ainsi s’exprimait François de Rugy, ex-ministre de la transition écologique et solidaire, dans un message publié le 7 février sur Twitter, à la suite de la publication de la première version de ce projet de loi, qui ne prévoyait plus d’atteindre la neutralité carbone qu’à l’horizon de 2050.
M. de Rugy avait raison : cet objectif est bien plus ambitieux, mais il est surtout nécessaire. Nous proposons de l’inscrire effectivement dans la loi !
Mme la présidente. L’amendement n° 157, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
six
par le mot :
huit
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Comme je l’ai précisé en présentant l’amendement n° 159, chaque demi-degré compte, et il importe de maintenir le réchauffement global du climat sous la barre de 1,5 C à la fin du siècle. Les objectifs nationaux doivent donc être renforcés en visant une division par un facteur supérieur à 8 des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.
Par ailleurs, la France disposant de davantage de puits carbone naturels que d’autres pays, notamment d’Europe, elle devrait atteindre la neutralité carbone avant ceux-ci, et donc avant 2050.
Mme la présidente. L’amendement n° 189, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
un facteur supérieur à six
par le mot :
huit
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 157. Atteindre la neutralité carbone suppose de diviser par huit les émissions de gaz à effet de serre, comme l’avait initialement indiqué le Gouvernement.
Le projet de Stratégie nationale bas-carbone, ou SNBC, indique que les émissions doivent être réduites de 83 % en 2050 par rapport à 2015. Cela correspond à une réduction des émissions de 85,8 % par rapport à 1990, c’est-à-dire à leur division par sept.
Cependant, le projet de SNBC inclut des puits technologiques de carbone : sans ceux-ci, l’absorption de CO2 n’est plus que de 70 millions de tonnes environ, et atteindre la neutralité carbone implique alors de diviser par huit les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Les amendements nos 258, 157 et 189 visent à faire passer d’un facteur 6 à un facteur 8 la division des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. S’il faut agir de manière volontariste en faveur du climat, l’objectif visé au travers de ces amendements ne peut être retenu. En effet, d’après le scénario dit « avec mesures supplémentaires », ou AMS, sur lequel se fonde le Gouvernement, le facteur de réduction permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050 est précisément de 6,8 ou de 8, selon que l’on tient compte ou pas des nouvelles technologies. Dès lors, retenir un « facteur supérieur à 8 » apparaît très ambitieux, voire irréaliste. Rappelons que, selon le scénario du Gouvernement, il faudra déjà décarboner presque intégralement notre système énergétique et diviser par deux notre consommation énergétique d’ici à 2050 pour atteindre l’objectif de division des émissions de gaz à effet de serre par un « facteur supérieur à 6 ». C’est pourquoi il est préférable d’opter pour une hypothèse plus crédible.
Les amendements nos 256, 257 rectifié, 159, 188 et 159 visent à relever de 40 % à 57 % le taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Or le scénario AMS précité prévoit une baisse de 40 % des émissions en 2030, dans le but d’atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu de modifier un objectif cohérent avec la division « par un facteur supérieur à 6 » des émissions en 2050.
Par ailleurs, viser une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 17 points supérieure à celle prévue mettrait sous tension notre modèle énergétique et certains secteurs d’activité, qui n’auraient pas nécessairement le temps d’évoluer en une dizaine d’années tout au plus.
Enfin, l’amendement n° 188 tend à fixer des objectifs de réduction de l’« empreinte carbone de la France ». L’empreinte carbone est une notion intéressante, qui offre une vision d’ensemble des émissions de gaz à effet de serre générées par la consommation nationale, puisqu’elle intègre les importations. Pour autant, cet indicateur pose des difficultés d’ordre méthodologique, le rapporteur pour la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ayant reporté à 2022 l’application de ce dispositif dont il est pourtant à l’origine, « les méthodologies de calcul complexes étant encore loin d’être stabilisées » selon lui.
C’est pourquoi la commission a conféré à cet outil une valeur indicative, pour éviter des effets juridiques non anticipés sur les documents de planification et le soutien aux projets publics. Il n’apparaît donc pas judicieux d’intégrer parmi les objectifs de la politique énergétique un outil encore mal défini.
En conclusion, la commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. L’amendement n° 257 rectifié vise à renforcer très fortement l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et à introduire un objectif supplémentaire de réduction de l’empreinte carbone.
