M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai en saluant Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission du développement durable sur ce texte, ainsi que Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.
J’ai déjà employé la formule en commission, mais elle est toujours vraie : malgré l’inflation du nombre de ses articles, la « petite loi énergie » l’est encore, sans conteste, par son manque de vision stratégique à long terme.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le Gouvernement a dit s’inscrire dans le prolongement de la loi de transition énergétique de 2015, mais cela n’empêchait ni l’ambition ni la volonté d’embrasser tous les grands sujets de la politique énergétique.
Or nombre de ces sujets sont absents du texte. Je pense en particulier aux enjeux de compétitivité de nos entreprises, car l’énergie est un poste important de leur budget, pour les industries intensives en énergie, bien sûr, mais pour toutes les entreprises en général. Je pense aussi à la manière dont nous pourrions mieux gérer nos formidables ressources de biomasse, qu’elles soient agricoles ou forestières, et mieux exploiter le potentiel de capture du carbone par nos sols et nos forêts. Je pense encore aux énergies renouvelables, au biogaz, à l’éolien, au solaire, à l’hydroélectricité, grande ou petite, ou à la géothermie, que le champ très restreint du texte déposé ne nous a permis que d’effleurer, sous peine d’encourir ensuite une censure du Conseil constitutionnel pour avoir introduit des « cavaliers ». En tant que rapporteurs, nous avons été frustrés. Je pense que nos collègues l’ont été également.
Mme Françoise Férat. Oh oui !
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. C’est seulement par voie d’amendement que le secteur du logement a été ajouté à l’Assemblée nationale !
Le projet de loi porte une seule ambition, ou presque : atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est un bon objectif, mais encore faut-il savoir comment on y parvient. En la matière, le texte ne comportait qu’une seule mesure concrète – la fermeture des quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022 –, qui n’y suffira pas. Comme si l’essentiel était renvoyé à la convention citoyenne pour le climat, et si le Gouvernement comptait se défausser sur des citoyens tirés au sort…
En s’inscrivant dans la mécanique de la loi de 2015, ce texte organise aussi le dessaisissement du Parlement : on nous demande d’entériner dans la loi des évolutions décidées à l’avance, dans un projet de décret. En inversant ainsi la hiérarchie des normes, c’est un vrai problème de démocratie que l’on pose. Fort heureusement, grâce aux initiatives combinées de l’Assemblée nationale et de notre commission, c’est la dernière fois que nous vivons une telle situation : pour la prochaine PPE, c’est bien le Parlement qui fixera le cap et les priorités d’action, et ce sont la PPE et la stratégie bas-carbone qui seront chargées de les décliner !
Nous allons encore plus loin, en corrigeant une autre anomalie démocratique : celle qui fait que, aujourd’hui, c’est par simple décret qu’est fixé le volume des CEE, qui représentent pourtant plus de 3 milliards d’euros par an prélevés sur les consommateurs, soit 3 % à 4 % de leurs dépenses d’énergie. En 2023, c’est la loi qui fixera ce volume, sur la base d’une évaluation du gisement faite par l’Ademe.
En matière de nucléaire, la loi a au moins le mérite de reconnaître que la date de 2025 était non seulement irréaliste, mais surtout contre-productive sur le plan du climat, puisqu’il aurait fallu faire appel à des moyens thermiques supplémentaires pour assurer notre approvisionnement. Mais, désormais, c’est la question du nouveau nucléaire qu’on laisse en suspens, alors que le GIEC juge lui-même que le nucléaire fait partie des solutions pour limiter le réchauffement climatique.
Dans le cadre contraint fixé par les articles du texte initial, notre commission a cherché à promouvoir sa vision d’une bonne politique énergétique. Pour donner de la visibilité aux filières dans lesquelles la France a encore une carte industrielle à jouer, nous avons fixé des objectifs ambitieux, mais réalistes : atteindre au moins 27 gigawatts de capacités hydroélectriques installées en 2028 ; augmenter les capacités d’éolien en mer d’au moins un gigawatt par an d’ici à 2024, pour traduire dans la loi l’annonce faite par le Premier ministre dans son discours de politique générale ; cibler 8 % de biogaz en 2028 pour respecter l’objectif des 10 % fixé par la loi en 2030, alors que ce n’est pas le chemin que prend la PPE, ce qui est quand même un comble !
