M. François Bonhomme. Mme Gény-Stephann s’en souvient ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume, ministre. … tant ce dispositif, créé par Bruno Lemaire et amélioré par lui à plusieurs reprises, était utile pour les agriculteurs, notamment en matière de baisse des charges sur les travailleurs saisonniers et de lutte contre les distorsions de concurrence.
Certaines filières agricoles utilisent très peu de travailleurs saisonniers et sollicitent surtout des travailleurs permanents. D’autres y ont beaucoup plus recours. Lors de cette fameuse séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’avais dit que je n’accepterais pas la suppression du TO-DE.
M. Laurent Duplomb. On le maintient, alors !
M. Didier Guillaume, ministre. Lorsque le Président de la République m’a proposé de devenir ministre, j’ai accepté, mais à la condition que l’on ne me demande pas, en tant que ministre, de renier la position que j’avais défendue sur cette question en tant que sénateur ! Soutenir la suppression du TO-DE, ce n’était pas possible pour moi, car cela n’aurait pas été cohérent, et qui veut réhabiliter la politique doit tout de même s’attacher à un minimum de cohérence.
La stratégie économique du Président de la République est assez simple. Sa ligne est claire : elle consiste à transformer le CICE en baisse de charges et à diminuer les charges durablement pour tous les secteurs.
D’ailleurs, dès le mois d’octobre dernier, les Françaises et les Français ont pu constater, sur leur bulletin de salaire, une augmentation de leur pouvoir d’achat, parce que les baisses des charges ont été mises en place. C’est une réalité objective que l’on ne saurait nier.
Il en est de même pour l’agriculture : cette année, grâce aux mesures fiscales, et je parle devant le grand argentier du Gouvernement qu’est Gérald Darmanin (M. le ministre de l’action et des comptes publics sourit.), la « ferme France » bénéficie de 70 millions d’euros de gains. C’est la première fois depuis trente ans que l’agriculture française est bénéficiaire.
Toutefois, une partie des agriculteurs employant des travailleurs saisonniers ne sont pas bénéficiaires, car les exploitations agricoles n’y gagnent qu’à condition de ne pas employer, grosso modo, sept travailleurs saisonniers pour un travailleur permanent. Dès lors qu’elles emploient huit salariés saisonniers pour un salarié permanent, les exploitations agricoles sont perdantes. C’est la baisse des charges pour les salariés permanents qui est vraiment très importante.
Par ailleurs, cette baisse de charge sera appliquée, comme toutes les autres, dès le 1er janvier 2019, et non au 1er octobre 2019. Bien évidemment, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, n’est pas touchée – nous en avons discuté. Aujourd’hui, le Gouvernement n’entend pas revenir sur le TO-DE dans son ensemble, puisque la volonté est de baisser les charges.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a accepté un « tampon », qui assure une compensation intégrale, pour les deux années qui viennent, jusqu’à 1,15 SMIC, ce qui bénéficiera à environ 90 % des salariés concernés.
Pour ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis contraint d’émettre un avis défavorable sur les amendements identiques de M. Duplomb, de M. Cabanel et de Mme Cukierman, dont je pense, du reste, qu’ils seront votés et qu’ils rendront tous les autres sans objet.
Par ailleurs, permettez-moi de vous le dire, en votant ces amendements, le Sénat, qui est l’assemblée des territoires et de l’agriculture, laissera le dernier mot à l’Assemblée nationale, et nous en resterons donc vraisemblablement à 1,15 SMIC. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
À vous de prendre vos responsabilités ! (Mêmes mouvements.)
Pour ma part, je ne fais que dérouler tranquillement mon argumentation. Je dis simplement que les amendements présentés par M. Vanlerenberghe ou par M. Fouché, qui tendent à faire passer l’exonération à 1,20 ou 1,25 SMIC, étaient davantage en cohérence avec la volonté du Gouvernement de baisser les charges que le maintien du dispositif TO-DE. Du reste, le Gouvernement n’acceptera pas ce dernier.
Ma position est claire : je suis contraint d’émettre un avis défavorable à la suppression de la suppression du TO-DE ! Au final, l’Assemblée nationale conservera une exonération jusqu’à 1,15 SMIC, si bien que le dispositif concernera 90 % des salariés, et non la totalité.
