M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je profite de ce débat pour interroger M. le ministre : je veux être sûr, en effet, d’avoir à peu près bien compris les conséquences de cette réforme de la DGF des intercommunalités.
Le coefficient d’intégration fiscale a été créé pour encourager un certain niveau d’intégration administrative et financière entre communes et intercommunalités, et ceci, à l’origine, en 1999 – j’en ai quelques souvenirs –, pour éviter les communautés de pure redistribution.
Aujourd’hui, cette préoccupation ne pèse plus vraiment. Et je fais observer que si l’on ne plafonne pas le coefficient d’intégration fiscale à un certain niveau, l’objectif, dans une perspective d’optimisation, tout ceci se passant naturellement à somme nulle – la masse qu’il s’agit de répartir ne change pas –, ne peut être en définitive que d’absorber intégralement les ressources et les charges des communes dans celles des communautés, pour obtenir un coefficient égal à 1.
À la suite de la réforme, un plafonnement généralisé du coefficient d’intégration fiscale est-il bien prévu afin d’éviter les manœuvres d’absorption des recettes et des charges communales dans les communautés ?
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard. C’est déjà ça !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par ailleurs – pardonnez-moi de dire toute la vérité, rien que la vérité –, j’ai proposé à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la réforme de la dotation d’intercommunalité, de faire voter un dispositif qui rendrait la transition plus douce.
On ne peut pas, d’un côté, arguer, à l’occasion des questions au Gouvernement ou, comme précédemment, en discussion générale, que les variations des dotations sont brutales et que les élus n’y comprennent plus rien, et, de l’autre, au moment où le Gouvernement propose un dispositif qui n’est pas figé dans le temps – je l’ai dit, en commission, au rapporteur Guené : les choses peuvent évidemment faire l’objet d’une révision chaque année –, qui, justement, tasse les effets de bord et évite à un certain nombre de communautés d’agglomération et communautés de communes de voir leur dotation soumise à un effet yo-yo, me demander de mettre en œuvre ce genre de dispositions un peu brutales. Il faut que nous nous disions les choses !
Je maintiens donc cet avis défavorable.
Cette réforme, et notamment la suppression des quatre enveloppes au profit d’une seule, était attendue depuis vraiment longtemps. Nous tirons d’ailleurs les conséquences du nouveau schéma de coopération intercommunale : tous les EPCI ont grossi ; des dérèglements étaient donc apparus entre les quatre enveloppes. En créant une seule enveloppe, évidemment, on avance !
Je n’ignore absolument pas le débat sur le bon degré d’intégration : il est important. Les promoteurs – à juste titre – de l’intercommunalité veulent une intégration assez élevée, considérant qu’une telle évolution est bien naturelle ; mais beaucoup de parlementaires ou d’élus locaux vivent, eux, une intercommunalité en pente plus douce, pour de multiples raisons que vous connaissez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, dans vos territoires respectifs.
J’essaie, là aussi, de bâtir l’équilibre entre ces deux tendances : d’une part, le mouvement vers une intercommunalité intégrée permettant de faire plus de choses via la remontée de compétences et, d’autre part, l’existence de « jeunes » EPCI qui ont du mal à fonctionner et à réussir leur recomposition post-loi NOTRe.
C’est quand même cela, le fond du sujet !
M. Philippe Adnot. Non !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous contestez mes propos, monsieur le sénateur, mais j’insiste – il faut dire les choses, sans démagogie !
La seule alternative serait d’assumer plus de brutalité et une pente plus raide. (M. Bruno Sido ironise.) S’il en est ainsi décidé, je répondrai au Sénat, si je suis interpellé, que ce n’est pas le Gouvernement qui l’aura voulu – je souhaitais vous le dire avec beaucoup de franchise.
Nous devons essayer de faire en sorte, justement, de ne pas monter les EPCI les uns contre les autres. C’est pourquoi nous avons adapté le CIF.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. L’équilibre qui a été trouvé après un long débat entre les associations d’élus – tout ce débat apparaît en filigrane derrière notre discussion –prévoit quand même que le supplément, en euros par habitant, versé aux plus petites communautés de communes et aux plus rurales d’entre elles sera deux fois supérieur à celui dont bénéficieront les communautés urbaines et les métropoles. Le gain, pour les premières, est majeur. (M. Philippe Adnot le conteste.) C’est totalement établi : les chiffres vous seront donnés sans problème, monsieur Adnot.
