compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
M. Yves Daudigny.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 11 avril 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour une mise au point au sujet de votes.
M. Claude Raynal. Monsieur le président, je souhaite procéder à plusieurs rectifications de votes sur le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.
Lors du scrutin n° 78, Mme Marie-Pierre Monier a été comptabilisée comme ayant voté pour, alors qu’elle souhaitait voter contre.
Lors du scrutin n° 79, MM. Claude Bérit-Débat, Éric Kerrouche et Mme Monique Lubin ont été enregistrés comme s’étant abstenus, alors qu’ils souhaitaient voter contre. Mme Nelly Tocqueville a été comptabilisée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter pour.
Lors des scrutins nos 80 et 81, Mme Monique Lubin et M. Éric Kerrouche ont été considérés comme s’étant abstenus, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Projet de programme de stabilité
Débat organisé à la demande de la commission des finances
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le projet de programme de stabilité.
Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous abordons l’examen en séance publique, après la réunion de la commission, et avant l’Assemblée nationale, du projet de programme de stabilité pour les années 2019 à 2002. Ce texte est récent puisqu’il a été adopté en conseil des ministres le 10 avril dernier. Il doit ensuite être transmis à la Commission européenne avant le 30 avril. Les délais sont donc très contraints.
Présentant la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement et le scénario macroéconomique sous-jacent, ce texte est accompagné du programme national de réforme, qui retrace l’ensemble des réformes et des mesures prévues pour y parvenir.
L’importance de ce document justifie le souhait de la commission des finances qu’un débat soit organisé en séance publique aujourd’hui, alors que le Gouvernement n’avait pas lui-même prévu de l’inscrire à l’ordre du jour, comme c’est pourtant le cas habituellement.
Ce débat nous est apparu d’autant plus nécessaire que le programme de stabilité présente cette année une double particularité.
D’une part, il est l’occasion pour le Gouvernement de mettre à jour la trajectoire au regard des mesures adoptées fin décembre, dans un contexte particulier dont nous nous souvenons tous : il s’agissait de répondre aux préoccupations exprimées par le mouvement sur les ronds-points.
D’autre part, la programmation pluriannuelle a été établie indépendamment des conclusions tirées par le Président de la République du grand débat national, alors même qu’elles risquent fort d’avoir un impact non négligeable sur la trajectoire budgétaire.
Comme le Haut Conseil des finances publiques, je pense que le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement constitue une base réaliste pour asseoir la programmation pluriannuelle des finances publiques, en prenant acte du nouveau ralentissement attendu de l’économie française.
Pour 2019 et 2020, la révision à la baisse des perspectives tient essentiellement à un « effet base » défavorable et au ralentissement du commerce et de l’économie européenne qui pèse sur les exportations françaises. En revanche, la demande intérieure resterait dynamique.
Le scénario de moyen terme, pour 2021 et 2022, est également revu à la baisse, ce qui constitue une première depuis le début du quinquennat. Le Gouvernement ne retient plus l’hypothèse que l’économie française entrerait dans une phase de légère « surchauffe » en fin de quinquennat.
D’autres hypothèses jouent un rôle décisif dans l’évolution des finances publiques. Le Gouvernement bénéficie d’un fort dynamisme des recettes depuis le début du quinquennat, l’élasticité des prélèvements obligatoires étant supérieure à un. Or il s’agit d’une situation atypique. Pour la suite du quinquennat, le Gouvernement retient l’hypothèse raisonnable d’un retour à une élasticité unitaire.
S’agissant de la remontée des taux d’intérêt, le Gouvernement continue à faire l’hypothèse d’une remontée au rythme de 75 points de base par an, en dépit de la décision de la Banque centrale européenne, la BCE, de ralentir la normalisation de sa politique monétaire. Il s’agit d’un scénario particulièrement conservateur. Certes, la prudence peut se justifier, compte tenu de la grande incertitude entourant ces prévisions.
M. Philippe Dallier. C’est préférable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais il reste étonnant de retenir des hypothèses si éloignées du consensus. La prévision de charge de la dette n’a pas vocation à constituer une forme de « réserve de budgétisation » cachée.
