compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 21 décembre 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. M. Gérard Cornu a fait connaître à la présidence qu’il se démettait de son mandat de sénateur d’Eure-et-Loir, à compter du 30 décembre 2018, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Françoise Ramond, dont le mandat de sénatrice d’Eure-et-Loir a commencé le 31 décembre 2018, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à notre nouvelle collègue la plus cordiale bienvenue.

3

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, la procédure d’examen simplifié des textes de loi prévoit un vote en séance, mais sans aucun débat ni aucune possibilité d’explication de vote. Pour ma part, j’ai voté contre cette réforme, que je trouve totalement antidémocratique, d’autant que, pour empêcher la mise en œuvre de cette procédure, les groupes peuvent demander un examen normal des textes de loi, un droit dont ne disposent malheureusement pas les non-inscrits.

Ainsi, lorsque nous souhaitons qu’il y ait un débat sur un texte que nous jugeons important, nous sommes dans l’impossibilité d’empêcher, finalement, que l’on nous prive de toute possibilité de débat, d’amendement ou de contestation.

Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais protester solennellement contre la décision prise par la conférence des présidents de faire adopter selon la procédure d’examen simplifié, le 14 février prochain, un texte extrêmement important, à savoir le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil européen relatif à l’élection des membres du Parlement européen. Nous n’aurons même pas la possibilité de dire pourquoi nous ne sommes pas d’accord avec ce texte d’une telle dimension, surtout au moment où se profile le Brexit.

Je considère que cette décision est scandaleuse ! Les sénateurs non inscrits ne sont pas traités correctement dans cette enceinte. Cela montre à quel point les « gilets jaunes » ont raison de se battre pour qu’il y ait plus de démocratie, plus de transparence. Il faut avoir à l’esprit que, dans cette enceinte, les deux groupes de sénateurs les plus importants représentent les trois quarts des effectifs, alors qu’ils ne représentaient même par le quart des électeurs lors de la dernière élection présidentielle. Pourtant, ils peuvent assurer un blocage total de l’institution.

Monsieur le président, j’y insiste, je trouve honteux que l’on ne puisse pas s’exprimer sur un vote aussi important !

M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue, même si vous n’avez pas mentionné à quel article du règlement vous faisiez référence. Effectivement, il est important que votre droit soit respecté.

5

Programmation pluriannuelle de l’énergie

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains a souhaité qu’il y ait un débat à l’occasion, non pas de la présentation, mais de la réflexion conduite par le Gouvernement sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE. Je remercie le groupe de m’avoir fait confiance pour porter sa parole.

Je voudrais ouvrir ce débat par une observation forte, qui explique et qui légitime nos interrogations : la France, en matière d’économie décarbonée, se situe au deuxième rang en Europe, après la Norvège. À cet égard, il faut évidemment rendre hommage aux grands anciens de la IIIe et de la IVe République, qui nous ont équipés en hydraulique,…

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Gérard Longuet. … à la Ve République, qui nous a équipés en nucléaire et – pourquoi ne pas le dire aussi ? – aux efforts faits avec l’argent du consommateur d’électricité pour diversifier, grâce aux énergies renouvelables, nos sources d’approvisionnement.

Aujourd’hui, monsieur le ministre d’État, nous avons besoin d’un débat politique au regard de l’enjeu et de l’importance des questions soulevées. De surcroît, certaines décisions sont, à l’évidence, de nature législative. Or, dans l’article 176 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il n’est fait référence qu’à une présentation de la PPE, qui est un texte administratif, plus précisément un décret, devant le Parlement. Nous souhaitons au contraire un large débat. En effet, l’actualité nous rappelle à cette évidence : l’énergie étant stratégique pour le développement économique de notre pays, il est bon d’en connaître les règles pour la part qui relève de l’autorité publique.

