M. Pierre Ouzoulias. Mais si ! Les dispositions visant à faciliter la réalisation des opérations de travaux de conservation figurent bien dans le code du patrimoine. Vous vous réservez encore la possibilité à l’article 9 de déroger par ordonnance au code du patrimoine – c’est ainsi que je le comprends. Mais si vous pouvez m’apporter aujourd’hui la contradiction, j’en serais tout à fait heureux.
Monsieur le ministre, vous avez été député dans l’ancien monde. (Sourires.)
M. Antoine Lefèvre. Et dans le nouveau !
M. Pierre Ouzoulias. Vous connaissez donc l’utilité du Sénat.
Nous avons collectivement apprécié la façon dont vous avez intégré en séance publique un certain nombre de dispositions, au moyen de certains amendements, à la suite de notre position quasiment unanime sur l’article 9. Je me dis donc, cum grano salis, que si nous avons obtenu une première fois des avancées significatives en faveur de la position du Sénat, nous pouvons en obtenir de nouvelles en votant contre l’article 9.
Nous voulons de nouveau supprimer l’article 9, ce qui vous permettra une nouvelle fois, lors de la dernière lecture à l’Assemblée nationale, de faire de nouveaux pas vers le Sénat en déposant des amendements en séance. C’est une façon intéressante de travailler, me semble-t-il.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 8.
M. David Assouline. Cet article prévoit de nouveau des dérogations, qui sont déraisonnables, compte tenu du caractère de trésor national que revêt Notre-Dame de Paris, de son insertion dans un site inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco et du caractère délicat des travaux qui devront être mis en œuvre pour sa conservation et sa reconstruction.
Il est surprenant de constater que le Gouvernement n’a pris qu’à moitié la mesure de nos remarques, des remarques des experts et des conservateurs de musée, comme vient de le dire M. Ouzoulias, et qu’il recoure aux ordonnances pour déroger à de très nombreux textes législatifs. Désormais, le projet de loi prévoit directement certaines de ces dérogations, mais procède par ordonnance pour en fixer d’autres.
Concernant les dérogations désormais prévues aux termes de ce texte, il est aberrant de prévoir que, le cas échéant, l’établissement public se substituera à un opérateur de fouilles archéologiques bénéficiant d’un agrément de l’État, surtout si celui-ci sous-traite à l’Inrap, l’Institut national de recherches archéologiques préventives. On ne comprend pas pourquoi le Gouvernement maintient un régime dérogatoire – en l’espèce, l’intention n’est pas claire.
Quant à la dérogation prévoyant que, en cas de désaccord avec l’ABF, l’architecte des bâtiments de France, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation de travaux de structures temporaires soit dispensée de consulter la commission régionale du patrimoine et l’architecture, elle n’est pas acceptable, et je me réjouis de sa suppression par notre commission.
Cette dérogation donnait encore un coup de canif aux avis des ABF et créait un précédent fâcheux en termes de protection des monuments historiques. Dans le cas présent, cette entorse au pouvoir de l’ABF concernait certes des structures temporaires, mais qui étaient construites si près de la cathédrale, laquelle est dans un état de fragilité extrême, qu’elles ne pouvaient être considérées comme anodines.
Par ailleurs, concernant le régime dérogatoire au code de l’urbanisme, nous ne pouvons être indifférents aux constructions même temporaires sur le parvis, par exemple. Elles ne sauraient mettre à mal la cohérence de l’urbanisme autour de la cathédrale et défigurer le site pendant plusieurs années.
Tout cela n’est donc pas satisfaisant, en dépit de l’avancée certaine que vous avez consentie après la réunion de la commission mixte paritaire, monsieur le ministre.
Enfin, vous prévoyez des modalités de dérogation aux dispositions légales qui sont très floues : occupation gratuite du domaine public, développement d’activités économiques, tout semble possible !
