Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, il me semblait que le temps du minitel était révolu…
On a su consacrer 12 millions d’euros d’argent public au grand débat…
M. Michel Savin. Eh oui !
M. Patrick Kanner. … et à son excellent site informatique, qui donnait les résultats tous les jours au fil de l’eau. Il y a ici un axe républicain, un arc républicain, pour demander de la transparence, tout simplement, conformément à l’esprit, monsieur le Premier ministre, de l’article 3 de la Constitution, dont je me permets de rappeler les termes : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
lancement de libra par facebook
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, « le monde a besoin d’une devise numérique mondiale qui combine les attributs des meilleures devises du monde : elle doit être stable, soumise à une inflation faible, acceptée partout dans le monde et fongible » : c’est ainsi que Facebook présente une nouvelle monnaie destinée à payer des services en ligne, mais aussi son loyer ou son café.
Croire à une démarche philanthropique serait oublier bien vite que toutes nos données sont conservées et utilisées par les géants du numérique pour, aujourd’hui, nous envoyer des publicités ciblées, et peut-être, demain, les utiliser à des fins moins louables.
Ce projet de cryptomonnaie, dont le lancement est prévu pour 2020, doit nous conduire à nous interroger fortement. Dix ans après le pionnier bitcoin, les vingt-sept membres fondateurs espèrent séduire les masses en garantissant la stabilité de cette monnaie électronique et en confiant la supervision du système à une association basée en Suisse, Calibra.
Comment croire que les données financières seront bien séparées des données sociales, alors même que les fuites et les mauvais usages de données sont déjà récurrents ? Libra n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt ? En effet, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – s’intéressent de près à d’autres secteurs : la banque, bien sûr, mais aussi les assurances, les transports, l’énergie et la santé.
Comment être convaincu des bonnes intentions de ces grandes sociétés ? Les Gafam cachent à peine leurs ambitions : Google gérera bientôt une ville dans la métropole de Toronto et se propose de régler la crise du logement à San Francisco.
Monsieur le ministre, cette nouvelle monnaie suscite de nombreuses inquiétudes, et vous avez déjà fait à son propos des déclarations qui se veulent rassurantes. Devant un risque de remise en cause de l’État, que comptez-vous faire pour anticiper au mieux ces évolutions et protéger les Français ? Ce combat sera-t-il mené au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Mélot, la société Facebook a effectivement annoncé la création d’une monnaie numérique. Elle est libre de créer un instrument de transaction ; en revanche, elle ne peut pas et elle ne doit pas mettre en place une monnaie souveraine : seuls les États ont la capacité et la légitimité de le faire. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
Les banques centrales, je le rappelle, sont les seuls prêteurs en dernier ressort en cas de difficultés financières ou monétaires. C’est pourquoi, en tant que président du G7 Finances qui se tiendra à la mi-juillet en France, j’ai demandé aux gouverneurs des banques centrales des États membres du G7 de nous remettre un rapport sur les garanties qui devront encadrer la mise en place de cet instrument de transaction : celui-ci ne devra pas pouvoir servir à financer le terrorisme ou à blanchir de l’argent et toutes les protections nécessaires à la sécurisation des transactions des consommateurs devront être fournies. C’est sur la base des propositions des gouverneurs des banques centrales des États membres du G7 que nous prendrons les décisions nécessaires.
Je rappelle enfin que cet instrument de transaction permettra à Facebook, comme à d’autres géants du numérique dans l’avenir, d’accumuler de nouveau des millions et des millions de données, qui pourront être monétisées et utilisées pour faire des profits supplémentaires. Cela renforce notre détermination à réguler les géants du numérique et à leur imposer une juste taxation, comme celle que supportent aujourd’hui l’ensemble des entreprises européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
intempéries dans la drôme
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, « du jamais vu » : c’est ce que les agriculteurs nous ont dit après avoir constaté les dégâts considérables provoqués par la grêle dans notre département. Ces dégâts ne concernent pas seulement la Drôme : je souhaite associer à cette question mes collègues de l’Ardèche, de l’Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie. Ces départements n’ont pas eu l’honneur de votre visite, mais ils ont également été durement touchés.
C’est toute une économie qui est mise à mal. Les agriculteurs et les viticulteurs ont besoin de la solidarité nationale, faute de quoi ils mettront la clé sous la porte.
