M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l’accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits des programmes 177, 109 et 135 relatifs au logement diminuent pour la deuxième année consécutive, pour atteindre 15 milliards d’euros.
La baisse de 8 % des crédits du programme 109 résulte, d’une part, des mesures d’économies adoptées l’an dernier – suppression de l’APL accession, gel des barèmes et des loyers, soit 222 millions d’euros – et, d’autre part, de nouvelles mesures : 102 millions d’euros au titre de la sous-indexation des paramètres de l’APL et 910 millions d’euros au titre de la « contemporanéisation des ressources », dont la mise en œuvre s’avère complexe et qui nécessitera de bien informer les allocataires.
Les paramètres de la RLS ont été établis en 2018 pour permettre une économie de 800 millions d’euros sur onze mois. Ces paramètres n’étant pas modifiés, la RLS permettra 873 millions d’économies en 2019, soit 73 millions de plus que ce qui était prévu. En outre, le rendement de TVA sur les constructions de logements sociaux devrait s’avérer plus favorable et atteindre 850 millions au lieu de 700 millions.
Ces économies supplémentaires ne sont pas anodines. Le coût de la RLS pour les bailleurs sociaux est plus important que le montant des économies pour l’État : 830 millions en 2018 et 916 millions en 2019. Sans tenir compte des mesures de soutien, la RLS devrait conduire pour 2018 à une perte d’autofinancement nette de 21 % et à une baisse de 5 % de la construction de logements sociaux, baisse qui pourrait atteindre 38 % dans vingt ans selon la Caisse des dépôts et consignations.
En ne modifiant pas les paramètres de la RLS, le Gouvernement ne respecte pas ses engagements en termes de trajectoire financière. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a proposé de rejeter les crédits du programme 109. La clause de revoyure, monsieur le ministre, doit être l’occasion d’une évaluation exhaustive de l’impact des mesures d’économies sur la situation des bailleurs sociaux, mais pas sur le seul quinquennat. Il faut en effet voir les choses à plus long terme, c’est-à-dire sur les vingt ans à venir.
S’agissant du programme 135, sans surprise, l’État se désengage définitivement des aides à la pierre, laissant les bailleurs sociaux financer la quasi-totalité des ressources du FNAP.
Je dirai un mot de l’ANAH. Je salue l’augmentation de ses ressources, mais je regrette le manque d’ambition et les contradictions du Gouvernement, qui a préféré plafonner les ressources de l’Agence plutôt que d’utiliser les ressources supplémentaires issues des quotas carbone pour accélérer la rénovation énergétique des logements.
Les crédits du programme 177 augmentent à périmètre constant. Malgré un effort de sincérité budgétaire et une rationalisation des coûts, il n’est pas sûr que les crédits soient suffisants.
La commission des affaires économiques a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat s’agissant des crédits des programmes 177 et 135 et a proposé de rejeter les crédits du programme 109. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Annie Guillemot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le programme « Politique de la ville ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 147, « Politique de la ville », sont en augmentation de 57 % en autorisations d’engagement et de 19,7 % en crédits de paiement.
Nous sommes nombreux à craindre que ces crédits ne soient pas entièrement consommés, les dispositifs financés – je pense à des postes d’ATSEM, à des postes FONJEP ou à des postes d’adultes-relais – supposant bien souvent des cofinancements de la part des associations ou des collectivités territoriales. Or, dans un contexte budgétaire contraint, il n’est pas certain que ces dernières puissent apporter leurs concours financiers ou du moins des financements à la hauteur de l’effort consenti par l’État. Comment peut-on en effet leur demander de consacrer plus de 100 millions d’euros à de nouveaux postes alors que les subventions de l’État sont en baisse ?
Quant aux crédits de droit commun, ils peinent à se déployer. La révision des contrats de ville sera l’occasion de vérifier si l’État respecte les engagements qu’il a pris dans le cadre du pacte de Dijon.
Après une année d’arrêt, le nouveau programme national de renouvellement urbain semble enfin démarrer. Que de temps perdu ! Si l’on peut se féliciter de la multiplication des signatures de protocoles, je crains néanmoins que les « grues » ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.