Nous restons par principe favorables à la suppression de cet article, car aucun code, qu’il s’agisse du code du patrimoine, de celui de l’environnement, de celui de l’urbanisme ou de celui de la voirie, n’est inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans le cadre de la discussion générale, le Gouvernement a fait un pas dans notre direction.
Il a partiellement entendu le message que nous avions adressé lors de la première lecture : nous avions alors jugé inacceptable la mise en place de dérogations susceptibles de couvrir un périmètre très large – j’allais dire trop large – et de mettre en danger notre législation en matière de patrimoine.
Vous nous l’avez redit, monsieur le ministre, vous avez circonscrit le champ des dérogations au code du patrimoine, au code général de la propriété des personnes publiques et aux règles de publicité prévues par le code de l’environnement, en indiquant précisément – ce que nous avions souhaité – les dérogations concernées. Vous avez par ailleurs exclu les règles de la commande publique du champ des dérogations. Dont acte !
Dans le texte de la commission, nous avons supprimé l’habilitation à déroger par ordonnances aux règles en matière de voirie, d’environnement et d’urbanisme, ainsi qu’aux règles applicables aux travaux et aux aménagements et constructions utiles pour ces travaux. Leur champ nous paraissait à la fois large et imprécis. Surtout, cette habilitation nous gêne en ce qu’elle n’est pas motivée en l’état actuel.
Comme je l’ai souligné, nous avons également supprimé la dispense de consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, la CRPA, car elle aurait pu créer un précédent dangereux en matière de protection du patrimoine.
Dans ces conditions, et eu égard aux efforts tout à fait considérables que le Gouvernement a consentis à la Haute Assemblée (M. le ministre sourit.), il ne me paraît pas souhaitable de rejeter en bloc l’article 9, dont une partie des dispositions pourraient simplifier la mise en œuvre du chantier et sa valorisation.
Le principe d’une interdiction de la publicité a été clairement posé par le Gouvernement, notamment sur les bâches de chantier.
Les seules publicités autorisées sur ces bâches, sur les palissades situées aux abords de la cathédrale et sur les installations provisoires ou définitives situées dans l’emprise du chantier sont celles qui ne présenteront pas de caractère commercial et qui viseront exclusivement à informer le public sur les travaux, et à mettre en valeur, ce qui me semble essentiel, la formation initiale et continue des professionnels qui les effectuent, ou à remercier les donateurs, ce qui est très bien aussi.
Ce sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces deux amendements identiques. À nos yeux, la suppression totale de l’article 9 n’aurait en effet pas de sens.
Monsieur le rapporteur, mis à part sa fin, votre intervention était presque parfaite ! (Sourires.) Nos positions se rapprochent, ce qui me fait plaisir. Il est vrai que l’on a gravé dans le marbre de la loi un certain nombre de dispositions auxquelles vous étiez attachés, je le sais.
Aujourd’hui, monsieur Ouzoulias, il n’existe pas de dérogation possible au code du patrimoine, sauf celles qui sont mentionnées dans le texte. Ces dérogations sont, je le répète, circonscrites à trois champs distincts : la voirie, l’urbanisme et l’environnement.
La possibilité de déroger à la consultation de la CRPA en cas de recours contre l’avis d’un architecte des bâtiments de France, ou ABF, ne s’applique qu’à des aménagements transitoires. Cette dérogation ne concerne, encore une fois, qu’une toute petite partie des dispositions du code du patrimoine et des sollicitations auxquelles les institutions sont confrontées.
Pour autant, je rappelle que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, la CNPA, sera systématiquement consultée pour tout ce qui concerne la restauration de Notre-Dame de Paris. Cette instance importante en matière de préservation des monuments historiques et du patrimoine sera évidemment informée et pourra émettre des avis. De ce point de vue, on ne déroge pas du tout aux règles en vigueur.
Pour le reste, étant donné que nous n’avons pas encore établi de façon précise et dans le détail les modalités de restauration de Notre-Dame de Paris, on ne peut préjuger des assouplissements dont nous aurons besoin dans le code de l’urbanisme, dans le code de l’environnement ou dans celui de la voirie routière.