Sur le soutien au biogaz, j’entends bien les considérations budgétaires ; nous y sommes très attentifs, car c’est toujours le consommateur d’énergie qui paie à la fin. Mais j’observe qu’on consacre 7 milliards à 8 milliards d’euros par an pour l’électricité renouvelable, parfois pour des filières qui sont matures ou en passe de l’être, et que, dans le même temps, on hésite à mettre les quelques centaines de millions nécessaires au démarrage d’une filière non intermittente, riche en emplois localisés et porteuse de nombreuses externalités positives. Certes, comme en toute chose, il faut éviter les excès et s’assurer de la disponibilité de la ressource à l’échelle locale.
Pour accompagner nos industries françaises et européennes, ce sont aussi nos dispositifs de soutien qu’il faut revoir. Notre commission a voulu poser un principe : la prise en compte dans tous les mécanismes d’aides publiques du bilan carbone des projets. On veut mesurer notre empreinte carbone dans tous les secteurs. Il n’y a pas de raison que les énergies renouvelables fassent exception. Au contraire ! C’est leur objet même de décarboner notre énergie. Ce sera bon pour le climat et pour nos entreprises. Le droit européen ne s’y oppose pas, pourvu que ce bilan carbone soit analysé de manière transparente et non discriminatoire.
Pour encourager l’essor des énergies renouvelables, la commission a aussi consolidé ou ajouté plusieurs dispositifs, que ce soit pour simplifier encore les augmentations de puissance des installations hydroélectriques concédées, sans remise en concurrence ; faciliter le déploiement de centrales photovoltaïques sur les sites dégradés en zone littorale ; ou concilier le développement du solaire au sol aux abords des routes avec la préservation des surfaces agricoles.
Pour ne pas déstabiliser la filière du biogaz, nous avons aussi reporté de dix-huit mois la réforme des garanties d’origine et prévu un accès privilégié des collectivités à ces garanties pour préserver le lien avec les territoires. Sur ce point, je vous proposerai d’aller encore plus loin en séance.
En matière de rénovation énergétique des logements, la commission a souhaité tourner la page de la mise sous séquestre, qui avait un temps été imaginée à l’Assemblée nationale. Elle a réaffirmé la primauté de l’incitation, de l’information et de l’accompagnement sur la sanction. Non seulement la contrainte touche aussi les propriétaires occupants ou bailleurs aux revenus modestes, mais elle se révèle souvent contre-productive, notamment parce qu’elle sort un grand nombre de logements du marché. Nous avons donc renforcé l’information des locataires et des acheteurs, en ajoutant notamment le montant des dépenses théoriques dans le DPE, tout en rendant les dispositifs plus progressifs, avec un report à 2024 du conditionnement de la révision des loyers en zone tendue à l’atteinte d’une certaine performance énergétique.
La commission a aussi cherché à mieux accompagner les salariés concernés par la fermeture des centrales à charbon, ainsi que les consommateurs dans le cadre de la fin totale ou partielle des tarifs réglementés. Pour les premiers, nous avons réaffirmé le rôle de l’État dans la mise en place des mesures de reclassement et dit qu’il devra être tenu compte, quand ce sera possible, du statut des salariés. Pour les consommateurs, nous avons réintroduit le principe, déjà voté par le Sénat dans la loi Pacte, d’un prix de référence indicatif du gaz, qui sera calculé par la CRE et qui pourra servir de point de repère.
Enfin, sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’Arenh, la solution proposée par le Gouvernement répond à l’évidence à un enjeu de court terme, celui d’éviter la hausse des tarifs en cas d’atteinte du plafond. Elle n’exonère pas d’une réforme globale d’un système qui est aujourd’hui à bout de souffle. Sur ce point comme sur la réorganisation envisagée d’EDF, nous serons vigilants, je pense, sur toutes les travées, pour qu’un élément fort de notre patrimoine commun ne soit pas remis en cause.
En attendant, et même s’il s’agit d’une solution transitoire, on ne peut pas passer par pertes et profits la juste rémunération du parc historique. Pour concilier cet objectif avec celui, tout aussi légitime, de la stabilité des prix, la commission a lié le relèvement du plafond à la révision du prix et a mentionné explicitement la prise en compte de l’inflation, puisque le prix n’a pas évolué depuis 2012. On nous dit que la Commission européenne n’acceptera jamais la révision du prix. Si tel était le cas, pourquoi le Gouvernement fait-il croire que cette révision pourrait avoir lieu ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Par ailleurs, si l’on explique à la Commission que ce sera la révision du plafond et du prix sinon rien, nous serons en position de force pour négocier, sachant que la simple prise en compte de l’inflation est une revendication raisonnable et, me semble-t-il, parfaitement audible par Bruxelles.