Pour 2019, l’État contribuera à hauteur de 180 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25 millions d’euros en crédits de paiement, limitant ainsi sa contribution aux seuls besoins de décaissement de l’ANRU. Un engagement plus important aurait permis de lancer la construction d’équipements comme les écoles.
Enfin, il faudra être attentif aux effets des récents choix gouvernementaux en matière d’habitat, tels que la réduction du loyer de solidarité et l’intégration de l’EPARECA au sein de la future agence nationale de la cohésion des territoires. J’espère qu’ils ne freineront pas un NPNRU tout juste relancé. C’est une agence dont on peut craindre qu’elle fera prendre au minimum des retards. Elle pourrait d’ailleurs devenir une importante usine à gaz au vu des nombreuses agences qui y sont intégrées.
Le programme 147 consacre 101 millions d’euros au développement économique et à l’emploi.
La réforme des contrats aidés et l’expérimentation des emplois francs mises en œuvre l’an dernier n’ont pas produit les effets escomptés et le chômage des jeunes est reparti à la hausse.
En matière d’emplois francs, les résultats sont très loin des objectifs fixés. Au 16 septembre 2018, 1 980 demandes d’emplois francs ont été transmises à Pôle emploi et 1 528 ont été acceptées. Je regrette qu’on attende la fin de l’expérimentation avant de corriger le dispositif étant donné que 25 000 demandes sont prévues pour 2019.
Le nombre de contrats aidés dans sa nouvelle version est en très forte diminution en raison de l’aspect plus contraignant du nouveau dispositif et d’une moindre prise en charge. Certains préfets n’ont d’ailleurs pas jugé opportun de moduler l’aide pour soutenir le déploiement des contrats dans les quartiers, ce que je regrette. En outre, le dispositif manque sa cible en laissant de côté les personnes « employables rapidement » tout en n’étant pas adapté aux personnes les plus éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’un temps d’accompagnement plus long.
La commission des affaires économiques s’en remet donc à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits du programme 147 et a émis un avis favorable sur l’adoption de l’article 74. (M. Jean-Michel Houllegatte applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et « Aide à l’accès au logement ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné les crédits du programme 177 de la mission « Cohésion des territoires », qui financent l’hébergement des personnes en détresse et l’accompagnement des plus précaires vers l’accès au logement.
Les demandes d’hébergement ont considérablement augmenté ces dernières années, sollicitant fortement les structures financées par le programme – le nombre de places en hébergement d’urgence a progressé de 180 % depuis 2010. En parallèle, les moyens alloués au programme ont augmenté de 562 millions d’euros en cinq ans, soit une hausse de 42 %, ce qui est à souligner dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. Malgré cette progression, le programme souffre d’une sous-budgétisation chronique, et le recours aux décrets d’avance ou à l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative a été systématique ces dernières années.
Même si un important effort de sincérité budgétaire a été engagé depuis l’an dernier, l’exécution du programme en 2018 devrait dépasser les 2 milliards d’euros et excéder de 8 % l’enveloppe de crédits ouverte en loi de finances initiale. Soulignons cependant que l’écart entre les crédits votés et les crédits exécutés se réduit par rapport aux années précédentes.
Pour 2019, les crédits demandés s’élèvent à 1,88 milliard d’euros en crédits de paiement. Supérieurs à ceux consommés en 2017, ils restent inférieurs à la prévision d’exécution pour 2018, au risque d’une nouvelle sous-budgétisation en 2019.
Le budget du programme s’inscrit dans le cadre du plan Logement d’abord et de la stratégie de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre dernier, dont les orientations sont approuvées par la commission des affaires sociales. Elles visent à développer les modes de logement adapté et les structures d’hébergement des familles, ainsi qu’à renforcer les dispositifs de veille sociale. Les crédits sont certes en augmentation pour mettre en œuvre ces orientations, mais ils n’apparaissent pas suffisants pour atteindre les objectifs fixés.
Concernant le logement adapté, l’objectif de doubler le nombre de places en cinq ans dans l’intermédiation locative et en pensions de familles sera difficile à atteindre avec seulement 8,4 millions d’euros supplémentaires alloués à ces deux dispositifs en 2019.
