M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gremillet, à question claire, réponse claire : le grand débat n’a pas vocation à tout remettre en cause. Nous avons pris un certain nombre d’engagements, fait un certain nombre de choix politiques depuis les élections de 2017. Je pense que nous sommes tous d’accord pour considérer que, la légitimité des élections, c’est la légitimité politique par excellence.
La programmation pluriannuelle de l’énergie, la politique climat, c’est une politique qui fait partie de nos grands engagements, que nous ne remettrons pas en cause. Nous rechercherons simplement si des solutions nouvelles peuvent émerger pour les mettre en œuvre.
Par rapport à la lutte contre les émissions de CO2, il n’y a pas que la taxe carbone, vous le savez, cela a été suffisamment dit, même si, de fait, la France se situe aujourd’hui au troisième rang des pays de l’Union européenne qui ont la taxe carbone la plus élevée.
En ce qui concerne les centrales à charbon, je le redis, notre volonté politique est de les fermer d’ici à 2022. Quatre sites, deux groupes différents, EDF et Uniper, mais quatre réalités quelque peu différentes pour la reconversion et l’avenir des salariés, d’où un accompagnement particulier. Il y a un binôme le Havre-Cordemais, qui appartient au groupe EDF, notamment par rapport au projet Ecocombust. Il y a un autre binôme Saint-Avold-Gardanne, qui appartient à Uniper. Nous aurons et j’aurai personnellement très prochainement un échange avec l’entreprise EPH, qui est en négociation pour racheter Uniper. Cela ne change rien à notre objectif.
Quant aux barrages et à l’hydroélectricité, oui, nous considérons que quelques centaines de mégawatts supplémentaires pourraient être valorisées. Tant mieux, mais, vous le savez comme moi, il n’y a pas de grandes capacités pour construire de nouveaux barrages en France.
On parle souvent de l’acceptabilité territoriale, citoyenne, sociale, environnementale et économique des différents modes de production d’énergie : quels qu’ils soient, des oppositions peuvent toujours s’exprimer. Vous imaginez bien que, si l’on proposait aujourd’hui de noyer des vallées de façon autoritaire, comme cela se fait dans d’autres pays, cela susciterait des mouvements très forts. Il ne faut donc pas faire de fausses promesses aux gens ; en revanche, tout ce qui pourra être valorisé le sera, en matière d’hydroélectricité comme pour le reste.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre d’État, votre première réponse me pose une vraie question de fond. On annonce une consultation nationale sur ce sujet, mais il ne faut pas la fuir. Voilà la vraie question de fond : un certain nombre de personnes ont besoin d’un véhicule pour aller travailler. Certes, nous avons déjà eu l’occasion de débattre de la taxe carbone, mais la trajectoire que vous avez adoptée est purement insupportable pour la population qui a besoin d’un véhicule pour se déplacer. (M. le ministre d’État fait un geste de dénégation.)
Mais si, soyez réaliste ! Vivez sur le terrain, avec les femmes et les hommes qui habitent nos territoires, en milieu rural, certes, mais aussi en milieu urbain ! C’est un vrai sujet.
J’ai compris que sur les centrales au charbon, vous aviez pris une décision.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Gremillet. Il est important d’avoir ce contact. Quant à l’hydroélectricité, je suis un peu déçu, parce que je pensais que les perspectives étaient plus belles que celles que vous avez annoncées.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, quels enseignements le Gouvernement a-t-il tirés du débat organisé par la Commission nationale du débat public, la CNDP, entre mars et juin 2018, sur la programmation pluriannuelle de l’énergie ?
En octobre dernier, nous avons reçu ici même M. Jacques Archimbaud, vice-président de la CNDP. Il nous a présenté les conclusions de cette consultation exceptionnelle, qui a mobilisé des milliers de citoyens. Il a insisté sur des points essentiels, dont auraient dû s’inspirer le Président de la République et le Gouvernement pour saisir les attentes sociales et écologiques profondes des Français.