Au total, mes chers collègues, même si le texte n’a pas l’ambition que nous aurions souhaitée, la commission l’a adopté après l’avoir amendé dans le sens que je viens de vous présenter : de la visibilité et du soutien pour nos filières de l’industrie verte, de l’accompagnement pour les salariés, les entreprises et les consommateurs, de la simplification pour le développement des énergies renouvelables, et un rôle accru du Parlement pour fixer le cap de la politique énergétique !
Je tiens enfin à exprimer ma reconnaissance aux fonctionnaires de la commission qui ont travaillé pour que nous puissions examiner le projet de loi dans les meilleures conditions possible aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, pour lequel la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a reçu une délégation au fond de la commission des affaires économiques de neuf articles, notamment l’article 2, sur le Haut Conseil pour le climat, et l’article 4 sur l’autorité environnementale.
C’est une chance que deux commissions permanentes se soient penchées sur le berceau de votre politique énergétique. En effet, avec une seule petite semaine, le Sénat n’a pas disposé, le regrette, du délai suffisant pour examiner en profondeur ce texte, surtout avec quarante-trois articles additionnels. Pour un sujet majeur du quinquennat – vous venez de l’évoquer, madame la secrétaire d’État –, nous pouvons dire qu’il est bien rapidement traité !
Sur le fond à présent, l’urgence climatique nous oblige à prendre des décisions fortes pour demain et, surtout, à agir. Pour autant, elle ne saurait nous conduire à voter dans une hâte excessive un texte dont l’objet premier serait l’obtention d’un satisfecit médiatique. Il est facile d’annoncer de grands objectifs, encore faut-il être capable de transformer ces ambitions en réalité concrète.
À cet égard, je déplore le manque d’une dimension territoriale dans ce texte, s’agissant, en particulier, du volet du soutien financier aux actions des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors même que, comme vous le savez, la réalisation de cet objectif relève en grande partie d’actions locales.
Quelle ambition porte, en outre, un projet de loi qui crée, dans son article 2, un Haut Conseil pour le climat, lequel a pourtant été installé en novembre 2018 par le Président de la République et a remis son premier rapport il y a trois semaines ?
Ayant à cœur de nous montrer constructifs, nous avons, en commission, conservé dans cet article 2 de nombreuses propositions issues de l’Assemblée nationale qui nous semblaient indispensables et nous avons adopté plusieurs amendements visant à clarifier davantage les compétences et le fonctionnement de cet organisme.
S’agissant de la réforme de l’autorité environnementale, vous prétendez clarifier la situation à la suite de la décision du Conseil d’État d’annuler l’attribution au préfet de région de la compétence d’autorité environnementale responsable de l’évaluation de la qualité des études d’impacts réalisées. Loin de sécuriser les porteurs de projets, cette réforme risque pourtant de conduire à une multiplication des recours, compte tenu de l’absence d’autonomie de l’instance chargée d’examiner au cas par cas les projets par rapport à celle qui est compétente pour les autoriser.
Notre commission a donc souhaité sécuriser le dispositif retenu au regard du droit européen, en limitant les situations potentielles de conflit d’intérêts.
Enfin, je tiens à insister sur le manque d’anticipation du Gouvernement sur tous les plans.
Il est risqué, et je dirais même dangereux, de vouloir mener de front tous les combats, comme de fermer quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035, concomitamment aux centrales à charbon. La priorité absolue est d’assurer la production d’une énergie décarbonée.
Il est encore plus risqué de prendre de telles décisions sans prévoir des dispositions spécifiques en faveur des milliers de salariés concernés par ces fermetures. Nous avons donc souhaité, avec mon collègue Daniel Gremillet, renforcer les mesures d’accompagnement de ces salariés.
Madame la secrétaire d’État, je ne crois pas être hors sujet en évoquant la sempiternelle question du mix énergétique. Ce projet de loi et la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le décret se fait attendre, s’appuient sur des hypothèses qui ne semblent pas gravées dans le marbre.
