M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, mon intervention portera sur les sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche.
En préambule, je souhaiterais souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire contraint, le volet « recherche » de la mission voit ses crédits progresser, et ce pour la seconde année consécutive. Parce qu’il constitue la dépense d’avenir par excellence, c’est un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation.
La somme des budgets des programmes relatifs à la recherche devrait atteindre 11,75 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 11,86 milliards d’euros en crédits de paiement en 2019, soit une hausse de 330 millions d’euros – 2,9 % – par rapport au budget 2018.
Le budget pour 2019 s’inscrit ainsi dans la trajectoire dessinée pour 2018, avec une forte progression des crédits alloués à ces programmes sur deux ans : de l’ordre de 817 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 440 millions d’euros en crédits de paiement.
Le montant total des crédits alloués aux programmes dépendant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires », et 193, « Recherche spatiale », s’établira à 8,8 milliards d’euros, soit une forte hausse de 376,4 millions d’euros par rapport à 2018.
Ces programmes captant l’intégralité de la hausse des crédits de la mission, je souhaiterais m’arrêter sur quelques points saillants qui m’ont interpellé au cours des auditions.
Tout d’abord, le budget alloué à la recherche spatiale, en progression de 205 millions d’euros, absorbe les deux tiers de l’augmentation des crédits du volet « recherche », pour atteindre 1,8 milliard d’euros. Cette hausse serait destinée à financer les engagements de la France sur le programme Ariane 6, tout en poursuivant l’apurement de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne, l’ESA.
Je note à ce sujet, madame la ministre, que la contribution française à l’ESA franchit cette année le cap symbolique du milliard d’euros, en passant de 963 millions d’euros à 1,17 milliard d’euros en 2019.
Par ailleurs, le relèvement des moyens financiers de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Avec une augmentation de 86,3 millions d’euros en crédits de paiement, l’agence devrait être en mesure de renouer avec un taux de succès sur les appels à projets supérieur à 15 %.
Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Assurément pas ! L’augmentation de son budget doit rester une priorité pour se rapprocher des standards européens en matière de recherche sur projets, avec un taux de succès moyen de 24 %.
Cette évolution est d’autant plus nécessaire que nos chercheurs peinent à obtenir des financements européens, comme en attestent les chiffres du programme-cadre Horizon 2020, peu flatteurs pour la France.
Enfin, le plan Intelligence artificielle bénéficiera de 17 millions d’euros en 2019, auxquels s’ajoutent 12 millions d’euros en provenance des programmes d’investissements d’avenir, les PIA, pour accompagner la mise en place d’un réseau emblématique d’instituts dédiés à l’intelligence artificielle.
Je ne peux que saluer, madame la ministre, les efforts consentis afin de doter la France d’une véritable stratégie en matière d’intelligence artificielle. Je regrette néanmoins que les moyens alloués au plan Intelligence artificielle en 2019 demeurent très en deçà des annonces gouvernementales, d’une part, et difficilement traçables, d’autre part. Je reste convaincu que ce n’est que par l’intelligence artificielle européenne que nous pourrons éviter de devenir dépendants des géants qui nous entourent.
S’il faut nous féliciter de toutes ces hausses de crédit, je tiens à rappeler qu’elles se font au détriment des organismes de recherche, lesquels voient leurs dotations diminuer ou stagner.
Confrontés à une augmentation considérable de leur masse salariale, ces organismes n’ont souvent d’autre choix que de réduire leurs effectifs, ce d’autant, madame la ministre, que le GVT n’est pas compensé pour eux – Philippe Adnot vient de le préciser.
Les directeurs des organismes de recherche m’ont, par ailleurs, signalé plusieurs situations d’impasse budgétaire.
Ainsi le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, se retrouvera confronté, à moyen terme, à un surcoût de plusieurs centaines de millions d’euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz, tandis que les plans Santé commandés par le Gouvernement à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, doivent bénéficier des financements adéquats, combinés, d’ailleurs, avec les fonds européens sur certains programmes.
À plus long terme, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, devra faire face à des besoins de financement de l’ordre de 500 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte océanographique, sans qu’aucun plan d’investissement à moyen terme ait été élaboré à ce jour.
Je note toutefois avec satisfaction que le Premier ministre a annoncé le lancement d’une réflexion à ce sujet, lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre. Je ne saurai qu’inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie, de manière à anticiper au mieux les besoins d’investissement de notre flotte océanographique.