Vous avez annoncé que l’État allait reconnaître l’état de catastrophe naturelle et déclencher le dispositif des calamités agricoles pour ces départements. C’est indispensable, mais c’est loin d’être suffisant pour venir efficacement en aide à ceux qui ont tout perdu, monsieur le ministre ! La déclaration de l’état de catastrophe naturelle n’a de sens que pour les agriculteurs qui sont assurés ; or tous ne le sont pas – tant s’en faut ! –, en raison du coût prohibitif des primes d’assurance. Quant à l’indemnisation des calamités agricoles, elle exclut nombre de situations.
Monsieur le ministre, si l’État ne procède pas au cas par cas et n’accompagne pas plus largement les agriculteurs, nous assisterons à des faillites. Que comptez-vous faire de concret et d’efficace pour répondre à toutes les situations de détresse ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Bouchet, je me suis rendu, en deux jours, dans deux des cinq départements touchés,…
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas assez !
M. Didier Guillaume, ministre. … à savoir la Drôme et l’Isère. On peut toujours polémiquer et demander plus, mais j’étais sur le terrain avec l’ensemble des organisations agricoles dès le week-end dernier.
M. Jean-François Husson. Il faut en faire plus !
M. Didier Guillaume, ministre. Quand l’état de catastrophe naturelle est reconnu, l’assurance couvre les dommages aux bâtiments. Les récoltes, en revanche, sont exclues de l’indemnisation.
Comme je l’ai déjà indiqué à M. Collin, j’ai l’intention de réunir dans les prochains jours les principaux acteurs pour engager, à partir d’une feuille blanche, une réflexion sur l’instauration d’une assurance récolte généralisée.
Évidemment, les agriculteurs veulent avant tout pouvoir vivre de leur travail. L’idéal serait d’éviter de nouvelles catastrophes, mais il ne fait pas de doute que d’autres surviendront. L’objectif est donc de parvenir à mettre en place, de la manière la plus solidaire possible, une assurance récolte accessible. Ce n’est pas forcément le cas aujourd’hui. L’aire de travail d’un artisan ou d’un industriel, c’est un bâtiment ; celle d’un paysan, c’est le ciel et la terre : elle est plus difficile à assurer. Il faut donc revoir de fond en comble nos dispositifs, faute de quoi il n’y aura plus, demain, d’agriculteurs, et c’en sera fini de notre souveraineté alimentaire !
Lors de mon déplacement sur le terrain, j’ai vu des agriculteurs motivés pour repartir, même parmi ceux qui ont tout perdu. Mais aujourd’hui, ils n’ont pas les outils pour le faire. C’est la raison pour laquelle j’engage l’ensemble des acteurs du monde agricole et des parlementaires à travailler à la seule réponse qui vaille, à savoir la mise en place d’une assurance récolte interfilières, accessible à tous. Sinon, nous ne nous en sortirons pas !
Pour terminer, je remercie la région, les départements et les intercommunalités pour la solidarité dont ils font preuve. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour la réplique.
M. Gilbert Bouchet. Monsieur le ministre, ça urge ! Je souhaite que, dès à présent, un maximum de personnes puissent être indemnisées, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels. Toutes les problématiques connexes doivent être prises en compte. Je pense notamment aux bâtiments, dont certains sont amiantés, ce qui complique les travaux de réparation et alourdit considérablement la facture.
Pour l’avenir, compte tenu de la gravité de ces phénomènes climatiques, il faudra réfléchir ensemble, comme vous nous y invitez, à une refonte totale du système assurantiel, notamment pour les agriculteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
situation de m. carlos ghosn
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Olivier Cadic. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, vous allez bientôt accompagner le Président de la République à la réunion du G20 présidée par le Japon. Nous savons que vous porterez haut et fort les couleurs de la France, afin de renforcer nos liens économiques avec ce pays. L’avenir de l’alliance Renault-Nissan sera certainement au cœur des discussions. Dans ce contexte, on ne peut pas faire comme si de rien n’était quant au sort de notre compatriote Carlos Ghosn, ex-PDG du groupe, qui a redressé Renault, relocalisé l’emploi industriel en France, sauvé Nissan et Mitsubishi.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Olivier Cadic. Nous ne connaissons pas les accusations portées à son encontre et ne pouvons donc pas en mesurer la gravité et la pertinence. Par conséquent, aucun commentaire n’est possible sur le fond.