Madame Delattre, les entreprises agricoles que vous avez évoquées au travers de votre amendement ne sont vraiment pas concernées, dans la mesure où elles recourent à très peu de salariés saisonniers. Étant donné qu’elles bénéficient de la baisse des charges liées à la suppression du CICE, elles sont globalement bénéficiaires de ces mesures.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’ai écouté avec beaucoup d’attention ce qu’a dit M. le ministre de l’agriculture, qui est un ancien sénateur : il a affirmé que le Sénat n’avait aucun pouvoir sur les mesures qui seront votées à l’Assemblée nationale. Je regrette que le ministre de l’agriculture ne dispose pas non plus du pouvoir d’essayer d’influencer la majorité de l’Assemblée nationale… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Du moins, cela semble extrêmement compliqué pour lui !
Monsieur le ministre, j’espère que vous parviendrez tout de même, avec vos collègues du Gouvernement, à convaincre les députés que l’Assemblée nationale pourrait s’inspirer des mesures votées par le Sénat. En effet, quand nous siégions ensemble sur les travées de cet hémicycle, nous étions d’accord pour estimer que la sagesse du Sénat devait dominer l’excitation de l’Assemblée nationale.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je compte donc sur vous pour convaincre nos collègues députés que l’Assemblée nationale n’a pas toujours raison.
Mes chers collègues, je serai à présent un peu moins consensuel. Hier, les chambres consulaires ont été défendues avec beaucoup de ferveur. Hier soir, ce sont les Ultramarins qui l’ont été.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. En effet, monsieur le ministre.
Cet après-midi, ce sont les agriculteurs qui bénéficient de cette ferveur. Je compte sur vous pour défendre de la même manière, demain et jeudi, l’ensemble des amendements qui visent directement la santé, l’amélioration des hôpitaux et la lutte contre la désertification médicale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. Sur ce sujet, la commission des finances avait adopté un amendement qui avait pour objet le maintien d’une exonération intégrale jusqu’à 1,25 SMIC et la pérennisation du dispositif, d’une manière qui n’était pas complètement satisfaisante, après 2021. Hier, nous avons décidé de soutenir l’amendement de notre collègue Laurent Duplomb, qui nous a paru complet et qui nous donnait entière satisfaction.
C’est pour respecter les accords que nous avons passés que je n’ai pas défendu l’amendement de la commission des finances.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que j’ai rarement entendu un exposé qui procède autant de la pirouette – vous voyez que j’essaie de ne pas être désagréable… En effet, vous avez tout de même réussi à vous faire applaudir par les sénateurs de tous les groupes politiques au milieu de votre intervention, parce que nous avons alors cru à une conclusion inverse de celle que vous avez finalement annoncée. (M. le ministre de l’agriculture sourit.)
On peut dire que vous avez géré au mieux votre franchissement du Rubicon ! Il faut dire que, maintenant que vous siégez sur le banc réservé aux membres du Gouvernement, vous êtes obligé de tenir un autre discours que celui que vous prononciez quand vous étiez assis dans les travées.
M. Alain Joyandet. Si l’on veut que tout le monde s’y retrouve, il faut maintenir l’exonération maximale jusqu’à 1,25 SMIC.
Je puis vous emmener dans une entreprise de fabrication de plants de vigne de mon département. Je m’y suis rendu voilà quinze jours, et j’ai fait les comptes avec le viticulteur : si l’on en reste à 1,15 SMIC, il manquera 150 euros par salarié. J’ignore d’où vous tenez vos statistiques, mais je puis vous assurer que, si vous pensez donner satisfaction à 90 % ou 95 % des exploitants, vous êtes loin du compte.
Quoi qu’il en soit, je regrette vraiment votre position et j’espère que nous soutiendrons tous ardemment l’amendement qui a été soutenu par la commission des affaires sociales. En effet, on ne peut pas dire tout et son contraire !
Il faut vraiment soutenir notre agriculture. Sa situation est trop grave pour que l’on joue sur les mots ou avec les démonstrations, avec les conséquences financières que vous connaissez bien, monsieur le sénateur devenu ministre.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre collègue Cécile Cukierman a très bien défendu l’amendement n° 379. Elle a d’ailleurs montré les contradictions existant en matière d’exonérations et d’allégements de cotisations spécifiques.
Comme ils l’ont exprimé depuis le début des débats, les membres du groupe CRCE sont inquiets de constater que, face à une situation économique et sociale difficile pour bon nombre de territoires et dans maints secteurs, les propositions se sont multipliées pour priver notre système de sécurité sociale de cotisations versées par les entreprises, toujours dans un souci affiché de préserver l’emploi, monsieur le ministre.
Vous devez tout de même être satisfait, car la petite musique que vous jouez depuis votre prise de fonctions, même si vous n’êtes pas ministre depuis longtemps, s’insinue dans les esprits. Cette petite musique reprend les mêmes partitions que vos prédécesseurs : il faut diminuer le coût du travail et fiscaliser la sécurité sociale, et il est hors de question de chercher des recettes nouvelles.
