M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai vu sur les sites qu’il y avait un budget extrêmement important pour des projets et appels à projets en matière de sécurité ; il me paraît utile que nous nous en servions et que nous apprenions à partager les données relatives aux fichés S.
L’Union européenne avait imaginé une commission d’enquête sur les failles des dispositifs. Nous n’avons pas, me semble-t-il, la culture de l’évaluation. Or il est extrêmement important de pouvoir évaluer l’efficacité des mesures qui sont prises. La lutte contre le terrorisme relève de la guerre de l’obus et du blindage : chaque fois que l’on met un mécanisme en place, d’autres trouvent le moyen de le faire céder. Il est donc très important que la France propose d’évaluer les dispositifs et, surtout, leurs failles. Nous voyons bien les difficultés résiduelles. Il faut évoluer, notamment sur les fiches S et les échanges d’informations.
La commission des lois du Sénat travaille actuellement pour essayer d’améliorer le dispositif des fiches S. Des transmissions d’informations avec l’Allemagne ont lieu. Il serait extrêmement utile d’œuvrer dans des conditions de sécurité pour nos concitoyens et les libertés publiques à un meilleur échange des données.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Le Conseil européen qui s’est tenu les 13 et 14 décembre derniers s’est félicité des travaux préparatoires approfondis sur le futur cadre financier pluriannuel 2021-2027. Il souhaite même que ces derniers se poursuivent pour qu’un accord puisse intervenir au sein du Conseil européen au plus tard à l’automne 2019.
Permettez-moi de m’interroger sur le caractère démocratique de cette démarche, notamment concernant le rôle du nouveau Parlement européen qui sera élu en mai 2019. En d’autres termes, les prochains parlementaires européens pourraient voir appliquer tout au long de leur mandat un cadre budgétaire à l’adoption duquel ils n’auraient nullement contribué !
Prendre la démocratie européenne au sérieux, c’est prendre le Parlement européen au sérieux ; c’est lui permettre de dire et d’incarner sa part de volonté générale lorsque se noue le débat budgétaire, d’autant plus lorsqu’on discute des grandes priorités européennes, de la réduction du budget de la politique agricole commune, la PAC, ou de la mise en place de nouvelles ressources propres.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que, pour faire progresser la démocratie européenne, le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne devrait être arrêté par les députés européens qui seront élus au mois de mai 2019 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison. C’est d’ailleurs la position que la France n’a cessé de défendre au sein du Conseil européen, et nous avons été entendus.
Certains effectivement poussaient à une adoption du prochain cadre financier pluriannuel au plus tard en avril 2019. Ce n’était pas réaliste compte tenu des divergences qui existent encore entre les partenaires à propos du projet de budget présenté par la Commission. Notre principal point de désaccord sur ce budget étant la part réservée à la PAC, nous avons indiqué dès le début que nous n’accepterions pas le projet de budget de la Commission.
Au-delà, je partage votre point de vue : il est à l’évidence souhaitable que le Parlement européen et la Commission européenne issus des élections du mois de mai 2019 puissent intervenir dans le projet de budget.
Bien entendu, il ne faut pas perdre de temps. Il faut s’assurer que l’ensemble des crédits disponibles puissent bénéficier aux porteurs de projets, que ce soient des chercheurs, des étudiants ou des agriculteurs, début 2021. Pour autant, il est indispensable que nos concitoyens et l’ensemble des Européens sachent qu’en se rendant aux urnes au mois de mai 2019, ils pourront choisir des priorités qui se traduiront par des moyens, par un budget.
C’est la raison pour laquelle le Conseil européen des 13 et 14 décembre a évoqué l’horizon de l’automne 2019. L’important est d’avoir un bon budget, et non un budget précipité.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Madame la ministre, j’ai bien compris votre réponse : il ne faut pas perdre de temps, et je me réjouis que la France s’inscrive dans cette démarche.
