M. Joël Labbé. L’Assemblée nationale a accordé aux agents contractuels les plus précaires du secteur public le bénéfice de la prime de précarité. Or la commission des lois a exclu les agents des services hospitaliers du bénéfice de cette mesure, au motif qu’elle pourrait provoquer un effet d’aubaine.
Étant donné l’état d’épuisement de l’ensemble du personnel de nos hôpitaux, cette décision nous paraît particulièrement inappropriée.
Comme dans le secteur privé, où désormais sept CDD sur dix sont d’une durée inférieure à un mois, l’effet d’aubaine anticipé est fortement contestable. Il semble plutôt se situer du côté des employeurs, lesquels sont en position de force face à des employés captifs et bon marché.
Après l’annonce d’un bonus-malus pour les recours abusifs aux contrats courts, et à l’approche de la réforme de l’assurance chômage, il serait incohérent de prévoir des facilités pour les employeurs publics hospitaliers.
C’est la raison pour laquelle nous défendons le rétablissement de cette disposition.
Mme la présidente. L’amendement n° 482, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
de l’article 9
par les mots :
des articles 9 et 9-1, à l’exclusion des contrats saisonniers
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’Assemblée nationale a adopté un dispositif permettant de créer une prime de précarité dans les trois versants de la fonction publique pour les contrats d’un an ou moins, à l’exception des contrats saisonniers.
La commission des lois du Sénat a considéré que, du fait de leur situation financière actuelle, les établissements hospitaliers pouvaient être exposés à des difficultés si cette disposition leur était appliquée sans modification du droit en vigueur.
Nous avons reconnu hier l’existence d’un besoin saisonnier dans un certain nombre d’hôpitaux, en ouvrant, par l’adoption d’un amendement, la possibilité de conclure des contrats saisonniers dans les structures hospitalières.
J’ai déposé l’amendement n° 482, au nom du Gouvernement, pour que la fonction publique hospitalière bénéficie de la prime de précarité dans les mêmes conditions que les deux autres versants, qu’il s’agisse du montant de l’indemnité ou de la durée du contrat. Comme c’est déjà le cas dans l’ensemble du secteur privé, les contrats saisonniers seront exclus de ce dispositif.
Tel est le point d’équilibre : il faut à la fois rétablir la prime de précarité dans les trois versants de la fonction publique et y tenir compte des rythmes saisonniers, comme c’est déjà le cas dans le secteur privé.
D’autres amendements visent à rétablir l’intégralité des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. Je l’indique d’ores et déjà, le Gouvernement demandera leur retrait, au profit de l’amendement n° 482.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 139 rectifié bis est présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et J. Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 239 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 519 rectifié est présenté par M. de Belenet, Mmes Guidez et Vullien, MM. Prince, Théophile, Patient, Buis et Gabouty, Mme Mélot, MM. Bonnecarrère, Bargeton, Henno, Decool, Lévrier, Guerriau et Mohamed Soilihi, Mmes Bories, Schillinger et Cartron, MM. Amiel, Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Navarro, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent et MM. Richard et Yung.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
de l’article 9
par les mots :
des articles 9 et 9-1
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié bis.
M. Jérôme Durain. La commission des lois a restreint le champ des contrats auquel s’appliquera la prime de précarité dans la fonction publique hospitalière. Elle a réservé le bénéfice de cette prime aux agents recrutés à titre permanent sur des emplois permanents. Elle a donc exclu du bénéfice de cette prime de précarité les contrats les plus précaires de la fonction publique hospitalière, ce qui est au fond un non-sens.
Les motifs budgétaires invoqués par la commission des lois sont réels, mais il appartient à l’État d’apporter une réponse, et non au Parlement d’en faire subir les conséquences aux plus précaires des contractuels.
Au sujet des contractuels, notre argumentaire est centré sur la précarité : en l’occurrence, nous sommes face à une disposition extrêmement défavorable aux demandes que nous avons formulées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 239.