La rectification adoptée par l’Assemblée nationale visait à diminuer le nombre de perdants parmi les communautés d’agglomération : c’est cette question qui a fait l’objet d’un rééquilibrage assez fin, me semble-t-il, à l’Assemblée nationale, par rapport au texte initial du Gouvernement. Le résultat peut toujours être discuté, mais il s’agit bien d’un point d’équilibre.
Par ailleurs, et de toute façon, cette dotation d’intercommunalité va devoir être revisitée dans les prochaines années. Le point où nous en sommes est un point d’étape, et non définitif. La réforme fiscale à venir remettra nécessairement le sujet sur le tapis. Nous avons devant nous, donc, une année, peut-être deux, de transition : c’est ainsi qu’il faut voir les choses, s’agissant d’un point d’équilibre qui, je l’ai dit, a fait l’objet d’une négociation à laquelle nous n’avons pas, ni vous ni moi, participé, mais qui a semblé convenir à toutes les associations d’élus.
M. le président. L’amendement n° II-859, présenté par MM. Guené et Raynal, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Remplacer les mots :
d’au moins 60 % au
par les mots :
à 60 % du
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° II-597, présenté par MM. Chasseing, Capus, Malhuret, Bignon, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi qu’aux communautés de communes créées ex nihilo au 1er janvier 2017
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à combler une carence de la loi et à corriger une injustice qui pénalise, semble-t-il, deux communautés de communes en France, l’une en Corrèze et l’autre en Seine-et-Marne.
Lorsqu’une communauté de communes a été créée ex nihilo, lorsqu’elle rassemble, donc, des communes appartenant à divers EPCI, ceci sans succéder à l’un de ces EPCI, aucune garantie spécifique de stabilité de la DGF n’est prévue. Une garantie a pourtant été instituée pour les communautés d’agglomération créées ex nihilo, qui, lors de leur deuxième année d’existence, ne peuvent pas voir leur dotation baisser par rapport à celle de l’année précédente.
Cette carence dans les mécanismes très complexes de garantie applicables au calcul de la dotation d’intercommunalité a eu un impact significatif sur la dotation dont ont bénéficié deux communautés de communes à fiscalité professionnelle unique en 2018. Celles-ci ont perdu respectivement 70 %, pour celle de Corrèze, et 100 %, pour celle de Seine-et-Marne, de leur dotation, soit 9 % et 8 %, respectivement, de leurs produits de fonctionnement, sans que cette évolution soit justifiée par l’évolution de leurs indicateurs individuels – seules la contraction des enveloppes et l’absence de garantie les ont pénalisées, alors que les autres communautés de communes ont toutes bénéficié de mécanismes, parfois imparfaits, certes, de protection.
Cet amendement tend à corriger cette situation en replaçant ces deux communautés de communes sur une trajectoire positive d’évolution, sans pour autant leur redonner un niveau d’attribution comparable à celui de 2017. Il est ainsi proposé de déplafonner la progression dont elles bénéficieront en 2019. Cet avantage se justifie par la situation très particulière de ces deux communautés de communes, qui ont subi les imperfections du système actuel.
Leur fonctionnement est mis en péril, et leur existence même est en jeu. Celle de Corrèze, une petite communauté de communes de montagne de 5 100 habitants, perd 100 000 euros sur une dotation dont le montant s’élevait à 140 000 euros ; celle de Seine-et-Marne perd 300 000 euros. Le coût serait donc d’environ 400 000 euros, financés au sein de l’enveloppe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. La commission comprend parfaitement la philosophie de cet amendement, dont l’adoption permettrait de résoudre un problème limité, lié à un « trou dans la raquette », pour ainsi dire, s’agissant des garanties dont ont bénéficié ces EPCI créés ex nihilo au 1er janvier 2017.
M. Bruno Sido. Il ne doit pas y en avoir beaucoup !
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Sur cette question, nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est un bon amendement, dans la lignée des discussions que nous venons d’avoir avec M. Gabouty : il s’agit toujours de s’adapter aux situations très particulières tout en restant dans la logique de la réforme.
Avis très favorable. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour explication de vote.
M. Claude Nougein. Je voudrais soutenir cet amendement. Il s’agit de la simple réparation d’une erreur technique. Notre rôle, à nous, sénateurs, lorsqu’une anomalie est identifiée, est de le dire et de la rectifier.
Le coût de cette mesure – elle serait financée au sein même de l’enveloppe – est de 400 000 euros. Ma langue n’a pas fourché : 400 000 euros, pas 400 millions d’euros. C’est très peu de chose, donc. Deux communautés de communes seulement sont concernées.