Les autres programmes, qui ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, voient leurs crédits stagner ou diminuer en 2019. Ce sera notamment le cas des programmes 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191, « Recherche duale (civile et militaire) », et 186, « Recherche culturelle et culture scientifique ».
Deux exceptions à cette tendance morose sont à noter.
Le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui porte, notamment, les crédits de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, voit ses crédits progresser de 2 %.
Je voudrais rappeler, à ce sujet, que l’année 2019 sera marquée par la préparation de la fusion de ces deux organismes en un institut unique, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2020.
M. Jérôme Bascher. Il était temps !
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Une enveloppe de 4 millions d’euros supplémentaires est débloquée pour couvrir les besoins engendrés par ce processus.
Le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » bénéficiera, lui, d’une augmentation de 5,8 millions d’euros. J’attire néanmoins votre attention sur le fait que, en dépit de cette hausse, l’Institut français du pétrole-Énergies nouvelles, l’IFPEN, verra sa subvention diminuer de 4,1 millions d’euros en 2019, puis en 2020.
Je voudrais terminer mon intervention par quelques considérations sur le crédit d’impôt recherche, ou CIR.
Si cette dépense fiscale représente un coût considérable pour les finances publiques, de l’ordre de 6,2 milliards d’euros en 2019, la plupart des évaluations s’accordent à reconnaître l’existence d’un effet positif. Pour que la France ne se laisse pas distancer dans la compétition internationale, pour qu’elle reste la cinquième puissance scientifique mondiale, ce soutien à la recherche privée doit être maintenu.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, j’indique que la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits, qui bénéficient de hausses importantes, de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont le budget marque, cela vient d’être dit, un nouvel effort en faveur de la recherche.
Voici, résumées, nos principales observations.
Sur la politique spatiale européenne, qui constitue de loin le premier poste d’augmentation de ce budget, il faut absolument réduire les coûts et amplifier l’effort d’innovation dans le domaine des lanceurs. Les États européens doivent également s’accorder sur le principe de « préférence européenne ». Notre souveraineté en dépend.
Sur l’Agence nationale de la recherche, l’effort budgétaire mériterait d’être amplifié à l’avenir, pour parvenir à un taux de sélection de 20 % et éviter le découragement des chercheurs.
Sur le programme 190, nous appelons à la plus grande vigilance sur la situation de trésorerie de l’IFPEN, qui connaît une baisse continue de sa subvention.
Sur le programme 192, la diminution de la dotation servant à financer les aides à l’innovation octroyées par Bpifrance doit cesser. Le plancher de 120 millions d’euros ne devra pas être dépassé.
Quant à la suppression du fonds unique interministériel, qui marque un désengagement de l’État dans la politique des pôles de compétitivité, il ne faudrait pas, madame la ministre, qu’elle conduise à l’assèchement financier. Les rôles respectifs de l’État et des régions dans la phase IV des pôles mériteraient aussi d’être clairement définis.
J’ai porté une attention particulière à la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. Cette stratégie a probablement trop tardé, mais elle a le mérite d’exister.
Si le chiffre de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans peut impressionner, il est à relativiser, au regard des investissements publics réalisés par les États-Unis et la Chine en rapport à leur poids dans l’économie mondiale. Mais, surtout, 9 % seulement de cette somme sera composée de crédits nouveaux.
La mise en œuvre a déjà débuté en 2018, ce qu’il convient de saluer. Il s’agit dorénavant d’accélérer, car la France ne peut se permettre de perdre plus de temps. Il conviendrait de s’appuyer sur des coopérations bilatérales et de peser sur la définition de la stratégie au niveau européen pour décupler l’impact de la nôtre.
Enfin, madame la ministre, il serait bienvenu que, à l’avenir, la ventilation des crédits affectés au plan soit bien précisée dans les documents budgétaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour la recherche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-François Rapin a rappelé les évolutions positives des crédits consacrés à la recherche. Celles-ci ne doivent cependant pas masquer les menaces qui pèsent sur la recherche à moyen terme.
Il y a lieu, tout d’abord, de s’inquiéter de la place de plus en plus importante que prennent les financements sur projets dans le budget des opérateurs de recherche. S’ils constituent désormais des ressources complémentaires indispensables, ils ne compensent que partiellement la diminution de la dotation de base dans le temps.