Certes, il y a eu un débat public intéressant, organisé par la commission du même nom, avec des réponses nuancées. Vous avez pris vous-même un décret, monsieur le ministre d’État, et vous avez présenté un dossier assez intéressant sur les préoccupations et les préférences du Gouvernement en ce qui concerne l’évolution de l’énergie. Néanmoins, il y a des questions majeures qui n’ont pas été traitées et qui doivent l’être sur le plan politique, c’est-à-dire en faisant le choix de s’appuyer sur le Parlement. Si nous ne voulons pas traiter ces sujets au Parlement, l’actualité nous rappelle qu’ils seront traités dans la rue, dans des conditions de superficialité et de violence qui ne conviennent pas à notre République démocratique.

Je retiendrai, pour ma part, quatre angles pour ouvrir ce débat.

Le premier, et sans doute le plus important, concerne le pouvoir d’achat et le problème de la répartition juste de cet avantage stratégique que constitue le fait qu’en France on émet 4,5 tonnes de CO2 par habitant, alors que les Allemands en émettent plus du double. Nous avons une marge. Comment la répartir et comment faire en sorte que tous les Français en profitent ? Nous sommes confrontés, et les dernières semaines nous le rappellent, à un problème de trajectoire carbone, qui a fait ressortir la question majeure des inégalités entre nos compatriotes en matière de mobilité. Pour faire simple, ceux qui peuvent accéder aux transports collectifs bénéficient de subventions, quand ceux qui ne peuvent pas y accéder doivent non seulement prendre en charge leur investissement, mais aussi financer par l’achat de carburant le budget public. C’est une injustice, qui est ressentie comme telle. On peut en discuter, mais on ne peut pas la considérer comme négligeable.

De la même façon, il existe une injustice entre catégories de Français non pas territorialement, mais au regard de notre histoire. L’effort nucléaire a été spectaculaire et, pendant longtemps, cela nous a conduits à avoir une électricité chère. Aujourd’hui, bénéficiant de l’envol du fissile après les chocs pétroliers, le tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, est raisonnable, à quelque 43 euros le mégawattheure. Il faut continuer d’en bénéficier. Pourquoi les Français qui ont fait cet effort seraient-ils privés d’un tel avantage en payant une contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, qui, elle, sert hélas trop largement à financer des investissements d’industries extérieures, en particulier ceux de producteurs de panneaux photovoltaïques ? Cette question de la répartition de l’effort entre nos compatriotes est un point préoccupant.

Le deuxième thème que je voudrais aborder pour ce débat, c’est justement la question de l’emploi et de l’aménagement du territoire, qui est aussi un problème de justice entre nos compatriotes.

Une autre raison de la faible émission de carbone par habitant dans notre pays tient sans doute à la désindustrialisation, à comparer à la part que l’industrie représente encore, par exemple, en Allemagne. Nous émettons moins de CO2, mais notre empreinte carbone se dégrade, parce que nous importons des produits industriels que nous ne fabriquons plus, parce que, justement, la trajectoire carbone imposée ou la réglementation ont découragé nos industriels dans toute une série de domaines. Je les cite, mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans la suite du débat : pétrole, raffinage, électro-intensifs, automobile, particulièrement dans ce créneau où la France est notoirement compétente, c’est-à-dire celui des petits véhicules à moteur diesel, qui sont aujourd’hui très injustement critiqués.

J’ajoute enfin l’annonce que vous avez faite de la fermeture des dernières centrales à charbon. Je suis lorrain et j’ai fermé, comme ministre de l’industrie, les dernières mines de charbon dans notre pays, mais je trouve que l’annonce de la fermeture des quatre centrales qui restent – Gardanne, Carling, Cordemais et Le Havre – a été pour le moins brutale. Il faut que ces fermetures soient accompagnées par une transition énergétique active et généreuse.