Pour revenir à l’exemple très précis que je vous ai présenté, nous aurons vraisemblablement besoin de nombreuses pierres pour reconstruire Notre-Dame de Paris, ce qui risque – je n’ai pas dit que c’était certain – de nous obliger à modifier les schémas des carrières de notre pays.
Admettez qu’il serait tout de même dommage de devoir aller chercher d’autres pierres que celles qui seraient idéales pour la restauration de la cathédrale, parce qu’il faut attendre deux ans pour établir un nouveau schéma régional des carrières ! Cet exemple est tout à fait parlant, dans la mesure où il montre bien que l’on ne peut pas tout graver dans le marbre du texte.
De même que vous avez pu constater que j’ai tenu mes engagements sur les dispositions relatives au code du patrimoine, je vous prie de me croire : nous ne voulons pas remettre en cause les grands principes et les lois fondamentales qui régissent les codes de l’environnement, de l’urbanisme ou de la voirie. Vous pouvez nous faire confiance, monsieur Ouzoulias.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison de parler des carrières. En effet, il faudra trouver des pierres dans un banc particulier, le « banc royal », que l’on sait à peu près situer, et rouvrir des carrières.
Toutefois, pour rouvrir ces carrières, il faudra mener des fouilles, monsieur le ministre. Vous serez donc obligé de toucher au code du patrimoine ; sinon, vous devrez mettre en concurrence votre opérateur, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’Inrap, et passer par toute une série de processus.
M. Pierre Ouzoulias. Vous allez devoir passer par le code du patrimoine, parce que c’est le code qui réglemente les opérations d’archéologie préventive, et non celui de l’environnement ! J’ai pratiqué pendant vingt ans, alors, si je me trompe, c’est que j’ai vraiment été un mauvais fonctionnaire. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais je tiens à dire à M. Ouzoulias que l’on ne dérogera pas aux règles en vigueur ! Les dérogations prévues sont spécifiques au site de Notre-Dame de Paris et visent à permettre à l’Inrap de conduire les fouilles archéologiques sur ce site.
En ce qui concerne les carrières, s’il doit y avoir des fouilles, il y aura des fouilles et, donc, une procédure d’appel d’offres. Et nos marges de manœuvre seront fonction de ce qui sortira de ces fouilles.
M. Pierre Ouzoulias. Dans ce cas, vous risquez de ne pas tenir les délais !
M. Franck Riester, ministre. En revanche, on n’aura pas besoin d’attendre deux ans pour que le schéma des carrières soit révisé.
En tout cas, on ne dérogera pas davantage au code du patrimoine que ce que prévoit le texte que nous examinons.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, vous présentez votre exemple comme un argument d’autorité, comme une évidence. En fait, ce n’est pas évident du tout !
En évoquant les carrières, vous répondez à M. Ouzoulias que vous respecterez bien le code du patrimoine, mais que l’on pourra déroger comme on l’entend au code de l’environnement. Non, il faudra se conformer au code de l’environnement !
Je ne pense pas que cela nous obligera à attendre deux ans : il existe déjà des mesures exceptionnelles en cas d’urgence. Nous avons par exemple eu recours à des procédures de ce type pour la tour Eiffel. On n’a pas cherché à inscrire une exception dans la loi. L’État sait faire !
Je reste attaché à des principes : il faut refuser les dérogations aux règles de droit commun qui visent à faciliter la restauration de Notre-Dame de Paris. Il faut refuser les dérogations aux codes en vigueur, notamment à un code de l’environnement que l’on devrait hyperprotéger aujourd’hui, tant on sait que l’environnement est un enjeu de société majeur, compte tenu de tout ce qui se dit sur le réchauffement climatique, la préservation des écosystèmes, etc.