Venons-en maintenant au sujet qui nous intéresse principalement : la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement. Je le dis, le nouveau scénario proposé apparaît particulièrement dégradé.
Certes, d’un côté, l’exécution 2018 a été légèrement plus favorable qu’escompté, permettant ainsi au Gouvernement de disposer d’un « effet base » positif de 0,1 point. Mais, de l’autre côté, la dégradation des perspectives de croissance de 2019 à 2022 pèse à hauteur de 0,5 point de PIB sur le solde en 2022.
En outre, la trajectoire budgétaire est évidemment bouleversée par les réponses apportées en décembre dernier à la fameuse crise qui est survenue. Le Sénat a approuvé ces dépenses, mais nous aurions pu les éviter comme il l’avait en quelque sorte anticipé. Ces mesures représentent à elles seules 7,4 milliards d’euros en 2019, soit 0,3 point de PIB. En 2022, elles représenteraient 12,9 milliards d’euros, soit 0,5 point de PIB, en retenant le gel de la trajectoire carbone.
Au total, la trajectoire de réduction du déficit public est significativement remise en cause puisque le solde serait dégradé de 0,9 point de PIB en 2022, la France s’éloignant ainsi un peu plus du retour à l’équilibre des comptes publics.
Naturellement, on assisterait aussi à un moindre infléchissement du ratio d’endettement et à une moindre réduction du poids de la dépense publique dans le PIB.
Certes, la réduction de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB devrait quant à elle être plus importante qu’escompté, mais, à l’issue du quinquennat, rappelons-le, le poids de ces prélèvements resterait néanmoins supérieur de 1,7 point à celui qui était observé avant la crise financière. Le quinquennat de M. Macron permettra juste d’effacer les excès du quinquennat de M. Hollande.
Alors, que penser de cette nouvelle trajectoire budgétaire ?
Il convenait indéniablement de répondre à la crise communément appelée des « gilets jaunes » et, par-delà, aux attentes des Français. Le Sénat, vous le savez parfaitement, mes chers collègues, a été le premier, dès l’année dernière, à voter le gel de la trajectoire carbone. Nous avons ensuite soutenu, parfois anticipé, les mesures de soutien au pouvoir d’achat en décembre dernier. En compensation, ces mesures devaient s’accompagner, selon nous, d’une plus grande maîtrise de la dépense.
Nous sommes inquiets du nouveau report du redressement des comptes publics – nous venons à l’instant d’en débattre en commission des finances –, car il risque de fragiliser la crédibilité de notre politique budgétaire et la capacité de l’économie française à faire face aux chocs.
Lors de la gestion de la crise financière, la France a choisi un redressement plus progressif – c’est le moins que l’on puisse dire – de ses comptes publics, afin de ne pas fragiliser la timide reprise économique. Si cette stratégie budgétaire peut se comprendre, sa crédibilité repose néanmoins sur l’engagement d’un effort de redressement des comptes publics significatif, une fois l’économie revenue à son niveau d’activité potentiel.
De ce point de vue, le contexte actuel paraît doublement favorable. D’une part, l’écart de production est pratiquement résorbé à l’issue de l’exercice 2019 et devrait même être positif à compter de 2020 ; d’autre part, la France bénéficie depuis 2017 d’un effet « boule de neige » positif, qui facilite la réduction du ratio d’endettement. Cette situation devrait se prolonger.
Pourtant, nous ne profitons pas de ce contexte favorable, le Gouvernement préférant encore une fois reporter cet effort à la fin du quinquennat en « surfant » sur la conjoncture. La réduction du déficit structurel prévue par le Gouvernement, qui s’écartait déjà très significativement des règles européennes, est ainsi revue à la baisse sur la période 2019-2021.
Ce choix aura pour conséquence directe de nourrir la divergence de notre trajectoire d’endettement par rapport au reste de la zone euro. Or cela risque malheureusement de rendre l’économie française plus vulnérable aux chocs, en empêchant la politique budgétaire de jouer son rôle d’amortisseur en cas de ralentissement économique, de crise, ou encore en l’exposant à des enchaînements autoréalisateurs défavorables sur les marchés du fait de son niveau élevé d’endettement.