L’objectif de neutralité carbone en 2050 que le Gouvernement a retenu dans ses projets de Stratégie nationale bas-carbone a été validé par le Haut Conseil pour le climat. Ce dernier a en effet considéré que cette trajectoire est bien compatible avec un objectif d’augmentation des températures limitée à 1,5 C, que l’ambition est satisfaisante et que les sous-objectifs sont cohérents par rapport à l’ambition générale.
La trajectoire sous-jacente à la SNBC et à la PPE respecte ainsi l’objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et aboutit à une réduction prévisionnelle légèrement supérieure aux 40 % visés. Elle repose sur des mesures déjà très ambitieuses et fait de la France un pays leader en matière d’objectifs.
En ce qui concerne la réduction de l’empreinte carbone elle-même, le Gouvernement souscrit pleinement à l’objectif de sa réduction pour couvrir aussi le carbone importé. Cela figure d’ailleurs comme une orientation et un indicateur dans la SNBC. Le Gouvernement est également favorable à ce que les budgets carbone indicatifs pour l’empreinte carbone soient ajoutés. Néanmoins, la mesure de l’empreinte carbone est soumise à de nombreuses incertitudes méthodologiques. Elle dépend du contenu carbone des moyens de production des autres pays.
Pour ces raisons, la réduction de l’empreinte carbone ne peut pas se piloter comme la réduction des émissions du périmètre sur le territoire national. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 257 rectifié et à la première partie de l’amendement n° 188.
En ce qui concerne le remplacement du facteur 6 par un facteur 8, je reprends les arguments avancés par M. le rapporteur, considérant que les calculs ont été faits sur une réduction compatible avec un facteur supérieur à six, mais pas avec un facteur supérieur à huit : nous ne sommes pas en mesure d’avoir cette ambition. Par ailleurs, c’est un facteur de l’ordre de six qui permettra d’atteindre notre objectif global. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 188 dans son entier. Il en va de même pour les amendements nos 159, 256, 157 et 258.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Valse des ministres, valse des promesses !
M. de Rugy nous avait expliqué, à son arrivée au Gouvernement, que le facteur 8 se substituerait au facteur 4, avant de se déclarer favorable au facteur 6. Maintenant qu’il n’est plus au Gouvernement, il va certainement de nouveau se prononcer en faveur du facteur 8…
M. Hulot nous avait expliqué que le CETA serait une catastrophe écologique. Une fois nommé au Gouvernement, il a adopté une position beaucoup plus modérée et s’est prononcé en faveur de l’instauration d’un veto climatique. Mais à peine n’était-il plus ministre qu’il affirmait que le veto climatique, c’est bidon, et qu’il faut refuser le CETA !
Nos compatriotes ne s’y retrouvent plus ! Ils demandent de la cohérence et n’en peuvent plus des grandes déclarations lénifiantes chaque fois qu’une élection se profile ou qu’une personnalité vient en France. On nous explique que la France va être exemplaire en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on empile les objectifs à long terme, mais, sur le terrain, les actes et les décisions ne suivent pas ! Les ministres apprennent le réalisme en entrant au Gouvernement et redécouvrent les vertus de l’écologie dès qu’ils le quittent !
Nous souhaitons que l’on passe au facteur 8. Cessons de reporter l’effort nécessaire aux calendes grecques : il faut rehausser l’objectif dès la première phase, allant jusque 2030.
Enfin, la question du libre-échange ne peut pas être éludée. À quoi bon faire tous les efforts du monde si l’augmentation de nos importations aggrave notre empreinte carbone et l’effet de serre ? Si nous continuons ainsi, ce sera du perdant-perdant : la France aura perdu en capacité productive et la planète sera davantage polluée.
Madame la secrétaire d’État, vous nous dites que l’empreinte carbone n’est pas le bon critère. Il se trouve que nous avons eu pendant des années, au Parlement européen, des débats sur le bilan carbone. Si la France commence à définir de manière scientifique et rigoureuse la notion d’empreinte carbone, celle-ci finira par s’imposer dans le débat européen. Nous aurons alors une base de discussion pour aboutir à une définition qui nous soit favorable. Si ce n’est pas la France qui le fait, ce sera un autre pays : les Anglo-Saxons sont en train de travailler sur ce sujet et ils nous imposeront leur modèle d’empreinte carbone si nous n’agissons pas !