Mais serait-il possible d’envisager pour l’avenir de faire coïncider le plan pluriannuel avec le mandat des députés européens ? Je sais qu’il s’agit de réduire ce plan de sept ans à cinq ans, mais ce serait plus cohérent. En tout cas, ce sujet mérite d’être étudié pour faire progresser la démocratie européenne.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’Union européenne et ses États membres vont sans nul doute devoir affronter une année 2019 à très hauts risques politiques.
En effet, à peine aurons-nous entamé le dur processus qui conduira inévitablement au Brexit que, d’emblée, nous serons confrontés à l’échéance des plus incertaines du scrutin européen qui se tiendra à la fin du mois de mai prochain.
Si les enjeux sont multiples, les résultats des consultations citoyennes conduites cette année dans notre pays mettent en lumière une forte demande de souveraineté européenne accrue, dans un contexte international chaque jour soumis à davantage de tensions. Nombre de ces contributions insistent notamment sur la nécessité urgente d’instaurer une véritable politique de défense commune.
Le Conseil européen qui vient de se tenir s’est félicité des progrès importants accomplis dans ce domaine, notamment à travers le lancement d’une coopération structurée permanente.
Madame la ministre, pourriez-vous nous faire part des intentions du Gouvernement concernant la stratégie défensive que devra adopter l’Union européenne, notamment dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel ?
Par ailleurs, le Fonds européen de défense, qui vient tout récemment d’obtenir le feu vert des eurodéputés, fait l’objet de quelques incertitudes et critiques quant à sa conformité avec le droit européen. Pourriez-vous nous rassurer à propos de la sécurité juridique de cette initiative ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez souligné, sur notre initiative, chaque Conseil européen se penche sur les questions de l’Europe de la défense. Il s’agit d’une nécessité et, comme cela est très nettement ressorti des consultations citoyennes sur l’Europe, d’une priorité de nos compatriotes. Quelle que soit leur origine géographique ou socioprofessionnelle, ils attendent que l’Europe soit en capacité de se défendre.
C’est la raison pour laquelle les progrès effectués par la coopération structurée permanente – aujourd’hui, on dénombre plus d’une trentaine de projets ; la France participe à peu près aux deux tiers d’entre eux et est même leader pour ce qui concerne sept – sont extrêmement satisfaisants. Nous saluons aussi la mise en œuvre dès l’année prochaine de la préfiguration du Fonds européen de défense.
Dans la proposition de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel, le Fonds européen de défense a vocation à être doté d’environ 13 milliards d’euros. C’est une bonne entrée en matière pour pouvoir soutenir la recherche et le développement de nos capacités militaires communes.
Il est vrai qu’il y a une forme de controverse sur la conformité au droit du Fonds européen de défense, certains eurodéputés s’appuyant sur l’un des articles du traité pour en contester la légalité. Or ce n’est pas notre analyse juridique ni d’ailleurs celle de la Commission, qui est la gardienne des traités et qui a rédigé le projet de texte. L’article 41, auquel se réfèrent certains eurodéputés, relève de la politique européenne de sécurité commune, alors que le Fonds européen de défense constitue un appui communautaire à la politique de recherche ou à la politique industrielle dans le domaine de la défense. Nous sommes donc très sereins sur le plan juridique.
Il s’agit plutôt d’un combat d’arrière-garde de ceux qui ne parviennent pas – il y en a – à se résoudre à ce que l’Union se donne les moyens de mieux s’organiser elle-même dans le domaine de la défense.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. André Gattolin. Madame la ministre, je vous remercie beaucoup, notamment de cette deuxième réponse assez précise : les informations qui circulaient étaient effectivement assez superficielles.
Comme nous sommes toujours dans le cadre expérimental, je voudrais faire un peu de publicité pour l’excellent document intitulé Consultations citoyennes sur l’Europe. (L’orateur brandit un exemplaire de la brochure.) C’est la synthèse des 70 000 contributions qui ont été effectuées en France. Ce document remarquable a été coordonné par notre ancienne collègue Chantal Jouanno, aujourd’hui présidente de la Commission nationale du débat public.
