Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous pourriez le devenir ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il est encore temps ! (Nouveaux sourires.)
M. Thani Mohamed Soilihi. D’ailleurs, à ma connaissance, il n’existe pas dans mon département, c’est-à-dire Mayotte.
En revanche, d’autres espèces exotiques envahissantes, qu’elles soient animales ou végétales, impactent particulièrement les territoires ultramarins, qui, rappelons-le, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, contiennent 80 % de la biodiversité de notre pays. Je pense notamment à la liane papillon à La Réunion, à la tourterelle turque en Guadeloupe, au rat noir dans différentes îles, à l’iguane vert en Martinique et en Guadeloupe ou à la vigne marronne à Mayotte.
La lutte contre ces espèces constitue donc un défi croissant pour préserver les richesses naturelles exceptionnelles de ces territoires.
Motivée par l’expansion continue du frelon asiatique sur l’ensemble du territoire hexagonal, la proposition de loi, qui nous a été soumise en procédure de législation en commission, visait de façon plus générale à renforcer les pouvoirs de police des maires dans la lutte contre l’introduction et la propagation de ces espèces exotiques envahissantes, en lui permettant de mettre en demeure le propriétaire d’un terrain où s’est implantée une de ces espèces, de faire procéder à leur capture, à leur prélèvement, à leur garde ou à leur destruction.
Si ledit propriétaire n’obtempérait pas dans le délai fixé par le maire, les dispositions du texte autorisaient celui-ci à agir en ses lieu, place et frais.
Conscient que cette proposition de loi répond à une véritable préoccupation de nos concitoyens, qui interpellent très régulièrement leur maire, elle nous paraissait néanmoins comporter en sa rédaction initiale de nombreux effets indésirables, comme le soulignait M. le rapporteur.
En effet, outre le fait que les maires disposent déjà de moyens au titre de leur pouvoir de police générale pour lutter contre les frelons asiatiques et autres « fléaux calamiteux » en cas de danger grave et imminent, le présent texte aurait pu entraîner des conséquences fâcheuses en matière de responsabilité. Nous savons que le but recherché par les auteurs de cette proposition de loi n’est pas de rendre l’exercice du mandat de maire plus difficile qu’il ne l’est aujourd’hui et qu’il s’agit bien au contraire de le faciliter.
Par ailleurs, la lutte contre les espèces toxiques envahissantes nécessite des compétences naturalistes et techniques sans lesquelles les interventions sont au mieux inefficaces, au pire dangereuses pour l’environnement – en raison, par exemple, de l’emploi de produits inadaptés et toxiques – et pour la biodiversité – en cas d’erreur sur l’identification des espèces.
En outre, faire peser le coût des interventions sur les particuliers, au lieu de sensibiliser les citoyens, pourrait avoir comme conséquence la diminution des signalements de ces espèces aux scientifiques et aux pouvoirs publics.
C’est la raison pour laquelle le texte issu de notre commission, qui rappelle aux maires les pouvoirs dont ils disposent aujourd’hui en la matière et leur consacre un rôle d’alerte auprès du préfet lorsqu’ils constatent la présence de spécimens sur le territoire communal, nous satisfait.
La discussion autour de cette proposition de loi a eu le mérite de poser et de clarifier la question de l’articulation adéquate entre les pouvoirs du préfet et ceux des maires. Elle a également permis d’évoquer la prise en charge du coût de ces interventions.
Le groupe La République En Marche se ralliera donc à la position de compromis retenue par le rapporteur et votera en faveur de la proposition de loi ainsi modifiée. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a été souligné, cette proposition de loi tente d’apporter une solution à un problème réel : aucun maire ou ancien maire ne dira le contraire. Mais qu’elle y parvienne, c’est une autre affaire !
Le texte soumis à notre approbation améliore incontestablement la proposition initiale, qui, au final, chargeait les maires, qui n’en manquent déjà pas, d’obligations et de responsabilités nouvelles non seulement en matière sanitaire, mais aussi en matière de sécurité.