C’est pourquoi nous considérons, par principe, que c’est l’ensemble de l’article qui pose problème même si, comme l’a dit le rapporteur, les avancées obtenues après la réunion de la commission mixte paritaire sont bien entendu à souligner et ne sont pas à balayer d’un revers de main. Le texte est mieux ainsi, mais pas encore satisfaisant.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 8.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Vérien, M. Longeot, Mme Férat, M. Bonnecarrère, Mme Perrot et MM. Mizzon, Lafon et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
de son environnement immédiat
par les mots :
du parvis, des squares entourant la cathédrale et de la promenade du flanc sud de l’Île de la Cité
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 20, qui tend à préciser ce que désigne l’environnement immédiat de la cathédrale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Dans la mesure où notre assemblée a adopté l’amendement n° 20 à l’article 8, il serait logique qu’elle vote cet amendement à l’article 9.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Par dérogation au II de l’article L. 632-2 dudit code, l’autorité administrative qui statue sur le recours en cas de désaccord avec l’architecte des Bâtiments de France sur les installations et constructions temporaires est dispensée de la consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture ;
II. – Alinéa 11
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des opérations de travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et d’aménagement de son environnement immédiat, y compris son sous-sol, ainsi que de valorisation de ces travaux et à adapter aux caractéristiques de cette opération les règles applicables à ces travaux et aux opérations connexes, comprenant notamment la réalisation des aménagements, ouvrages et installations utiles aux travaux de restauration ou à l’accueil du public pendant la durée du chantier ainsi que les travaux et transports permettant l’approvisionnement de ce chantier.
Dans la mesure strictement nécessaire à l’atteinte de cet objectif, ces ordonnances peuvent prévoir des adaptations ou dérogations aux règles en matière de voirie, d’environnement et d’urbanisme, en particulier en ce qui concerne la mise en compatibilité des documents de planification, la délivrance des autorisations nécessaires ainsi que les procédures et délais applicables.
Les dispositions des ordonnances prises sur le fondement du présent III respectent les principes édictés par la Charte de l’environnement de 2004 et assurent la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 181-3, L. 211-1 et L. 511-1 du code de l’environnement, notamment en matière de santé, de sécurité et de salubrité publiques ainsi que de protection de la nature, de l’environnement et des paysages, sans préjudice du respect des engagements européens et internationaux de la France.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Cet amendement vise à rétablir une dérogation pour dispenser le préfet de région de consulter la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne, Lafon et Mizzon, Mme Perrot, MM. Bonnecarrère et Longeot et Mme de la Provôté, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Par dérogation au II de l’article L. 632-2 du code du patrimoine, la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, lorsqu’elle est consultée pour avis par l’autorité administrative qui statue sur le recours en cas de désaccord avec l’architecte des Bâtiments de France sur les installations et constructions temporaires, doit rendre un avis dans un délai de deux semaines ;
La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Je propose de réduire le délai dont la commission régionale du patrimoine et de l’architecture dispose pour rendre ses avis, dans la mesure où il est possible que le Gouvernement souhaite dispenser le préfet de consulter cette commission, parce que ce délai serait trop long.
De toutes les façons, il me semble indispensable de consulter la CRPA. Quand le préfet de département, en l’occurrence le préfet de Paris, n’est pas d’accord avec l’ABF, le préfet de région peut alors demander son avis à la CRPA.
Or il se trouve que le préfet de région et le préfet de Paris sont une seule et même personne. S’il est en désaccord avec l’ABF, il faut donc a minima pouvoir solliciter l’avis de la CRPA. Il s’agit d’un avis qui est certes consultatif, mais qui permet au préfet de disposer malgré tout d’un avis éclairé.
Cela étant, sauf si le Gouvernement nous explique qu’il accepte de maintenir la consultation de la CRPA au cas où l’on réduit le délai dont elle dispose pour rendre ses avis, j’accepterai de retirer mon amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Schmitz, rapporteur. Le Sénat s’est déjà clairement exprimé sur la question des dérogations en nouvelle lecture. Nous avons pris acte de l’effort que vous avez réalisé, monsieur le ministre, pour en circonscrire le champ et indiquer précisément dans la loi celles qui concerneraient le code du patrimoine, le code général de la propriété des personnes publiques et les règles de publicité prévues par le code de l’environnement.
