M. Roger Karoutchi. Comment seront-elles compensées ?
M. François de Rugy, ministre d’État. « Soyons clairs : baisser les impôts de 5 milliards d’euros, en une fois, nous obligera à faire des choix pour contenir nos dépenses publiques. »
M. Jean-Pierre Sueur. Lesquels ?
M. François de Rugy, ministre d’État. « Certains opposent parfois ceux qui seraient attachés aux équilibres budgétaires à ceux qui feraient vraiment de la politique. Je crois profondément le contraire. La responsabilité politique, c’est de mettre en œuvre des principes et, en même temps, de respecter le réel.
« C’est le choix d’une grande nation, qui veut maîtriser son destin. C’est la marque des Premiers ministres qui m’inspirent. Je pense à Pierre Mendès France et Georges Pompidou, à Michel Rocard et Alain Juppé. » (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Éliane Assassi. Quelle humilité !
M. Roger Karoutchi. Et Chirac ? (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François de Rugy, ministre d’État. « Le réel, c’est souvent nos sous. Ceux des Français. Ceux que nous prenons pour financer nos politiques publiques ou la redistribution. Ceux de nos enfants, car les dettes que nous créons, ce sont nos enfants qui les rembourseront. »
M. Loïc Hervé. Ah oui !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Le Président a, dans cette perspective, annoncé la révision de certaines niches fiscales et sociales. Nous nous concentrerons sur les niches anti-écologiques, sur les niches concentrées sur les très grandes entreprises,…
M. David Assouline. Total !
M. François de Rugy, ministre d’État. … ou sur les niches qui en fait réduisent les droits sociaux des salariés, comme la déduction forfaitaire spécifique. » (M. André Gattolin applaudit.)
Mme Sophie Primas. Vous applaudissez chacun votre tour ?
M. François de Rugy, ministre d’État. « Dans chacun de ces secteurs, la concertation a montré que le changement était possible, mais qu’il devait être progressif. Nous avons appris de la taxe carbone, et nous ferons donc ces réformes en laissant aux entreprises le temps de s’adapter. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin indiqueront au début du mois de juillet les choix du Gouvernement.
« La justice, c’est de mieux associer les salariés aux résultats de l’entreprise, de renouer avec l’idée gaullienne de participation. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
« La prime exceptionnelle de fin d’année qu’avait annoncée le Président de la République sera reconduite pour un an en 2020,…
M. Alain Joyandet. Très bien !
M. François de Rugy, ministre d’État. … avec le même régime défiscalisé dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. »
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sera financé comment ?
M. François de Rugy, ministre d’État. « Pour que cet élan soit pérenne, les entreprises devront, pour verser la prime exceptionnelle, mettre en place un dispositif d’intéressement au profit de leurs salariés avant le 30 juin 2020. Nous les y aiderons, en simplifiant la mise en place des accords d’intéressement dans les PME, en les autorisant à tester ces accords sur un an au lieu de trois, en mettant à la disposition des PME des accords-types opposables à l’administration.
« La justice sociale, c’est de renouer avec la méritocratie républicaine, avec l’égalité des chances.
« Trop souvent, notre modèle social repose sur des politiques de compensation qui lissent les inégalités sans chercher à les réduire à la base. La France est un des pays les plus redistributifs au monde et pourtant l’un des pays où le déterminisme social est le plus élevé. Les études PISA montrent par exemple que l’influence du milieu social sur les performances scolaires est parmi les plus élevées.
« À cet égard, le dédoublement des classes de CP et de CE1 de zones d’éducation prioritaires mené par Jean-Michel Blanquer restera comme l’une des grandes mesures de ce quinquennat. »
M. Didier Mandelli. Du siècle ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François de Rugy, ministre d’État. « Nous irons encore plus loin dans le traitement des difficultés à la racine, en rendant l’école obligatoire dès trois ans (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), en étendant l’effort de réduction du nombre d’élèves à la grande section de maternelle dans les zones les moins favorisées et en limitant à vingt-quatre élèves par classe sur tout le territoire les CP et CE1. »
M. François Patriat. Du jamais vu !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel ont également présenté en début de semaine, après des mois de concertation, les contours d’un nouveau service public d’accueil des enfants handicapés à l’école. Nous voulons en finir avec des systèmes qui bricolent des solutions pour les enfants en situation de handicap, qui trop souvent font leur rentrée après les autres enfants.