Voici, pour mémoire, un extrait de ses propos : « Pour être efficace, une politique énergétique devrait associer mieux les citoyens et les territoires. Largement attachés à donner un plus grand rôle aux collectivités, intéressés par le développement de l’autoconsommation, les participants soulignent que le rôle de l’État doit être de garantir la solidarité entre usagers et entre territoires. »
Le travail de concertation a donc, d’une certaine façon, déjà eu lieu, monsieur le ministre d’État, mais vous avez manqué de lucidité sur la pertinence des remarques formulées, notamment sur la précarité énergétique, qui touche 7 millions de personnes selon les chiffres de l’Observatoire national dédié à ce problème. Aussi, le montant médian des impayés énergétiques atteint désormais 789 euros, soit quasiment 200 euros de plus qu’il y a dix ans. Ces chiffres étaient connus.
Je n’évoquerai pas aujourd’hui nos propositions concrètes en faveur du renforcement de la dimension sociale de la future PPE.
Toutes les raisons de la crise actuelle sont rigoureusement consignées dans le rapport de la CNDP : on ne peut faire la transition énergétique contre une partie de la population, ou contre les territoires dont nous sommes ici les représentants. Je crois que vous en avez tardivement pris conscience.
C’est pourquoi, alors que s’ouvre aujourd’hui le grand débat, je veux vous demander comment le Gouvernement envisage d’y intégrer les réflexions portées lors des débats dont l’organisation a été déléguée, sans ménagement, aux maires.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bigot, à l’évidence, il est absolument indispensable d’associer les citoyens et les territoires à la grande transformation de la politique énergétique de la France qu’il faut mener. C’est déjà à l’œuvre : les collectivités locales foisonnent d’initiatives relatives à la production d’énergie ; elles soutiennent même parfois la production d’énergies renouvelables.
Je pense notamment aux réseaux de chaleur, que personne n’a d’ailleurs évoqués jusqu’à présent. Ces réseaux permettent de développer une chaleur renouvelable et de répondre ainsi au besoin élémentaire de chauffage de nos concitoyens tout en assurant, dans le temps, la maîtrise des coûts. C’est donc un moyen de garantir aux Français et, notamment, aux locataires, au-delà même du parc social, que leurs factures seront maîtrisées dans le temps.
J’ai aussi à l’esprit le développement des énergies renouvelables. Je le dis et je le redirai autant de fois qu’il le faudra : cela revient à développer les atouts de notre territoire, partout en France, en métropole comme dans les outre-mer. Il faut valoriser toutes ces ressources, depuis la géothermie – la chaleur que nous avons sous nos pieds – jusqu’à la filière bois, sous-développée en France pour l’énergie comme pour la construction. L’éolien, terrestre et maritime, flottant et posé, est aussi en jeu, de même que le solaire et le photovoltaïque, ainsi que la méthanisation et donc la production de gaz renouvelable. Toutes ces productions d’énergies renouvelables représentent des atouts sur nos territoires.
Cela dit, pour ma part, je défendrai toujours l’idée de réaliser ces évolutions à coût maîtrisé. En effet, s’il faut financer le stockage de carbone ou tout autre projet expérimental, comme l’hydrogène, sur fonds publics, l’équation sera toujours la même. Soit ce coût est répercuté directement sur le prix de l’énergie – gaz ou électricité –, ce qui conduirait à une augmentation des prix, soit on le finance par l’impôt ; or on a vu les limites de cette méthode, et on les verra toujours dans un pays où le niveau des impôts et des taxes est très élevé.
Nous irons donc dans le sens des conclusions du rapport de la CNDP. Nous mettrons en œuvre cette transformation écologique et énergétique en profondeur, avec les Français et avec les élus locaux.
M. Jean-François Husson. On verra !
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre d’État. J’ai bien compris, en écoutant la réponse que vous avez faite à M. Gremillet, qu’il n’était pas question, dans le cadre du grand débat public, de bouleverser les choix qui ont été faits depuis deux ans. En revanche, il est vraisemblable que, dans ce même cadre, un certain nombre de propositions vont émerger, qui auront tout intérêt à être reprises. Qu’en pensera le Gouvernement ?
Je m’y intéresse d’autant plus que, dans cet hémicycle, nous avions fait un certain nombre de propositions, notamment par voie d’amendement, sur les économies d’énergie ; or ces propositions n’avaient pas été reprises. Plus tôt dans l’après-midi, je vous ai entendu affirmer que votre politique reposait sur deux piliers ; dès lors, vous auriez tout intérêt à reprendre quelques-unes d’entre elles. C’est le vœu que je formule, en espérant que vous saurez redescendre au niveau des territoires et des citoyens, pour lesquels vous avez indiqué qu’il y avait beaucoup d’énergie et de potentialités.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le secteur qui émet, à l’heure actuelle, le plus de gaz à effet de serre dans notre pays est, comme chacun sait, celui des transports.