Nous avons donc un problème industriel. L’industrie recule, alors qu’elle était répartie sur l’ensemble du territoire. Cela accrédite le sentiment que notre politique énergétique défavorise la majorité des Français sur la partie du territoire national à faible densité, là où nos compatriotes ressentent la nécessité d’utiliser la voiture, mais où il y avait cependant des activités industrielles, les services se concentrant dans les grandes métropoles.

J’en viens à la question du nucléaire au travers de celle de l’aménagement du territoire. Quand vous fermez un site, vous menacez des emplois. À cet instant, monsieur le ministre d’État, je veux vous poser une question majeure : pourquoi ne pas « découpler » clairement votre objectif de 50 % d’électricité d’origine nucléaire, dont on ne connaît pas les motifs, d’ailleurs, mais qui est en quelque sorte une vache sacrée sur le chemin de la sérénité et de la paix énergétiques (Sourires.), d’une réussite du nucléaire français sur le plan mondial ? Nous sommes dans une économie totalement mondialisée, et nous avons un atout industriel et scientifique qui nous permet de jouer un rôle important sur le plan mondial. Alors que les acteurs de l’énergie nucléaire cherchent, au travers de la diversification de l’offre et la fermeture du cycle, à exister sur le plan mondial, vous laissez cet atout français dans l’incertitude et l’expectative.

Comme il me reste peu de temps, je citerai, parce que c’est un point important du débat, la balance commerciale. Nous avons l’obligation, monsieur le ministre d’État, de regarder l’énergie à la mesure non pas de nos seuls besoins nationaux, mais de la dimension du monde. Si nous faisons trop de nucléaire en France, juge-t-on, pourquoi ne pas vendre à l’extérieur ? Si nous faisons trop d’électricité, pourquoi ne pas la vendre en Europe ? En améliorant les ventes d’électricité, de services et d’équipements, nous enrichirions la balance commerciale d’une économie de l’énergie fondée sur la confiance qu’inspirent les talents français.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Longuet. Je termine, monsieur le président, en évoquant le problème de la sécurité et de l’indépendance, sur le plan non pas de la guerre – c’est-à-dire tout ou rien –, mais de la manipulation des prix de l’énergie fossile, qui compromet assez régulièrement la perspective d’investissements dans les activités de diversification énergétique.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre d’État, en conclusion, je vous demande si le Gouvernement a l’intention de proposer au Parlement de débattre d’un certain nombre de questions majeures. Je pense essentiellement, pour la mise en œuvre de cette PPE, à la CSPE, d’une part, et au taux et au calendrier du nucléaire, d’autre part,…

M. le président. Monsieur Longuet…

M. Gérard Longuet. … qui figuraient dans la loi de 2015 et qui méritent d’être soumis de nouveau à l’appréciation du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Longuet, je veux juste rappeler en introduction que c’est la quatrième discussion sur l’énergie en quatre mois à laquelle je participe au Sénat. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. C’est que le sujet est très important !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Il y a d’abord eu un débat de contrôle en séance publique, puis des auditions devant les commissions concernées, la plus récente ayant été l’occasion de présenter la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE.

J’en rappelle les grandes lignes. Présentée le 27 novembre dernier par le Président de la République, ce qui montre à quel point ce sujet est considéré comme stratégique au plus haut sommet de l’État, cette PPE, qui est en quelque sorte la stratégie nationale française pour l’énergie pour les dix ans à venir, est fondée sur deux piliers : la baisse des consommations d’énergie en général, d’énergies fossiles en particulier ; la diversification de nos modes de production et d’approvisionnement en énergie. C’est notamment une question de sécurité. On voit, par exemple avec nos voisins belges, ce qui peut se produire quand on est trop dépendant, pour l’alimentation en électricité, d’un parc nucléaire ayant un certain âge – la situation française est assez comparable –, ou des importations d’énergies fossiles. C’est aussi le cas en France, puisque 100 % des énergies fossiles consommées sont importées.