Ce sont surtout les moyens dédiés à l’accompagnement social qui ne semblent pas suffisants. Sur ce point, les mesures annoncées par le Gouvernement vont dans le bon sens : renforcement des maraudes, accompagnement pour la sortie de l’hébergement à l’hôtel, création de référents de parcours pour un meilleur suivi de la personne. Sauf que les financements de ces dispositifs ne sont pas bien identifiés, voire pas encore prévus !
Le plan de limitation des nuitées d’hôtel a certes permis de contenir leur progression, mais ce mode d’hébergement continue de croître. Le plus préoccupant est que l’hôtel perd progressivement sa vocation d’hébergement temporaire pour accueillir des personnes pendant plusieurs années. En outre, certaines grandes agglomérations voient dorénavant leur capacité hôtelière saturée. Un accompagnement social renforcé doit permettre d’assurer une meilleure rotation des publics accueillis afin de répondre aux situations de détresse.
À cet égard, le plan d’économies de 57 millions d’euros imposé aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale sur trois ans fragilise l’accompagnement social qu’apportent ces structures. Si l’objectif du plan Logement d’abord vise à trouver une solution de logement sans passer systématiquement par des structures temporaires, il ne peut être atteint à court terme en affaiblissant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale.
Malgré les insuffisances dont je viens de vous faire part, la commission des affaires sociales a tenu à saluer l’effort de sincérité budgétaire et les orientations prises en faveur de l’hébergement et de l’accès au logement. C’est pourquoi elle a donné un avis favorable sur l’adoption du programme 177.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Valérie Létard et M. Hervé Maurey applaudissent également.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a rendu un avis défavorable sur l’adoption des crédits des programmes 162 et 112 de la mission « Cohésion des territoires » et des crédits du compte d’affectation spéciale consacré au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale. Plusieurs raisons justifient ce choix.
En premier lieu, la commission considère que la trajectoire de ces crédits n’est pas compatible, en l’état, avec le projet de création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Monsieur le ministre, vous nous préciserez sans doute que les conséquences budgétaires de la création de cette agence, qui a été initiée par le vote de deux propositions de loi, l’une ordinaire, l’autre organique, au Sénat le 8 novembre dernier, seront tirées dans le projet de loi de finances pour 2020, mais je souhaitais rappeler ce point.
En deuxième lieu, s’agissant du programme 112, la commission a déploré l’érosion continue de la prime d’aménagement du territoire. Le montant de ce dispositif est certes modeste, mais il joue un rôle d’entraînement important dans les territoires et permet de renforcer leur l’attractivité. Aussi, je salue l’initiative du rapporteur spécial Bernard Delcros, qui proposera tout à l’heure un amendement à l’article 39 visant à augmenter de 5 millions d’euros les autorisations d’engagement au profit de la PAT, afin de stabiliser les moyens engagés à hauteur de 15 millions d’euros, comme en 2018.
Au-delà de ces observations, j’ai deux interrogations.
La première concerne le plan chlordécone, porté par l’action n° 08 du programme 162, « Interventions territoriales de l’État ». Le Président de la République était aux Antilles en septembre dernier, et il a eu des mots que je qualifierais de courageux et qui l’honorent, mais qui l’obligent également : après avoir expliqué que l’État prendrait « sa part de responsabilité » dans ce scandale environnemental et sanitaire, le Président de la République a annoncé une augmentation des moyens consacrés à ce plan à hauteur de 3 millions d’euros sur deux ans. Pouvez-vous nous préciser comment ces moyens seront apportés en 2019 ainsi qu’en 2020 ? C’est un sujet très grave.
La seconde interrogation concerne le FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. Le Sénat propose depuis plusieurs années une évolution de son dimensionnement et de sa gestion pour l’adapter aux enjeux de la transition énergétique, car les communes rurales ont besoin de soutien en matière environnementale. Je souhaiterais que le ministère de la transition écologique précise ses intentions sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en ces temps où l’on parle beaucoup trop de divisions dans notre société, je tiens à rappeler combien je suis heureux d’être parmi vous et d’intervenir dans ce débat sur la cohésion des territoires, avec des élus issus de toute la diversité des territoires et des structures administratives de notre pays.
