Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
De notre point de vue, la Haute Autorité devrait vérifier que le départ dans le secteur privé d’un fonctionnaire ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale. Au travers de l’amendement de Catherine Morin-Desailly, défendu par Annick Billon, les exemples cités démontrent qu’il y a là un véritable sujet. D’ailleurs, l’actualité très contemporaine en témoigne ; j’en veux pour preuve la séance de questions d’actualité au Gouvernement de cet après-midi.
Ces exemples sont éloquents et doivent nous conduire à réfléchir, voire à aller plus loin. Les allers-retours, au-delà d’être suspects, montrent parfois des proximités qui sont, selon nous, coupables. De la même façon, le départ de certains fonctionnaires vers le secteur sensible de l’industrie de l’armement peut poser le même type de problèmes.
La question de la souveraineté nationale est d’une acception large, nous en avons bien conscience. Reste donc à savoir si la HATVP sera en mesure d’apprécier ce nouveau critère et comment elle pourra le faire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Lors de l’examen des demandes des agents publics, la Haute Autorité doit étudier si l’activité envisagée risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service public, si elle contrevient à tout autre principe déontologique et si elle ne risque pas de placer l’agent dans une situation de commettre un délit de prise illégale d’intérêts. Il nous semble que, sur les premiers items – la compromission ou la mise en cause du fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service public –, nous couvrons les risques que la présidente Catherine Morin-Desailly souhaite voir pris en compte.
C’est la raison pour laquelle nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Mon groupe votera cet amendement, qui nous paraît extrêmement intéressant, très étayé et répond à une vraie problématique.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 465 rectifié est présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli, Gold et Artano.
L’amendement n° 493 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 34, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 465 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement est encore proposé par Nathalie Delattre.
Une étude publiée en 2016 par l’ÉNA et intitulée, de manière poétique, Que sont les énarques devenus ? soulignait la mobilité externe supérieure des anciens élèves de la prestigieuse école sortis classés dans les grands corps.
Selon les chiffres disponibles, 85 % des anciens élèves auraient « durablement » quitté l’État, mais pas définitivement, il faut le souligner. Toutefois, selon les corps d’origine, une part significative d’entre eux effectue des « passages » en entreprise : 75 % pour les membres de l’IGF, l’inspection générale des finances, 45 % pour ceux de la Cour des comptes et 37,7 % pour ceux du Conseil d’État.
Dans ces corps, la mobilité vers le secteur privé est devenue, de façon coutumière, une étape de carrière, et ce avant même que la lutte contre les conflits d’intérêts ne devienne une préoccupation pour les pouvoirs publics, laquelle s’est notamment traduite à partir des années quatre-vingt-dix par l’adoption de la loi Sapin I.
Pour autant, à présent que la lutte contre les conflits d’intérêts est devenue une priorité et qu’elle est nécessaire pour maintenir la confiance de nos concitoyens dans nos institutions démocratiques, il serait contreproductif de vouloir la concilier avec la préservation des intérêts personnels des anciens élèves de l’ÉNA, en prévoyant dans le dispositif destiné à s’assurer que leur mobilité vers le secteur privé n’est pas préjudiciable à l’intérêt général que leur carrière doit être prise en compte. Il y a là confusion des genres.
Nous considérons en effet que la Haute Autorité n’a pas vocation à devenir une sorte d’antichambre des ressources humaines de l’ÉNA, ni compétence pour le faire.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cette mention.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 493.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission souhaite que la Haute Autorité prenne en considération le déroulement de la carrière de l’intéressé en y mettant de l’humain. Il s’agit non pas d’un dossier, mais d’une personne. Il faut, par exemple, prendre en compte son âge. Ce n’est pas tout à fait la même chose d’aller du secteur public vers le secteur privé selon que la personne a cinquante ans ou dix ou quinze ans de moins.
Il ne s’agit pas là d’introduire de la subjectivité. La Haute Autorité a évidemment la capacité à lever tous les conflits d’intérêts qu’elle trouvera, mais elle doit porter un regard sur l’homme, à l’heure où l’on parle de bienveillance. Derrière les avis qu’elle sera conduite à rendre ou les réserves qu’elle émettra, il y a la réalité professionnelle d’une personne, au regard du déroulement de sa carrière.
Cette proposition a émergé pendant les auditions parce que les avis de la Haute Autorité peuvent parfois bloquer la carrière d’un fonctionnaire, ce dernier étant alors contraint de partir à l’étranger pour se reconvertir, ce qui constitue une perte en capital humain non seulement pour l’administration, mais aussi pour le pays.