Dès son introduction, la PPE considère qu’« en 2050, la consommation d’électricité décarbonée pourrait atteindre entre 580 et 610 térawattheures ». Ce postulat repose cependant sur des projections d’économies d’énergie ou de développement des véhicules électriques qui relèvent parfois de la pensée magique. Comme ce fut le cas en ce qui concerne la fin de la vente des véhicules thermiques en 2040, inscrite dans la loi Mobilités, ce projet de loi valide des options technologiques qui pourraient nous conduire dans une impasse énergétique à moyen terme.
Nous n’avons pourtant qu’un horizon : décarboner notre production électrique. Je le dis sans enthousiasme, les leviers ne sont pas inépuisables. Les énergies renouvelables et le nucléaire seront le cœur de notre réponse, encore faut-il l’admettre puis s’y préparer. Quid des EPR ? Quid de l’accès aux métaux rares ? Avec quels partenaires l’assurerons-nous ? Ces questions, madame la secrétaire d’État, restent sans réponse.
Je déplore que ce texte, voté si rapidement, nous prive d’un véritable débat de fond sur notre politique énergétique. Je forme le vœu que, à l’avenir, nous puissions débattre au Parlement de cette question si essentielle de manière moins expéditive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’énergie et au climat qui nous est soumis aujourd’hui a d’abord pour fonction de permettre de publier la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Comme la PPE ne prévoit pas de baisse significative de la part du nucléaire dans les prochaines années, elle entrait en effet en contradiction avec la loi en vigueur, laquelle imposait la réduction rapide de cette part.
Il s’agit donc d’abord d’une loi de décalage des objectifs, qui vise à repousser la réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2035, dix ans plus tard que ce que nous avions voté ici même il y a quelques années.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous, nous n’avions pas voté ça !
M. Ronan Dantec. Cette loi peut donc être vue comme un signe de l’incapacité française à s’engager résolument dans la transition énergétique et comme une traduction de notre difficulté à concevoir la sortie en bon ordre de notre dévotion au dieu atome, dans lequel nous avons investi bien au-delà du raisonnable, comme l’histoire est en train de le démontrer.
En ce sens, je souhaite saluer les apports de la majorité sénatoriale et du rapporteur Daniel Gremillet, qui a intégré dans le texte la nouvelle ambition française dans le domaine des énergies renouvelables et notamment de l’éolien offshore ou du gaz renouvelable.
Il faudrait vérifier dans les archives, mais je ne suis pas loin de considérer qu’il s’agit d’une première historique : la majorité issue du gaullisme et du plan Messmer, moment socle du choix du tout-nucléaire, défend aujourd’hui clairement – j’ai bien entendu Daniel Gremillet – l’ambition des énergies renouvelables. Je me devais de le souligner.
Il s’agit d’une loi sur l’énergie et le climat. Est-il nécessaire de souligner que la question climatique est aujourd’hui un sujet central ? Tout ou presque a été dit sur le sujet. Ce que nous ne disons peut-être pas assez, c’est que l’enjeu de la réduction des émissions de CO2 françaises est une brique essentielle de la mobilisation mondiale.
La France, à travers les paroles fortes de son président – « make our planet great again » –, entend jouer un rôle de leader en Europe et dans le monde, ce qui n’est possible que si elle-même réduit ses propres émissions à la hauteur de ses engagements. Comment voulez-vous réussir à embarquer les autres pays vers le respect de l’accord de Paris si vos émissions augmentent, comme ce fut le cas entre 2015 et 2017 ?
Je souligne ce point, car un des arguments dilatoires les plus entendus, jusque dans cet hémicycle, est que la France ne pesant presque rien dans les émissions mondiales – aux alentours de 1 % –, il serait déraisonnable de s’engager autant sur la baisse de nos émissions. C’est totalement faux ! La France pèse la crédibilité de l’accord de Paris, il faut donc bien réduire nos émissions.
Or nous savons d’où ces dernières proviennent et ce qu’il convient de faire : il faut limiter la mobilité thermique rapidement et rénover les logements anciens et énergivores. Malheureusement, sur ces points, le Sénat n’a guère renforcé le projet de loi. Le débat à l’Assemblée nationale n’avait déjà pas brillé par le volontarisme à propos de la rénovation énergétique des bâtiments anciens et les trous dans la raquette étaient nombreux. Je regrette de devoir dire que la commission des affaires économiques saisie au fond a enlevé le reste du cordage !
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous projeter à dix ans en matière de rénovation des bâtiments anciens, la crédibilité de la France sur le climat se joue dans ce que nous ferons, de manière volontariste, dans les trois ou quatre prochaines années.