Toutefois, le Japon agit en violation de ses propres engagements internationaux. Depuis plus de sept mois, Carlos Ghosn est privé de sa liberté dans le cadre de procédures qui méconnaissent les traités que le Japon a signés.
Que comptez-vous faire pour que les droits de la défense de M. Ghosn soient respectés, notamment pour qu’elle puisse, au bout de sept mois de détention, accéder à son dossier ? Que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de vie de M. Ghosn, notamment pour lui permettre de voir ses proches ?
Par ailleurs, comme au Japon, des procédures judiciaires conduites récemment aux États-Unis à l’encontre de cadres de sociétés françaises ont montré que la dimension juridique pouvait devenir une arme de guerre économique.
Que comptez-vous faire pour que notre diplomatie se donne les moyens de défendre nos entrepreneurs lorsqu’ils sont pris dans les griffes d’une « justice de l’otage », pour reprendre une expression employée par les défenseurs des droits de l’homme et par l’ONU ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Cadic, vous l’avez vous-même souligné, il ne nous appartient pas de commenter la procédure judiciaire japonaise en cours. Cependant, comme il s’agit d’un Français détenu, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères apporte naturellement son assistance à M. Carlos Ghosn au titre de la protection consulaire. Cela nous a notamment permis de nous assurer de ses conditions de détention et du respect des lois locales. Au titre de cette protection consulaire prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963, notre ambassade continue de lui assurer un accompagnement constant, en lien étroit avec sa famille et ses avocats.
Dans cette affaire, nous suivons au fond deux principes.
Le premier est évidemment le respect de l’indépendance de la justice japonaise ; nous serions en droit d’attendre la même chose du Japon dans une situation inverse. Le second principe, auquel nous tenons énormément, c’est le respect de la présomption d’innocence.
Le Président de la République a eu l’occasion de rappeler ces principes à l’occasion de la visite de travail en France qu’a effectuée le Premier ministre japonais Shinzo Abe le 23 avril dernier.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous mettons tout en œuvre, dans le cadre de la protection consulaire, pour apporter assistance à M. Carlos Ghosn, tout en respectant évidemment la justice japonaise. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Cazeau applaudit.)
école inclusive
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. Martin Lévrier. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, la semaine dernière, vous vous êtes rendue, avec Jean-Michel Blanquer, à l’école Anatole-France de Garges-lès-Gonesse, afin de présenter l’ensemble des mesures qui seront déployées dès la rentrée prochaine pour une école pleinement inclusive.
Par une plus grande proximité, une meilleure réactivité, une simplification des démarches et, surtout, une personnalisation de l’accompagnement, l’école inclusive a pour objectif de sortir de l’exclusion les enfants en situation de handicap, ainsi que leurs familles.
La semaine dernière toujours, vous avez inauguré à Albi, en présence du Premier ministre, une unité d’enseignement élémentaire pour élèves autistes. Ce déplacement officiel visait à soutenir le déploiement effectif de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022, qui prévoit la création d’une quarantaine d’unités sur le territoire d’ici à 2022.
Madame la secrétaire d’État, je vous sais très investie dans la mise en œuvre de ce plan doté de 344 millions d’euros. Il prévoit notamment le renforcement des unités d’enseignement pour autistes. À la maternelle, 180 unités seront créées en plus des 112 déjà existantes, dont 30 dès la rentrée prochaine. À l’école élémentaire, dix unités ouvriront à la rentrée, en complément des six déjà créées.
Le Premier ministre a mis en avant les progrès réalisés ces dernières années. En même temps, il a constaté qu’il reste énormément à faire en ce qui concerne le déploiement d’unités d’enseignement externalisées, qui permettent à ces enfants accueillis en établissement médico-social de bénéficier de l’inclusion scolaire.
Madame la secrétaire d’État, comment rassurer des parents démunis, fatigués et souvent seuls ? En tant que membre de la commission des affaires sociales, je souhaiterais également savoir comment le volet médico-social du service public de l’école inclusive améliorera la scolarisation des élèves en situation de handicap. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Lévrier, je vous remercie de cette question sur le sujet essentiel de la scolarisation de tous les enfants de la République. C’est bien l’ambition du service public de l’école inclusive que nous nous sommes engagés, avec Jean-Michel Blanquer, à mettre en place et dont le dispositif a été enrichi par les travaux parlementaires.
Nous devons renouer la confiance avec les familles et, surtout, mettre en avant leur expertise. Confiance, simplification et proximité sont les maîtres mots de notre démarche.