En l’absence de mise en œuvre de la procédure prévue, la commune devant faire l’avance des frais sans certitude d’être remboursée par le contrevenant, le maire et la commune auraient pu être mis en cause en cas d’accident dû à l’un de ces hyménoptères malvenus.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Mieux vaut donc laisser cette charge, comme le prévoit d’ailleurs la loi, au préfet et aux spécialistes de la « petite bête », qui peuplent les directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM. (Sourires.) Le texte de la commission évite cet écueil, mais vise-t-il à ajouter un outil de lutte, dont nous ne disposerions pas, contre les espèces invasives ? Évidemment non,…
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. … puisque tout élu municipal, voire tout citoyen, peut déjà aviser l’autorité administrative des dangers potentiels dont il aurait connaissance.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est même là le devoir de tout citoyen…
On l’aura compris, le groupe CRCE s’abstiendra d’ajouter une nouvelle disposition superfétatoire à toutes celles qui existent déjà. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les espèces exotiques envahissantes ont des effets délétères en matière de biodiversité mondiale, de risques économiques pour les territoires impactés et de santé publique. Parmi ces dernières, le frelon asiatique en est l’un des spécimens les plus redoutables.
Identifié pour la première fois en France il y a une quinzaine d’années après son importation involontaire, il s’est très rapidement propagé sur le territoire et est désormais installé dans toute la France métropolitaine, à l’exception de la Corse. Le frelon asiatique est responsable de dégâts considérables dans les lieux où il sévit. Il s’attaque aux abeilles et aux ruches, causant l’anéantissement de nombreuses colonies. Cette surmortalité est source de fortes inquiétudes, les abeilles étant, en tant qu’insectes pollinisateurs, un maillon essentiel de notre écosystème.
Ma collègue Nicole Bonnefoy, impliquée de longue date sur ce sujet, a ainsi déposé dès 2011 une proposition de loi tendant à créer un fonds de prévention contre la prolifération du frelon asiatique, et notre groupe politique s’est mobilisé à plusieurs reprises.
Il faut également le rappeler, la piqûre du frelon asiatique peut s’avérer potentiellement mortelle pour l’homme et la présence d’un nid constitue une vraie menace pour les particuliers.
La lutte contre cette espèce nuisible repose aujourd’hui essentiellement sur la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
L’article L. 411-6 du code de l’environnement prévoit ainsi que sont interdits l’introduction sur le territoire national, la détention, le transport, le colportage, l’utilisation, l’échange, la mise en vente, la vente ou l’achat de tout spécimen vivant d’espèces exotiques envahissantes. L’arrêté ministériel du 14 février 2018 inclut le frelon asiatique dans la liste de ces espèces.
S’agissant des opérations de lutte, elles sont prévues par l’article L. 411-8 du même code, qui dispose que l’autorité administrative, dès le constat de la présence d’une des espèces mentionnées dans l’arrêté, peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens.
L’article R. 411-46 désigne enfin le préfet de département comme autorité administrative compétente.
Le déploiement du frelon asiatique sur l’ensemble du territoire et sa persistance nécessitent de mettre en œuvre des mesures à grande échelle, les actions localisées paraissant insuffisantes à enrayer sa prolifération.
Une stratégie nationale de lutte, telle que celle qui est prévue par le code de l’environnement, semble donc aujourd’hui incontournable.
Pourtant, en réponse à plusieurs questions adressées par des sénateurs, le Gouvernement reconnaît « qu’il n’y a actuellement aucune stratégie collective reconnue efficace ». Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a, quant à lui, annoncé avoir décidé de subventionner des actions de recherche visant à valider des méthodes de lutte sur le plan de leur efficacité et de leur innocuité sur l’environnement. Il serait à cet égard utile, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement puisse nous informer de l’avancée de ces recherches.
En tout état de cause, les travaux de notre commission des lois, réunie jeudi dernier pour examiner la proposition de loi de notre collègue Agnès Canayer, me paraissent aller dans le bon sens puisqu’ils clarifient le rôle du maire en matière de lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Il faut, à cet égard, rappeler que, en l’état actuel du droit et au titre de son pouvoir de police générale, celui-ci peut déjà intervenir sur les propriétés privées en cas de danger grave et imminent pour la sécurité publique, en complémentarité avec le pouvoir de police spéciale du préfet.
Notre commission a, en outre, décidé de consacrer dans la loi le pouvoir d’alerte du maire auprès du préfet lorsqu’il constate la présence d’une de ces espèces sur le territoire communal afin que ce dernier puisse prendre les mesures nécessaires à la suite d’un tel signalement, ce qui n’est, en fait, pas une nouveauté.
