M. Loïc Hervé. En tout cas, ce seront des funérailles républicaines !
M. Pierre-Yves Collombat. J’espère que ce ne sera pas une incinération. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont le Sénat est saisi aujourd’hui vise à améliorer le statut de l’élu communal. Le législateur se doit en effet d’offrir aux élus les garanties nécessaires pour qu’ils puissent exercer leur mandat dans de bonnes conditions, au service de l’intérêt général.
Des évolutions récentes rendent cette préoccupation aiguë : les vagues de décentralisation successives ont augmenté considérablement les responsabilités des élus locaux ; le droit à appliquer devient de plus en plus complexe, tandis que les services de l’État diminuent leur appui aux collectivités territoriales ; la montée en puissance de l’intercommunalité multiplie les instances auxquelles doivent assister les élus communaux ; les citoyens sont de plus en plus exigeants envers leurs élus qui sont, comme l’aime à dire le président Larcher, « à portée d’engueulade ». Résultat : l’exercice d’un mandat local demande toujours plus de temps et d’investissement, alors que les conditions d’exercice des mandats n’ont que faiblement progressé.
Le monde du travail évolue aussi, ce qui explique qu’il soit de plus en plus difficile de concilier l’exercice d’un mandat avec la vie professionnelle.
Enfin, la progression de la place des femmes dans les assemblées élues et l’évolution des structures familiales expliquent sans doute le besoin de trouver une meilleure conciliation entre l’exercice du mandat et la vie familiale.
Les maires et les autres élus municipaux sont le visage de la République au quotidien. Si nous souhaitons qu’ils continuent à s’engager, il est essentiel d’apporter des réponses à leurs attentes.
Notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la commission des lois se sont saisies de ce sujet. La délégation a lancé en décembre 2017 un travail d’ampleur, aboutissant à la conclusion que les conditions concrètes d’exercice des mandats locaux devaient être améliorées, sans que soit remise en cause la conception française de la démocratie locale. J’insiste sur ce point, parce que 17 500 des 35 000 maires ont pris la peine de répondre à la concertation à laquelle ils étaient conviés.
La délégation a publié le 5 juillet 2018 un rapport en six tomes, abordant chacun des secteurs dans lesquels des améliorations s’avèrent nécessaires. Il s’agit, pour mémoire, du régime indemnitaire, du régime social, de la formation, de la reconversion, de la responsabilité pénale et des obligations déontologiques. Elle a formulé 43 recommandations qui constituent une feuille de route pour les semaines et les mois à venir.
Par ailleurs, la commission des lois s’est largement saisie du sujet au travers des travaux de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale. Cette démarche a abouti à la rédaction d’un rapport visant à revitaliser l’échelon communal, qui porte de nombreuses propositions concernant les conditions d’exercice des mandats locaux.
Aussi, monsieur le ministre, invitons-nous le Gouvernement à s’inspirer sans retenue des apports du Sénat sur ce sujet dans le cadre de ses futurs projets de loi relatifs à la décentralisation et aux élus locaux.
C’est donc dans ce contexte que nous sommes appelés à examiner la proposition de loi créant un statut de l’élu communal, présentée par notre collègue Pierre-Yves Collombat et les membres du groupe CRCE et déposée sur le bureau du Sénat le 12 février 2019. Ce texte présente des pistes de réflexion intéressantes, sur des sujets consensuels comme la formation des élus, ou encore la transition entre le mandat local et la vie professionnelle. Je souhaite donc avant tout saluer l’initiative de notre collègue, qui apporte sa contribution à l’un des chantiers les plus déterminants pour l’avenir de nos communes : celui des conditions d’exercice des responsabilités et donc de la vigueur de la démocratie locale.
D’une manière générale, sans doute le texte gagnerait-il, afin de tendre vers les objectifs qu’il s’est fixés, à s’enrichir d’un certain nombre de modifications.
Au travers des auditions que j’ai menées, j’ai pu relever que certaines mesures prévues dans le texte, si elles tendent à répondre à des besoins avérés, demanderaient davantage d’expertise afin d’évaluer leur impact financier sur les communes et leurs groupements, ainsi que sur les entreprises.