Or le transport routier dispose dans ce secteur d’une part modale écrasante, au détriment des moyens de transport alternatifs que sont le train et la navigation fluviale. Ceux-ci sont pourtant plus respectueux de l’environnement. Hélas, ils ne représentaient en 2017 que 11,7 % du fret intérieur. Ces chiffres placent la France parmi les mauvais élèves européens en la matière et montrent une aggravation de la situation.
Face à la dégradation de notre environnement et au défi du réchauffement climatique, il serait très important de changer cet état de fait et de faire preuve de volontarisme en la matière. Le transport routier dans son ensemble a un impact environnemental particulièrement lourd. De plus, ce secteur est particulièrement difficile à réformer ; le contexte actuel nous le rappelle. En revanche, une marge de progrès est possible dans la part modale du fret ferroviaire et fluvial.
Le 27 novembre dernier, lors de la présentation des grands objectifs du décret à venir de programmation pluriannuelle de l’énergie, le Président de la République a fait preuve d’un tel volontarisme, en prenant des engagements forts, en particulier dans le domaine du nucléaire et des énergies renouvelables. Voilà dix ans, dans la loi Grenelle I, le législateur avait fixé des objectifs chiffrés d’augmentation de la part modale du fret ferroviaire ; hélas, ils furent sans lendemain.
Je suis pleinement conscient que les enjeux auxquels l’État doit répondre dans cette PPE sont nombreux et que ses marges de manœuvre, notamment financières, sont limitées. Toutefois, monsieur le ministre d’État, je tiens à vous demander si le Gouvernement compte y faire figurer des objectifs ou des mesures concernant l’augmentation de la part modale des secteurs ferroviaire et fluvial dans le transport de marchandises. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Paul Prince, le secteur du transport, qu’il s’agisse de passagers ou de marchandises, secteur aujourd’hui dominé, en France, par le transport routier, doit évidemment faire un effort important de réduction des émissions de CO2.
Nous le faisons au travers des normes CO2 applicables aux véhicules. Une initiative européenne en la matière est d’ailleurs passée quelque peu inaperçue : pour la première fois, des normes s’imposeront aux camions.
Mais il faut aussi, à l’évidence, transférer une partie du trafic et, notamment, du fret, vers le rail et la voie d’eau. Cela fait partie de notre politique, vous le savez bien. D’ailleurs, le Sénat a contribué activement l’année dernière à l’adoption, sur l’initiative du Gouvernement, d’une réforme du système ferroviaire français, qui visait à le rendre plus efficace et plus compétitif, pour que davantage de transports de marchandises et de voyageurs s’effectuent par le chemin de fer.
En l’occurrence, nous faisons des efforts d’investissement : nous engageons, sur dix ans, 3,6 milliards d’euros pour renouveler le réseau ferroviaire existant et 2,6 milliards d’euros sur la même période pour « désaturer », c’est-à-dire pour améliorer le fonctionnement des grands nœuds ferroviaires centrés sur les grandes villes et constituer autour d’eux des réseaux plus efficaces, à la fois pour les passagers et pour les marchandises.
Nous avons également prévu d’investir, toujours sur dix ans, 2,3 milliards d’euros pour soutenir le développement des ports et de leurs connexions ferroviaires et fluviales, afin, là aussi, de rendre plus efficace ce mode de transport des marchandises.
Nous avons par ailleurs pris un engagement extrêmement fort : limiter au niveau de l’inflation la hausse des péages ferroviaires appliqués aux entreprises ferroviaires de fret ; l’État conforte le dispositif de compensation pour assurer la neutralité financière de cette mesure pour SNCF Réseau.
Nous sommes précis et concrets : c’est un engagement financier, de même que le maintien d’une aide au transport combiné, visant à favoriser ce mode de transport des marchandises, et que les investissements qui seront réalisés en faveur des petites voies du dernier kilomètre et des voies de service ; il ne s’agit que des mesures relatives au transport de marchandises.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il aura fallu la crise des « gilets jaunes » pour que le Gouvernement prenne conscience que sa décision d’augmenter très fortement la contribution climat-énergie, en avançant à 2024, au lieu de 2030, le passage à 100 euros du prix de la tonne de carbone, n’était pas viable.