Il faut, ensuite, aborder avec lucidité la question du niveau des subventions pour charges de service public ; celles-ci sont à ce jour largement obérées par l’augmentation de la masse salariale, notamment par le coût du glissement vieillesse-technicité. Ces charges salariales élevées, subies et, donc, indépendantes de la stratégie des opérateurs en matière de ressources humaines contraignent un certain nombre d’entre eux à réduire leurs effectifs, dans des proportions parfois importantes. Une telle situation n’est pas tenable à long terme et menace les projets de recherche.
Je souhaiterais également aborder le financement des plans Santé confiés à l’INSERM. Lors de votre audition par la commission de la culture, madame la ministre, vous avez évoqué un effort de 17 millions d’euros en gestion pour 2019. Je suis ravie de voir que les alertes que le président Alain Milon et moi-même vous adressons depuis un an ont porté leurs fruits. Toutefois, la stratégie nationale de santé publique ne mérite-t-elle pas une inscription, dès la loi de finances initiale, des crédits qui lui seront affectés ?
En conclusion, je souhaiterais appeler votre attention sur trois objectifs, qui me semblent prioritaires pour 2019.
Le premier objectif est, de mon point de vue, la nécessaire revalorisation salariale des chercheurs et la remise à plat de leur régime indemnitaire. Il y va de l’attractivité du métier de chercheur et de la capacité de la France à tenir son rang dans le domaine stratégique de recherche.
Le second objectif est de réussir la fusion entre l’INRA et l’IRSTEA. C’est un beau projet scientifique, qui doit être soutenu financièrement par les deux ministères de tutelle jusqu’au bout.
Le troisième objectif est de rétablir un lien de confiance entre l’État et le CEA, et d’éviter que les solutions arrêtées pour limiter le coût des projets de recherche dans le nucléaire ne pénalisent l’ensemble des activités de recherche du centre.
Enfin, je ne saurais trop insister sur la nécessité de donner au plateau de Saclay les moyens de ses ambitions. Vitrine française de la recherche et de la formation à l’international, le projet du plateau de Saclay est aujourd’hui menacé dans son développement par l’absence d’infrastructures de transport dignes de ce nom. Il y a urgence à ce que soit construite la ligne 18 du métro du Grand Paris Express.
Sous les réserves que je viens d’évoquer, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’enseignement supérieur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, qui représente tout de même 6 % du budget général de l’État, avec 28 milliards d’euros, le programme 150 est en légère augmentation de 1,2 %.
Les 166 millions d’euros de crédits supplémentaires, auxquels il convient d’ajouter un moindre gel des crédits à hauteur de 40 millions d’euros, sont à mettre en perspective avec l’inflation à 1,7 %, l’augmentation du budget de l’État de 1,9 % – je ne suis pas sûr que ce soit une bonne référence – et, surtout, l’augmentation des effectifs d’environ 2,5 % sur les deux rentrées de 2018 et 2019.
Mais je veux souligner les dépenses contraintes des établissements d’enseignement supérieur, déjà évoquées précédemment : 50 millions d’euros pour le GVT de l’État, 50 millions d’euros pour l’augmentation de CSG, 30 millions d’euros pour la suite du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », le PPCR.
Il est extrêmement regrettable que de telles charges, qui dépendent de décisions prises par l’État, ne soient pas intégralement compensées.
En définitive, sur l’enveloppe globale, bien peu servira à améliorer les conditions d’études supérieures, alors même que c’était l’objectif prioritaire annoncé par le Gouvernement.
Concernant les établissements privés, j’ai souhaité, comme mon collègue Philippe Adnot, porter un amendement de réévaluation sur trois ans de la contribution aux EESPIG, à hauteur de 1 000 euros par étudiant. Rappelons que, depuis 2000, on constate une augmentation de 62 % des effectifs dans les établissements privés, à comparer à la hausse globale des effectifs de 18 %.
Ce coup de pouce est possible en puisant sur le fonds mobilité, curieusement porté à 30 millions d’euros, alors que les crédits consommés cette année ont été très maigres.
De même, le plafonnement de la CVEC à 95 millions d’euros interroge, alors que le montant de la collecte à la rentrée, déduction faite des remboursements aux boursiers, s’élève à environ 120 millions d’euros.
Près d’un an après l’adoption du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, il conviendra d’observer l’évolution du taux de réussite en licence en trois ans – moins de 30 % aujourd’hui –, mais aussi de la part des sortants du supérieur sans diplôme, 17 % à l’heure actuelle. Les objectifs du Gouvernement dans ce domaine sont particulièrement mesurés !