Au-delà, si peu ambitieuse soit-elle, la trajectoire de redressement proposée par le Gouvernement reste sujette à caution.
Tout d’abord, la trajectoire budgétaire gouvernementale concentre les efforts d’économies les plus significatifs sur la fin du quinquennat, alors même qu’il est assez rare, monsieur le ministre, de voir un gouvernement réaliser des économies à l’approche de la campagne présidentielle ! C’est assez irréaliste, au moins sur le plan politique…
Un second facteur de fragilité tient au manque de documentation de la trajectoire budgétaire, qui ne permet pas réellement au Parlement de porter un jugement sur la crédibilité des engagements pris. Même pour l’exercice en cours, les incertitudes sont importantes.
Ainsi, les économies de 1,5 milliard d’euros annoncées sur l’État pour financer une partie du coût des réponses apportées à la crise des « gilets jaunes » ne sont pas précisées. Où les trouve-t-on ?
Il faudra également compenser le nouveau décalage de la mise en œuvre de certaines mesures. Je pense à la « contemporanéisation » des aides au logement : les économies qu’elle pourrait permettre de réaliser devraient être précisément documentées ; or tel n’est pas le cas. Je pense également au retard dans la mise en œuvre des nouvelles règles d’indemnisation du chômage, qui, pour le coup, sont, elles, documentées.
À tout cela s’ajoute le fait que la trajectoire gouvernementale pourrait pâtir d’une nouvelle dégradation du contexte macroéconomique.
J’ai indiqué dans le rapport écrit deux scénarios macroéconomiques alternatifs. Tous deux montrent que nos finances se dégraderaient plus rapidement si la conjoncture était moins favorable que prévu.
Enfin, et c’est un peu surréaliste, ce programme de stabilité a été établi « indépendamment des conclusions qui pourront être tirées du grand débat national ». C’est là une manière de dire que ce document est d’ores et déjà obsolète !
En effet, au moins quatre des mesures annoncées jeudi dernier pourraient se traduire par un impact significatif sur la trajectoire budgétaire.
Je pense à la baisse de l’impôt sur le revenu, à hauteur d’environ 5 milliards d’euros, même si certaines niches fiscales, mais on ne sait pas lesquelles, devraient être rabotées. Je pense ensuite à la réindexation partielle des pensions en 2020 : je rappelle que le Sénat avait proposé cette mesure, qui coûterait 1,4 milliard d’euros. Je pense au renoncement total ou partiel à la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique à l’échelle du quinquennat : cela représente une économie de 3 milliards d’euros sur laquelle on « s’assied ». Enfin, je pense au fait de porter à 1 000 euros le montant de pension minimale pour les carrières complètes dans le privé, ce qui représenterait un surcoût de 150 millions d’euros.
En première analyse, grossière à ce stade, certes, les enjeux budgétaires pourraient donc aller jusqu’à 0,4 point de PIB, en l’absence de mesures de compensation. Peut-être allez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles économies réelles permettront de financer ces mesures nouvelles ?
Ce projet de programme de stabilité apparaît plus que jamais déconnecté des arbitrages budgétaires, ce qui crée un doute sur la crédibilité de ce document, pourtant censé constituer le support des engagements européens de notre pays en matière budgétaire.
La commission des finances considère qu’il ne serait pas acceptable de financer, une nouvelle fois, les annonces du Président de la République par le recours à l’endettement. J’espère que les finances publiques ne seront pas une nouvelle fois sacrifiées. À ce stade, nous en doutons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du projet de programme de stabilité pour les années 2019 à 2022, avant sa transmission à la Commission européenne, qui doit intervenir au plus tard demain.
Notre commission a souhaité ce débat en séance car il s’agit de la programmation de l’ensemble de nos finances publiques, qui engage la crédibilité de notre pays à l’égard de nos partenaires européens, à quelques semaines du renouvellement des institutions communautaires. Le Parlement ne peut pas en être tenu à l’écart.