Ce budget examiné dans le cadre de notre institution sénatoriale constitue une occasion toute particulière, puisqu’il allie territoires ruraux, territoires citadins et outre-mer dans les mêmes préoccupations. Il ne s’agit en rien d’opposer des France entre elles, mais il faut permettre à chacune de suivre sa propre trajectoire de développement, sous le socle de valeurs et de lois communes, dans le respect des identités et des possibilités de chacun, au sein de la République une et indivisible.
Dans ce budget, le groupe du RDSE a souhaité donner plus de visibilité et d’efficacité à des axes qui nous tiennent à cœur : la réhabilitation des centres-villes, la création de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Nous avons ainsi déposé plusieurs amendements visant à renforcer le plan « Action cœur de ville » et à l’adapter au mieux à la réalité des situations.
Nous proposons de favoriser l’investissement dans les centres-villes, plus particulièrement pour les logements de taille moyenne, d’augmenter des dispositifs de réduction fiscale afin de répondre au montant réel du coût des travaux de réhabilitation de l’ancien et d’inclure la transformation de locaux en logements dans ces mêmes centres-villes.
Concernant la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires, je suppose que vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous sommes inquiets sur le montant des crédits alloués au programme 112. Celui-ci, en diminution continue, n’est pas compatible avec l’ambition de la création de l’agence que le Gouvernement a soutenue et appuyée. Nous rappelons, de plus, que l’agence doit pouvoir, dès sa création, être aussi pleinement efficiente pour les territoires ruraux et périurbains, alors que l’intégration des programmes 112 et 147 fait craindre le contraire. Nous insistons à ce titre sur le risque de dissolution de crédits spécifiques à la ruralité dans le contrat de cohésion territoriale.
Nous pensons, enfin, qu’il n’est pas opportun de diminuer des postes du CGET au moment même de la création de l’agence nationale. Cette agence n’est pas qu’un outil facilitant la gestion administrative, mais est une agence de service public, avec des moyens humains dédiés.
Monsieur le ministre, la dématérialisation ne peut se faire partout, uniformément, de la même manière. Nombre de nos concitoyens et nombre d’élus sont confrontés à un changement d’échelle de responsabilité, mais aussi à un changement trop radical de culture administrative qui altère la perception du service public, il faut le dire. Nous devons veiller à ce que le rythme de réforme soit adapté et ne laisse personne sur le bord du chemin.
Je terminerai mon propos par une remarque qui dépasse les frontières de ces budgets. La cohésion des territoires, c’est la liberté pour tout citoyen français de s’installer où il veut, quand il veut et d’y trouver les mêmes droits, les mêmes services qui fondent l’égalité républicaine. Ce budget permet d’adopter des mesures qui seront visibles à moyen ou à court terme. Cependant, sans couverture mobile partout, sans couverture numérique minimale, ces investissements seront un tonneau des Danaïdes que la solidarité nationale n’aura pas fini de remplir !
Mes chers collègues, le mobile, le numérique partout, c’est la garantie que les mesures que nous votons pourront vraiment changer la vie quotidienne de nos territoires. Vous me permettrez d’être concret : un artisan en zone hyper rurale sans haut débit ne peut accéder aux appels d’offres pourtant baissés à 25 000 euros. Où est l’égalité républicaine ?
Quand un collège en bas débit ne peut organiser décemment des examens pour ses élèves et charge un conseil départemental de trouver un bus scolaire pour amener ces enfants dans un collège disposant du débit suffisant, où est l’égalité républicaine et où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Quand une mairie charge un employé d’aller chercher en catastrophe dans une sous-préfecture la liste d’émargement nécessaire à des élections faute de haut débit, où est l’égalité républicaine, où est l’autonomie des collectivités territoriales ?
Monsieur le ministre, l’équipement mobile et numérique peut être accéléré dès maintenant. Nous devons disposer des arrêtés permettant l’intervention des opérateurs dans les plus brefs délais. Nous devons et pouvons utiliser dès maintenant les pylônes TDF pour les rendre opérationnels. La cohésion des territoires peut aussi s’écrire dans le court terme. Les zones oubliées, blanches ou grises, constituent des leviers de croissance et de développement sous-estimés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je commencerai par une citation : « Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c’est celui de l’unité, c’est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! » C’est ainsi que Jacques Chirac exprimait cette nécessité d’assurer la cohésion de nos territoires, de réduire les disparités sociales et territoriales tout en préservant les spécificités et les richesses de la France.