Nous avons enfin choisi de valoriser le rôle d’intermédiaire du maire, afin de sensibiliser les citoyens aux risques que constituent ces espèces exotiques envahissantes et d’obtenir l’accord des administrés pour qu’une intervention sur leur propriété privée soit mise en œuvre.
Sur ce sujet, j’ai rappelé la nécessité de ne pas imputer aux particuliers les frais relatifs à ces opérations, afin d’éviter que ceux-ci ne décident, pour éviter ces coûts, de procéder eux-mêmes à la destruction des nids de frelons au travers de manœuvres hasardeuses, voire dangereuses.
La proposition de loi ainsi modifiée nous paraît adaptée et équilibrée. Elle permettra, nous l’espérons, d’aboutir à une lutte plus efficace contre ces espèces exotiques envahissantes. Notre groupe politique votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et au banc des commissions.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Bravo pour votre courage !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques révèle une augmentation d’environ 70 % du nombre d’espèces exotiques envahissantes depuis 1970 dans 21 pays. Ces espèces contribuent au déclin de notre biodiversité, y compris par leur impact sur l’agriculture.
Parmi ces espèces, le frelon asiatique pose de véritables difficultés dans tous nos territoires du fait de sa prédation à l’encontre des colonies d’abeilles domestiques, alors que ces dernières subissent les effets du changement climatique et de certains pesticides.
Répondant aux préoccupations de nos concitoyens et des élus, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité renforcer les pouvoirs du maire en lui permettant d’intervenir contre ces espèces, au sein des propriétés privées et aux frais du propriétaire.
Bien que comprenant parfaitement la frustration de certains maires de ne pas pouvoir intervenir systématiquement en l’absence d’accord du propriétaire – cela m’est arrivé lorsque j’étais maire –, le dispositif proposé ne nous semblait pas le mieux adapté pour freiner l’expansion de l’espèce.
En effet, outre les conséquences juridiques fâcheuses qu’il aurait pu engendrer en ouvrant la porte à la mise en cause de la responsabilité des maires, il aurait eu pour résultat de dissuader les propriétaires de signaler les nids et de les inciter à les détruire, à leurs risques et périls. Or nous avons besoin d’une connaissance la plus exacte possible de l’espèce et de méthodes de destruction sélectives et moins nocives pour l’environnement. De surcroît, la reconnaissance des espèces ne va pas toujours de soi, le frelon asiatique pouvant être confondu avec le frelon d’Europe, la guêpe des buissons, la scolie des jardins et autres hyménoptères.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est fâcheux !
M. Jean-Claude Requier. Ces remarques sont applicables à l’ensemble des espèces exotiques envahissantes.
Désormais le texte, tel qu’il résulte des travaux en commission, est dénué de portée normative. Lorsqu’il est saisi de la présence de ces espèces, le maire s’adresse d’ores et déjà au préfet, sans que la loi l’y oblige. Son rôle consacré dans la loi ne serait que celui de « pouvoir » aviser le préfet, qui, en vertu de l’article L. 411-8 du code de l’environnement, peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction des spécimens, y compris sur les propriétés privées.
Mes chers collègues, il n’est nul besoin de rappeler au maire qu’il dispose de son pouvoir de police générale.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est sûr !
M. Jean-Claude Requier. Comme cela a été rappelé par le rapporteur, en cas de danger grave et imminent pour la sécurité publique, le maire peut intervenir dans les propriétés privées sans obtenir d’accord. Certes, l’intervention reste à la charge de la commune. Et c’est là toute la question : qui doit prendre en charge, notamment sur le plan financier, les opérations de destruction ?
En l’absence de prise en charge financière par l’État, le cœur du problème réside dans la réponse à géométrie variable qu’obtiennent nos concitoyens, qui ne sont pas sur un pied d’égalité selon que la collectivité territoriale participe ou non au coût de la destruction.
Nous concevons que l’intention des auteurs de la proposition de loi soit de consacrer le rôle d’alerte du maire, mais il eût été plus pertinent de renforcer les obligations du préfet en la matière, car le problème reste entier, le préfet décidant des suites à donner selon son bon vouloir.