Mme Laurence Cohen. Lors de l’examen du texte en commission, Mme la rapporteur a fait adopter la suppression de la prime de précarité applicable aux contrats courts pour la fonction publique hospitalière. Elle a déclaré à ce propos : « Dans la fonction publique hospitalière, le recours important aux petits contrats pour assurer la continuité des soins nous oblige à limiter l’application de la prime de précarité, afin de ne pas aggraver l’état financier des établissements. »
Le Gouvernement étant à l’origine de cette disposition, il va sans dire qu’il va financer les 400 millions d’euros et garantir le financement de cette prime de précarité aux hôpitaux. M. le secrétaire d’État pourra nous le confirmer.
Cette mesure est une revendication très ancienne des organisations syndicales, qui, en dénonçant la précarité des personnels, demandaient la fin de cette injustice entre les contractuels de droit privé et les contractuels de droit public.
Actuellement, pour les CDD de droit public les plus courts, la loi ne prévoit pas d’indemnité de fin de contrat. Or cette prime existe pour les contrats de droit privé équivalents.
Une telle discrimination entraîne des incohérences au sein d’un même établissement public. J’en veux pour preuve un exemple que l’on n’a pas l’habitude de citer : Voies navigables de France, où des contractuels de droit public auxquels la prime de précarité est refusée voisinent avec des contractuels de droit privé bénéficiant de cette mesure.
L’ensemble des contractuels de la fonction publique doivent bénéficier d’une telle indemnité, notamment dans la fonction publique hospitalière : ces personnels souffrent d’un statut et de rémunérations particulièrement précaires.
À défaut, cette prime semblerait absolument inéquitable et créerait une inégalité entre les différentes fonctions publiques, ce qui est contraire à l’esprit du statut.
Mes chers collègues, nous demandons, en conséquence, le rétablissement du texte adopté par l’Assemblée nationale. À nos yeux, cette prime reste toutefois insuffisante, et son champ d’application demeure trop restreint. Je le sens bien, nous n’avons pas encore réussi à convaincre : je le répète donc une nouvelle fois, l’enjeu numéro un est, selon nous, l’augmentation des salaires !
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour présenter l’amendement n° 519 rectifié.
Mme Michèle Vullien. Par-delà les clivages politiques, nous sommes nombreux à soutenir le rétablissement de cette mesure : votons cette disposition légitime !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. La commission des lois ne s’est pas opposée à l’institution d’une prime de précarité,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bien sûr que non !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … destinée à certains agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique, même si – on le sait – cette charge peut être lourde.
Cependant, la commission a entendu prendre en compte la situation particulière des hôpitaux, en excluant du champ de cette prime les personnels recrutés pour remplacer un agent indisponible, faire face à une vacance d’emploi ou à un accroissement temporaire d’activité.
Les hôpitaux n’ont d’autre choix que de recruter des agents contractuels pour maintenir leurs équipes à flot et, ce faisant, assurer la continuité des soins. Chacun sait que les services hospitaliers sont tout à fait particuliers et que les hôpitaux français sont dans une situation financière déplorable.
Dans ces conditions, que faut-il faire ? Au nom d’une idée généreuse, étendre la nouvelle prime de précarité à l’ensemble des agents contractuels hospitaliers ? Ou, au nom d’une éthique de responsabilité, refuser de ruiner les hôpitaux français ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cela étant, je rejoins Mme Cohen : si le Gouvernement s’engage à compenser financièrement cette charge pour les hôpitaux, nous sommes prêts à revoir notre position.
Pour l’heure, nous émettons un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je déplore l’avis émis par la commission sur l’amendement n° 482 : en proposant une mesure tout à fait harmonisée avec les autres champs d’activité, qu’il s’agisse du secteur privé ou des deux autres versants de la fonction publique, le Gouvernement permet la création d’une prime de précarité pour les agents hospitaliers contractuels de courte durée, exception faite des besoins saisonniers.
J’y insiste, dans le texte de l’Assemblée nationale, les contrats saisonniers sont exclus du dispositif pour la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale, comme c’est déjà le cas dans le secteur privé.