Des cellules de réponse se mettent en place dès ce mois dans chaque inspection académique : elles apporteront aux familles une réponse en vingt-quatre heures, pour rompre leur isolement.
Nous soulageons les familles : elles ne devront plus refaire les mêmes démarches tous les ans. L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé pourra être versée, sous conditions, jusqu’aux vingt ans de l’enfant.
Nous simplifions les projets personnalisés de scolarisation, qui constitueront le véritable outil d’un pilotage serein de celle-ci et qui articuleront toutes les prises en charge médico-sociales au sein de l’école.
Les parents que le Premier ministre et moi-même avons rencontrés à Albi nous ont dit que, la scolarisation de leurs enfants autistes étant assurée toute la semaine dans la même école, ils pourraient enfin reprendre le travail. C’est cela, l’école inclusive : un chemin vers l’école pour tous, avec des réponses très adaptées aux situations.
Il nous faut absolument construire ces dispositifs en totale coopération avec l’ensemble du secteur médico-social, dont l’expertise indispensable doit profiter à l’école, via les unités d’enseignement pour les autistes en maternelle et en élémentaire.
Nous allons accélérer le déploiement de ces unités, car il s’agit de la juste réponse, une réponse de qualité, qui repose sur la complémentarité entre expertise de l’éducation nationale, expertise parentale et expertise médico-sociale. C’est cela, l’école inclusive que nous construisons ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
réforme de l’assurance chômage
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, vous avez présenté mardi les mesures terribles, pour les chômeurs, de votre réforme de l’assurance chômage. Vous obéissez à l’unique obsession du Gouvernement : baisser la dépense publique ! Et pour ce faire, quoi de plus simple et de plus efficace que de sabrer dans les dépenses sociales ? Aujourd’hui l’assurance chômage, demain les retraites…
Pour ma part, je veux vous parler des gens, des demandeurs d’emploi. Seuls 50 % des chômeurs inscrits à Pôle emploi bénéficient aujourd’hui d’une allocation. Parmi ceux-ci, la moitié touchent moins de 1 000 euros par mois et 40 % des allocataires qui travaillent vivent dans un foyer dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. Et que dire des chômeurs qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi ?
Pour habiller votre discours comptable, vous culpabilisez et précarisez davantage, comme si le chômage était la faute des chômeurs !
Vous cherchez à faire du « en même temps » avec votre bien maigre bonus-malus sur les contrats courts. Mais, en réalité, votre plan d’économies se répartira de la façon suivante : entre 300 millions et 400 millions d’euros seront payés par les entreprises qui abusent, 3,4 milliards d’euros par les chômeurs et par les précaires qui, eux, subissent. Alors, de grâce, ne parlez pas de justice sociale !
Comment comptez-vous faire pour aider les départements à absorber la dépense sociale qui va immanquablement se reporter sur eux lorsque les chômeurs auront perdu leurs allocations ? Croyez-vous vraiment que l’embauche de 1 000 agents supplémentaires à Pôle emploi, déjà très en difficulté, peut suffire à convaincre de la réalité de votre volonté de davantage accompagner les chômeurs ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Taillé-Polian, je vous remercie de votre question. Je vous prie de bien vouloir excuser Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, qui est actuellement en déplacement à Villeurbanne.
Que je vous dise que je ne partage pas votre appréciation sur la réforme annoncée par le Premier ministre et la ministre du travail ne vous surprendra pas. Ce n’est pas une réforme budgétaire : elle a d’abord pour objectif de lutter contre la précarité au travail.
Vous le savez sans doute aussi bien que moi, il n’est pas possible de louer un appartement quand on ne peut présenter au propriétaire qu’un contrat de travail de moins d’un mois. Or la majorité des contrats de travail signés aujourd’hui dans notre pays sont de moins d’un mois.
Il n’est pas non plus possible de s’engager auprès d’une banque quand vous n’avez pas de visibilité sur ce que sera votre vie au-delà de quelques mois. C’est pourtant la réalité que vivent sept personnes embauchées sur dix aujourd’hui.
Ce que nous entendons défendre au travers de cette réforme, c’est la stabilité de l’emploi. C’est pourquoi nous faisons également peser des obligations sur les employeurs. Au travers du bonus-malus, nous allons contraindre les employeurs les moins vertueux, ceux qui précarisent le plus leurs salariés. Il n’est pas possible que ces employeurs fassent porter le poids de leur irresponsabilité par l’assurance chômage.