Si le texte reste en l’état, la France ne tiendra pas ses engagements sur le climat, fragilisant alors tout l’édifice international de la négociation climatique. Notre responsabilité est donc importante.
Après notre rapporteur et la présidente de la commission, je considère qu’un texte aussi important nécessitait un temps de travail beaucoup plus long, en lien avec le prochain projet de loi de finances, car la question financière est au cœur de la problématique de la rénovation des bâtiments.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. C’est essentiel, nous sommes d’accord !
M. Ronan Dantec. Je partage donc la frustration exprimée par mes prédécesseurs à cette tribune.
Gardons à l’esprit que, en matière de climat, ce que fait la France ne regarde pas seulement la France : c’est l’édifice international de l’accord de Paris qui se joue ici. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la pollution de l’air est la troisième cause de mortalité en France. Parmi ses principaux responsables, le transport routier est également le premier émetteur de gaz à effet de serre en France. Or, aujourd’hui, les poids lourds étrangers se soustraient de plus en plus aux péages autoroutiers en empruntant les routes nationales et départementales. Ce report de trafic cause d’importantes difficultés, notamment dans les départements frontaliers tels que la Moselle.
C’est à partir de ce constat, à la fois national et local, que je souhaite aujourd’hui défendre le retour au système de l’écotaxe sur les poids lourds. En effet, le projet d’écotaxe, qui a été malheureusement abandonné en novembre 2016, constituait un instrument pertinent de politique des transports et une réponse aux enjeux climatiques, écologiques et sanitaires actuels.
Il s’agit d’appliquer deux principes simples : celui de l’utilisateur-payeur, selon lequel les transporteurs routiers s’acquitteraient d’un droit d’usage, comme c’est le cas pour le rail, et celui du pollueur-payeur, qui conduirait le secteur routier à assumer ses nuisances et les émissions de CO2 dont il est responsable, qui restent aujourd’hui à la charge de la collectivité.
Certes, la ministre des transports a annoncé le 9 juillet que le remboursement partiel du gazole dont bénéficie ce secteur sera réduit de 2 centimes par litre. Toutefois, cette mesure est insuffisante. De plus, elle est injuste, puisque, dans les faits, les poids lourds étrangers y échapperont en faisant le plein de carburant au Luxembourg ou en Espagne, ce qui leur permettra de traverser la France sans y acheter une goutte de gazole.
Compte tenu des défis environnementaux que nous devons relever, il nous faut être plus ambitieux et développer des instruments plus stratégiques pour mettre réellement en œuvre la transition énergétique dans nos territoires. Je vous demande donc pourquoi vous refusez d’étudier la possibilité de rétablir une vraie écotaxe sur les poids lourds.
M. André Reichardt. Vraie question !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga. Madame la secrétaire d’État, tout d’abord, permettez-moi de vous dire que nous avons dû travailler sur ce texte dans la précipitation, ce qui ne permettra peut-être pas d’y apporter la contribution qu’il aurait méritée. En outre, ce projet de loi aurait pu être plus ambitieux, car les enjeux sont très importants et urgents. Je voudrais remercier nos rapporteurs et nos administrateurs, qui, malgré des conditions difficiles, ont fait un travail remarquable.
Ce texte confirme l’objectif d’une réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité et le report de son échéance à 2035 au lieu de 2025. Cette proposition me paraît réaliste, car l’objectif initial était inatteignable.
Il prévoit la fermeture des centrales à énergies fossiles, notamment de celles qui fonctionnent au charbon, en 2022. C’est une mesure positive, car, si la part du charbon dans la production d’électricité n’est que de 1,8 %, sa part dans les émissions de gaz à effet de serre est de 35 %. Il faudra cependant trouver des solutions alternatives afin de remplacer l’appoint que cette production assurait.
Je salue également le dispositif prévu pour encadrer la reconversion des salariés de ces centrales, qui vont perdre leur emploi – ce sera le cas aussi pour les sous-traitants –, et l’accompagnement des territoires concernés.
Un autre sujet essentiel traité est la politique de rénovation énergétique des bâtiments. Le secteur du bâtiment représente en effet 45 % de l’énergie finale consommée en France et 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Rénover le parc permettrait d’endiguer ce problème.