Une garantie était prévue pour les communautés d’agglomération, pas pour ces deux communautés de communes. L’un de ces deux groupements se situe en Corrèze – il me tient particulièrement à cœur –, et cette rectification remet au cœur de nos travaux l’aménagement du territoire, cet aménagement qui était autrefois l’âme de cette maison.
M. le président. L’amendement n° II-98, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 50
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Dans le cas où le coefficient d’intégration fiscale d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pris en compte au titre de l’année de répartition est en diminution par rapport au coefficient pris en compte au titre de l’année précédente, la différence entre le montant de la dotation d’intercommunalité qu’aurait perçue l’établissement au titre de l’année de répartition, si son coefficient d’intégration fiscale était resté identique, en application des 1° à 4° du présent IV, et le montant effectivement perçu est attribuée à ses communes membres sous la forme d’une dotation de consolidation, répartie entre elles au prorata de leur population telle que définie à l’article L. 2334-2. Le montant de cette dotation de consolidation est prélevé sur le montant total de la dotation d’intercommunalité. » ;
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Je défends cet amendement au nom de la commission des lois en présence de son président ; il a été voté à l’unanimité par notre commission.
C’est un amendement de respect du principe de subsidiarité.
À la suite de la refonte de la carte intercommunale, de nombreux EPCI à fiscalité propre, devenus extrêmement vastes, ont été conduits à restituer des compétences de proximité à leurs communes membres, elles-mêmes parfois renforcées par leur regroupement en communes nouvelles – je pourrai vous donner des exemples très concrets, monsieur le ministre, si vous le souhaitez.
Cette restitution de compétences s’étant naturellement accompagnée de la restitution de recettes fiscales, elle a mécaniquement fait baisser le coefficient d’intégration fiscale des EPCI concernés et, partant, leur dotation d’intercommunalité.
Ce choix de réorganiser les compétences locales, guidé par le principe de subsidiarité, s’est donc traduit par une perte nette de ressources pour les territoires concernés pris dans leur ensemble.
Afin de résoudre cette difficulté liée à la structure même de la dotation d’intercommunalité, notre amendement vise à ce que, en cas de baisse du CIF d’un EPCI à fiscalité propre, la somme correspondant à la diminution de dotation qui en résulte vienne financer une dotation de consolidation répartie entre les communes membres au prorata de leur population.
MM. Jean-Paul Émorine et Bruno Sido. Encore une dotation !
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Ainsi, les élus locaux pourront ajuster la répartition des compétences au niveau local en fonction des nécessités du terrain, au lieu de se déterminer selon des considérations purement financières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Le président de la commission des lois est venu m’influencer en s’asseyant à mes côtés, engageant une sorte de rapport de force,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Vous savez résister à ce genre de pression ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. La ficelle est un peu grosse !
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. … mais je saurai résister : la commission des finances a émis un avis plutôt défavorable sur cet amendement. La question posée est une vraie question, mais la réponse apportée n’est pas tout à fait satisfaisante.
La disposition proposée peut être comprise en se référant à ce qui s’est passé en 2017 lorsqu’on a regroupé des intercommunalités, parfois contre leur volonté : ces regroupements se sont traduits par des demandes adressées aux préfets par des communes souhaitant reprendre des compétences parce que, tout simplement, celles-ci ne pouvaient plus être assumées par la nouvelle intercommunalité.
On peut certes discuter la proposition présentée par M. Hervé sur la forme, mais, dans ce cas très précis, elle a tout son sens.
Le problème réside dans le caractère général du texte de l’amendement : à tout moment, une commune qui quitterait son intercommunalité se verrait garantir des dotations au détriment de cette dernière. Ce n’est pas possible, mes chers collègues !
Avis défavorable, donc.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’est pas question de communes quittant leur intercommunalité, mais de reprise de compétences !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ma démonstration sera similaire à celle de M. Raynal : je comprends la question posée par la commission des lois, mais j’adhère totalement au raisonnement de la commission des finances ; c’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
Son adoption reviendrait en effet – je renvoie à l’interpellation qu’a faite M. Richard – à donner des dotations aux EPCI les moins intégrés, dotations qui viendraient des EPCI les plus intégrés. Telles n’étaient pas tout à fait les règles du jeu initiales !