La problématique des espèces exotiques envahissantes devenant dans le cas du frelon asiatique une menace de caractère national, la responsabilité de l’État est d’aboutir à l’élaboration d’un système de prévention et d’intervention plus réactif, car, une fois que ces espèces sont installées, il est souvent trop tard. Le frelon asiatique, suivant un cycle de vie annuel, rend inutile la destruction des nids – si ce n’est pour la protection immédiate des ruches –, car, comme l’a souligné le rapporteur, le frelon asiatique ne revient jamais dans son nid.
Mes chers collègues, il faut agir de manière prudente et une stratégie nationale doit être mise en place pour accompagner les particuliers, les professionnels et les collectivités territoriales dans la destruction des nids si cette solution est considérée comme indispensable.
En tout état de cause, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ne peut uniquement être abordée par le seul prisme de la destruction, mais elle doit faire l’objet d’une recherche visant à rétablir les équilibres écologiques, car les interventions peuvent se retourner contre nos espèces domestiques.
En conclusion, le groupe du RDSE votera ce texte, même modifié et vidé de ses contraintes et de son caractère normatif. En effet, comme auraient pu l’affirmer les jésuites – et c’est un radical qui le dit ! –, l’intention dans ce cas vaut l’action ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous terminons aujourd’hui l’étude de la proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l’introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes, dont nous avons examiné jeudi dernier les articles grâce à la procédure de législation en commission.
Comme je l’ai déjà dit à cette occasion, lorsque j’ai découvert le programme de la commission des lois, j’ai commencé par me dire qu’il y avait erreur d’aiguillage : pour quelle raison le frelon asiatique s’invitait-il en discussion devant la commission des lois ?
Lors de l’examen en commission jeudi, les diverses interventions de mes collègues, tous confrontés à ce problème, m’ont un peu éclairé. Mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’elles m’ont convaincu de l’intérêt de légiférer sur le sujet.
Le maire est déjà une vigie solide au quotidien et, comme se plaisait à l’énoncer Montesquieu, dont vous connaissez la formule, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Un débat sur le sujet n’était sans doute pas inutile pour clarifier les compétences du maire et rappeler l’importance du rôle des préfets en la matière, mais pas suffisamment pour aboutir à la nécessité d’adopter une nouvelle loi.
Si les travaux de la commission ont pu clarifier l’articulation des pouvoirs respectifs du maire et du préfet, et donner aux maires ce que j’appellerai un « mode d’emploi » face aux frelons asiatiques et aux espèces envahissantes, je m’en réjouis évidemment.
Mais les maires de France ayant déjà été confrontés à ce type de problèmes avec divers nuisibles, la jurisprudence est parfaitement établie. Samedi dernier, j’ai lu tout à fait par hasard ceci dans La Lettre de l’Administration Générale d’avril 2019 : « Le juge rappelle qu’il appartient au maire d’une commune, en vertu de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Les interdictions édictées à ce titre ne doivent être ni générales ni absolues, et doivent être justifiées par les troubles, risques ou menaces qu’il s’agit de prévenir. Ces mesures de police doivent être strictement proportionnées à leur nécessité. » Ces mots sont tirés d’un arrêt du 9 juillet dernier de la cour administrative de Marseille concernant la commune de Beaucaire, qui était confrontée à ce même type de problèmes.
Il me semble donc que les maires n’ont pas besoin d’une nouvelle législation pour intervenir, avec les services compétents de l’État, dans la lutte contre l’introduction et la propagation des espèces toxiques envahissantes. La population française serait d’ailleurs certainement moins nombreuse si les maires n’étaient pas intervenus les fois précédentes !
Cependant, ce texte aura sans doute le mérite de sensibiliser les pouvoirs publics et les maires sur ces questions. S’agissant de notre vote, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de renforcer l’intervention du maire dans la lutte contre l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes, et tout particulièrement du frelon asiatique.
Comme pour beaucoup de sujets, les maires sont les premiers réceptacles de l’anxiété de leurs administrés. Ils sont notamment sollicités sans avoir les moyens scientifiques, juridiques et matériels de répondre à leurs demandes.
C’est pourquoi je salue l’initiative de notre collègue Agnès Canayer, qui nous permet de faire le point sur ce sujet et d’apporter une réponse pragmatique à une préoccupation bien réelle. Je salue également l’excellent travail de notre collègue rapporteur, Vincent Segouin.