Nous savons tous la modestie des moyens dont bénéficient les parlementaires dans le cadre de l’initiative législative et l’extrême difficulté de se livrer à une étude d’impact globale des réformes que nous aimerions apporter au droit existant. Mais certaines dispositions, dont je saisis pleinement l’intention, seraient même difficilement soutenables pour les communes sans une revalorisation très importante des dotations de l’État, sur laquelle nous n’avons malheureusement ici – je le regrette ! – aucune prise.
Par ailleurs, certaines divergences peuvent être observées entre les intentions exprimées par l’auteur de la proposition de loi dans l’exposé des motifs et les conséquences en droit des dispositions prévues. Certaines mesures pourraient même avoir des effets contre-productifs – nous y reviendrons.
Toutefois, en vertu de la sage coutume pratiquée dans notre assemblée, la commission des lois n’a pas établi de texte et a préféré que la discussion en séance porte sur le texte initial de la proposition de loi. Cela permet de respecter l’intégrité du travail mené par l’auteur tout en permettant, dans le cadre de la séance publique, de faire apparaître clairement les points de convergence et de divergence.
Dans cette perspective, la commission des lois a déposé plusieurs amendements visant à modifier, préciser ou compléter, parfois dans l’esprit poursuivi par l’auteur, le contenu de la proposition de loi. Ces amendements s’inscrivent dans la voie étroite laissée à l’initiative parlementaire par les règles constitutionnelles de recevabilité financière, c’est-à-dire l’article 40 de la Constitution, et constituent donc une base de discussion pour aboutir à une amélioration concrète des conditions d’exercice des mandats locaux.
Certains amendements visent à supprimer les mesures de la proposition de loi qui ne paraissent pas opportunes. Il s’agit notamment des dispositions relatives à la création d’un fonds national pour la formation des élus locaux, dont le dispositif de financement apparaît fragile, et à la création d’une majoration indemnitaire pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat local ; des dispositions manquant de précision, comme les articles 5 et 6 de la proposition de loi, qui concernent les frais de garde des enfants des élus et diverses dispositions d’ordre fiscal ; des dispositions qui pourraient alourdir les contraintes pesant sur nos communes, notamment les plus petites d’entre elles.
D’autres amendements tendent à corriger certaines anomalies du droit existant : afin de donner aux conseillers communautaires des communautés de communes les mêmes droits que ceux des conseillers communautaires des autres catégories d’EPCI ; ou de prévoir une délibération des communes nouvelles dans les trois mois suivant leur création sur les orientations et crédits ouverts au titre de la formation des membres du conseil municipal.
Enfin, la commission des lois a donné un avis favorable à plusieurs amendements extérieurs qui complètent utilement le texte.
Mes chers collègues, améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux constitue une ardente nécessité, d’autant plus impérieuse que les évolutions actuelles rendent les maires toujours plus vulnérables. Je vous propose donc d’engager une discussion sur ce sujet qui, ici – je le crois, et j’en suis même certain –, nous mobilise tous, afin de confirmer l’engagement de notre assemblée en faveur de cette évolution. Cette discussion pourra nous permettre également d’examiner les points de convergence entre nos positions et celles du Gouvernement. C’est d’ailleurs l’une des vertus du texte proposé par notre collègue Pierre-Yves Collombat et les membres de son groupe que de nous offrir l’occasion d’interpeller le Gouvernement à travers vous, monsieur le ministre, pour lui rappeler la vigilance de la Haute Assemblée quant aux engagements qu’il a pris, afin qu’ils ne restent pas lettre morte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur Mathieu Darnaud, monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRCE, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Pierre-Yves Collombat, à qui je manquais visiblement (Sourires.), qui est à l’initiative de ce texte. On voit bien d’ailleurs, monsieur le sénateur, à la lecture de votre proposition de loi, que de nombreuses mesures s’inspirent directement de votre expérience d’élu local, notamment de maire, dans laquelle je me reconnais moi-même pleinement.