Aux termes de la rédaction proposée par la commission, la Haute Autorité placera le contrôle des conflits d’intérêts au premier plan – c’est son rôle ! –, mais elle devra toutefois prendre en considération, à titre subsidiaire, le déroulement de carrière de la personne concernée. Cette rédaction nous semble équilibrée, même si l’idéal serait qu’une direction des ressources humaines de l’État se charge de ces hauts potentiels. Mais ce n’est malheureusement pas le cas pour le moment.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Vous parlez de bienveillance, monsieur le rapporteur, mais on entre là dans le subjectif.
Par les temps qui courent, la transparence, j’y insiste, doit être très clairement affichée. C’est pourquoi je maintiens mon amendement, et je souhaite vraiment qu’il soit adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Le rapporteur a remis sur la table un sujet qui a déjà été évoqué hier : l’élément important, c’est vraiment l’absence, le manque de gestion des ressources humaines concernant ce qu’on appelle la catégorie A+ – j’’emploie ce terme, car cette catégorie existe encore à l’heure où je parle !
Hier, M. le secrétaire d’État a évoqué les 500 très hauts fonctionnaires, les hauts potentiels, qui sont suivis par la DGAFP, la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Mais tous les autres, qui appartiennent à ces corps dont on a parlé précédemment, sont plus ou moins bien suivis. De plus, leur carrière est loin d’être linéaire, puisque leur vocation est d’exercer à différents endroits de la sphère publique en premier lieu, voire, parfois, en faisant des allers-retours dans des entreprises qui sont à mi-chemin entre le public et le privé.
Aussi, le rapporteur a vraiment insisté sur un point d’importance : il faut créer une véritable direction des ressources humaines pour ces personnes-là. J’avais déposé un amendement en ce sens, mais il n’a pas été retenu au motif que ses dispositions relevaient du pouvoir réglementaire. Il faut que le secrétaire d’État entende ce message que nous portons dans l’hémicycle et qui nous a été transmis lors des auditions : il faut s’occuper de ces personnes pour mieux les gérer, ce qui permettra, notamment, d’éviter un certain nombre de départs vers le privé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Trois ou quatre d’entre nous présents ce soir ont été membres de la commission d’enquête qui s’est tenue l’année dernière, sur l’initiative de Pierre-Yves Collombat, concernant les mobilités des très hauts fonctionnaires de l’État et les impacts sur la République.
J’entends, monsieur Labbé, votre discours, mais il est quelque peu contraire aux conclusions de cette commission d’enquête, conclusions que Christine Lavarde, qui en était membre, vient d’exposer. Ce sont bien plus les manques de l’État, les failles lors de l’ensemble du déroulé de carrière des très hauts fonctionnaires, ou les A+, comme on disait dans l’ancien monde, qui sont importants. En ce sens, votre amendement ne permet pas de résoudre ce problème. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Labbé.
À cet égard, je m’étonne, monsieur le secrétaire d’État, que, dans le cadre de ce projet de loi, qui va plutôt dans le bon sens – nous en avions discuté ensemble –, vous n’ayez pas assez lu les conclusions de ce rapport, et on peut vous le reprocher.
Mme Éliane Assassi. On va lui envoyer !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. On ne va pas refaire tous les débats qui ont eu lieu au sein de cette commission et prolonger inutilement la discussion ce soir. Mais je veux dire que je partage les propos de Mme Lavarde : nous avons abouti à la conclusion que la création d’une direction des ressources humaines pour les hauts fonctionnaires, les A+, aurait été une bonne chose, de même qu’un meilleur ajustement du nombre de postes dans ces écoles.
En effet, on a un peu gardé la même voilure qu’à l’époque où beaucoup d’entreprises publiques étaient dans le giron de l’État, ce qui n’est plus le cas. On a donc peut-être effectivement trop de hauts fonctionnaires eu égard à un bon déroulement de carrière. D’ailleurs, ils partent dans des entreprises qui étaient auparavant publiques et sont passées dans le secteur privé, ce que je déplore, pour ma part, mais c’est un fait.