« Nous poursuivrons la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Avec la réforme de Parcoursup, que Frédérique Vidal a conduite, les jeunes Français choisissent désormais leur voie par vocation, non plus par défaut », avec la fin de cette absurdité du tirage au sort. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Sauf ceux qui restent sur le carreau !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Cette réforme qu’on disait impossible, elle est faite, elle marche et elle est juste. »
M. Jacques Genest. Oh !
M. François de Rugy, ministre d’État. « On compte déjà 30 % de plus de boursiers dans les classes préparatoires parisiennes, et les IUT ont admis 19 % de bacheliers technologiques de plus. » Voilà la meilleure réponse aux critiques faites l’année dernière !
« Renforcer notre modèle social, c’est en combler les failles, c’est l’adapter aux situations individuelles, c’est inventer de nouvelles solidarités. »
Mme Cécile Cukierman. Et c’est ne pas mettre la poussière sous le tapis !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Je pense aux familles monoparentales, qui se sont beaucoup exprimées durant le grand débat. Logement, travail, fins de mois, garde d’enfants : tout est plus difficile quand on est seul. C’est pourquoi, dans le plan Pauvreté, nous avons prévu l’ouverture de 30 000 places en crèches et la formation de 600 000 professionnels. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Un service unique d’information des familles sera créé en 2020 pour connaître en temps réel les places de crèches et d’assistantes maternelles disponibles.
« Enfin, dès juin 2020, le Gouvernement mettra en place un nouveau système pour protéger les personnes seules contre le risque d’impayés des pensions alimentaires. Sur décision d’un juge, ou sur demande en cas d’incidents de paiement, les pensions seront automatiquement prélevées par la Caisse d’allocations familiales pour être versées à leurs bénéficiaires,…
M. Jacques Genest. Ça existe déjà !
M. François de Rugy, ministre d’État. … et c’est la CAF qui déclenchera une procédure de recouvrement en cas d’impayé. Quand la vie est dure, que chaque euro compte, que chaque jour compte, il ne faut pas rajouter de l’inquiétude, de la tension, de la précarité et laisser les familles seules face à l’incertitude sur le versement des pensions.
« Je pense à notre système de soins. Nous sommes tous choqués par ces images d’urgences saturées,…
Mme Laurence Cohen. À qui la faute ?
M. François de Rugy, ministre d’État. … de brancards qui s’empilent dans les couloirs, de professionnels qui enchaînent les heures et les patients. »
Mme Catherine Troendlé. Exactement !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Agnès Buzyn a apporté des premières réponses la semaine dernière,…
Mme Laurence Cohen. Elles ne suffisent pas !
M. François de Rugy, ministre d’État. … pour mieux reconnaître l’engagement des professionnels et moderniser les locaux. »
Mme Laurence Cohen. Il faut des moyens !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Mais tout le monde sait que la situation des urgences traduit un mal plus profond. »
Mme Laurence Cohen. Il faut du personnel !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Notre ambition est de transformer le système de santé, en ville comme à l’hôpital, pour mettre un terme aux crises qui minent la confiance des soignants et des patients. »
Mme Laurence Cohen. Augmentez les salaires et embauchez : ça ira mieux après !
M. François de Rugy, ministre d’État. « La loi sera bientôt votée. C’est une grande loi de transformation. »
Mme Cécile Cukierman. De casse de l’hôpital public plutôt !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Le défi sera alors celui de l’exécution. Nous serons au rendez-vous. Pour l’heure, j’en appelle au sens des responsabilités de tous les professionnels de santé, publics et privés,…
Mme Éliane Assassi. Ils sont responsables !
M. François de Rugy, ministre d’État. … pour se rassembler autour des directeurs d’ARS, afin de coordonner leur présence estivale et d’anticiper les points de tension à venir. » (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Cohen. C’est une méconnaissance de la situation des hôpitaux !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Je pense au combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes que mène le Gouvernement, avec Marlène Schiappa (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.), dans les domaines de l’égalité salariale, de la lutte contre les discriminations et contre les violences.