Le Sénat s’est rapidement emparé de cette question du « statut de l’élu », même si, je l’ai déjà dit, ce terme ne me paraît pas le plus adéquat pour parler du rôle et de la place qu’occupent les élus locaux dans la République.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sous la présidence du ministre Jean-Marie Bockel, a notamment travaillé, et de manière très approfondie, sur ce sujet, avec la remise d’un rapport complet visant à « faciliter l’exercice des mandats locaux ».
Ce sujet est particulièrement d’actualité, puisque, lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier, le Président de la République a clairement rappelé la légitimité des élus, et notamment des maires. Il s’est d’ailleurs engagé à conforter leur rôle, en leur donnant un « statut digne de ce nom ».
Ces annonces font, évidemment, suite aux nombreux échanges que le Président de la République a eus avec les maires dans le cadre du grand débat national : les 96 heures de débat en présence de plus de 5 000 élus locaux ont permis, de toute évidence, d’aborder un périmètre encore plus large de sujets.
Pendant ces échanges, nous avons entendu un besoin de proximité, de clarté et d’enracinement. Ainsi, après une concertation aussi riche, il est désormais temps de répondre aux nombreuses propositions directement exprimées par les élus, certaines – on peut se le dire – ne datant pas d’hier. C’est tout le sens de la campagne que le Gouvernement va lancer sur l’engagement, afin de redonner à nos concitoyens la possibilité de participer et de s’engager au niveau local, avec une échéance à avoir en tête : les élections municipales de 2020.
En effet, je ne vous cache pas mon inquiétude de voir, peut-être pour la première fois dans ce volume, des communes dans lesquelles les listes pour les municipales seront incomplètes, voire pour certaines dans lesquelles aucun candidat au poste de maire ne se déclare.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un constat auquel le Gouvernement, tout comme le Parlement, et singulièrement le Sénat, ne peut se résoudre. C’est pourquoi, vous le savez, nous allons porter dans les prochaines semaines un projet de loi autour de cette thématique clé de l’engagement.
Cette tribune, monsieur le sénateur Collombat, me permet de vous livrer en avant-première quelques éléments de méthode avant que le Premier ministre n’approfondisse davantage, demain matin avec vous et vendredi avec les maires de France à Albi, le contenu du projet de loi. Celui-ci se structurera, plus particulièrement, autour des trois grandes étapes du parcours d’un élu.
Avant l’élection, comment donner envie aux citoyens de franchir le pas et de s’engager dans un mandat local ?
Pendant l’exercice du mandat, comment rendre le quotidien de ceux qui se sont engagés plus facile ? En clair, comment ne pas les décourager ? C’est là que les « irritants » de la loi NOTRe doivent trouver des réponses.
Après le mandat, dans une société dans laquelle nous avons bien du mal à dire merci à celles et ceux qui se sont engagés, comment les accompagner dans leur reconversion éventuelle ?
L’objectif de ce projet de loi est de parvenir à lever les freins à l’engagement qui existent aujourd’hui. Nous souhaitons donc présenter un texte, devant votre assemblée, à la rentrée de septembre, pour une adoption définitive d’ici à la fin d’année, afin qu’il soit effectif pour les élections municipales de 2020.
En termes de méthode, je mène depuis plusieurs semaines des concertations étroites avec les associations d’élus, mais aussi naturellement avec les parlementaires. Le Gouvernement souhaite vraiment que ce texte soit réellement coconstruit avec l’Assemblée nationale, mais aussi avec le Sénat.
D’ores et déjà, je tiens à remercier les sénateurs avec qui j’ai eu de nombreux échanges, après les propositions de loi de M. Marc et de Mme Gatel, fruits d’un dialogue apaisé avec le président Larcher sur ce projet de loi. Je pense à Jean-Marie Bockel, au président Philippe Bas, au rapporteur Darnaud et au sénateur Arnaud de Belenet. L’idée, c’est vraiment de continuer sur ce fonctionnement pour que chacun s’y retrouve en septembre : en étant, si je puis me permettre, plus pragmatiques que politiques !