Il est vrai que, là aussi, la modification du SDCI, le schéma départemental de coopération intercommunale, ne va pas sans effets de bord.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Nous allons finir par couler !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur, je veux bien que nous ayons cette discussion, mais il faut que vous assumiez vos propositions dans leur ensemble : vous ne parlez que de l’argent injecté, mais sans dire où vous proposez de le prendre ! En l’occurrence, mesdames, messieurs les sénateurs, il est pris à des EPCI, dans vos départements respectifs, qui auraient fait le choix d’une intégration plus poussée.
Et on ne saurait écarter ce qu’a dit M. le rapporteur spécial sur les sorties d’EPCI qui mettraient dans la difficulté les autres communes restées adhérentes de l’établissement en question. Juridiquement, la question se pose.
Je comprends la question, donc ; malheureusement, la réponse telle qu’elle est apportée par les auteurs de cet amendement pourrait créer plus de « soucis » – je le dis ainsi, prudemment, sous le regard sourcilleux du président Bas – qu’autre chose.
Avis défavorable, donc.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’ai bien fait, monsieur Raynal, de vous rejoindre : cela me permet d’apporter un éclairage à notre assemblée.
Il ne s’agit absolument pas, monsieur le ministre, du cas où une commune quitte une communauté de communes. Le cas visé est bien plutôt le suivant : la commune est restée dans sa communauté de communes, mais celle-ci est très grande, et, pensant qu’on avait délégué trop de compétences à l’échelon intercommunal, on a décidé d’en rendre aux communes. Et voici qu’on découvre soudain que, lorsqu’on rend des compétences à des communes d’une intercommunalité, cela a pour effet de diminuer la dotation totale composée de celles des communes et de celle de l’intercommunalité.
Nous disons simplement, avec beaucoup de gentillesse et de modestie, que, dans ce cas précis, nous voudrions que l’État continue à abonder cette dotation totale de la même façon que si des compétences n’avaient pas été restituées.
Et on fait fausse route lorsqu’on interprète le texte de la commission des lois comme destiné à traiter la situation particulière d’une commune qui aurait quitté une communauté de communes.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, ce que nous proposons n’augmente pas la dépense. L’adoption de cet amendement éviterait simplement que, lorsque l’on veut rééquilibrer la distribution des compétences à l’intérieur d’une grande intercommunalité, on y perde des dotations, c’est-à-dire de l’argent. (M. Christophe Priou applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Nous avons, pour beaucoup d’entre nous, été témoins de telles situations. Le cas qui me paraît le plus courant est celui des petites communautés de communes qui, alors qu’elles avaient pris en charge le périscolaire, entrent dans une communauté plus vaste comprenant une majorité de communes qui, elles, n’avaient pas mis en commun le périscolaire. Il est courant, dans ce genre de cas, que les communes membres de l’ancienne petite communauté s’entendent dire qu’elles devront récupérer le périscolaire, quitte, d’ailleurs, à conclure un contrat ou à constituer un syndicat pour le gérer.
Il me semble donc qu’il y a eu, dans une certaine mesure, incompréhension sur l’objet de l’amendement, de la part de la commission des finances comme de celle du Gouvernement.
En revanche, il est vrai qu’il ne serait pas tout à fait cohérent de maintenir de façon pérenne une espèce de rente ou de pretium doloris versée à la communauté en question au motif que, l’année du calcul, la comparaison des coefficients d’intégration entraînerait une baisse de ses recettes.
En matière de projet de loi de finances, nous ne disposons que d’une seule lecture : ce qui ne sera pas adopté dans le quart d’heure qui vient disparaîtra pour un an. Dès lors, ne serait-il pas possible de sous-amender cet amendement pour en faire un simple amendement de sortie visant à prévoir une compensation à 75 % en 2019, à 50 % en 2020 et à 25 % en 2021 ? À partir de 2022, chacun vit sa vie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Je ne me prononcerai pas sur le projet de sous-amendement que M. Richard vient de proposer ; je me contenterai de bien rappeler quelle est la situation.
Nous sommes dans un cadre fini : la carte intercommunale française est achevée. Les seules évolutions possibles sont donc des fusions entre établissements publics de coopération intercommunale ; le cas de figure d’une commune changeant d’EPCI est extrêmement rare.
Ce n’est d’ailleurs pas ce que nous avons en vue : les cas dont nous parlons sont des cas d’intégration communautaire, où il s’agit, soit d’agrandir des périmètres intercommunaux, soit même, parfois, d’ériger la ville-centre et plusieurs autres communes en commune nouvelle. Et, encore une fois, le choix politique consistant à rendre les compétences de proximité aux communes, parfois même à la commune nouvelle, laquelle a pris une place importante dans la récente architecture – je pourrais vous donner des exemples très concrets, monsieur le ministre –, et de placer à l’échelon intercommunal plutôt les compétences stratégiques et d’aménagement du territoire, ce choix de répartition, donc, va dans le bon sens, intellectuellement, philosophiquement. Ce choix ne remet rien en cause en termes de solidarité intercommunale, mais il coûte cher, puisque le territoire y perd des recettes.