Toutes nos propositions sont rejetées, qui pourtant tendraient à redresser la barre, même quand il s’agit de faire respecter la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Alors, allons-y, ouvrons la boîte de Pandore, et que chacun et chacune formulent des propositions d’allégements de cotisations sociales !
Qu’en est-il de la situation spécifique des travailleurs saisonniers ? Le travail saisonnier, sur lequel mes anciens collègues Annie David et Dominique Watrin s’étaient investis, connaît effectivement des problèmes particuliers.
Je souscris à ce que mes collègues ont dit à son sujet : la grande précarité des travailleuses et des travailleurs saisonniers nécessite de prendre des mesures positives, comme le versement de la prime de précarité, la reconduction des contrats pour les salariés volontaires, le droit au logement, l’accès à la formation et l’augmentation des moyens donnés à l’inspection du travail pour lutter contre le travail non déclaré – Cécile Cukierman en a parlé.
Sur ce dernier point, je veux rappeler que, malgré les exonérations de cotisations, le travail non déclaré est extrêmement répandu chez les saisonniers agricoles. Pour certains gros agriculteurs qui ne recherchent que la productivité et la flexibilité de la main-d’œuvre, la concurrence entre les travailleuses et les travailleurs est un moyen de pression des salaires et des droits sociaux vers le bas.
Ce n’est pas en réduisant les moyens de l’inspection du travail que les choses s’amélioreront. Or, par exemple, plus d’une vingtaine de postes d’agents contrôleurs ont été supprimés dans la région Grand Est en 2018. Cette situation est complexe et dramatique. Nous ne pouvons rester sans rien faire dans l’immédiat, compte tenu des choix, essentiellement politiques, que vous continuez à porter.
C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement, en attirant votre attention sur le fait que son adoption n’est une solution durable ni pour les saisonniers ni pour notre système de protection sociale.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote.
M. Daniel Laurent. Je souhaite tout de même rappeler quelques chiffres.
Comme nous le savons tous, près de 900 000 contrats saisonniers sont signés tous les ans. La main-d’œuvre saisonnière représente environ 70 % de l’ensemble des salariés agricoles et 22 % de volume du travail. Le secteur viticole est sans conteste le premier employeur de travailleurs saisonniers. En 2016, la masse salariale des 452 283 contrats TO-DE signés s’élevait à plus de 600 millions d’euros.
Monsieur le ministre, la suppression du dispositif signifierait de nouvelles cotisations supplémentaires pour l’agriculture.
Dès l’annonce de ce projet, nous avons sensibilisé votre prédécesseur – vous siégiez alors sur les travées de notre Haute Assemblée. Je rappelle que, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, un dispositif compensant partiellement la suppression du TO-DE a été adopté, permettant une exonération des cotisations patronales – totale jusqu’à 1,15 SMIC, puis dégressive jusqu’à 1,10 SMIC – pour les années 2019 et 2020.
C’est une avancée, mais celle-ci ne suffira pas à compenser intégralement le coût supplémentaire induit par la suppression du TO-DE et la fin du CICE. De plus, ce dispositif n’est que transitoire. Les pertes sont estimées à 39 millions d’euros pour l’ensemble de l’agriculture et à 12,8 millions d’euros pour la viticulture en cas d’application du dispositif proposé par l’Assemblée nationale.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de soutenir sans réserve l’amendement de Laurent Duplomb, lequel vise à exonérer les charges sociales jusqu’à 1,25 SMIC et, surtout, à le faire de manière pérenne, ce qui constitue une grande différence sur le plan financier.
Monsieur le ministre, j’espère que nos deux assemblées parviendront à trouver un compromis qui soit acceptable. Vous avez évoqué l’Assemblée nationale : nous savons bien comment les choses fonctionnent…
Il y va de la compétitivité des exploitants et de l’emploi rural, que vous dites défendre – en réalité, j’ai l’impression que vous ne les défendez pas !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, je considère que nous sommes confrontés à un véritable problème.
Comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer dimanche dernier avec les arboriculteurs de mon département présents à la quarantième fête de la pomme du Pilat, le besoin de main-d’œuvre est réel, y compris si l’on veut accompagner les secteurs recourant à la main-d’œuvre saisonnière de manière importante. Outre l’arboriculture, c’est également vrai dans la viticulture notamment.
Si l’on veut sortir dans les délais d’un modèle qui recourt à l’hypermécanisation et à un certain nombre de produits pesticides, au-delà de ce que l’on peut penser de ces derniers, une présence humaine est nécessaire. Il faut donc accompagner les différents exploitants pour leur permettre d’avoir recours à une main-d’œuvre saisonnière le temps de la récolte et lors d’un certain nombre de travaux agricoles.