Oui, il faut une direction des ressources humaines pour gérer ces personnes, mais cela ne doit pas être fait dans le cadre de la Haute Autorité.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’amendement de Mme Delattre, qui a été présenté par M. Labbé, même si nous aurions certainement été en accord avec l’amendement proposé par Christine Lavarde pour créer une DRH, en vue de donner véritablement un sens à la carrière des hauts fonctionnaires et d’éviter des départs dans le secteur privé. J’en suis convaincue, certains de ces départs sont liés à la recherche d’une nouvelle dynamique de carrière, mais aussi, car ce n’est pas la seule raison qui pousse parfois à pantoufler, à l’attrait, malheureusement, des très hautes rémunérations qui peuvent être offertes, et qui vont un petit peu parfois à l’encontre du sens du service public que ces jeunes avaient peut-être au départ donné à leurs études.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je dirai deux mots pour expliquer le maintien de l’amendement n° 493, identique à l’amendement n° 465 rectifié.
Tout d’abord, Mme Lavarde et moi-même avons eu effectivement hier une discussion sur la question de la gestion de la carrière des hauts fonctionnaires. Au-delà de nos échanges sur le caractère réglementaire ou législatif de sa proposition, il s’agit d’un sujet d’actualité essentiel. Je forme le vœu que la mission menée par M. Thiriez et l’ensemble des contributions – rapport parlementaire, rapports des organisations spécialisées ou des organisations professionnelles et syndicales – nous permettront d’avancer dans les mois qui viennent.
Mais, sincèrement, je ne vois pas véritablement le lien entre cet amendement et le débat qui nous occupe sur les dispositions adoptées par la commission des lois. Lorsque la Haute Autorité sera amenée, dans le cadre de ses nouvelles compétences en matière de déontologie, telles qu’elles sont prévues par le texte, à se prononcer sur le risque de conflit d’intérêts pour un agent public qui rejoindrait le secteur privé, soit elle émettra un avis favorable, considérant que ne se pose pas de risque déontologique, et, en cela, je ne vois pas ce que vient faire dans ce débat la question du déroulement de carrière du haut fonctionnaire – que celui-ci ait trente ou cinquante ans, c’est lui qui choisit de partir dans le secteur privé ou pas, et c’est lui qui choisit s’il en repart ou pas ! –,…
M. Jérôme Bascher. Lisez le rapport !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … soit elle émettra un avis défavorable au regard des choix présentés par le haut fonctionnaire.
Nous avons dit explicitement que l’avis favorable ne serait pas public. Si le haut fonctionnaire respecte l’avis défavorable, il restera dans son administration, et en raison de la non-publicité des avis défavorables respectés, il n’y aura pas d’effet sur le déroulement de sa carrière.
Si un haut fonctionnaire ou un fonctionnaire soumis au contrôle de la Haute Autorité, dans le cadre des compétences nouvelles de celle-ci en matière de déontologie, prend le risque d’outrepasser un avis défavorable, risque donc un conflit d’intérêts, et si des conséquences en découlent sur le déroulement de sa carrière, c’est de sa responsabilité ! La Haute Autorité aura joué son rôle prudentiel. On peut considérer que les hauts fonctionnaires ont le discernement nécessaire pour respecter un avis défavorable et, par conséquent, ne pas l’outrepasser, avec les risques liés sur le plan disciplinaire ou pénal et pour le déroulement de leur carrière. Il y va de leur responsabilité ou de leur irresponsabilité, selon le point de vue retenu.
Par conséquent, je suis assez surpris de la décision de la commission des lois d’avoir intégré cette disposition.
Concernant un grand nombre de points, elle a adopté une position plus sévère, plus rigoureuse que la position initiale du Gouvernement en ajoutant des sanctions pénales aux sanctions disciplinaires et en élargissant le champ des contrôles systématiques par rapport aux dispositions qui lui ont été soumises, et là, elle se montre soucieuse de l’incidence du respect ou non de l’avis de la Haute Autorité sur le déroulement de carrière des hauts fonctionnaires, ainsi que des réserves qui peuvent être émises.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est le sens de l’équilibre !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne pense pas que ce soit un équilibre. Je pense, au contraire, et je le répète, qu’un haut fonctionnaire a le discernement nécessaire pour respecter les avis de la commission de déontologie. S’il ne les respecte pas, il s’expose à des conséquences. Si l’avis de la commission est favorable, il fait le choix en responsabilité soit d’aller dans le secteur privé, avec la possibilité ou non d’en revenir, soit de demeurer dans le secteur public pour privilégier une carrière linéaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne partage pas la position exprimée par le rapporteur il y a un instant.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 rectifié et 493.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 488, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 45
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- au même premier alinéa, les mots : « , dans un délai de deux mois à compter de sa saisine, » sont supprimés ;
II. – Alinéa 52
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’elle se prononce en application des 3° et 4° du II du présent article, la Haute Autorité rend un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. L’absence d’avis dans ce délai vaut avis de compatibilité. » ;
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement vise à préciser que le délai de deux mois dont la Haute Autorité dispose pour rendre ses avis ne s’applique qu’aux demandes de création ou de reprise d’entreprise et de départ vers le secteur privé, comme le prévoient les dispositions régissant le délai dans lequel la commission de déontologie rend ses avis dans ces deux cas.