Comme la majorité de l’Assemblée nationale, le Gouvernement est particulièrement attaché aux dispositions de l’amendement n° 482.
Je tiens également à apporter quelques précisions, en écho aux interventions de Mme Cohen et de Mme la rapporteur.
Tout d’abord, à pratiques de ressources humaines inchangées, le coût de la prime de précarité est estimé entre 350 et 370 millions d’euros dans la fonction publique, dont 70 à 90 millions d’euros pour le versant hospitalier.
Or, pour les trois versants, le présent texte ouvre largement la possibilité de recourir à des contractuels, en les recrutant non pour une année, mais pour trois ans. Les agents concernés sortiraient dès lors du champ d’attribution de la prime de précarité.
De plus, nous prévoyons de faciliter les primo-recrutements en CDI dans au moins deux des trois versants et nous favoriserons la titularisation d’agents à temps non complet. Le temps partiel n’est pas la panacée, tant s’en faut, mais, pour un certain nombre de postes, cette organisation permet de répondre aux besoins ; et quitte à occuper un temps non complet, autant disposer d’une position stable plutôt que d’enchaîner de petits contrats.
Cette prime de précarité n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2021, soit un peu plus d’un an après l’adoption du présent texte. Ainsi, les employeurs des trois versants pourront se saisir des outils de lutte contre la précarité, qui ne manqueront pas de donner des résultats : le coût de la prime de précarité s’en trouvera réduit d’autant.
Au cours des dernières semaines, le Sénat a eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises du financement de l’hôpital avec ma collègue ministre des solidarités et de la santé. Sur ce sujet, j’apporterai deux arguments qu’elle a, j’en suis convaincu, déjà détaillés devant vous.
En 2018, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, a crû de 2,4 %. En 2019, il progressera de 2,6 %. De ce fait, les tarifs médicaux ont pu être revalorisés. Peut-être jugerez-vous cet effort insuffisant, mais il est d’une ampleur inédite depuis longtemps. Depuis l’année dernière, l’Ondam a progressé dans des proportions inégalées depuis 2009, et le Gouvernement fait un véritable effort financier pour l’hôpital.
Je suis tout à fait ouvert à la discussion, qu’il s’agisse des retards à rattraper, du rythme d’évolution des dépenses ou du caractère, suffisant ou non, des initiatives engagées pour répondre aux besoins actuels. Mais il faut reconnaître la vérité : l’effort entrepris a d’ores et déjà permis une revalorisation des tarifs médicaux, et il nous permettra – je l’espère – d’apporter des solutions, face aux difficultés auxquelles le secteur hospitalier se heurte aujourd’hui.
Voilà pourquoi j’invite la Haute Assemblée à voter l’amendement n° 482, qui vise à rétablir la prime de précarité dans la fonction publique hospitalière en excluant les besoins saisonniers, comme c’est le cas dans les deux autres versants de la fonction publique.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Pour ce qui me concerne, je ne demande pas mieux qu’une amélioration du sort réservé aux personnels de soins : on ne peut être indifférent à cette question, étant donné la charge, notamment émotionnelle, des métiers qu’ils exercent. Cela étant, il faut rompre avec cette pratique détestable consistant à être généreux aux dépens d’autrui.
En écoutant Mme la ministre des solidarités et de la santé, on a le sentiment que les hôpitaux français traversent une crise financière terrible, dont on n’a pas encore la clé. Mes chers collègues, je vous prends à témoin – chacun de vos territoires dénombre au moins un hôpital. Les déficits de nos hôpitaux locaux prennent parfois des proportions extrêmement inquiétantes.
Pour ce qui me concerne, je suis donc tiraillé entre le souhait, parfaitement légitime, de reconnaître l’engagement de nos professionnels de santé – je pense aussi à tous les personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, qu’ils soient sous statut hospitalier ou non – et l’exigence de responsabilité financière, qui nous pousse à nous tourner vers l’exécutif.