Ce débat nous laissera cependant sur notre faim. En effet, je cite, « le programme de stabilité a été établi indépendamment des conclusions qui pourront être tirées du grand débat national et constitue le point de référence technique » préalable aux décisions qui seront prises en matière de fiscalité ou de dépense publique. Il est pour le moins singulier que le Gouvernement soumette au Parlement et à la Commission européenne une présentation technique déconnectée des décisions politiques. Mais il est vrai que les ministres étaient dans l’attente des arbitrages présidentiels.
Or les arbitrages du Président de la République ont finalement été annoncés jeudi dernier, lors d’une conférence de presse. Outre l’engagement général de ne pas augmenter l’impôt et de réduire « significativement » l’impôt sur le revenu, sont annoncées la suppression de niches fiscales pour les entreprises, la nécessité de travailler davantage et des réductions de notre dépense publique, sans autres précisions.
Les arbitrages difficiles sur la fiscalité énergétique sont renvoyés à plus tard. Une convention citoyenne serait mise en place en juin.
Depuis l’intervention présidentielle, le Gouvernement a annoncé que 15 millions de foyers seraient concernés par la réduction d’impôt sur le revenu, pour un coût de 5 milliards d’euros, en se gardant bien de préciser les contreparties exigées.
S’il dit avoir entendu la demande de nos concitoyens d’une plus grande justice fiscale, le Président de la République n’entend pas pour autant revenir sur la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, renvoyant son évaluation à 2020. On ne peut que s’interroger sur une évaluation conduite deux ans après l’adoption d’une réforme décidée par « pragmatisme », selon ses termes.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, la commission des finances conduit, avec le rapporteur général, des travaux d’évaluation de cette réforme fiscale et de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique. Nous comptons qu’ils aboutissent avant – et non après ! – l’examen du prochain projet de loi de finances.
En matière de maîtrise de la dépense publique, le Président de la République indique : « Nous pouvons faire aussi bien en dépensant moins et donc supprimer nombre d’organismes inutiles. » Exception faite de la suppression de l’ENA, l’École nationale d’administration, qui n’a évidemment pas un objectif de réduction des coûts, de nouveaux organismes sont créés : convention citoyenne, conseil de défense écologique, etc.
En réalité, ce programme, dit « de stabilité », témoigne de la perspective d’une dégradation de nos finances publiques. Celle-ci est due pour partie à la révision à la baisse des hypothèses de croissance : l’an passé, le programme de stabilité tablait sur une croissance de 1,9 % en 2019 et de 1,7 % au-delà. Celle-ci est ramenée à 1,4 % sur toute la période. Ce ralentissement n’est évidemment pas sans lien avec l’évolution de l’économie mondiale et de la zone euro, mais il résulte aussi du surcoût lié à la crise des « gilets jaunes », qui pèse sur les comptes publics à hauteur d’une dizaine de milliards d’euros.
Le solde public, qui devait se redresser jusqu’à redevenir légèrement excédentaire en 2022, serait finalement déficitaire de 1,2 point de PIB à la fin du quinquennat. La dette publique atteindrait 96,8 % du PIB, et non 89,2 %. Le déficit structurel resterait à un niveau élevé sur toute la période, tandis que le taux de prélèvements obligatoires serait de 44 % du PIB en 2022, comme en 2019, avec un rebond en 2020 et 2021, que le Gouvernement explique par le « contrecoup » de la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Il est assez singulier que le Gouvernement annonce dans le programme de stabilité que les baisses de l’impôt « se poursuivront sur le reste du quinquennat » en citant la suppression de la taxe d’habitation et la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %, alors même que le taux de prélèvements obligatoires ne devrait pas continuer de baisser dans la trajectoire qu’il présente – mais sans doute est-elle déjà obsolète – et surtout que le financement de ces mesures reste inconnu.