Toutefois, comme je l’ai déjà indiqué, la dispense de consultation de la CRPA nous semble particulièrement problématique en ce qu’elle fait que le préfet de région est dans cette affaire à la fois juge et partie.
Par ailleurs, compte tenu du manque de motivation de votre demande d’habilitation et du manque de précision sur la nature et le champ des dérogations susceptibles d’être concernées, nous ne pouvons pas y souscrire.
Admettez que le champ des adaptations aux règles concernant les travaux et les opérations connexes peut être particulièrement vaste et que l’on peut y faire entrer un peu tout ce que l’on souhaite. Nous sommes donc très hostiles à ce principe de dérogation.
C’est la raison pour laquelle notre commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 15.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 19 rectifié, les délais dont dispose la commission régionale du patrimoine et de l’architecture pour rendre son avis dans le cadre d’un recours formé contre l’avis de l’ABF ne sont nullement fixés à l’article L. 632-2 du code du patrimoine.
Le délai de quinze jours proposé par Mme Vérien me paraît intenable. Cela créerait par ailleurs un précédent extrêmement dangereux à l’avenir : en effet, pourquoi autoriser à raccourcir les délais pour le chantier de Notre-Dame de Paris et pas pour n’importe quel autre projet de restauration ? Là encore, cela me semble être une dérogation dangereuse.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 19 rectifié ?
M. Franck Riester, ministre. Encore une fois, il est question ici de la consultation de la CRPA lorsque survient un désaccord avec l’ABF sur « les installations et les constructions temporaires ». Il n’y a là rien de dangereux : le terme que vous avez utilisé est peut-être un peu fort, monsieur le rapporteur ; il s’agit simplement de gagner du temps.
Je vous propose plutôt de retenir la proposition du Gouvernement, qui a le mérite de ne pas modifier profondément – c’est le moins que l’on puisse dire – le code du patrimoine et de laisser un peu de souplesse en cas de désaccord à propos d’installations temporaires.
Dans ce type de situation, pour le coup, il vaut quand même mieux mener les travaux assez vite. Il serait dommage de perdre un temps considérable pour des installations temporaires, alors que l’on a vraiment intérêt à effectuer cette restauration, certes sans précipitation, mais à bon rythme.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Dominique Vérien. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je souhaite expliquer notre position de vote, parce qu’elle n’est pas évidente.
Nous sommes bien entendu opposés à la version du texte qui nous est présentée par le Gouvernement après la réunion de la commission mixte paritaire, pour toutes les raisons déjà évoquées et, plus particulièrement, à cause de cet article 9, qui prévoit des dispositions dérogatoires à plusieurs codes.
Cela étant, les modifications que la commission a apportées sont-elles suffisamment substantielles pour que nous soyons finalement favorables au texte ?
Nous y avons réfléchi et nous considérons qu’il faut faire ce pas, notamment pour défendre une position forte et unanime sur le sujet et pour continuer à faire avancer les choses, en espérant qu’elles puissent encore progresser à l’avenir. Après tout, nous avons tous grosso modo défendu les mêmes positions ; il serait vraiment dommage de nous désunir maintenant.
Nous voterons donc le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission et qu’il a été modifié aujourd’hui en séance publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, avant d’expliquer notre position sur ce texte, j’aimerais très vivement saluer le travail de notre rapporteur, qui, dans des conditions vraiment très difficiles, qui sont à la limite du supportable et de ce qu’un Parlement peut tolérer, a réalisé un très important travail d’auditions, a essayé, systématiquement et de façon consensuelle, de rapprocher les points de vue, parce que c’est dans la tradition de la commission de la culture du Sénat.