La création de 31 000 places au printemps, puis cet été, dans les établissements de l’enseignement supérieur est de nature à faire face à l’arrivée de nouveaux étudiants. Mais quid des places vacantes, de l’ordre de 120 000, à l’issue de la procédure Parcoursup ?
De même, l’absence d’accompagnement financier de la réforme annoncée des études de santé, qui va pourtant entrer en vigueur à la rentrée de 2019, est aussi surprenante.
Concernant le programme 231, « Vie étudiante », porté à 2,7 milliards d’euros, il faut saluer les quelques mesures favorables, comme la suppression, à hauteur de 217 millions d’euros, de la cotisation d’assurance maladie, il est vrai compensée en partie par la CVEC, la baisse symbolique des frais de scolarité, le gel du tarif des restaurants universitaires – le ticket RU – depuis 2015 et, enfin, le versement plus rapide des bourses.
Forte de ces constats, la commission de la culture a émis un avis favorable à l’adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Nelly Tocqueville, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, pour la recherche en matière de développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie, comme chaque année, du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui soutient les activités de sept opérateurs dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement du territoire.
À l’heure de la transition écologique, ce programme revêt une importance fondamentale en tant qu’appui scientifique aux politiques en faveur du développement durable.
Ses crédits sont relativement stables par rapport à l’année dernière, ce dont nous pouvons nous réjouir. Mais cette trajectoire globale cache une évolution inégale des subventions allouées aux différents opérateurs.
Comme les années précédentes, le principal bénéficiaire du programme reste de loin le CEA, qui reçoit 1,22 milliard d’euros, soit plus de 75 % des subventions pour charges de service public prévues par le programme.
C’est la raison pour laquelle je voudrais insister, madame la ministre, sur la nécessité d’accélérer les investissements dans la recherche liée, en particulier, à la production d’hydrogène. Le CEA mène en effet d’importants travaux sur cette production décarbonée et sur son utilisation dans les mobilités, domaines dans lesquels la recherche française conserve encore une certaine avance. Mais pour combien de temps encore ?
Il est donc plus que jamais indispensable d’accélérer l’expérimentation et l’amélioration de la performance des infrastructures de production, mais aussi de stockage et de transport de l’hydrogène.
D’autres pays ont récemment accéléré le déploiement de cette technologie : ainsi, l’Allemagne a mis en service son premier train à hydrogène, en Basse-Saxe.
Ma deuxième observation portera sur la subvention attribuée à l’IFP Énergies nouvelles, l’IFPEN, qui diminue de plus de 4 millions d’euros, confirmant une tendance à la baisse observée depuis plusieurs années. En effet, la dotation à l’institut est passée de 169 millions d’euros en 2010 à 128 millions, soit une diminution de près de 25 %. Or l’IFPEN soutient de nombreux projets en matière de nouvelles technologies de l’énergie, en particulier en partenariat avec de petites et moyennes entreprises et pour leur développement.
Madame la ministre, lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, vous avez évoqué un redéploiement de 1 million d’euros en faveur de l’IFPEN. Pouvez-vous nous confirmer cette décision et nous en préciser les modalités ?
Pour conclure, je voudrais insister sur l’impérieuse nécessité de maintenir les fonds alloués au programme 190. Au vu des actions menées par les différents opérateurs, ces ressources contribuent non seulement à la décarbonation de notre économie, mais également à sa compétitivité face à une concurrence internationale de plus en plus rude, y compris en matière d’énergies renouvelables et de transition écologique. Il est donc vital de maintenir un engagement financier à la hauteur des enjeux.
Pour ces différentes raisons, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits, mais elle restera néanmoins vigilante.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Antoine Karam. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce soir pour examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Domaine hautement stratégique pour la France, la recherche conditionne la compétitivité de nos entreprises et la performance de notre économie. Je le dis régulièrement, elle constitue également un formidable levier de développement économique et social pour nos territoires.
L’enseignement supérieur est quant à lui cette porte ouverte sur le monde pour nos jeunes, ce guide chargé de les accompagner vers la réussite. Plus largement, il constitue le socle de la diffusion du savoir et, bien sûr, in fine, de la recherche.
On peut donc se satisfaire que la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » soit l’une des mieux préservées de ce budget 2019. Par-delà la ventilation et l’ampleur des lignes budgétaires, on retiendra que l’augmentation de ce budget est de 549 millions d’euros, pour un total de plus de 25 milliards d’euros.