Le Sénat vous avait pourtant alerté, monsieur le ministre d’État, mais vous avez refusé de l’écouter. En l’occurrence, j’avais interpellé en novembre 2017, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le ministre de l’action et des comptes publics, car je craignais de voir revenir des « bonnets rouges » ; M. Darmanin avait à l’époque balayé mes remarques d’un revers de manche.
Parce que vous n’avez pas voulu écouter le Sénat, vous avez dû céder à la rue. Sans stratégie gouvernementale claire et partagée, vous naviguez à vue sur un sujet qui est pourtant un enjeu et un défi très important de notre siècle : je veux parler de la transition énergétique.
Nous attendons d’ailleurs toujours, monsieur le ministre d’État, le texte de la PPE. Celle-ci est venue par inadvertance, au travers du discours du Président de la République ; elle n’avait absolument pas été annoncée auparavant.
À ce jour, faute de document programmatique, nous ne pouvons concrètement aborder les vrais sujets de fond : quid de la position du Gouvernement sur l’électrification de la société française ?
Son ambition est-elle toujours de renoncer au modèle de la voiture thermique, au profit de l’électrique, ce qui pose des questions en matière d’aménagement du territoire, d’approvisionnement et de consommation énergétique ?
Surtout, quelle trajectoire financière le Gouvernement a-t-il prévue pour se donner les moyens de ses ambitions, à la suite notamment de la remise en cause de la trajectoire de la taxe carbone ? Quelle efficacité énergétique recherche-t-on ? Comment réduire les consommations ? Quelle montée en charge des énergies propres et renouvelables ? Je pense notamment aux réseaux de chaleur.
Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement compte mettre en place une feuille de route financière précise, à l’occasion de cette PPE, notamment sur la fiscalité énergétique ? Si tel est le cas, quel calendrier sera retenu ?
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Husson, j’ai compté au moins une dizaine de questions : il me sera difficile d’y répondre de façon précise en deux minutes.
M. Jean-François Husson. J’y suis parvenu en deux minutes !
M. François de Rugy, ministre d’État. Il est plus facile d’égrener des questions que de faire des réponses argumentées !
M. Gérard Longuet. Cela s’appelle l’exercice du pouvoir !
M. Jean-François Husson. Vous avez le talent requis !
M. François de Rugy, ministre d’État. Sur la taxe carbone, je veux que les choses soient claires. Oui, nous avons décidé une pause pour 2019 ; nous ne savons pas encore concrètement, avant le grand débat national, ce que nous ferons en 2020 et en 2021.
Maintenant, il nous faut être bien conscients d’une chose : la taxe carbone sur les carburants représentait, pour l’essence, une hausse de leur prix de 3 centimes d’euro par litre, prévue au 1er janvier 2019 ; pour le gazole, la hausse aurait été plus élevée, du fait de la convergence des fiscalités du gazole et de l’essence, et non pas de la taxe carbone. Cette hausse serait intervenue dans un contexte de forte baisse du prix du pétrole. En revanche, ce prix avait fortement augmenté en octobre : c’est cela qui a provoqué cette réaction de nos compatriotes.
D’ailleurs, quand j’évoque, dans mes discussions avec les « gilets jaunes », ces 3 centimes, ils me regardent avec des yeux ronds : on leur avait fait croire – certaines personnes, et non pas vous, sans doute, monsieur le sénateur – que cette hausse était due aux taxes. Mais tel n’était pas le cas en octobre : d’ailleurs, ce n’est pas au 1er octobre qu’augmentent les taxes, mais bien au 1er janvier ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En l’occurrence, le débat sera de nouveau posé. En effet, on ne peut pas affirmer, d’un côté, comme l’un d’entre vous l’a fait précédemment, qu’il faut donner un prix au carbone et que son prix actuel n’est pas assez élevé, et, d’un autre côté, dénoncer une taxe carbone existante et dire qu’il faut un autre mode d’imposition. Certes, ce n’est pas le seul levier possible, mais c’en est un.