Le délai applicable au nouveau contrôle préalable à la nomination dit « contrôle retour » sera, en revanche, déterminé par décret, comme le prévoit le paragraphe V de l’article 25 octies dans sa nouvelle rédaction. Ce délai sera inférieur à deux mois pour ne pas freiner le processus de recrutement des agents publics.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 86 rectifié sexies, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme G. Jourda, MM. Antiste et M. Bourquin, Mme Meunier, M. P. Joly, Mmes Monier et Préville, M. J. Bigot, Mmes Blondin et Grelet-Certenais et MM. Kerrouche et Jacquin, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un suivi annuel de ces réserves est assuré.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Par cet amendement, nous demandons un suivi annuel des réserves émises par la HATVP sur les cas dont elle sera saisie en matière de déontologie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement rejoint le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui prévoyait que l’agent transmette une attestation annuelle à la Haute Autorité.
Cette attestation semble toutefois particulièrement bureaucratique, et aucune sanction n’est prévue lorsque l’agent transmet une attestation erronée.
La commission a préféré un autre système de contrôle, qui lui a semblé plus efficace : elle a renforcé les pouvoirs d’investigation de la Haute Autorité, qui organisera elle-même ses contrôles. Elle pourra ainsi hiérarchiser les cas les plus problématiques, disposera d’un pouvoir d’injonction et pourra, le cas échéant, saisir le juge pénal.
La Haute Autorité devra rendre compte de ses contrôles dans son rapport annuel. Elle pourra également en publier directement les résultats.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’avais émis des réserves au sujet de l’adoption de ces dispositions par l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement se rallie aux propositions de la commission des lois du Sénat. Avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 486, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 55 et 56
Rédiger ainsi ces alinéas :
« X. – Les avis rendus au titre des 2° et 3° du IX lient l’administration et s’imposent à l’agent. Ils sont notifiés à l’administration, à l’agent et à l’entreprise ou à l’organisme de droit privé d’accueil de l’agent.
« Lorsqu’elle est saisie en application des 3° à 5° du II, la Haute Autorité peut rendre public les avis rendus, après avoir recueilli les observations de l’agent concerné.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La version du texte adoptée par la commission des lois du Sénat modifie la portée des avis rendus par la HATVP.
En effet, aujourd’hui, seuls les avis de compatibilité avec réserves et les avis d’incompatibilité lient l’administration. Cette dernière peut donc parfaitement s’opposer au départ des agents, par exemple pour des raisons liées au bon fonctionnement du service public, et ce malgré un avis de compatibilité rendu par la Haute Autorité.
Or le projet de loi prévoit désormais que tous les avis de la HATVP, y compris ses avis de compatibilité, s’imposent à l’administration. Une telle disposition prive donc l’administration de son pouvoir d’appréciation en cas de nécessité et de ses prérogatives en matière d’organisation des services, ce qui risque de provoquer dans certaines situations la désorganisation de ceux-ci.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’article dans sa rédaction antérieure sur ce point, tout en conservant l’ajout de la commission concernant la notification de l’avis rendu par la Haute Autorité à l’administration, à l’agent et à l’organisme d’accueil.
Par ailleurs, le présent amendement vise à maintenir la suppression de la disposition prévoyant la publicité systématique des avis, qui est souhaitée par la commission des lois. Il tend en revanche à supprimer les précisions portant sur les motifs de la publication qui ne relèvent pas, à notre sens, du domaine de la loi. Ainsi, la HATVP pourrait rendre publics les avis qu’elle émet après le recueil des observations de l’agent concerné, possibilité actuellement ouverte à la commission de déontologie de la fonction publique au titre du VI de l’article 25 octies de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. L’amendement du Gouvernement respecte la volonté de la commission d’empêcher une publication systématique des avis de la HATVP qui poserait une réelle difficulté d’ordre constitutionnel, notamment en ce qui concerne la protection des libertés publiques, en particulier celle des données personnelles.