Le Président de la République a également annoncé une nouvelle étape de décentralisation reposant sur trois principes : responsabilité, lisibilité, financement. L’objectif est de redonner davantage de liberté aux élus locaux et de clarifier les compétences et responsabilités de chacun. Le projet de loi que je présenterai est donc une première étape de cette décentralisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me paraissait nécessaire, avant d’entrer dans le détail des mesures de cette proposition de loi, de vous présenter la feuille de route du Gouvernement pour les collectivités territoriales, sur laquelle le Premier ministre vous donnera des précisions demain matin à cette tribune. En effet, les sujets évoqués dans ce texte s’inscrivent directement dans la lignée des travaux que nous comptons mener. Mais cette proposition de loi, monsieur le sénateur Collombat, arrive, et vous n’y êtes pour rien, soit un peu tôt, soit un peu trop tard, en fonction des points de vue.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai l’habitude !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Elle est néanmoins une contribution utile. Pour moi, elle arrive donc au bon moment, car elle permettra d’enrichir nos travaux, dans un esprit de coconstruction.
M. François Bonhomme. Casuistique !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Concernant les mesures proposées dans votre texte, prenons d’abord les propositions qui nous paraissent faire consensus.
D’abord, sur la disponibilité des élus, votre proposition d’étendre le congé électif de dix jours aux salariés candidats au conseil municipal des communes de plus de 500 habitants, au lieu de 1 000 aujourd’hui, va de toute évidence dans le bon sens. Plus globalement, je crois qu’il faut poser la question de l’accès des conseils municipaux à des profils qui ne sont aujourd’hui pas suffisamment représentés, comme les salariés du secteur privé.
Ensuite, sur la formation des élus, nous sommes globalement en phase avec ce besoin de renforcer la formation, et notamment de l’étendre aux communes de plus de 1 000 habitants, contre 3 500 aujourd’hui. Mais l’enjeu réside aussi dans le financement. Vous proposez la création d’un fonds alimenté par des sommes non dépensées. Cela nous paraît encore un peu prématuré, car créer un fonds dont le montant n’est pas évalué pourrait être contre-productif. De plus, il faut surtout réfléchir à son articulation avec les dispositifs existants, sous peine de créer un ensemble peu lisible pour nos collègues élus locaux. Là encore, nous travaillons plutôt à une réforme plus globale de la formation, en essayant de mieux articuler les dispositifs existants, si j’ose dire historiques.
Enfin, sur les frais de garde, même constat : nous sommes d’accord avec la philosophie de votre texte, même si l’article, tel que rédigé, ne convient pas, car il reprend mot pour mot celui qui existe déjà dans le code général des collectivités territoriales. Néanmoins, je peux vous dire que ce sujet aura sa place dans le projet de loi prochainement présenté.
Examinons ensuite les propositions qui méritent, à mon avis, davantage de débat et d’approfondissement, et je pense d’abord à l’instauration d’un statut de l’élu communal.
D’une part, le statut de l’élu que vous créez est uniquement destiné aux élus communaux, alors qu’il faudrait avoir une réflexion plus vaste sur tous les élus.
D’autre part, vous proposez de supprimer le principe de gratuité ; on changerait alors totalement l’esprit du système français tel qu’il est hérité de la loi du 5 avril 1884, ce qui paraît complexe sans une étude d’impact approfondie, tant les conséquences sociales et fiscales pourraient être nombreuses. En outre, nos collègues élus locaux sont particulièrement attachés, me semble-t-il, à cet esprit ; une indemnité n’est pas un salaire ni un traitement de fonctionnaire.
Les indemnités de l’élu, c’est justement mon deuxième point. Le débat que vous ouvrez n’est pas des plus simples dans le contexte actuel ; nous le savons tous ici.
D’abord, il est important de rappeler que les élus, et peut-être même leurs associations, ne réclament pas systématiquement une hausse des indemnités. C’est une évidence, mais il convient de le rappeler : on ne devient pas élu pour gagner de l’argent.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Ça se saurait…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Néanmoins, sans faire de démagogie et sans avoir ni totem ni posture, ce sujet est incontestablement sur la table ; nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons les amendements. Je peux vous l’assurer, le Gouvernement est prêt à travailler à tout ce qui peut aider à l’accomplissement d’un mandat, en prenant notamment en charge les dépenses qui incombent aux élus, ou encore en levant certains freins – je pense aux frais de déplacement, mais aussi à la garde d’enfants. Tous les élus ne sont pas égaux, selon leur vie professionnelle et leur territoire, et c’est là-dessus qu’il faut travailler.