Avec cette réforme, le Gouvernement veut faire en sorte que le travail paie toujours plus que l’inactivité. Il est aberrant que, dans notre pays, il soit aujourd’hui possible de gagner davantage en étant au chômage qu’en travaillant. (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) La précarité ne peut pas être la norme.
Vous ne l’avez pas mentionné dans votre intervention, mais cette réforme permettra de mieux accompagner les chômeurs. Au-delà des nouvelles embauches à Pôle emploi,…
Mme Sophie Taillé-Polian. En CDD !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. … nous mettrons en place des dispositifs permettant que toute personne se retrouvant au chômage puisse très rapidement être prise en charge et accompagnée vers un retour à l’emploi.
Notre ambition, madame la sénatrice, est de faire en sorte que les Français puissent retrouver du travail. Cette réforme, je n’ai aucun doute à ce sujet, le permettra ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous organisez la précarité via la simplification du licenciement. Vous l’organisez même à Pôle emploi, où les embauches prévues se feront via des CDD de trois ans ! La précarité, c’est malheureusement votre credo : vous la souhaitez pour flexibiliser le marché du travail ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
fermeture des raffineries de sucre
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le Premier ministre, c’est la crise et la colère dans la filière betterave-sucre-éthanol française !
L’annonce par le groupe allemand Südzucker, voici plus de deux mois, de la fermeture de deux sucreries, à Cagny et à Eppeville, met cette filière en danger, sans parler des menaces qui planent également sur les usines de Bourdon, de Toury et d’Erstein.
Monsieur le Premier ministre, cette annonce concerne plus de 1 000 emplois directs et indirects, dans un contexte économique tendu. Elle menace également la culture de la betterave à sucre pour 2 500 planteurs et pourrait se traduire par une réduction de 10 % de la capacité industrielle de la France.
Les deux sites que j’ai évoqués font actuellement l’objet de plusieurs scénarios de reprise mobilisant l’ensemble des agriculteurs de ces bassins. Or le groupe Südzucker ferme la porte à d’éventuels rachats. Il contourne l’esprit de la loi Florange en envisageant de laisser une poignée de salariés sur ces sites d’activité, alors qu’un plan solide de reprise a été bâti par les planteurs.
Il est inadmissible que vous ne répondiez pas aux demandes d’audience que vous ont adressées dès le 29 mai les élus et les responsables de la filière. Vous renvoyez ce dossier au ministre de l’agriculture, alors que, comme vous le savez, ce dossier n’est pas qu’agricole : l’enjeu est aussi industriel, économique et social. Il vous concerne directement !
C’est à vous, et à vous seul, monsieur le Premier ministre, de traiter ce dossier. C’est votre devoir ! Il est impératif que vous preniez les dispositions nécessaires pour favoriser le dialogue entre Südzucker et les betteraviers français.
Le statu quo est inacceptable. La France ne saurait accepter une manœuvre d’une entreprise allemande sur une partie de son industrie qui tend à casser la filière française. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, le Premier ministre et Gouvernement ne sont pas inactifs. Depuis l’origine, nous travaillons sur ce dossier avec Bruno Le Maire et le Premier ministre. Nous avons déjà reçu à plusieurs reprises tous les élus des régions où est implantée l’entreprise Südzucker. La semaine dernière, nous avons également reçu les élus des régions où est active la coopérative Cristal Union.
Aujourd’hui, comme vous le savez, au niveau mondial, les cours du sucre sont au plus bas, à cause d’une surproduction. C’est ce qui explique que les entreprises Südzucker et Cristal Union se soient lancées dans la mise en œuvre de plans sociaux inacceptables. Je l’ai dit au président de Südzucker il y a un mois, nous l’avons redit au numéro deux du groupe la semaine dernière : la position de cette entreprise est inacceptable pour les autorités françaises.
Cela étant, ces dirigeants répondent aux sollicitations de la filière. Hier encore, le président de la Confédération générale des planteurs de betteraves, M. Sander, m’a assuré qu’il les avait vus à plusieurs reprises. La CGB a établi un plan de rachat pour un montant de 30 millions d’euros. L’entreprise l’a rejeté, mais, en même temps (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) – ou parallèlement, si vous préférez (Sourires.) –, elle vient de mettre en place un plan social, qui a été accepté par les salariés.