Lors de chaque élection en Allemagne, la coalition se fait sur la base d’un accord programmatique de 170 pages. Là, nous avons 170 pages d’une qualité remarquable relatives aux aspirations de nos concitoyens quant à l’Europe ; les chapitres de la deuxième partie sont notamment extrêmement bien faits. J’en recommande donc la lecture, et je remercie encore le Gouvernement et tous ceux qui se sont associés à cette initiative.
M. Rachid Temal. C’est-à-dire seulement le Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Les choix budgétaires du Gouvernement sont aujourd’hui lourdement mis en cause par les « gilets jaunes » et de très nombreuses mobilisations sociales. Et, pour répondre à ces mouvements de manière pourtant notoirement insuffisante, le Gouvernement vient de sortir des clous des 3 % de déficit.
Pourtant, au même moment, et en catimini, le Parlement européen est poussé à inscrire définitivement dans le droit européen les règles draconiennes d’austérité de mise sous contrôle des budgets via le TSCG, le fameux traité budgétaire négocié à l’époque par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel et que François Hollande avait promis de renégocier, ce qu’il n’a jamais fait. Ce traité budgétaire reste l’un des marqueurs essentiels des politiques d’austérité qui frappent durement le pouvoir d’achat et les services publics. Pourtant, il ne fait toujours pas partie du corpus juridique européen. C’est un traité intergouvernemental. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient choisi cette voie pour éviter d’avoir à affronter l’unanimité européenne ou la ratification par le Parlement ou les Français.
Ceux qui veulent graver le TSCG dans le marbre du droit européen cherchent à rendre cette austérité, devenue insupportable – nous le voyons chez nous en ce moment –, automatique, en écartant la possibilité d’une négociation politique budgétaire entre la Commission et un pays. Pourtant, nous venons nous-mêmes d’avoir eu recours à cette faculté !
Le problème est tellement sensible que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, qui devait transcrire cela avant le 31 décembre, vient de bloquer le projet par vingt-cinq voix contre vingt-cinq, et qu’une motion de rejet a partagé, elle aussi à égalité parfaite, la même commission. Là encore, cela vaut blocage.
Que compte faire le Gouvernement dans cette situation ? N’y a-t-il pas là une occasion unique pour rouvrir le débat, redéfinir les règles, les suspendre, les renégocier, voire les abandonner ? Ou allez-vous jouer les jusqu’au-boutistes, en poussant, au détriment de nos propres besoins nationaux, à l’application de ces règles, alors que nous pourrions saisir l’occasion pour une reprise d’un contrôle politique de la conduite de nos politiques budgétaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, s’il y avait de l’austérité en France, cela se saurait ! Nous n’avons jamais diminué les dépenses publiques ; nous avons diminué leur croissance. Allez en Grèce, en Espagne ou au Portugal, et vous pourrez parler d’austérité. Je ne laisserai pas dire que la France a connu une politique d’austérité.
La règle des 3 % n’est pas imposée par Bruxelles ; nous avons choisi de la respecter et de nous préoccuper du poids que la dette ferait peser sur nos enfants et petits-enfants du fait de notre difficulté à faire des choix et de notre facilité à les reporter sur les générations futures.
Si le déficit et la dette créaient de la croissance et de l’emploi en Europe,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Nous serions les champions !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … l’Italie et la France seraient les championnes d’Europe. Aujourd’hui, vous trouvez la croissance et le plein-emploi dans les pays européens qui ont le plus faible déficit.
Est-ce une raison pour considérer que, face à une crise sociale, il ne faut pas prendre de mesures d’urgence ? Doit-on lire les critères européens comme nous empêchant de le faire ? Nullement. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures et qu’il en a parlé au Conseil européen vendredi dernier. Il a très clairement indiqué qu’être un véritable Européen, c’était être à l’écoute des peuples et faire en sorte que l’Union européenne le soit aussi !