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il faut lutter contre les importations et le libre-échange généralisé et sans règles !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je l’ai rappelé dans la discussion générale, c’est la science qui commande de retenir de tels objectifs. Le Premier ministre lui-même ne nous a-t-il pas recommandé de suivre les avis des scientifiques ? Pour une fois, j’ai envie de l’écouter ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Selon M. le rapporteur, le facteur 8 serait trop ambitieux.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je n’ai pas dit ça ! Il n’est pas atteignable, ce n’est pas la même chose !
M. Fabien Gay. Pour ma part, je pense qu’il faut avoir beaucoup d’ambition. Si nous en restons à la trajectoire proposée, qu’une autre loi viendra de toute façon remettre en cause dans cinq ou dix ans, nous ne pourrons pas lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Si nous ne changeons pas radicalement notre mode de développement, nos productions industrielles, si nous ne révisons pas nos accords de libre-échange, si nous ne relocalisons pas notre agriculture, tout ne sera que du vent ! Nous devons avoir un haut niveau d’ambition si nous voulons contenir dans un premier temps les émissions de gaz à effet de serre, pour ensuite pouvoir atteindre la neutralité carbone. Or vous nous proposez de faire autant d’efforts entre 2030 et 2050 qu’entre 1990 et 2030 : ce n’est pas possible !
Comme l’a dit ma collègue Marie-Noëlle Lienemann, vous n’allez pas pouvoir éluder le débat sur le libre-échange pendant trois jours. Depuis deux ans que le CETA est entré en vigueur à titre provisoire, nos émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse ! Comment atteindre la neutralité carbone si nous signons les treize nouveaux traités proposés ? Dans ce domaine, vous ne pourrez pas mettre en œuvre la politique du « en même temps » : afficher une vertu écologique et un objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2050, et « en même temps » faire ratifier le CETA par l’Assemblée nationale demain !
Marie-Noëlle Lienemann a raison : il y a les discours, et il y a les actes. La discordance entre les uns et les autres commence à apparaître nettement à bon nombre de nos concitoyens !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 159 et 256.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 442 rectifié ter, présenté par MM. Fouché, Menonville, Capus, Decool et Bignon, Mme Raimond-Pavero, MM. Chasseing, Guerriau, Babary et Lagourgue et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Supprimer les mots :
, sans tenir compte des crédits internationaux de compensation carbone
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. L’exclusion de toute compensation par des crédits internationaux dans la définition de la neutralité carbone a été introduite par la voie d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale. Elle n’a fait l’objet d’aucune étude impact ni d’aucun véritable débat.
Or la définition de la neutralité carbone dans la loi française ne doit pas donner l’impression d’empêcher les entreprises et les territoires d’agir à l’international et de développer une coopération Nord-Sud utile pour les populations locales, notamment en Afrique, en utilisant la flexibilité offerte par les crédits carbone internationaux.
Cette définition doit être cohérente avec l’accord de Paris, dont l’article 6 prévoit explicitement la coopération internationale, et en particulier l’utilisation de crédits carbone internationaux comme moyen pour réussir à atteindre son objectif.
Plusieurs États européens, dont la Norvège et le Royaume-Uni, qui visent un objectif de neutralité carbone à court ou moyen terme, semblent s’engager dans la voie de la compensation par des crédits internationaux. Il ne faudrait pas que l’interdiction française pénalise nos entreprises et la mise en œuvre de projets de coopération internationale.
Si cette définition de la neutralité carbone semble porter sur l’inventaire national, et non sur le bilan carbone des entreprises, il est important que le Gouvernement le confirme publiquement, afin de rassurer les entreprises et de dissiper les doutes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’exclusion de la prise en compte des crédits internationaux de compensation carbone dans la définition de la neutralité carbone a été introduite à l’Assemblée nationale. Cette exclusion n’a pas été supprimée par la commission aux fins, d’une part, de rechercher un consensus sur les grands enjeux climatiques, et, d’autre part, de porter à un haut degré d’exigence les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La neutralité carbone étant un objectif mais ne produisant pas d’effets juridiques, elle laisse totalement inchangés les mécanismes de compensation carbone issus du protocole de Kyoto, qui conservent par ailleurs toute leur utilité pour accompagner les pays émergents dans leur transition énergétique.
Aussi n’y a-t-il pas lieu de modifier la rédaction de la définition de la neutralité carbone sur ce point. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.