Certes, le Gouvernement annonce que la dépense publique sera réduite de 54 % du PIB en 2019 à 52,3 % du PIB en 2022, mais le Président de la République n’a rien annoncé de concret à ce sujet. Quant au programme national de réforme, il mentionne seulement le projet de loi de transformation de la fonction publique. Il est vrai que sont citées la poursuite de la « transformation » de la politique du logement, avec la modification de la base de calcul des APL, qui vient pourtant d’être repoussée, la réforme de l’audiovisuel public, qui n’est pas encore faite, la réduction du volume des contrats aidés, dont on voit mal qu’elle puisse encore s’accélérer, et « la revalorisation maîtrisée de certaines prestations de l’État, notamment des pensions ».
L’ensemble de ces mesures, qui visent parfois les plus modestes, ne permettent pas de dessiner des perspectives d’avenir. Le Président de la République les a d’ailleurs contredites en annonçant une réindexation des pensions de moins de 2 000 euros en 2020 et la fin de toute sous-indexation en 2021.
Si l’on regarde les différentes composantes de la dépense publique, on observe que le déficit de l’État restera élevé sur tout le quinquennat. Seuls les excédents des administrations publiques locales, et plus encore des administrations de sécurité sociale, permettraient aux comptes publics de se redresser légèrement, tout en restant déficitaires.
Le Gouvernement s’en remet donc à ses partenaires publics pour redresser la barre, dans un contexte économique incertain et fragile. Nous serons appelés, mes chers collègues, à faire preuve de vigilance sur toutes les promesses, notamment en matière de baisses d’impôts non financées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. René-Paul Savary, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’interviens à la place de Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales, qui est retenu sur son territoire.
Il y a seulement un an, la trajectoire des comptes publics pouvait sembler prometteuse. La prévision de croissance était de 2 % pour 2018 et de 1,9 % pour 2019. Le déficit public devait s’établir à 2,3 % du produit intérieur brut pour 2019, les comptes publics devant revenir à l’équilibre, voire connaître un léger excédent en 2022, date à laquelle la dette publique était censée passer sous la barre des 90 % du PIB.
Mais un an en politique, comme en matière de prévisions économiques, c’est un siècle ! Aujourd’hui, force est de constater que les choses ont changé depuis nos échanges du mois d’avril dernier. La prévision de croissance est désormais de 1,4 %, au lieu de 1,9 %. Dans les prochaines années, le déficit dépassera la barre des 3 % du PIB, avant, potentiellement, de diminuer d’ici à 2022.
Toutefois, la contribution des comptes sociaux, lesquels intéressent plus particulièrement le rapporteur général de la commission des affaires sociales, reste positive sur l’ensemble de la période. Elle s’accroît même en fin de période par rapport à l’année dernière puisqu’elle n’est plus plafonnée à 0,8 % du PIB. Le solde des administrations de sécurité sociale prises dans leur ensemble, les fameuses ASSO, serait ainsi de 0,5 % du PIB en 2019, de 0,8 % en 2020, avant d’atteindre 1 % du PIB en 2021 et même 1,2 % en 2022.
Pour le sous-secteur des ASSO, ces chiffres peuvent donc apparaître de prime abord comme une bonne surprise dans un univers globalement moins « rose » pour les finances publiques. Néanmoins, ils interpellent, du fait notamment de l’imprécision des documents d’analyse dont dispose le Parlement. En effet, le détail de la contribution des différents types d’ASSO n’est, lui, pas connu.
Or, s’agissant des prévisions que je connais le mieux, correspondant au périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, la situation financière tend, elle, à se dégrader, pour des raisons évidentes : une évolution des recettes moins favorable que ce que nous pensions l’an dernier du fait d’une croissance moins forte qu’escompté, et l’effet des mesures prises dans le cadre de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.
Ainsi, alors que les comptes du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, devaient revenir à l’équilibre dès 2019, cet objectif ne sera pas atteint cette année. Il pourrait même ne pas l’être à brève échéance. Il s’agit là d’une évolution un peu contradictoire avec les prévisions du Gouvernement s’agissant des ASSO.