C’est d’ailleurs ainsi qu’a réagi la Commission européenne, qui dialogue par ailleurs actuellement avec Rome sur le projet de budget italien en ayant une préoccupation majeure : l’ampleur de la dette italienne.
Je ne vois donc aucune contradiction entre la nécessité de nous fixer des règles et de ne pas hypothéquer l’avenir et la possibilité qui nous est donnée de répondre en urgence à des situations sociales particulières.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, permettez-moi de revenir sur l’une des annonces que vous avez faites précédemment s’agissant du budget de l’Union européenne.
Je me réjouis de la création du Fonds de résolution unique, qui commence à être particulièrement doté, et de l’évolution du Mécanisme européen de stabilité. Je vous suis également sur l’Union bancaire, même si quelques progrès s’imposent. Je vois le budget de l’Union comme un budget d’investissement, un fonds d’investissement. Cela va, me semble-t-il, dans le bon sens et devrait corriger l’erreur initiale : ne pas avoir institué de budget lors de la création de l’Union économique et monétaire.
Pourriez-vous nous apporter quelques précisions supplémentaires sur le concept et le périmètre de ce budget, ainsi que sur les relations avec le Parlement ? Ce sera peut-être l’occasion d’entendre davantage la France exprimer son souhait de faire évoluer en matière budgétaire la règle de l’unanimité. Cela a été clairement évoqué par le président Jean-Claude Juncker lors du discours sur l’état de l’Union, le 14 novembre. Si nous n’évoluons pas en la matière, nous serons dans des formes de paralysie. Or l’Union européenne ne peut pas continuer à vivre ainsi.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, en effet, qu’il s’agisse de la taxe sur les GAFA ou des sujets fiscaux en général, la règle de l’unanimité nous fragilise à l’évidence aujourd’hui.
Nous poussons en faveur d’une conditionnalité du versement des fonds européens à une forme de convergence fiscale. Autant dire que nous sommes pionniers ! Notre position est encore isolée, mais il me semble indispensable de continuer à la défendre. Nous n’avons pas véritablement de politique fiscale européenne convergente. C’est le travail que nous faisons aujourd’hui avec l’Allemagne, par exemple sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés, pour essayer de contourner la règle de l’unanimité et faire en sorte que France et Allemagne se mettent d’accord sur une assiette commune. Nous espérons que cela fera tache d’huile et que d’autres États nous rejoindront.
Le budget de la zone euro qui sera contenu dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 est évidemment un premier pas ; je partage votre appréciation et celle de M. Husson. Certes, c’est un pas qui paraît encore insuffisant. Mais quand un sujet n’est pas mûr, autant avancer comme on le peut, en essayant de convaincre nos partenaires petit à petit.
L’idée d’un budget de la zone euro étant une proposition franco-allemande, Bruno Le Maire et Olaf Scholz ont présenté une contribution commune précisant le fonctionnement de ce futur budget et permettant de concrétiser l’engagement pris depuis le sommet de Meseberg.
Sur le fond, cette contribution permet de clarifier à la fois l’architecture et les principes du budget. C’est essentiel : cela permet de répondre à beaucoup de questions restées ouvertes, notamment l’articulation avec le budget de l’Union européenne qui était au cœur des préoccupations des États membres. Ce sera donc bien un budget dans le cadre financier pluriannuel.
Mais il faudra une gouvernance à dix-neuf ; c’est essentiel pour nous. Elle se matérialisera par un accord intergouvernemental. Les décisions stratégiques seront prises par les dix-neuf chefs d’État et de gouvernement en sommet zone euro et mises en musique par les ministres des finances de la zone euro, donc par l’Eurogroupe. Les ressources proviendront à la fois de contributions nationales, de l’affectation de recettes fiscales et de ressources européennes. L’argent peut, par exemple, provenir de la taxe sur les transactions financières ; nous avons cette taxe en France, et nous pourrions la consacrer au budget de la zone euro.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
Vous et nous allons être contraints au même exercice : éviter la verticalité des décisions. Je vous suggère donc d’inviter les parlements à participer à ces projets d’investissement, qui doivent nous permettre de réenchanter l’Europe et de redonner convergence à nos économies, sur le modèle de ce qu’on appelle la « Conférence interparlementaire sur l’article 13 » du semestre européen.