Que la carotte aille dans le sens de l’intégration communautaire, on peut le concevoir ; mais quand des territoires se renforcent, à la fois en termes de taille et d’organisation politique des compétences, je trouve dommageable qu’on ne garantisse pas le maintien des financements qui leur sont dédiés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je serai bref – nous avions promis au président de la commission des finances d’être efficaces dans nos prises de parole.
Par définition, une intégration communautaire qui fait diminuer le CIF n’est pas une intégration communautaire qui va de l’avant.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Alain Richard. Dit comme ça, c’est assez doctrinaire !
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Ce n’est pas toujours vrai !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux bien tout ce qu’on veut, mais c’est un fait !
Qu’un EPCI exerçant moins de compétences reçoive moins d’argent, cela me semble logique…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. EPCI plus communes : c’est le total qui compte !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais y venir. Mais, d’une manière générale – le rapporteur spécial de la commission des finances le rappelait à juste titre –, une partie du malaise des collègues élus locaux tient à la vie intercommunale ; il faut donc que nous refassions la pédagogie de son fonctionnement ; sinon nous ne nous en sortirons pas.
Quant à ce que dit le président de la commission des lois, j’y suis sensible : il pose, au fond, la question de la territorialisation de ces dotations – la même question s’est posée pour le FPIC.
Il y a là, pour le coup, une belle base de travail – j’ai évoqué ce point ce matin à la tribune du Sénat – pour une réforme de la DGF globale, et donc, en particulier, de la composante d’intercommunalité de cette dotation.
Je ne suis pas têtu ; je mets juste en garde le Sénat sur un point : quoi qu’on pense de cette réforme de la dotation d’intercommunalité, elle a été largement négociée par et avec toutes les associations d’élus, et avec le comité des finances locales, présidé par M. Laignel, dans lequel on retrouve des élus de toutes les tendances politiques. Un point d’équilibre a été trouvé.
Lorsque j’ai été nommé et que j’ai remis en concertation la réforme de la dotation d’intercommunalité, je me suis aperçu qu’il y avait des effets de bord – je l’expliquais précédemment – sur la raideur de la pente : beaucoup de communautés d’agglomération sortaient du système. Nous avons donc donné droit aux demandes de convergence pour ne pas rendre les choses trop brutales.
Cet amendement est certes intéressant ; mais il faut assumer que son adoption ferait voler en éclats toute la réforme telle qu’elle a été construite.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Non !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si ! Je ne dispose pas d’une étude d’impact ; je ne sais donc pas ce que ça coûterait.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ça ne coûte rien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si, par définition ! Si vous touchez à l’enveloppe, les équilibres sont par définition modifiés, monsieur le président.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Richard. Si on ne traite pas ce problème maintenant, c’est râpé pour un an !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’aurai dit : toute modification aura forcément des répercussions sur d’autres EPCI ; il faut l’avoir en tête.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Pour pratiquer l’intercommunalité depuis un quart de siècle, je peux vous dire que la proposition dont nous discutons est une négation de l’intercommunalité. L’intercommunalité, ce n’est pas mettre des territoires ensemble ; c’est faire de l’intégration. Sinon, ça n’a pas d’intérêt : quel est l’intérêt de se mettre ensemble si c’est pour ne rien faire ?
M. Jean-Paul Émorine. Tout à fait !
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Si nous voulons que notre travail prospère au-delà de ce seul hémicycle, il faut donner du sens à cet amendement. Il y a là un vrai sujet : lors du grand mouvement vers l’intercommunalité que nous avons vécu au cours des deux dernières années, ce type de problème s’est posé. C’est à ce moment-là que votre amendement aurait dû être déposé, avec effet limité dans le temps : effectivement, les communes et les intercommunalités ont eu un problème, et il faut peut-être leur laisser le temps de le résoudre tout en limitant cet aménagement à un certain type d’espaces.
J’ajoute que l’article 79 restera en discussion à l’Assemblée nationale ; pouvons-nous y intégrer une telle disposition, ou devons-nous le voter tel quel ? En tout état de cause, l’adoption de cet amendement par notre assemblée m’ennuierait, car il ne prospérera pas.