En effet, il vise simplement à préciser que les avis de conformité ne lient pas l’administration : elle peut refuser le départ d’un agent pour le bon fonctionnement du service, même lorsque la Haute Autorité émet un avis de conformité sur cette mobilité.
La commission y est donc favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 449 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli, Gold et Artano, est ainsi libellé :
Alinéa 57
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf pour les avis favorables assortis de réserves
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La question de la publicité des avis de la HATVP en matière de contrôle des mobilités des fonctionnaires a déjà été débattue lors de l’examen de la proposition de loi du groupe du RDSE en février 2018.
Nous entendons les arguments des deux rapporteurs, en particulier ceux de M. Loïc Hervé, qui s’inscrivent dans le droit fil des positions prises par la Haute Assemblée lors de la discussion de la loi pour une République numérique et sur les questions relevant de la loi Informatique et libertés.
Pour autant, en cette matière précise, il nous paraît particulièrement nécessaire que soient soumis à la publicité les avis favorables assortis de réserves, sans quoi l’effectivité du contrôle de l’application de ces réserves serait considérablement affaiblie.
Tel est l’objet de cet amendement déposé par notre collègue Nathalie Delattre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous ne partageons pas l’objectif des auteurs de cet amendement qui souhaitent publier tous les avis de compatibilité avec réserves, ce qui poserait, je le répète, une difficulté de nature constitutionnelle.
Nous faisons confiance à la HATVP pour décider de la publication de ses avis et avons renforcé ses pouvoirs en matière de contrôle des réserves.
Que l’on s’entende bien sur l’objectif que nous cherchons à atteindre : il s’agit de rendre public un certain nombre d’avis de la Haute Autorité pour établir une forme de doctrine, de jurisprudence consolidée à la disposition des fonctionnaires dont la situation serait examinée par la HATVP, afin qu’ils aient connaissance des pratiques de la Haute Autorité que l’expérience lui a permis d’acquérir.
La publication systématique que vous proposez, mon cher collègue, nous semble orthogonale avec la publication au cas par cas voulue par la HATVP. Nous souhaitons que celle-ci conserve l’intégralité de son pouvoir de décision.
En outre, l’adoption du présent amendement priverait les intéressés des garanties fondamentales reconnues par le code des relations entre le public et l’administration, notamment en ce qui concerne le respect de leur vie privée.
En plus des raisons que je viens d’évoquer, ce dernier point est suffisamment important pour que la commission émette un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 447 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, Costes et M. Carrère, MM. Collin et Gabouty, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli, Gold et Artano, est ainsi libellé :
Alinéa 63
Supprimer les mots :
, dans la limite de 20 % du montant de la pension versée,
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le XI de l’article 16 prévoit les sanctions susceptibles d’être prononcées en cas de non-respect des avis de la HATVP.
Je rappelle que la Haute Autorité n’aura à connaître que les cas touchant aux emplois les plus sensibles, du fait soit des fonctions occupées, soit du niveau hiérarchique, les autres cas étant traités par l’autorité hiérarchique.
Il faut également rappeler que ces sanctions concerneront des personnes se soustrayant délibérément à l’avis de la HATVP après notification.
Sur le plan pénal, il faut souligner que la prise illégale d’intérêts est sanctionnée aujourd’hui de cinq ans de prison et de 500 000 euros d’amende.
En l’état actuel du texte, les sanctions paraissent relativement légères. S’agissant du fonctionnaire en activité, le projet de loi ne prévoit en effet que la possibilité de poursuites disciplinaires, et la fin anticipée du contrat s’il s’agit d’un agent contractuel.
Pour ce qui concerne les fonctionnaires retraités, est prévue une possible retenue sur pension, limitée à 20 % seulement de la pension versée. Du fait de leurs réseaux étendus et de leur fine connaissance de l’administration, il n’est pourtant pas rare de voir des hauts fonctionnaires retraités recrutés dans des cabinets d’affaires à des postes particulièrement lucratifs.
Afin de permettre à l’administration de prononcer des sanctions plus dissuasives et proportionnées aux bénéfices tirés du non-respect des règles en vigueur en matière de prévention des conflits d’intérêts, nous proposons de supprimer le plafond de 20 % de retenue sur pension prévu à l’alinéa 63.