Ce texte est attendu par les maires et le Sénat est dans son rôle lorsqu’il cherche des solutions adaptées aux collectivités territoriales.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est bien vrai !
M. Philippe Mouiller. Je pense, notamment, aux maires de petites communes, que je rencontre, qui se sentent démunis face à la demande de leurs concitoyens ayant détecté des nids de frelons sur leur propriété ou sur celle de leur voisin. Cela pourrait paraître anecdotique, mais c’est une réalité vécue au quotidien dans nos mairies.
Si certaines espèces exotiques n’ont aucune incidence, d’autres, qualifiées d’envahissantes, ont des impacts importants sur la biodiversité, l’économie et la santé. La lutte contre la prolifération des espèces exotiques envahissantes participe à la préservation de la biodiversité, en grand danger comme le démontre le rapport rendu hier à l’Unesco par les experts de l’IPBES. À ce titre, le frelon asiatique est un bon exemple.
Arrivé en France en 2004, il s’est répandu, en une quinzaine d’années, sur l’ensemble des départements français. Il constitue une réelle menace pour de nombreuses espèces d’insectes, tout particulièrement pour les abeilles domestiques. C’est pourquoi, depuis un arrêté du 26 décembre 2012, le frelon est classé dans la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie, pour l’abeille domestique, sur tout le territoire national.
En France, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a donné une définition des espèces exotiques envahissantes. La même loi confie aux représentants de l’État, les préfets, la compétence de lutter contre l’introduction et la prolifération de ces espèces. Il leur revient donc de prendre les mesures adéquates en vertu de leur pouvoir de police spéciale. Toutefois, ils semblent avoir, suivant les départements, une vision différente de l’exercice de leurs prérogatives.
Quant aux élus locaux, certains ont fait le choix de prendre en charge, au niveau communal ou intercommunal, la destruction des nids de frelons chez les particuliers ou ils fournissent des pièges. Souvent, ils diffusent de l’information auprès de leurs administrés sur l’attitude à adopter en cas de découverte de nids de frelons.
Dans sa version initiale, la proposition de loi tendait à renforcer les pouvoirs de police du maire dans la lutte contre l’introduction et la prolifération de ces espèces. Il était ainsi prévu de permettre aux maires, en cas de présence sur une propriété privée d’une espèce exotique envahissante, de mettre en demeure le propriétaire négligent de faire procéder à sa capture, à son prélèvement, à sa garde ou à sa destruction.
Dans l’hypothèse où le propriétaire n’obtempère pas à la mise en demeure, après un certain délai, le maire peut faire procéder d’office à l’exécution de ces opérations, aux frais du propriétaire. Il s’agissait de créer un pouvoir de police spéciale pour les maires. Toutefois, cette proposition a paru poser des inconvénients juridiques, environnementaux et matériels. En effet, la coexistence de deux pouvoirs de police spéciale risquait de conduire à une déresponsabilisation. L’efficacité passe par une clarification du rôle de chacun. De plus, il est toujours délicat pour une commune d’intervenir sur une propriété privée. La probabilité d’un contentieux est forte.
C’est pourquoi la proposition de la commission des lois visant à compléter l’article L. 411-8 du code de l’environnement, en laissant aux préfets, seuls, la compétence de lutter contre l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes et à faire du maire un lanceur d’alerte me paraît un bon compromis.
Dans la version adoptée en commission, le maire devient donc un maillon essentiel dans la chaîne de lutte contre ces espèces. Véritable sentinelle, il aura pour mission d’informer la population sur les risques et pourra alerter le préfet en cas de découverte d’espèces envahissantes sur sa commune, pour permettre de prendre les mesures adéquates. En cas de menace grave et imminente, le maire a toujours la possibilité d’agir en vertu de son pouvoir de police générale.
Cette proposition de loi est examinée suivant la procédure de législation en commission, mise en place au Sénat sur l’initiative de son président, Gérard Larcher. Elle me paraît tout à fait appropriée à ce type de texte, qui exige d’être réactif, tout en garantissant un examen approfondi.
Pour tous ces arguments, le groupe Les Républicains votera naturellement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures vingt-huit.)
M. le président. La séance est reprise.