Voilà des années que les gouvernements successifs, y compris le ministère actuel, méconnaissent les capacités de financement des fonctions publiques hospitalière ou territoriale. Voilà des années que l’on impose des accords nationaux dont la déclinaison locale est impossible, dont l’application ne peut être entreprise qu’au prix d’une dégradation du service public, local ou hospitalier.
Il s’agit donc d’une question extrêmement sensible. Par principe, disons avec force que nous voulons voir s’améliorer la situation de nos personnels hospitaliers, surtout les plus modestes d’entre eux, mais que cette décision ne doit, en aucun cas, infliger des charges nouvelles à nos hôpitaux. Certains d’entre eux sont déjà contraints de fermer leurs portes !
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Mme la rapporteur l’a dit avec raison : il faut lutter contre la précarité. Et, dans le même temps, je rejoins M. le président de la commission : l’équilibre des comptes hospitaliers doit rester au cœur de nos préoccupations.
Nous ne pouvons qu’approuver ces objectifs ; mais ces derniers relèvent du long terme, car ils exigent un travail de longue haleine.
Or, en l’occurrence, nous débattons d’un enjeu absolument immédiat : il faut garantir aux salariés de la fonction publique hospitalière les dispositifs auxquels ils ont droit, en particulier la prime de fin de contrat de moins d’un an. Pour l’heure, ils en sont privés, alors même que leurs homologues du privé en bénéficient. C’est, tout simplement, une question de justice sociale, avec une mesure immédiate en attendant les évolutions structurelles, lesquelles sont tout à fait légitimes.
Si l’amendement n° 463 rectifié est retiré, je voterai bien sûr l’amendement n° 482, comme nous y invite M. le secrétaire d’État.
Quant à l’amendement n° 519 rectifié, que j’ai déposé, il a été cosigné par un grand nombre de mes collègues, que ceux-ci appartiennent au groupe Union Centriste, au RDSE ou encore au groupe Les Indépendants – République et Territoires.
À l’évidence, cette question fait l’objet d’un consensus. Sans nous ériger contre les positions exprimées par Mme la rapporteur et par M. le président de la commission des lois, nous pouvons adopter ces dispositions de bon sens, d’équité et de justice sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le secrétaire d’État, je voterai votre amendement. Effectivement, la fonction publique hospitalière ne va pas très bien ; et je ne suis pas sûre que l’État aille beaucoup mieux… On parle tout de même assez régulièrement de sa dette. Quant aux collectivités territoriales, elles se trouvent dans une situation difficile.
Toutefois, l’on ne peut pas laisser de côté la fonction publique hospitalière en refusant d’y mettre en œuvre des indemnisations convenables, y compris à l’issue de CDD. Je le précise, je n’approuve guère de tels contrats, dont les titulaires sont placés dans des situations précaires : il est difficile de construire une vie en cumulant les CDD…
Précisément, pour éviter de verser la prime de précarité, les établissements hospitaliers pourraient proposer, a minima, des contrats de trois ans. Ainsi, ces dispositions pourraient avoir un effet positif.
Monsieur le président de la commission, j’ajoute qu’il faut inciter les praticiens à travailler dans les hôpitaux de proximité : sinon, la situation s’aggravera encore !
En matière d’organisation, il y a encore des marges de progression dans différents domaines. Mais l’effort ne doit pas être assumé par les personnels employés en CDD. D’ailleurs, pour combler leurs besoins de personnel, les hôpitaux pourraient également recourir aux CDI : dès lors, la prime de précarité deviendrait superflue ! (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je n’entrerai pas dans le débat relatif au financement des hôpitaux. En tout état de cause, cette question dépasse le problème qui nous est soumis, et elle ne saurait être traitée au détriment des personnels en CDD dans la fonction publique hospitalière.