M. Jérôme Bascher. C’était le bon temps !
M. Emmanuel Capus. La mission « Cohésion des territoires » est importante, du fait de la transversalité des sujets évoqués et des actions menées dans les six programmes concernés. Elle doit contribuer à mettre en place un aménagement équilibré, garant de la cohésion, de la performance et de la solidarité territoriale. Nous devons donc investir dans un projet de cohésion de nos territoires fort, avec des outils performants au service de nos collectivités.
En ce sens, nous pouvons saluer la hausse de près de 20 % du budget consacré à la politique de la ville du programme 147, politique importante pour réduire les inégalités entre les quartiers populaires et les autres territoires. Ces crédits supplémentaires devront être fléchés de façon pertinente, en lien avec les priorités des collectivités locales.
Sur ce programme, le retard du démarrage du nouveau programme national de renouvellement urbain est regrettable. Nous espérons que sa mise en œuvre avec toutes les parties concernées sera accélérée et que le doublement de son budget au profit de l’ANRU se traduira par des réalisations concrètes dans nos territoires.
Nous saluons la rationalisation du calcul des aides personnalisées au logement du programme 109, qui se fera sur la base de la situation actuelle des revenus déclarés, et non plus à n-2. Cela semble plus juste et plus simple.
Dans le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », on ne peut que regretter l’absence de financement dédié aux contrats de ruralité et leur retrait du programme. Nous serons extrêmement vigilants à la prise en compte des enjeux ruraux dans le cadre de la mise en œuvre du contrat de cohésion territoriale porté par la future agence nationale de la cohésion des territoires. Il faut absolument éviter une dissolution des moyens mis en place pour nos territoires ruraux. Nous devons veiller à ce que la contractualisation avec les territoires conduise bien à soutenir les projets prioritaires des collectivités territoriales, que ce soit au travers des contrats de plan État-régions 2015-2020, des dotations de soutien à l’investissement public local ou des dotations d’équipement des territoires ruraux.
Alors que l’accès au numérique et les maisons de services au public sont deux dossiers prioritaires pour réduire les fractures territoriales, notamment dans nos communes rurales, le programme « Action cœur de ville » doit permettre de redynamiser les centres-villes et de renforcer leur attractivité.
Par ailleurs, nous sommes inquiets de la baisse de la prime d’aménagement du territoire. Nous avons déposé un amendement visant à revenir à la situation de 2018, avec une stabilisation de la dotation à 14,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Il s’agit de réfléchir à une refonte en profondeur du dispositif.
Il convient, plus largement, de s’interroger sur la compatibilité de l’amenuisement des crédits du programme 112 avec la création prochaine de l’agence nationale de la cohésion des territoires.
Sur le programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », le budget priorise la rénovation des logements, avec un budget de 110 millions d’euros pour l’Agence nationale de l’habitat et une hausse de 40 millions d’euros de la taxe sur les logements vacants qui lui est affectée. Il nous semble important de soutenir cette agence pour maintenir la qualité et l’ambition du programme « Habiter mieux », reconnues par la Cour des comptes, en lui fournissant les moyens nécessaires à son action.
Nous saluons la reconduction pour quatre ans des dispositifs Pinel et du prêt à taux zéro afin de donner une meilleure visibilité aux acteurs concernés.
Par ailleurs, nous regrettons que la contribution de l’État au budget du Fonds national des aides à la pierre soit supprimée. C’est un programme important pour la construction de logements sociaux pour lequel les besoins des collectivités locales doivent être mieux pris en compte par les bailleurs sociaux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra donc sur les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » traduit la volonté de transformer l’action publique, en l’occurrence la politique du logement.