L’enseignement supérieur a été marqué cette année par la mise en œuvre de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Si des cas spécifiques ont pu poser des difficultés, je veux saluer les efforts accomplis par tous les acteurs dans la mise en place de la plateforme Parcoursup, qui, pour sa première année, a donné satisfaction.
Raccourcissement du calendrier, mobilité intra-académique, ou encore présentation de l’offre de formation : plusieurs pistes d’amélioration ont déjà été envisagées. Nul doute qu’elles seront complétées par le rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup, qui vous sera rendu dans les prochains jours, madame la ministre.
Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », doté de 13,6 milliards d’euros, enregistre une hausse non négligeable de 166 millions d’euros. Il marque ainsi la montée en puissance du plan Étudiants, dont l’objectif majeur est cher à notre commission de la culture puisqu’il s’agit de réduire l’échec en licence.
L’effort budgétaire s’accompagnera d’une amélioration incontestable des conditions de vie étudiante que nous devons souligner. Pour la première fois, le coût de la rentrée universitaire a été significativement réduit : d’une part, avec la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants ; d’autre part, avec le paiement à date des bourses.
Pour la première fois aussi, la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC, a été collectée. Si notre commission a émis des réserves sur les 95 millions d’euros budgétés, je crois que nous pouvons vous faire confiance, madame la ministre, pour que l’argent de la vie étudiante reste bien à la vie étudiante dans la loi de finances rectificative pour 2019.
Il faut le reconnaître : ces changements sont loin d’être négligeables dans la vie et le budget d’un étudiant.
L’année 2019 engage par ailleurs nos universités dans une double dynamique qui doit être poursuivie : d’une part, l’affirmation de l’autonomie des établissements, de nature à garantir l’adaptation de l’offre de formation aux conditions locales ; d’autre part, l’incitation au regroupement, au sein des pôles de compétitivité, des contrats de site ou des projets de recherche collaborative.
C’est une démarche indispensable face aux nécessités du temps.
Je souscris pleinement à cette ambition qui consiste à développer le rayonnement international de nos universités, notamment au niveau européen. Le processus de Bologne a posé les bases de l’espace européen de l’enseignement supérieur, a harmonisé les systèmes nationaux et généralisé une division en trois cycles impliquant une reconnaissance réciproque des qualifications.
Le système européen des crédits favorise la dimension internationale des formations supérieures, et c’est bien. Pour autant, l’université de demain doit également mieux s’inscrire dans son environnement régional. Je pense notamment à nos universités d’outre-mer, qui ont vocation à davantage coopérer et échanger avec les pays de leur bassin géographique, au niveau aussi bien de la recherche que de l’enseignement supérieur.
J’en viens maintenant à la recherche, qui se voit, elle aussi, portée avec ambition par ce budget. En effet, les montants alloués aux programmes de recherche du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation progressent nettement par rapport à la loi de finances pour 2018, pour atteindre 8,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8,76 milliards d’euros en crédits de paiement.
Je voudrais particulièrement souligner l’inscription des 205 millions d’euros destinés à sécuriser le développement du lanceur Ariane 6.
Le Centre spatial guyanais, qui a opéré en septembre dernier le centième tir d’une fusée Ariane 5, devra, avec ce nouveau lanceur, relever le défi d’une concurrence internationale accrue.
Mon collègue Laurent Lafon, que je salue, que j’ai accompagné en Guyane en avril dernier, sera certainement d’accord avec moi : visiter le Centre spatial guyanais vous donne un sentiment étrange, celui que, dans un autre temps, tout n’était qu’une question de volonté. C’est un sentiment assez surréaliste, entre la technologie la plus pointue et les disparités qui existent sur le reste du territoire.
Alors, je dois le dire : lorsque les lobbies écologistes se précipitent en Guyane pour lutter contre tout projet industriel en expliquant que le territoire doit s’engager dans l’économie de la connaissance, je pense d’abord à nos 24 % de chômage et je souris avec amertume.
En effet, selon une récente étude du cabinet Deloitte commandée par le WWF, la création d’un fonds de vitalisation de la biodiversité de 100 millions d’euros pourrait générer en Guyane plus de 10 000 emplois en quinze ans.
Sur le principe, je dis oui – mille fois oui ! – à la valorisation de notre biodiversité, à une économie verte et durable en Guyane. Mais, en pratique et en réalité, où sont les investisseurs, privés comme publics, pour structurer une telle filière ? Pour cela, il faudrait une volonté forte, comparable à celle qu’a déployée le général de Gaulle lorsqu’il s’est agi d’installer le Centre spatial guyanais en 1964.