Pour rappel, deux de nos amendements de séance ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Le premier visait à étendre la prime de précarité à l’ensemble des CDD de la fonction publique ; le second tendait à fixer l’entrée en vigueur de ce dispositif au 1er janvier 2020, et non au 1er janvier 2021, comme le souhaite le Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas aux plus précaires de subir le plus de difficultés. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas votre amendement. Certes, ses dispositions sont plus favorables aux travailleurs précaires que le texte de la commission, mais vous excluez les saisonniers du bénéfice de la prime de précarité.
Or, lors de la séance d’hier, vous avez expliqué que ces saisonniers revenaient régulièrement, chaque année. On peut imaginer que, dans certains hôpitaux, au regard de l’afflux de population, notamment pendant les périodes de congés, l’on recrute chaque année les mêmes personnes qualifiées afin d’épauler les personnels titulaires.
À nos yeux, ces personnes ont, elles aussi, le droit de voir leur précarité prise en compte. Aussi, nous maintenons notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, n’ayons pas la mémoire courte ! Chaque année, la Haute Assemblée examine le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS. Et, en son sein, il se trouve une majorité pour le voter… Pour notre part, nous nous y opposons, car ce budget contribue à mettre à mal les hôpitaux.
En outre, il y a quelques jours, nous avons planché sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. À ce titre, nous avons débattu de l’hôpital de proximité et de la gradation des soins. Or un certain nombre de sénateurs ont approuvé que l’on vide de leurs services les hôpitaux de proximité. On ne peut pas, aujourd’hui, tenir tout à coup un autre discours ! Les paroles et les actes doivent coïncider.
De notre côté, nous sommes logiques avec nous-mêmes. Nous ne votons pas ces budgets, qui sont insuffisants ; nous défendons les hôpitaux de proximité et les personnels hospitaliers.
En l’occurrence – une fois n’est pas coutume –, les dispositions proposées par le Gouvernement sont empreintes d’une certaine équité. Mais elles ne s’appliquent pas aux saisonniers ! Lors de notre dernière séance, à minuit, nous avons précisément consacré une discussion assez vive à ces personnels. C’est d’ailleurs à ce propos que j’ai formulé, il y a quelques instants, un rappel au règlement.
Une nouvelle fois, il faut avoir la mémoire bien fraîche. Nous sommes contre l’emploi de saisonniers, qui est un facteur de précarisation. Mais nous ne voulons pas pour autant que les contractuels soient discriminés davantage.
Voilà pourquoi nous voterons l’amendement du Gouvernement. J’y insiste : au lieu d’abuser des contrats, dont la multiplication a pour effet d’affaiblir les personnels, il faut procéder à des titularisations. Il s’agit là d’un débat qui se prolonge tout au long de l’examen du présent texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. La situation des personnels hospitaliers est difficile : chacun des orateurs l’a rappelé. Dans le même temps, les budgets des hôpitaux ne sont pas toujours à l’équilibre, et il ne faut pas alourdir les charges : c’est une évidence.
Cela étant, nous ne pouvons pas attendre une restructuration de la fonction publique hospitalière pour agir en la matière : il nous faut rapidement trouver une solution, pour les fonctionnaires comme pour les personnels saisonniers.
C’est la raison pour laquelle je soutiens, avec mes collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, après avoir entendu les arguments des uns et des autres, je vous soumets une suggestion d’ordre personnel, qui, en toute logique, n’engage pas les collègues de mon groupe. Ne serait-il pas temps de mieux reconnaître le travail parlementaire ?
Sur ce sujet, il convient de construire l’accord le plus large, le plus rassembleur. À cette fin, dans cette assemblée, les uns et les autres acceptent régulièrement de retirer leurs amendements. Pour ce qui nous concerne, nous l’avons encore fait aujourd’hui. Pourquoi le Gouvernement n’en fait-il pas autant ? Ainsi, le débat parlementaire pourrait se poursuivre grâce à l’expression des différentes sensibilités. C’est une autre manière de concevoir la politique en général et le parlementarisme en particulier, pour la fabrication de la loi.