« Je pense aux millions d’aidants qui arrêtent de travailler ou qui réduisent leur activité pour s’occuper d’un proche. Nous demanderons aux partenaires sociaux de se saisir de cette question, et nous examinerons comment prendre en compte ces situations dans le calcul des retraites.
« Je pense à tous ceux qui sont perdus face à la complexité de notre système d’aides sociales et pour lesquels nous sommes en train de préparer le futur revenu universel d’activité. La concertation a commencé : elle conduira à la présentation d’un projet de loi en 2020.
« L’acte II, c’est répondre au défi du vieillissement de la population. C’est l’un de nos grands défis de société. Certains parlent d’une révolution de la longévité… Nous avons trop tardé pour nous y confronter, parce que les budgets en jeu sont gigantesques, mais aussi peut-être par une forme de déni. Nous le voyons tous avec nos parents ou nos grands-parents : malgré le dévouement des soignants, des familles et des aidants, nous sommes mal préparés.
« C’est notre regard qui doit changer, celui que nous portons sur la place des personnes âgées dans notre société, le rôle qu’elles peuvent y jouer. Nous devons aussi entendre leur volonté de vieillir à domicile ; entendre les familles qui supportent une charge financière importante et qui souvent sont prises en tenaille entre leurs obligations d’enfants et celles de parents, voire de grands-parents ; entendre les personnels, dont le métier doit être revalorisé.
« La ministre des solidarités et de la santé présentera à la fin de l’année un projet de loi qui définira une stratégie et la programmation des moyens nécessaires pour prendre en charge la dépendance. Dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous enclencherons une première étape, avec des mesures favorisant le maintien à domicile et des investissements dans les Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
« Cela fait dix ans qu’on promet cette grande réforme de dignité et de fraternité. Nous la conduirons, et ce sera un autre grand marqueur social de ce quinquennat – peut-être un des plus importants.
« L’autre grand défi de notre génération, c’est la mise en place d’un système universel de retraites. »
Mme Laurence Cohen. Le pire est à craindre !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Nous avons aujourd’hui quarante-deux régimes qui assurent globalement un bon niveau de retraite : la France est un des rares pays où le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de la population. »
Mme Laurence Cohen. Quelle horreur ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. François de Rugy, ministre d’État. « Cependant, notre système n’est ni simple ni juste. Il pénalise les carrières courtes ou hachées. Ce constat est connu. S’y ajoutent des inquiétudes légitimes concernant son avenir.
« Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a mené un intense travail de concertation. Il présentera en juillet ses recommandations en faveur d’un système universel permettant à la fois de renforcer l’équité entre générations, la protection des plus fragiles et la confiance des Français.
« Ce nouveau système, que nous mettrons en place de manière très progressive, reposera sur un principe simple : les règles seront les mêmes pour tous, c’est-à-dire que 1 euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous. Ce système sera aussi plus redistributif, car il réduira l’écart entre les pensions des plus modestes et celles des plus aisés, entre les pensions des hommes et celles des femmes. Il garantira enfin, comme le Président l’a demandé, que les personnes qui ont travaillé toute leur vie ne gagnent pas moins que 85 % du SMIC.
« Nous savons tous que ces principes sont justes, mais qu’ils nécessitent des évolutions profondes. S’agissant des fonctionnaires, par exemple, dont les retraites sont calculées actuellement sur les six derniers mois hors primes, le nouveau mode de calcul, sur l’ensemble de la carrière et sur l’ensemble de la rémunération, devra nous conduire à revaloriser les profils de carrière de certaines professions ; je pense en particulier aux enseignants.
« Les mêmes règles pour tous, c’est vrai, cela signifie aussi la fin des régimes spéciaux. Cela se fera très progressivement, sans modifier les conditions de départ des personnes qui ont déjà des projets pour leur retraite et en conservant l’intégralité des droits acquis. Ce qui compte, c’est la cible vers laquelle nos régimes vont converger ; pour aller vers cette cible, il faut du temps et de la souplesse. Nous nous en donnerons pour réussir cette transformation.