Enfin, je veux évoquer le fonctionnement démocratique de la commune. Vous proposez de légiférer pour renforcer le caractère démocratique de la commune, monsieur le sénateur : création de commissions des finances dans les communes de plus de 1 000 habitants, établissement de rapports sur les dépenses de communication du conseil municipal, encadrement des questions orales pour l’opposition.
Certaines dispositions, déjà présentes dans le code, sont satisfaites. Toutefois – c’est une conviction personnelle –, plutôt que de tout réglementer et de créer de nouvelles pages pour la prochaine édition du code général des collectivités territoriales, il me semble préférable de faire confiance aux maires et aux élus locaux. De manière globale, vous le savez depuis que je suis ministre des collectivités territoriales, je ne suis pas favorable à l’idée de créer de nouvelles obligations pesant sur les élus locaux ; je crois qu’il y en a suffisamment.
Dernier point : la sécurité professionnelle. La loi du 31 mars 2015 prévoit d’ores et déjà une possibilité de suspension du contrat de travail pour le salarié du secteur privé, avec une possibilité de réintégration au bout de deux mandats maximum. Avant d’aller plus loin, il me paraît important, d’une part, de mener une concertation auprès des organisations professionnelles d’employeurs et, d’autre part, d’avoir une réflexion sur la taille des entreprises ; ce qui est possible pour une grande entreprise l’est peut-être moins pour une TPE, c’est une évidence.
En conclusion, je veux souligner que certaines dispositions de ce texte vont incontestablement dans le bon sens même si, je le dis en toute humilité, leur traduction juridique actuelle mérite d’être corrigée. Je vous propose de continuer ce débat dans le cadre de l’examen des amendements, mais, vous l’aurez compris, à ce stade, le Gouvernement ne peut pas émettre expressément un avis favorable global sur cette proposition de loi. Gageons en tout cas qu’elle fera office d’introduction heureuse aux travaux que nous mènerons ensemble en septembre prochain.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’élu communal est une des plus belles incarnations de la démocratie représentative. À ce titre, il mérite notre pleine et entière mobilisation.
Cette proposition de loi de Pierre-Yves Collombat comporte bien des atouts ; le premier est de s’appuyer sur un travail sérieux, le deuxième de prendre en compte l’équipe municipale, le troisième de vouloir réhabiliter d’urgence le rôle du maire, des adjoints, des conseillers et, au travers d’eux, du bloc communal.
À quelques mois des municipales, il paraît indispensable que l’avis du Sénat, au travers tant de cette proposition de loi que des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, soit pris en compte pour renforcer l’attractivité de l’engagement communal, notamment pour les plus petites communes.
Nous le savons tous ici, des élus communaux envisagent sérieusement de jeter l’éponge, tandis que des équipes peinent à se constituer. Sans élu communal – maire, adjoints, équipe volontaire –, il n’y a pas de démocratie de proximité vivante possible. Des habitants qui ne souhaitent plus s’engager, c’est le risque de la fermeture par défaut d’une mairie, de la fusion par défaut avec une autre commune, de l’éloignement par défaut des infrastructures publiques ; mais la démocratie locale, ce n’est pas un défaut, c’est une envie.
Une commune sans élus, c’est aussi la disparition d’autres formes d’engagement qui alimentent en permanence la démocratie locale : des animations, des réunions publiques, de petits ou de grands débats ; autant de sociabilités qui valent bien mieux qu’un tête-à-tête avec les chaînes d’information en continu ou avec la rancœur de réseaux sociaux.
Je formulerai trois remarques sur le texte même, et un point plus spécifique en conclusion.
Première remarque : même si cette proposition de loi désigne l’élu communal en général, c’est bien l’élu des communes de moins de 3 500 habitants et, plus encore, celui des communes de moins de 1 000 habitants qui méritent amplement notre attention. Il n’y a pas de petits élus, mais il y a des élus au service de communes de petite taille.