Si vous ne retenez pas ma suggestion, je voterai, comme Mme Cohen, l’amendement du Gouvernement. Mais, quand des parlementaires de tous bords débattent, quand ils formulent des propositions présentant des points communs, il est regrettable que l’exécutif campe sur ses positions, en maintenant ses amendements de manière unilatérale. En résumé, ce cas de figure a peut-être valeur d’exemple !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je suis, moi aussi, disposé à retirer mon amendement au bénéfice de l’amendement du Gouvernement, ou, mieux encore, de l’amendement n° 519 rectifié, présenté par M. de Belenet.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 463 rectifié est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur Savoldelli, j’entends bien les remarques que vous formulez sur la forme. Ne pensez surtout pas que, en maintenant son amendement, le Gouvernement nie en quoi que ce soit le travail parlementaire.
Bien au contraire, ces dispositions relatives à la prime de précarité ont été proposées, à l’origine, par vos collègues députés. Leur proposition est tombée sous le coup de l’article 40 de la Constitution ; aussi, au terme d’une discussion avec eux, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à reprendre les principales dispositions défendues. De mémoire, à une abstention près, cet amendement a été voté à l’unanimité des présents dans l’hémicycle du Palais-Bourbon.
Cette mesure est bien le fruit d’un travail parlementaire : le Gouvernement s’est, pour ainsi dire, contenté de jouer un rôle de catalyseur, en tout cas de facilitateur.
J’ai étudié avec attention les travaux de la commission des lois du Sénat. Ses arguments sont tous légitimes ; on peut considérer que, pour les employeurs hospitaliers, les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale représentent une charge trop lourde.
J’ai également entendu les attentes exprimées. Il n’est pas acceptable que, dans le secteur hospitalier, les agents contractuels ne bénéficient pas des mêmes droits que les personnels titulaires.
La situation actuelle est légèrement différente : jusqu’à présent – l’amendement que la Haute Assemblée a bien voulu adopter hier soir y remédiera –, la notion de « besoin saisonnier » n’existe pas dans le secteur hospitalier. En résultait une distorsion aux dépens des employeurs.
Dans le secteur privé, les contrats saisonniers n’ont jamais bénéficié des primes de précarité. En parallèle, les contrats saisonniers existaient préalablement dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique d’État, mais, en procédant par homologie, nous avons été conduits à les écarter.
En conséquence, j’ai été conduit à déposer deux amendements : le premier, adopté par la Haute Assemblée, tendait à créer les emplois saisonniers dans la fonction publique hospitalière ; le second, dont nous débattons présentement, vise à rétablir les dispositions votées par l’Assemblée nationale, en tenant compte de cette nouvelle disposition. En effet, il convient de garantir une égalité parfaite entre les trois versants de la fonction publique d’une part, et, de l’autre, entre la fonction publique et le secteur privé.
En modifiant l’article 10 ter, nous vous proposons d’étendre aux agents hospitaliers le bénéfice de la prime de précarité, dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé, la question de la durée des contrats mise à part : nous le savons, la durée des CDD est limitée à dix-huit mois dans le secteur privé, alors que, dans la fonction publique, elle peut atteindre six ans, par renouvellement d’un contrat de trois ans. Cette différence peut justifier quelques amodiations.
Sans provocation aucune, quoiqu’à rebours de votre suggestion, je demande donc que l’amendement n° 482, présenté par le Gouvernement, soit voté en priorité. Au demeurant, cette requête est presque satisfaite d’office, M. Labbé ayant déclaré qu’il était prêt à retirer son amendement.
Au bénéfice de ces explications, j’invite la Haute Assemblée à adopter l’amendement gouvernemental : il s’agit là de mesures d’égalité pour la fonction publique hospitalière, et pour les conditions d’application des mesures adoptées hier soir.
Monsieur le président de la commission, il serait à la fois présomptueux et déplacé d’affirmer, en procédant ainsi, résoudre tous les problèmes de financement du secteur public hospitalier. Nous le savons tous dans cet hémicycle : au-delà des efforts que le Gouvernement accomplit, et que j’ai rappelés, il reste beaucoup à faire !