« Enfin, le Président l’a affirmé, nous devons travailler plus longtemps. C’est la clé de la réussite du pays. Je vois bien que cela inquiète. Mais, la réalité, c’est qu’il s’agit aussi d’une question de justice. Continuer à partir à la retraite deux ans plus tôt que l’âge moyen des autres pays européens, c’est demander à nos enfants de financer cet écart. Et les Français sont lucides : déjà, l’âge moyen de départ à la retraite est supérieur à l’âge légal, parce que nos compatriotes ont compris que, grâce à leur travail, ils pouvaient bénéficier d’une meilleure pension, et ils ont raison.
« Nous maintiendrons la possibilité d’un départ à soixante-deux ans, mais nous définirons un âge d’équilibre et des incitations à travailler plus longtemps. Ainsi, chacun pourra faire son choix, en liberté et en responsabilité. La condition pour que ce choix existe, c’est que le chômage recule, et c’est la raison pour laquelle nous lancerons un grand plan pour l’emploi des seniors.
« L’acte II, c’est aussi répondre à un certain nombre de peurs ; des peurs qui se sont exprimées durant le grand débat, qui s’expriment depuis des années dans le débat public. Toutes reposent sur un sentiment de “perte de contrôle” : perte de contrôle sur les évolutions du monde, sur le progrès technologique, sur des menaces réelles ou ressenties, sur la violence.
« Il existe plusieurs manières d’appréhender ces inquiétudes ou ces peurs. On peut les attiser pour en tirer profit. On peut les nier, pour éviter de se poser des questions difficiles. Ou, alors, on peut les affronter, en montrant à nos concitoyens que, sur tous les sujets, la République a les moyens de garder le contrôle.
« Garder le contrôle, c’est d’abord garantir l’ordre public pour tous et sur tout le territoire.
« Une de nos premières décisions a été de lancer un vaste plan de recrutement et d’équipements des forces de l’ordre et d’y accorder les moyens. Il y avait urgence, et on partait de loin. Une autre décision a été de concentrer les forces dans les quartiers de reconquête républicaine où la délinquance, les incivilités avaient grimpé en flèche.
« Les premiers résultats sont là : en 2018, les vols avec armes ont baissé de 10 %, les cambriolages de 6 % et les vols de véhicules de 8 %. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Personne n’y croit !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Durant les douze prochains mois, notre priorité sera de combattre le trafic de stupéfiants, qui gangrène des pans entiers de notre territoire. Cela implique de harceler les points de vente, de neutraliser les échelons de distribution, de faire tomber les têtes de réseaux. »
M. Claude Raynal. Il faut rappeler Pasqua !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Nous procéderons aux changements d’organisation nécessaires pour parvenir à ces résultats opérationnels.
« J’ai également demandé à Christophe Castaner un plan pour lutter contre la violence gratuite. Les Français n’en peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales. Nous ne devons plus rien laisser passer.
« Pour réussir, nous devrons finaliser les réformes que nos forces de l’ordre attendent depuis longtemps…
Mme Éliane Assassi. Avoir plus de policiers !
M. François de Rugy, ministre d’État. … sur le temps de travail, sur les heures supplémentaires, sur la fidélisation dans les postes et les territoires. »
M. Fabien Gay. Et plus de moyens !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Pour traduire ces orientations, le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État engageront, dès cet été, la rédaction d’un Livre blanc sur la sécurité intérieure ainsi que d’une future loi de programmation. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Et on fera un rapport parlementaire sur le Livre blanc !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Garder le contrôle, c’est maintenir une vigilance de tous les instants contre la menace terroriste, c’est continuer de fermer les lieux de culte radicalisés, c’est poursuivre l’expulsion systématique des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui figurent au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste – nous en avons expulsé plus de 300 au cours des dix-huit derniers mois –, c’est poursuivre les efforts de recrutement dans le renseignement : il y en aura 1 900 d’ici la fin du quinquennat.
« Garder le contrôle, c’est affirmer notre singularité et notre indépendance dans le monde ; un monde qui est dangereux, où la France, inlassablement, cherche à porter la voix de la paix et de la stabilité : en continuant de promouvoir le multilatéralisme contre la loi du plus fort ; en investissant dans l’aide au développement. »
M. Yvon Collin. Très bien !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Au-delà des moyens en hausse que nous y consacrons, pour aller jusqu’à 0,55 % du produit intérieur brut, c’est l’ensemble de notre dispositif qui doit être revu. Une mission est en cours, et je sais que les commissions parlementaires ont fait de nombreuses propositions. Le Président de la République tiendra un conseil du développement en juillet et, à l’issue des rencontres du G7 cet été, Jean-Yves Le Drian préparera un projet de loi qui sera déposé au Parlement à l’automne et discuté en 2020.