De plus, certains chiffres sur lesquels se fonde la prévision du programme de stabilité peuvent également surprendre. Pour prendre l’exemple le plus frappant, le Gouvernement prévoit que les dépenses des ASSO ne progresseraient que de 1,5 % en 2020, contre environ 2 % ces trois dernières années.
Monsieur le ministre, sur quels éléments vous appuyez-vous pour prévoir un tel ralentissement en 2020, alors même que nous savons que les retraites seront, au moins en partie, réindexées et qu’aucune mesure structurelle telle que le décalage de l’âge de départ à la retraite n’est prévue, non plus, me semble-t-il, qu’une diminution de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ? Ce sont pourtant deux grands postes, l’un représentant 316 milliards d’euros, l’autre 200 milliards d’euros.
J’espère donc que le débat nous permettra d’y voir plus clair sur la trajectoire financière des ASSO, que la commission des affaires sociales juge encore très optimiste.
À cette fin, monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez répondre de façon précise aux questions suivantes.
Les mesures adoptées dans le cadre de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales, pour 2,6 milliards d’euros, seront-elles ou non compensées à la sécurité sociale ?
Sur cette base, la nouvelle trajectoire financière du régime général et du FSV est-elle compatible avec la fin de la dette sociale pour 2024, comme cela est prévu ? Je rappelle que la Cades, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, doit s’éteindre d’ici là, qu’un peu moins de 100 milliards d’euros restent à financer et que 25 milliards d’euros doivent par ailleurs être remboursés à l’Acoss, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Enfin, les coupes dans les flux de TVA en direction de la sécurité sociale, que le Sénat avait dès l’automne dénoncées en soulignant leur caractère prématuré et probablement irréaliste, sont-elles toujours d’actualité ? Je rappelle qu’il était prévu de ne plus effectuer certains transferts entre l’État et la sécurité sociale, au motif qu’un excédent de la sécurité sociale était escompté. Or cet excédent n’existe déjà plus !
Telles sont les trois questions précises auxquelles la commission des affaires sociales souhaite obtenir des réponses dans le cadre de ce débat sur la trajectoire budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (M. Roger Karoutchi applaudit. – Marques de perplexité sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. Je peux l’applaudir, je m’y suis engagé. Mieux vaut l’applaudir avant qu’après ! (Sourires.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le 10 avril dernier, le Gouvernement a présenté, en application des règles fixées par le pacte de stabilité et de croissance, et dans le cadre du semestre européen, le programme de stabilité de la France.
Deux ans après le changement de majorité, deux ans après le début du travail du gouvernement d’Édouard Philippe, ce programme de stabilité donne un état des lieux précis de la situation des finances publiques de la France et de la trajectoire budgétaire de notre pays.
Alors, dans les faits, où en sommes-nous ?
Le déficit public a été réduit d’un point de PIB en seulement deux ans : il se situe désormais à 2,5 % du PIB, soit son niveau le plus bas depuis 2006.
Pour la première fois depuis 2007, la dette publique a été stabilisée à 98,4 % du PIB, cela en intégrant la dette de SNCF Réseau, représentant 1,7 point de PIB.
En 2018, la dépense publique a décru, en volume, de 0,4 % et son poids dans le PIB est passé de 55 % à 54,4 %, hors crédits d’impôts. Une telle tendance est inédite depuis des décennies.
Enfin, les prélèvements obligatoires ont connu une réduction sans précédent. Je vous rappelle que 32 milliards d’euros de baisses d’impôts ont déjà été engagés par le Gouvernement et la majorité. Les baisses effectives depuis le début de la législature représentent 16 milliards d’euros : 11 milliards au profit des ménages ; 5,2 milliards au profit des entreprises. La suppression totale de la taxe d’habitation et la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés représenteront les 16 milliards d’euros supplémentaires.
Je crois qu’il faut se satisfaire collectivement de ces chiffres. Il faut s’en satisfaire, en se remémorant les événements politiques et juridiques des deux dernières années.
Je vous rappelle que le Gouvernement a eu à gérer la censure par le Conseil constitutionnel de la contribution de 3 % sur les dividendes distribués.