Comme lui, j’ai été extrêmement choqué par la manière dont nous nous sommes heurtés à un mur, à un refus de dialoguer lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas de bonne méthode, d’autant plus que vous avez montré juste après que la commission mixte paritaire s’est réunie, monsieur le ministre, que nous pouvions travailler avec vous et qu’il était possible de rapprocher nos points de vue.
Néanmoins, nous ne sommes toujours pas satisfaits de ce texte, dont nous ne comprenons toujours pas l’utilité juridique et opérationnelle. On en comprend bien l’utilité politique, mais, encore une fois, mes chers collègues, la transposition législative de la parole présidentielle n’est pas un argument dirimant pour nous.
Nous voterons contre ce texte, parce que l’on peut s’en passer et continuer à travailler sur le chantier de la restauration comme tous les personnels de la culture le font, de façon admirable, en ce moment. Ces derniers n’ont pas besoin de ce texte de loi, mais d’un soutien fort de leur ministère, qui leur manque sensiblement en ce moment.
Je n’ai aucune illusion sur l’issue du vote, mais je crois qu’il est très important, madame la présidente de la commission, que, dans la tradition de cette assemblée, nous suivions de façon très ferme et très précisément la manière dont cette loi sera mise en œuvre sur le terrain.
Il est important que notre commission puisse avoir accès à la totalité du chantier – ce n’est pas évident aujourd’hui – et de la documentation. Il ne faudrait pas que ce chantier bénéficie d’un statut d’extraterritorialité. Malheureusement, je regrette qu’il nous ait été interdit de nous rendre sur le site, car c’eût été fort instructif pour nos débats.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je voudrais vraiment remercier notre rapporteur Alain Schmitz, dont c’était le premier rapport. Grâce à son exigence, à sa fermeté, mais aussi grâce à ses positions constructives, on a tout de même pu avancer un peu, monsieur le ministre, puisque vous vous êtes finalement rangé à un certain nombre de propositions que nous avions faites lors de la première lecture.
Si nous n’avions pas eu cette fermeté et si nous avions cédé à la tentation de nous ranger à l’avis du Gouvernement sur le texte dont nous débattions ici au Sénat, nous n’aurions pas eu ces avancées aujourd’hui sur les dérogations au code du patrimoine, ni la création de l’établissement public administratif selon un certain nombre de modalités, dont la réaffirmation que celui-ci se travaillera sous l’égide du ministère de la culture.
Monsieur le ministre, je ne dis pas cela pour remuer le couteau dans la plaie, mais je veux vous remercier du bon travail que nous faisons d’ordinaire sur l’ensemble des textes. J’ai évoqué dans mon propos liminaire la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique, qui a été votée hier à l’unanimité : c’est un exemple de bon travail parlementaire, même si les délais étaient un peu courts.
En revanche, sur ce texte, nous avons franchement été plus que chahutés. J’évoquais le sujet hier soir encore avec mon homologue de l’Assemblée nationale, Bruno Studer : sa commission n’a même pas eu une journée pour organiser des auditions sur le texte…
On ne travaille pas dans des conditions satisfaisantes, mais je crois que vous le savez, monsieur le ministre. Je ne veux pas revenir sur ce point, dans la mesure où vos propres services ont également été bousculés et où il vous aurait fallu sans doute vous-même un peu plus de temps pour que l’on aboutisse sur un texte qui aurait dû faire consensus.
Autant il y a des sujets que lesquels on peut ne pas être d’accord, car c’est compliqué, autant nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut restaurer, et au plus vite, Notre-Dame de Paris. Il n’y a pas de désaccord de fond sur ce point entre nous.
En tout cas, je vous remercie, mes chers collègues. La commission est restée aussi fidèle que possible à la réputation qui est la sienne depuis la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine jusqu’au texte que nous examinons aujourd’hui, en passant par la loi ÉLAN. Nous défendons une vision cohérente de la défense de la restauration et de la promotion du patrimoine.
Je vous remercie de l’excellent travail que nous avons pu accomplir sous l’égide du rapporteur : encore bravo à Alain Schmitz, et merci, monsieur le ministre, de ces débats.