Les questions auxquelles il faut répondre sont les suivantes : quel niveau, quel rythme, et que fait-on des recettes ? Voilà les questions qui sont posées par les Français. Il est tout à fait normal qu’on en débatte et qu’on apporte des réponses.
Quant à l’électrification des transports individuels, oui, cela reste l’un des axes majeurs de notre politique, non pas simplement en France, mais en Europe. Les normes CO2 applicables aux véhicules vont dans ce sens ; je vous le dis, mon cher collègue…
M. Jean-François Husson. Je ne suis pas ministre !
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État. Je tiens à le dire à nos concitoyens, car un grand travail d’explication reste à faire à ce sujet : aujourd’hui, la voiture électrique est plus adaptée aux besoins des habitants des zones rurales qu’à ceux des habitants des villes. Or elle a l’image inverse. Voyez-y un exemple des sujets sur lesquels nous aurons à travailler dans les mois et les années qui viennent.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre d’État, je veux d’abord vous répondre, en quelques mots, sur la taxe carbone. Ne nous méprenons pas : pour recevoir la confiance des Français et avoir des chances de réussir, il faut créer les conditions de la confiance, il faut donc dialoguer et écouter. C’est ce que j’appelle l’intelligence partagée. Or, à l’époque de sa création, cette taxe a été imposée, il n’y avait pas à discuter. C’est là votre faute : d’ailleurs, cela a été reconnu par le Premier ministre et le Président de la République.
Ensuite, je pense très honnêtement que, si l’on veut faire gagner l’écologie, ce qui est finalement le sens de la vie, il faut alors tout faire pour associer les territoires et leurs habitants. Or sur ce point, honnêtement, vous avez un déficit abyssal. Alors, je nous donne rendez-vous pour reprendre la main ensemble. Je vous vois, monsieur le ministre d’État, dodeliner de la tête, mais je pense que c’est aussi ce que les Français vous ont exprimé.
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la feuille de route qui nous est présentée comporte une zone d’ombre : l’impossibilité de donner un cap sur la question du nucléaire, avec le report à 2035 de la réduction à 50 % de sa part dans le mix énergétique.
Certes, on nous annonce 14 fermetures de réacteur. Il y a pourtant un non-sens aujourd’hui à vanter les mérites de cette énergie, certes décarbonée, tant les risques posés pour la sûreté, la sécurité, l’économie et la santé publique sont avérés.
Quel sera le prix à payer pour faire du neuf avec du vieux ?
Notre parc est vieillissant : 37 réacteurs atteindront quarante années de fonctionnement à l’horizon 2025. Dois-je rappeler que le risque d’accident n’en est que plus grand ? Vous le savez tous : rien n’égale en gravité un accident nucléaire.
Sur la sécurité, la sûreté et la gestion des déchets, nous ne pouvons pas pratiquer la langue de bois.
Oui, le béton de la cuve des réacteurs devient poreux avec l’âge.
Oui, l’émergence d’un nouveau risque sécuritaire, par cyberattaques, mais aussi par attaques physiques, est avérée.
Oui, le projet Cigéo reste inabouti, et la gestion des déchets radioactifs qui s’accumulent pose un véritable problème.
Oui, le développement de la sous-traitance implique une perte de maîtrise technique de certaines opérations.
Oui, enfin, le réchauffement climatique posera problème, en affectant l’approvisionnement des centrales en eau de refroidissement.
Face à cette situation, qu’avons-nous ? Une chape de plomb sur l’EPR : quand ce projet a débuté, en 2007, on prévoyait sa mise en service en 2012. Ce projet a donc huit ans de retard, et son surcoût, de 7,5 milliards d’euros, donne le vertige.
Que penser aussi de notre dépendance à l’égard de pays fournisseurs où la menace terroriste est réelle ? Le Niger est confronté aux incessantes attaques de Boko Haram ; à Arlit, le site d’AREVA a déjà été attaqué. Par ailleurs, l’exploitation des gisements d’uranium a conduit à un désastre sanitaire : la population et l’environnement sont contaminés par la radioactivité. Passera-t-on la situation sous silence, comme cela fut fait en France ?