La solution est de mettre en place et de financer un vaste plan de rénovation énergétique des logements. Ces travaux doivent être de grande ampleur et ne pas concerner uniquement le remplacement des fenêtres ou le changement des chaudières. C’est à ce prix que nous pourrons atteindre la neutralité carbone en 2050.
Concernant la question des passoires énergétiques dans les logements mis en location, une réglementation plus ferme envers les bailleurs devrait être édictée, classant comme impropres à la location les logements qui ne respectent pas un standard minimal de performance énergétique. Il serait toutefois important d’y associer des outils de financement incitatifs orientés vers les ménages à revenus modestes.
J’aimerais évoquer rapidement la filière éolienne, puisque la programmation pluriannuelle de l’énergie reprend l’objectif de développement des énergies renouvelables et renforce les trajectoires établies, en prévoyant ainsi, pour l’éolien terrestre, l’installation de 9 à 10 gigawatts par période de cinq ans.
Si les objectifs d’installation d’éoliennes et de capacité solaire – 50 gigawatts à l’horizon de 2028 – doivent compenser la diminution de la production nucléaire, force est toutefois de constater que la gestion des énergies renouvelables devient très complexe lorsque leur taux de pénétration dépasse 30 % du mix énergétique.
Le développement des énergies renouvelables en France doit donc rester pragmatique et modéré, afin d’éviter les surcoûts et d’accompagner l’augmentation de la demande d’électricité tout en diminuant les émissions de CO2.
Je me félicite donc du maintien d’une ambition importante de développement de l’éolien offshore, qui constitue un signal fort en faveur du développement de capacités industrielles nationales dans une filière en cours de structuration au niveau mondial.
Le groupe Union Centriste ne perd pas de vue qu’il est urgent d’agir pour le climat dans l’intérêt de nos concitoyens et des générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face à l’urgence climatique, il n’y a pas une minute à perdre, mais il ne faut cependant pas confondre vitesse et précipitation : le Sénat est contraint d’examiner le projet de loi Énergie-climat dans un temps très court, trop court.
Cette petite loi de huit articles est devenue, sous la double action de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, une petite loi de cinquante-six articles !
Nous regrettons vivement le calendrier imposé sur ce texte, madame la secrétaire d’État, qui ne permet pas l’examen de ses dispositions dans de bonnes conditions. Nous saluons, d’ailleurs, la proposition de redonner au Parlement son pouvoir de définition des objectifs stratégiques de la programmation pluriannuelle de l’énergie, décisif instrument politique – au sens noble du terme – qui nous échappait.
Il nous semble important de souligner que ce texte comporte de bonnes mesures. Les membres du groupe Les Indépendants sont, par exemple, convaincus que le mix français doit être composé d’un bouquet d’énergies dont les sources différentes assureront autant la complémentarité que la fiabilité de l’approvisionnement énergétique.
Parvenir à ce bouquet implique une diversité d’installations de production d’énergie. À ce titre, nos convictions portent sur trois points : nous encourageons toutes les énergies renouvelables, notamment l’énergie hydroélectrique, en laquelle nous croyons, en conciliation avec les utilisateurs des territoires ; nous plaidons pour une plus grande autonomie des territoires et de leurs élus, qui sont les mieux à même de résoudre les difficultés locales ; enfin, nous souhaitons anticiper dès aujourd’hui la mise à niveau, puis le démantèlement des installations. L’évolution rapide des technologies nous oblige à penser les sujets majeurs que sont les friches et la dépollution.
Les enjeux sont technologiques, écologiques, mais aussi sociaux. Les emplois détruits par la fermeture de sites de production sont enfin sérieusement pris en compte. N’oublions toutefois pas les salariés des sous-traitants, souvent victimes des dommages collatéraux de ces décisions.
L’énergie et le climat sont des sujets sensibles dans le débat public comme dans le quotidien de nos concitoyens. Les Français nous ont rappelé avec force que l’écologie du quotidien, sur laquelle le Gouvernement souhaite faire reposer l’axe II du quinquennat, devra être ambitieuse et concrète.
La lutte contre les passoires thermiques doit, par exemple, être intensifiée, parce que nous ne pouvons accepter que près de la moitié des logements privés en location soient notés F ou G. Rappelons-le, en la matière, l’énergie la plus écologique demeure celle qui n’est consommée.
Un certain Président de la République disait il y a plus de quinze ans : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Les jeunes générations nous invitent aujourd’hui à garder les yeux bien ouverts et braqués dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)