Présenter un budget en diminution pour 2019 – s’agissant pour l’essentiel d’une moindre dépense d’aides au logement – n’est pas un manque d’ambition ou un désengagement des pouvoirs publics. Au contraire, c’est le choix de l’efficacité dans un secteur qui est tout à la fois une préoccupation majeure de nos concitoyens, un secteur clé de notre économie et, reconnaissons-le, un synonyme d’échec. Un échec coûteux, financièrement, puisque 40 milliards d’euros sont engagés chaque année sur le logement. Mais c’est surtout un échec sur le plan social, puisque la Fondation Abbé-Pierre estime à près de 4 millions le nombre de nos concitoyens en situation de grande précarité en matière de logement.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avec moins d’argent, c’est sûr, ça ira mieux !
M. Julien Bargeton. En un mot, en matière de politique du logement, il n’y a pas toujours eu de corrélation nette entre crédits budgétaires et crédibilité politique. En France, on pratique souvent la critique des réformes en oubliant parfois le diagnostic de départ, comme si auparavant tout allait bien.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Les chiffres s’effondrent !
M. Julien Bargeton. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit de mettre en œuvre la réforme du calcul des allocations logement. C’est un sujet qui a été maintes fois évoqué, mais, monsieur le ministre, vous transformez l’essai. Le calcul contemporain des ressources des APL, c’est tout à la fois une mesure de justice et d’économie, puisque 900 millions d’euros sont attendus de cette réforme. Dès l’an prochain, l’éligibilité d’un demandeur aux APL sera calculée non plus en fonction de ses ressources n-2, mais sur la base des douze derniers mois, grâce à une base de données alimentée par le prélèvement à la source.
J’ai entendu les réserves émises par le rapporteur spécial Philippe Dallier quant à la faisabilité de cette réforme et sur le montant des économies dégagées par sa mise en œuvre. Cette réforme demandera de l’agilité, car les APL seront recalculées chaque trimestre, et de la fluidité puisque les échanges de données entre la CNAF et les services de la DGFiP seront essentiels pour déterminer les ressources des ayants droit. Elle demandera aussi de la publicité à travers une communication claire pour les bénéficiaires comme pour les bailleurs.
Dans un contexte de rareté de l’argent public, il me semble essentiel d’allouer les APL à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Le nouveau mode de calcul permettra également de réduire le niveau de non-recours, car il est choquant que des personnes ne fassent pas valoir leurs droits.
L’examen de cette mission intervient quelques jours après la promulgation de la loi ÉLAN. Je ne reviendrai pas sur les deux cent quatorze articles du texte. Néanmoins, j’en rappellerai quelques avancées significatives.
L’émancipation des jeunes passe par le logement. Leur désir d’autonomie est parfois contrarié par le prix élevé du logement. Une étude de 2016 estime, par exemple, que sept jeunes de dix-huit à trente ans sur dix déclarent avoir déjà éprouvé une difficulté à se loger.
Le bail mobilité est un nouveau type de contrat, d’une durée de un à dix mois. Il concerne les logements meublés et s’adresse en priorité aux étudiants, aux personnes en formation, en mutation ou en mission temporaire dans le cadre de leur activité professionnelle. Il sera sans dépôt de garantie, mais il sera sécurisé par la garantie gratuite Visale. Celle-ci est un dispositif simple et dématérialisé, qui couvre jusqu’à trois ans d’impayés. Le public cible est large : jeunes de moins de trente ans, salariés de plus de trente ans sans CDI confirmé et les ménages en intermédiation locative.
Dans le parc social, 80 000 logements seront construits à destination des jeunes d’ici à 2022, 60 000 logements étudiants et 20 000 logements pour les jeunes actifs.
J’appelle de mes vœux des actions de communication offensives pour bien faire connaître ces nouveaux dispositifs.
L’élu parisien que je suis ne peut qu’être sensible à l’encadrement des locations touristiques. En effet, les contrôles et les sanctions, en matière de location courte durée, seront renforcés à l’encontre des loueurs et des plateformes qui ne respectent pas la loi.
La location de la résidence principale est limitée à 120 nuitées par an, mais celle des résidences secondaires dépend des territoires. La question reste devant nous pour la capitale, toute la capitale, pas uniquement les arrondissements du centre. Il est important de prévoir des garde-fous, tout en gardant à l’esprit que c’est un moyen pour des ménages de « mettre du beurre dans les épinards ».