Je voudrais maintenant donner quelques éléments sur le calendrier d’adoption de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous allons transmettre le texte à l’autorité environnementale dès la semaine prochaine. Celle-ci aura trois mois pour se prononcer ; ensuite, une consultation du public s’ouvrira pour quarante-cinq jours. Nous avons donc encore cinq mois devant nous pour discuter de cette PPE, qui fera également l’objet de consultations obligatoires : Conseil national de la transition écologique, Conseil supérieur de l’énergie, Comité d’experts pour la transition énergétique, Comité de gestion des charges de service public de l’électricité, Comité du système de distribution publique d’électricité, mais également États voisins de la France.

Bien sûr, nous devons piloter en parallèle, dans ce même délai, l’adoption d’une loi Énergie qui révisera la loi de transition énergétique de 2015, notamment sur la date butoir pour l’équilibrage dans la production d’électricité entre le nucléaire et les autres modes de production, que nous avons décidé de repousser de 2025 à 2035 par réalisme.

Les économies d’énergie porteront principalement sur les énergies fossiles – baisse de 40 % de la consommation de fossiles d’ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Nous serons amenés à faire un effort particulier sur les chaudières au fioul, que nous voulons voir disparaître dans les dix ans. Nous ferons des offres concrètes à cet effet.

Plus globalement, nous encouragerons les économies d’énergie dans le logement et les bâtiments tertiaires, mais aussi dans les transports. Vous avez parlé des voitures particulières. À cet égard, je vous indique que nous avons eu des négociations au niveau européen qui conduiront à des baisses d’émission de CO2 des véhicules neufs vendus en Europe de 37,5 % en 2030, dans un cadre concurrentiel égalitaire pour toute l’Union européenne. Entre-temps, il y aura une étape en 2020, où les véhicules neufs vendus en Europe devront atteindre au maximum 95 grammes de CO2 en moyenne, ce qui conduira à une augmentation forte des ventes de voitures électriques ou hybrides neuves.

Je le disais au début de mon intervention, nous visons la diversification des modes de production d’énergie en général, et d’électricité en particulier. Comme nous voulons sortir du fossile, nous devons mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables. Nous nous sommes fixé, à l’échéance de la programmation pluriannuelle de l’énergie, donc dans dix ans, un objectif de 32 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique global. Pour ce faire, nous avons choisi de nous appuyer sur le développement et la montée en puissance de technologies fiables et compétitives économiquement. Nous disposons pour cela d’un certain nombre de moyens, que je pourrai développer plus tard.

Je dirai un mot sur la fermeture des quatre dernières centrales à charbon qui existent encore en France, dont vous avez parlé, monsieur le sénateur Longuet. Nous sommes engagés dans cette politique pour montrer, en quelque sorte, la voie de la sortie du charbon, qui est absolument nécessaire à l’échelle européenne, mondiale, pour baisser les émissions de CO2. Dans ce cadre, nous avons prévu un accompagnement des territoires et des personnels sur chaque site, pour tenir compte des particularités propres à chacun.

Concernant le nucléaire, nous avons essayé d’être aussi clair et précis que possible, avec l’objectif d’équilibre 50-50, sur lequel vous avez quelque peu ironisé, alors qu’il est, je le rappelle, issu de la loi de 2015, votée sur l’initiative du précédent gouvernement. L’objectif, c’est la diversification, l’équilibre, pour ne pas être trop dépendant d’une seule technologie.

Cela nous amènera à fermer 14 réacteurs d’ici à 2035,…

M. Bruno Sido. Impossible !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. … dont 6 d’ici à dix ans, notamment les 2 de Fessenheim, que nous nous sommes donné les moyens de fermer d’ici à 2022.