Je ne peux que regretter que le Parlement ne soit pas associé à ces enjeux, dans le cadre d’une loi.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Angèle Préville. Nous avons pris trop de retard sur le développement des énergies renouvelables.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Préville, le cap que nous avons dessiné sur la production nucléaire d’électricité, que j’ai décrit précédemment, est clair et beaucoup plus précis qu’il ne l’était lors de l’adoption de la loi de transition énergétique, en 2015.
Nous nous situons dans cette orientation générale, mais nous avons été obligés, par principe de réalité, de reconnaître qu’atteindre en 2025 l’objectif 50-50 n’était pas faisable, y compris parce que peu d’initiatives avaient été prises auparavant.
Vous savez que même le décret de fermeture de la centrale de Fessenheim, pris à la va-vite en avril 2017, quelques semaines avant l’élection présidentielle, a été cassé par le Conseil d’État, ce qui était couru d’avance, si vous me permettez l’expression, tellement il avait été mal rédigé.
Nous avons fait les choses dans l’ordre. La centrale de Fessenheim va fermer : cet engagement, pris en 2012 par François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, sera mis en œuvre d’ici à 2022 par le Gouvernement.
Quant à la transition que nous avons à mener, elle est double : il s’agit, à la fois, de la baisse des émissions de CO2 et de celle de la part du nucléaire dans la production d’électricité française. Peu de pays font ce double effort dans le même temps.
Quant aux risques, nous les prenons très au sérieux ; telle est la mission, vous le savez, de l’Autorité de sûreté nucléaire. Je peux vous dire que l’opérateur, EDF, juge l’ASN beaucoup trop rude et trop exigeante. C’est une réalité que les Français doivent connaître : de fait, le taux de disponibilité de nos centrales nucléaires est aujourd’hui beaucoup plus faible qu’autrefois. En hiver, au moment même où les besoins sont les plus élevés, entre 60 % et 70 % du parc nucléaire français est en capacité de produire de l’électricité.
C’est notre devoir d’anticiper le vieillissement des centrales et les effets qu’il a sur la sécurité d’approvisionnement en électricité et sur la sécurité tout court. Nous aurons la même démarche sur la question des déchets nucléaires.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Je voulais insister sur le risque d’accident et sur la gestion des déchets. Dans plusieurs milliers, voire plusieurs centaines de milliers d’années, quand tout aura disparu à la surface de notre territoire, une seule chose restera : nos déchets nucléaires, qui seront toujours radioactifs.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Bories.
Mme Pascale Bories. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de mon étonnement à propos de la programmation pluriannuelle de l’énergie dont nous débattons aujourd’hui.
Le 27 novembre dernier, monsieur le ministre d’État, vous présentiez la stratégie française pour l’énergie et le climat. Force est de constater qu’à ce jour, bien que cette présentation ait été faite auprès des Français via les médias, la future PPE n’a toujours pas été dévoilée ; sinon, un décret en ce sens aurait été publié.
Comment ne pas s’étonner, voire s’alarmer, que la stratégie française pour l’énergie et le climat soit dévoilée alors qu’elle est censée s’appuyer sur un document qui n’existe pas ?
Rappelons en effet la portée normative de ce document programmatique tant attendu, notamment par les différentes filières de la production électrique. Ce document est censé fixer les objectifs quantitatifs pour les lancements d’appels d’offres adressés aux investisseurs, définir les orientations d’autorisations d’exploitation de nouvelles productions, et proposer les différents scenarii de ce que sera la consommation énergétique des Français en 2023 et en 2028.
Je note que, sur les quatre scenarii proposés, seuls deux ont été retenus comme bases de discussion pour le débat public.
Voici donc mes questions, monsieur le ministre d’État. Les acteurs du secteur de l’énergie, les décideurs locaux et, in fine, les Français ont montré ces dernières semaines leur désaccord sur les méthodes de concertation et de débat public du Gouvernement ; auront-ils à subir les conséquences de nouvelles volte-face et du retard pris sur le sujet crucial de la PPE ?
Pourquoi ne disposent-ils pas d’une trajectoire crédible et transparente, notamment sur le nucléaire, qui nous conduirait vers le respect des engagements de la COP21 ?
Enfin, monsieur le ministre d’État, quel calendrier prévoyez-vous pour présenter la PPE au Parlement, comme le prévoit l’article L. 141–4 du code de l’énergie, et pour publier le décret ?