« La France doit également rester capable de se battre contre ses ennemis : en Syrie, où la fin du califat territorial est une victoire, mais ne marque pas la fin de la menace ; au Mali, aux côtés de nos alliés. Je sais que vous vous associerez tous à l’hommage que je veux rendre à celles et ceux qui risquent leur vie pour protéger la nôtre. Mes pensées vont à leurs familles, et plus particulièrement à celles qui ont été endeuillées cette année.
« Conformément aux engagements du Président de la République, mon gouvernement a voulu donner les moyens à nos armées de nous défendre. Le 13 juillet dernier, le Président a promulgué la loi de programmation militaire pour porter notre effort de défense à 2 % du produit intérieur brut. C’est un effort massif. Mais il s’agit là aussi d’être constant et cohérent.
« Combattre les peurs du pays, montrer que nous gardons le contrôle, c’est avoir le courage d’affronter sans fausse pudeur certaines réalités, notamment concernant la pression migratoire.
« Cette réalité, c’est un nombre de demandeurs d’asile qui a baissé de 10 % en Europe l’année dernière, mais qui continue d’augmenter en France de 22 %. »
M. Roger Karoutchi. Pourquoi ?
M. François de Rugy, ministre d’État. « Si nous voulons bien accueillir et bien intégrer ceux qui rejoignent notre pays, nous devons maîtriser ces flux migratoires.
« Ce combat est évidemment d’abord européen. Le Président de la République l’a annoncé : la France portera dans les prochains mois, avec de nombreux partenaires européens, un projet de refondation complète de Schengen.
« Nous devrons également prendre nos responsabilités au niveau national. Le droit d’asile est un trésor. Nous y consacrons des moyens en forte hausse. C’est le prix de la fidélité à nos valeurs, mais c’est aussi pour cette raison que nous devons lutter avec fermeté contre des abus.
« Nous continuerons évidemment à offrir aux demandeurs d’asile des conditions d’accueil et de protection sociale conformes à nos principes. Mais nous devons nous assurer que les demandeurs d’asile choisissent la France pour son histoire, pour ses valeurs, pour sa langue, et non parce que notre système serait plus favorable que celui d’autres pays européens. »
M. David Assouline. Mais c’est lié à nos valeurs !
Mme Éliane Assassi. Les valeurs de la France, c’est aussi ça !
M. François de Rugy, ministre d’État. « Le fond de ma conviction, c’est que ces sujets devraient faire l’objet d’une harmonisation complète dans l’Union européenne.
« Ces questions sont difficiles. Elles soulèvent les passions. Elles touchent aux fondements de notre souveraineté et de nos principes. Il est donc nécessaire d’en débattre de manière régulière et au grand jour avec le Parlement. C’est pourquoi, comme l’a annoncé le Président de la République, le Gouvernement organisera chaque année un débat au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration et d’asile. Le premier aura lieu au mois de septembre prochain.
« Combattre les peurs, c’est lutter contre l’islamisme et faire vivre la laïcité.
« Le Gouvernement accompagnera les musulmans dans la construction d’un islam où les croyants français exercent les responsabilités. Nous ne le ferons pas à leur place, mais nous leur donnerons les moyens : d’abord, de combattre l’islamisme et les discours de haine sur les réseaux sociaux – je salue la proposition de loi de Laetitia Avia, qui nous donnera les outils nécessaires ; ensuite, de réformer l’organisation du culte musulman. Des assises territoriales de l’islam de France ont eu lieu l’été dernier. Un large consensus s’est dégagé en faveur d’une structuration départementale. Il est important que des suites soient données à ces attentes. Enfin, l’islam de France doit recruter et former des imams en France, qui parlent le français, et mettre fin de manière progressive au système où beaucoup d’imams ou psalmodieurs sont choisis et rémunérés par des États étrangers. »
M. Roger Karoutchi. On le dit depuis dix ans !
M. François de Rugy, ministre d’État. « S’il faut des dispositions législatives pour garantir le respect de l’ordre public et renforcer la transparence du financement des cultes, en particulier quand ce financement est étranger, le Gouvernement vous les proposera, sans remettre en cause la loi de 1905 ni le libre exercice des cultes.