Voilà un calendrier précis, fondé par ailleurs sur une analyse extrêmement rigoureuse de la sécurité d’approvisionnement en électricité de notre pays,…

M. Charles Revet. Comment les remplacerez-vous ?

M. François de Rugy, ministre dÉtat. … effectuée avec RTE, Réseau de transport d’électricité. Il pourra évidemment être affiné au fil du temps, en lien avec les visites décennales conduites sous la houlette de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Nous avons souhaité établir une liste de sites pour permettre aux territoires de se préparer et à EDF, l’opérateur, de préciser quels seraient les sites les plus pertinents parmi Tricastin, Bugey, Gravelines, Dampierre, Le Blayais, Cruas, Chinon, Saint-Laurent. Le choix des sites devra être fait en toute transparence.

Telles sont les grandes lignes de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Je tiens à préciser par ailleurs, monsieur le sénateur Longuet, que, contrairement à ce que vous avez dit, c’est non plus la CSPE qui finance le développement des énergies renouvelables, mais bien la taxe carbone. Il était tout à fait logique que, dans une optique de décarbonation des usages, donc de la baisse des consommations fossiles, cette taxe serve à financer le développement des énergies renouvelables en France.

Quant au tarif ARENH, dont vous avez parlé, il est stable, mais l’opérateur demande sa renégociation à la hausse pour couvrir ses coûts de production.

Enfin, en ce qui concerne l’exportation, il faut savoir qu’aujourd’hui 15 % de notre production d’électricité est exportée. Le marché de l’électricité étant ouvert, nos producteurs s’y positionnent, saisissant les opportunités qui se présentent, souvent à l’exportation, mais aussi, parfois, à l’importation, pour couvrir les besoins, notamment dans les périodes de pointe. Nous visons une plus grande coordination européenne pour pouvoir rendre notre mode de production et de distribution plus efficace au regard des objectifs « climat », mais aussi plus sûr du point de vue de l’approvisionnement en électricité.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les outre-mer sont souvent présentés comme les fers de lance de la transition énergétique, car ils regorgeraient de gisements en énergies renouvelables. C’est sûrement la raison pour laquelle la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte dispose qu’il faut « parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030 avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 ».

Il s’agit d’un défi de taille pour les territoires ultramarins, quand on sait qu’ils sont très dépendants des énergies fossiles. En effet, celles-ci représentaient, en 2017, entre 77 % et 94 % du mix électrique des outre-mer, mais 32 % seulement en Guyane, grâce au barrage hydroélectrique de Petit-Saut. Cependant, les communes de l’intérieur de la Guyane, elles, ne sont pas reliées au réseau et fonctionnent grâce à des groupes électrogènes au diesel.

C’est même plus une gageure qu’un défi, quand, en même temps, EDF promeut toujours des projets de centrales thermiques : trois centrales au diesel, d’une capacité de plus de 200 mégawatts, ont ainsi été mises en service entre 2012 et 2014 à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique, pour un coût total de 1,5 milliard d’euros. En Guyane, la première PPE prévoit la construction, d’ici à 2023, d’une centrale au fioul de 120 mégawatts pour 500 millions d’euros.

Où donc est la cohérence quand l’État s’engage à ce qu’il n’y ait plus d’installations produisant d’électricité à partir d’énergies fossiles d’ici à 2030, mais qu’il continue à les financer ?

Où donc est la cohérence de la loi Hulot, qui interdit l’exploitation des hydrocarbures en France, mais ne s’attaque pas à leur utilisation, quand on sait pertinemment que la société moderne n’est pas prête à se passer du pétrole ?

Monsieur le ministre d’État, l’interdiction d’exploitation des hydrocarbures en France n’est-elle pas une mesure destinée exclusivement à la Guyane, qui, pour l’heure, est le seul territoire français susceptible d’en détenir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Patient, vous avez raison de souligner que les enjeux dans les outre-mer sont quelque peu différents de ceux de la métropole. C’est pourquoi les outre-mer ont fait l’objet, dans la loi de 2015, de programmations pluriannuelles de l’énergie spécifiques à chaque territoire. Les premières ont été récemment adoptées, donc il y aura un décalage d’environ un an avec la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la métropole.