Aujourd’hui, entre les deux principaux États membres de l’Union européenne, la France et l’Allemagne, les convergences vont croissant. Et nous ne pourrons pas avoir d’équilibre de l’Union européenne sans cet effort de convergence.
Invitez les parlements à une telle conférence, qui pourrait se dérouler à Strasbourg. Nous pourrions faire de cette ville le siège systématique de nos réunions sur ce point au minimum deux fois par an.
M. André Reichardt. Excellent, ça !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, même après l’échange que vous venez d’avoir avec M. Bizet, j’ai du mal à voir où sont les avancées sur la zone euro.
Dans le compte rendu du Conseil européen, la taxation des GAFA ou les migrations sont abordées, en termes très politiquement corrects, mais il n’y a rien sur la réforme de la zone euro !
D’aucuns nous renverraient plutôt vers l’Eurogroupe. Mais, outre que l’euro est – je le rappelle – la monnaie de l’ensemble de l’Union européenne, vous venez de nous confirmer que ce budget serait non pas un budget de la zone euro, mais une ligne de crédits dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’ensemble de l’Union européenne. Cela concerne donc totalement le Conseil européen. Or on n’en trouve aucune trace dans les relevés de conclusions.
Connaissant la difficulté à mettre en œuvre le mécanisme financier pluriannuel contraint et les menaces qui pèsent, notamment, sur la politique agricole commune, n’y a-t-il pas un risque de troquer la PAC contre cette ligne de crédits sur la zone euro ?
Votre gouvernement a choisi de financer les 10 milliards d’euros d’annonces du Président de la République par de la dette, au lieu de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, ou de jouer sur le double effet du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE.
Au moment où la Banque centrale européenne annonce la fin de l’assouplissement quantitatif – cela représente une menace très grave sur l’évolution des taux et du coût de la dette –, évoluer dans ce sens ne risque-t-il pas de nous supprimer toute capacité de convaincre à propos des projets que nous souhaitons pour l’avenir de l’Europe ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, ne cherchez pas dans les conclusions du Conseil européen ce qui se trouve dans la déclaration du sommet de la zone euro. Je pense à l’approbation des termes de référence du filet de sécurité commun du Fonds de résolution unique, aux modalités relatives à la réforme du Mécanisme européen de stabilité, aux progrès du paquet bancaire.
Dans le contexte du cadre financier pluriannuel, l’Eurogroupe est chargé de mener les travaux sur la conception, les modalités de mise en œuvre et le calendrier d’un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro et les États membres du Mécanisme de change européen, ou MCE, sur une base volontaire. Cet instrument fera partie du budget de l’Union européenne et sera cohérent avec d’autres politiques de l’Union européenne et subordonné aux critères et aux orientations stratégiques des États membres de la zone euro.
Je vous rassure : ainsi que nous l’avons précisé depuis le début, il est hors de question que les nouvelles priorités ou un instrument budgétaire pour la zone euro portent atteinte à la politique agricole commune. Notre position est claire ; nous l’avons fait partager par vingt de nos partenaires. Elle consiste à demander le maintien en euros courants du budget de la PAC à vingt-sept. Nous continuerons à défendre cette position.
Comme je l’expliquais, le financement du budget de la zone euro proviendra de contributions nationales, mais aussi de recettes fiscales dédiées, par exemple la taxe sur les transactions financières.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, j’entends vos arguments. Mais, à la fin, ce sera le budget de l’Union européenne qui sera sollicité. Et, sans accord au sein du Conseil européen, aucune avancée ne sera possible. Or je constate qu’il n’y a rien sur ce point aujourd’hui, même si les réflexions avancent très lentement au sein de l’Eurogroupe.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil européen s’est penché la semaine dernière sur les propositions de la Commission pour le prochain cadre financier pluriannuel qui couvrira la période 2021-2027.