« Combattre les peurs, c’est “remettre de la conscience dans la science”, pour paraphraser une formule célèbre. C’est déterminer ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans des domaines où tout devient techniquement possible.
« Les États généraux de la bioéthique se sont achevés il y a un an. Le Parlement s’est également saisi de ces questions. Le projet de loi que le Gouvernement s’est engagé à préparer pour tirer les conclusions de ces travaux est prêt. Conformément aux engagements du Président de la République, il autorise le recours à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes.
« Sur certaines questions, comme l’accès aux origines, le régime de filiation en cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, plusieurs options étaient possibles, et le Gouvernement a retenu celles qui lui semblaient les plus à même de permettre un débat apaisé. Le projet de loi sera adopté en conseil des ministres fin juillet et pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre, juste avant la discussion budgétaire.
« J’ai la chance d’avoir dans mon gouvernement trois ministres d’exception (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)…
M. Philippe Dallier. Et les autres alors ?
M. François de Rugy, ministre d’État. … une médecin, Agnès Buzyn, une juriste, Nicole Belloubet, et une scientifique, Frédérique Vidal. Les débats que vous avez eus avec elle, que j’ai eus avec elles, ont été de grande qualité. Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de consensus sur ces dossiers. C’est mon ambition en tout cas.
« Combattre les peurs, enfin, c’est regarder l’avenir avec confiance, investir dans l’intelligence, renouer avec l’esprit de conquête.
« L’État, qui devrait raisonner en stratège pour le long terme, est trop souvent englué dans le court terme, dans la gestion politique à six mois, alors que des entreprises ou des collectivités territoriales déploient des plans d’action à dix ans, investissent, motivent leurs collaborateurs, cherchent, découvrent. Il faut, comme le Président nous y a invités, tracer une perspective collective de long terme pour notre pays, donner de la visibilité à chacun sur les objectifs de la Nation à l’horizon 2025 : bâtir un pacte productif ; rattraper notre retard en robotique, comme nous sommes en train de rattraper notre retard en numérique ; devenir le principal hub de l’intelligence artificielle en Europe ; devenir en tout point la Nation la plus attractive, pour le tourisme, la santé, l’industrie…
« Offrons à la jeunesse des raisons de s’engager, pour l’environnement, pour le développement, dans les territoires isolés, via le service national universel, que nous commençons à déployer cette année.
« Définissons une nouvelle ambition pour la recherche et l’enseignement supérieur. Je vous saisirai d’un projet de loi de programmation et de réforme au printemps 2020.
« Combattons les peurs, le repli, et défendons ce que le Président de la République a appelé “l’art d’être Français”, c’est-à-dire aussi l’art tout court, la culture. Nous poursuivrons le déploiement du pass culture. Nous réaffirmerons, dans le cadre du projet de loi audiovisuel, qui sera discuté au Parlement au tout début 2020, le rôle de l’audiovisuel public dans la diffusion de la culture. Nous défendrons le patrimoine national ; un patrimoine avec lequel, on l’a vu lors de la catastrophe de la cathédrale de Notre-Dame, les Français entretiennent un rapport fort et intime.
« L’acte II se joue enfin dans la réforme de l’État, non pas au sens bureaucratique qu’on lui donne souvent, mais au sens qu’on lui donnait en 1935, en 1958, quand, déjà, la République cherchait à renouer avec le peuple.
« J’ai déjà évoqué, devant vous, le “mur de défiance” qui s’est élevé, au fil des années, entre les Français et ceux qui les représentent ou qui les administrent. J’ai aussi fait le constat avec vous du besoin de proximité et de participation qui s’est exprimé lors du grand débat. Nous ne répondrons pas à ces attentes avec de simples aménagements. C’est l’ensemble de l’action publique – “du sol au plafond”, si vous me permettez l’expression – qu’il faut désormais transformer.
« Il y a un an, nous avions présenté un projet de loi constitutionnelle et deux projets de loi complémentaires, organique et ordinaire. » (L’orateur s’interrompt pour boire un verre d’eau.)