En ce qui concerne la production d’électricité, qui représente en moyenne un tiers de l’énergie consommée dans les territoires d’outre-mer, ces PPE prévoient en effet un fort développement des énergies renouvelables. Leur part dans le mix électrique devrait ainsi passer d’ici à 2023 de 18 % à 62 % en Guadeloupe, de 58 % à 87 % en Guyane. À cet effet, un certain nombre d’appels d’offres sont lancés.

Des mesures de maîtrise de la consommation sont envisagées, ainsi qu’une évolution de la demande en lien avec la croissance de la population. C’est le cas en Guyane. À ce moment-là, la programmation pluriannuelle de l’énergie permet d’assurer la sécurisation de l’approvisionnement en renouvelant des installations, parfois encore malheureusement avec des moyens thermiques. Cela a bien évidemment vocation à évoluer pour qu’il y ait, à terme, davantage d’énergies renouvelables. C’est bien notre orientation.

Ces révisions futures, encore une fois un peu décalées, permettront de mettre la priorité sur la maîtrise de la consommation, mais aussi sur le développement des énergies renouvelables. Nous avons engagé des discussions avec EDF et la Commission de régulation de l’énergie pour voir si, dans le cas que vous citez, on pourrait envisager une plus petite centrale, complétée avec des installations solaires et l’utilisation de la biomasse pour réduire la consommation d’énergies fossiles.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.

M. Georges Patient. Comme je l’ai dit, en dehors d’une petite ouverture faite à Total, la loi Hulot rend quasiment impossible l’exploitation pétrolière en Guyane, qui est pourtant nécessaire, car elle est l’un des éléments majeurs pour assurer le développement endogène de ce territoire.

Il n’est pas normal que les territoires voisins exploitent leur pétrole et que la Guyane ne puisse pas le faire !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre d’État, je trouve bizarre que, dans votre propos liminaire de huit minutes, vous n’ayez à aucun moment parlé de nos concitoyens. La précarité énergétique touche pourtant 12 millions de Françaises et Français, incapables de satisfaire leurs besoins fondamentaux. Il est inacceptable de devoir choisir entre se chauffer, au risque d’encourir des impayés, ou ne plus se chauffer, exposant sa santé et son logement aux conséquences du froid !

Vous ne manquerez pas de me brandir le chèque énergie en guise de réponse. Pourtant, vous le savez, outre que les conditions pour bénéficier de certaines aides sont trop restrictives, de nombreuses personnes ne déposent pas de demande faute d’avoir eu une information suffisante. D’ailleurs, dans le cadre du grand débat national, les gens ne parlent pas du chèque énergie. Ils ne demandent pas l’aumône ; leur revendication porte sur l’augmentation de leur salaire pour pouvoir payer leurs factures.

Les privatisations, la dérégulation et la concurrence libre et non faussée ont finalement conduit à un alourdissement très net de la facture énergétique des ménages, fragilisant ainsi les plus modestes.

Certes, le législateur a qualifié l’électricité de « bien de première nécessité », mais il est impératif, si nous voulons véritablement endiguer la précarité énergétique, de franchir une nouvelle étape et d’appréhender l’énergie comme un bien commun de l’humanité.

La lutte contre la précarité énergétique ne doit pas relever des seules politiques sociales. Il faut la placer au cœur de la politique énergétique, laquelle englobe, outre les questions de production, les économies d’énergie et l’efficacité énergétique, que ce soit dans les transports, les logements ou le système productif.

C’est aussi cela la transition énergétique : une transition sociétale où l’accès à l’énergie tout au long de l’année devient une nécessité impérieuse pour éviter l’exclusion !

Monsieur le ministre d’État, ma question est simple : comment allez-vous lutter contre la précarité énergétique dans le cadre de cette programmation pluriannuelle de l’énergie ?