Je rejoindrai à ce titre les propositions d’octobre 2018 émanant de la délégation aux collectivités territoriales. L’élu d’une petite commune assume les mêmes charges, les mêmes responsabilités et les mêmes risques juridiques que les autres, sans disposer d’équipes administratives pour l’épauler ni de l’ingénierie nécessaire pour l’accompagner. La décentralisation tient compte de la diversité des territoires ; elle doit aussi tenir compte de la spécificité de ses représentants. C’est pourquoi nous soutenons la revalorisation des indemnités pour les maires et pour les adjoints proposée par ce texte, tout en étant ouverts à la possibilité de la réserver aux élus de communes de plus petite taille.
Deuxième remarque : il faut impérativement sécuriser le mandat des élus des petites communes. Sécuriser ne veut pas dire donner un blanc-seing, mais cela signifie prendre en compte l’exercice particulier de certaines missions. Nous sommes ainsi d’accord avec l’objectif de cette proposition consistant à préciser des notions juridiques telles que l’autorité légitime, la prise illégale d’intérêts et le délit de favoritisme. Nous proposons de clarifier la situation des élus en arrêt maladie et exerçant leur mandat, pour éviter qu’ils ne soient obligés, par méconnaissance, de rembourser des sommes importantes. De manière plus globale, nous pensons que les élus, comme leurs administrés, pourraient bénéficier d’un « droit à l’erreur ».
Mes chers collègues, on n’administre pas une commune avec la peur au ventre ; on l’administre avec éthique, avec le souci de bien faire et avec le sens de l’intérêt général.
Troisième remarque : nous sommes plus que favorables à ce que le statut d’élu communal soit valorisable et pris en compte dans un parcours de vie. Six ans de mandat mobilisent en effet des compétences professionnelles et relationnelles importantes.
Nous proposons plusieurs amendements tendant à préciser que le mandat de maire ou d’adjoint est reconnu par une validation des acquis. Nous soutenons un droit renforcé à la formation professionnelle. Nous souhaitons par ailleurs que ce mandat ne constitue pas un coup d’arrêt dans une carrière antérieure ou un empêchement de progression, dans le public comme le privé.
Je soutiens également le fait d’accorder le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat aux maires de communes de moins de 1 000 habitants dont le mandat s’arrête. Je demande également des avancées sur le régime d’imposition prévu pour les élus de communes de moins de 1 000 habitants. Être élu communal, notamment dans la ruralité, est un engagement au service de la collectivité et de l’intérêt général. Comme cela a été indiqué, aucun n’est jamais devenu riche, sinon d’expériences acquises et de rencontres ; mais certaines charges liées au mandat doivent être mieux compensées.
Cette reconnaissance est également pour nous un gage supplémentaire de diversification des candidats à la fonction d’élu communal. Plus encore, même si nous connaissons tous des élus communaux disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 – nous les admirons pour cela –, il faut aussi prendre en compte les aspirations de vie, qui sont différentes, des plus jeunes générations. La valorisation des acquis et la formation constituent des réponses intéressantes pour ces vocations.
Dernier point, et non des moindres, en guise de conclusion : un statut d’élu local n’a de sens que s’il donne réellement les moyens à nos élus communaux de travailler. C’est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a, depuis un an, appuyé toute relance de la déconcentration, proposé le désenclavement prioritaire de zones enclavées et plaidé pour une couverture numérique accélérée et des services publics de proximité. C’est surtout la raison pour laquelle notre groupe a proposé la création de l’agence nationale de cohésion des territoires, qui accompagnerait réellement les élus communaux, les aiderait à monter des dossiers, éclairerait des procédures tortueuses et rendrait leur gestion quotidienne plus simple et plus juste.
Un élu communal sécurisé, pleinement reconnu dans son mandat, n’est pas un élu esseulé ; il travaille main dans la main avec les services de l’État. La démocratie locale est un sport d’équipe. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-François Longeot et Jacques-Bernard Magner applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)