L’élaboration de ce budget est particulièrement périlleuse alors que le départ du Royaume-Uni, contributeur net, privera le budget européen de plusieurs milliards d’euros chaque année, quand, dans le même temps, les défis auxquels est confrontée l’Union européenne se multiplient.
Cependant, le cadre financier apparaît globalement en hausse. Nous saluons cette montée en puissance, qui, nous l’espérons, permettra de renforcer l’efficacité et la présence des politiques communautaires.
Mais, à y regarder de plus près, nous ne pouvons pas nous satisfaire de certains éléments de ce budget. En effet, la Commission envisage une réduction de près de 5 % du budget dédié à la politique agricole commune et de près de 6 % de celui qui alimente la politique de cohésion.
Si nous rejoignons la Commission dans l’identification de nouvelles priorités pour l’action européenne, la défense, la sécurité – ma collègue Nathalie Goulet vient de le rappeler –, le climat, les migrations, ces priorités ne doivent pas être mises en œuvre au détriment des politiques existantes et efficaces auxquelles nos concitoyens sont très attachés. N’oublions pas que la PAC et la politique de cohésion sont souvent les seuls éléments tangibles des bienfaits de l’Union européenne dans nos territoires ruraux.
Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement saura préserver les aides aux agriculteurs et au développement local, fondations nécessaires à la poursuite de la construction d’une Europe solide ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je peux vous rassurer : la position de la France consiste à soutenir les nouvelles priorités – défense, sécurité, gestion des flux migratoires, jeunesse et innovation –, mais certainement pas à sacrifier les politiques traditionnelles. Nous nous sommes mobilisés et nous avons sollicité un très grand nombre d’autres États membres en ce qui concerne la défense de la politique agricole commune, car la PAC n’est pas une politique dépassée, mais elle est une politique qui répond à des enjeux particulièrement actuels de transformation de l’agriculture, d’autonomie alimentaire et de capacité à exporter sur des marchés tiers où nos produits agricoles sont recherchés.
Nous sommes donc déterminés à défendre la politique agricole commune, qu’il s’agisse du premier pilier, dont le financement ne peut être que communautaire, ou du deuxième pilier. Nous sommes également attentifs à une part environnementale plus forte en la matière que ce qui est prévu dans le cadre financier pluriannuel actuel.
S’agissant de la politique de cohésion, je veux vous rassurer doublement.
Tout d’abord, la Commission a proposé un budget en hausse pour le Fonds européen de développement régional, le FEDER. La baisse constatée concerne le budget du Fonds de cohésion qui est destiné aux États membres les moins riches de l’Union européenne. Par conséquent, elle ne nous affectera pas.
En revanche, la Commission a proposé un élargissement de la catégorie des régions en transition, mesure qui concernera la grande majorité des régions françaises.
Bon an mal an, la France s’en sort bien. Certes, il faut ensuite entrer dans les détails. La simplification est plutôt bienvenue. Quant aux fonds européens, nous dialoguons de leur attribution avec la Commission et avec nos partenaires. Quoi qu’il en soit, nous serons très attentifs à ce que ces fonds, essentiels au développement de nos territoires ruraux et ultramarins, soient préservés dans le prochain cadre financier pluriannuel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Moga. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse. Permettez-moi d’insister : nos territoires et le monde d’agricole sont aujourd’hui en grande souffrance et en grande difficulté. Ils sont en pleine mutation et ont des challenges à relever liés au climat, au développement durable et à la compétitivité. Il est indispensable de soutenir le volet agricole ; il en est de même des territoires. Une réduction des budgets en lien avec ces politiques serait inacceptable pour les habitants de nos territoires, et catastrophique pour nos agriculteurs et notre agriculture.