Ensuite, j’ai bien entendu l’argument selon lequel le vote de notre amendement reviendrait à une exonération de recettes pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, plus largement, pour notre pays.
Toutefois, le travail dissimulé constitue lui aussi une perte de recettes pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale et pour notre pays ! La concurrence sans limites, qui conduit, chaque année, à la fermeture d’exploitations dans nos départements et à la transformation en friches d’espaces agricoles qui ne sont plus entretenus, avec des conséquences désastreuses pour nos territoires, y compris en termes de sécurité en période de sécheresse et d’incendies, a, elle aussi, un coût énorme pour la France.
Oui, nous pouvons faire en sorte d’équilibrer les recettes et les dépenses. Cela se planifie ! Nous devons être en situation d’aménager le territoire.
Je veux répéter très tranquillement que nous n’avons jamais été opposés à ce qu’une aide soit versée aux entreprises, dès lors que cette aide se met au service de l’intérêt général, de l’emploi et de l’aménagement du territoire. Oui, nous soutiendrons une exonération allant dans ce sens.
Franchement, monsieur le ministre, comment osez-vous nous dire ici que le vote de cet amendement serait la fin de tout, parce qu’il ne sera pas repris à l’Assemblée nationale ? De qui se moque-t-on ?
Les députés de la majorité présidentielle ne sont-ils pas capables d’entendre la voix unanime s’exprimant sur les travées du Sénat, de Laurent Duplomb à Cécile Cukierman, qui ont déposé le même amendement ? Ne sont-ils pas capables de comprendre que, dans ce pays, certaines choses méritent d’être défendues au nom de l’intérêt général et que nous faisons de la politique non pas « hors-sol », mais ancrés dans nos mandats et nos territoires ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Effectivement, monsieur le ministre, votre intervention avait très bien commencé. Toutefois, je n’arrive pas à comprendre comment elle a pu se terminer de cette manière.
M. Mathieu Darnaud. Plus dure sera la chute… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. La situation est simple : nous sommes en train d’évoquer l’emploi de femmes et d’hommes qui travaillent sur nos territoires. On sait que l’enjeu, pour ces filières, est stratégique : soit nous les gardons, soit nous les perdons. Or, sur le plan économique, ces femmes et ces hommes renflouent et alimentent, par leur travail, notre système si précieux de sécurité sociale.
Monsieur le ministre, vous savez très bien que votre position tend à fragiliser un certain nombre de filières et que votre proposition d’exonérer jusqu’à 1,15 SMIC laisse de côté un certain nombre d’exploitations et met en dehors du travail un certain nombre de femmes et d’hommes.
Je veux formuler une autre remarque. Je remercie notre président de la commission des affaires sociales et notre rapporteur de leur position et de leur propos. À l’heure actuelle, il est fondamental de tracer des perspectives. Monsieur le ministre, vous devez mettre en œuvre la feuille de route décidée lors des états généraux et par la loi ÉGALIM, dans sa version votée par le Sénat – nous savons tous le sort que, par méconnaissance, l’Assemblée nationale a réservé ensuite à nos amendements.
Monsieur le ministre, l’unanimité que vous entendez ici, par-delà les sensibilités politiques, doit vous interroger. Elle doit aussi vous rassurer sur le fait que c’est la vérité qui est en train de s’exprimer au Sénat : il est nécessaire de maintenir ces richesses et ce travail dans nos territoires et, surtout, d’abandonner un schéma conduisant à l’arrêt d’un certain nombre de productions, pour d’ailleurs importer ensuite les mêmes produits. Si nous avons été élus, c’est pour offrir des perspectives et, surtout, pour donner confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Il faut savoir que le passage de 1,10 à 1,15 SMIC représente une perte d’à peu près 40 millions d’euros. Je comprends que cela puisse faire grincer les dents du ministre de l’économie et de celui du budget !
Si le dispositif a été mis en place sur la base de 1,25 SMIC, c’est pour une bonne raison : c’est parce que la rémunération des travailleurs occasionnels dans les vergers ou le maraîchage passe vite à 1,25 SMIC, compte tenu des heures supplémentaires qu’ils effectuent. Il s’agit donc, dans certaines filières qui font faire à leurs saisonniers des heures supplémentaires, du taux idéal pour bénéficier de l’exonération de charges.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Henri Cabanel. Il y a donc là un enjeu de compétitivité.
Comme je l’ai dit précédemment, vous devez changer de méthode dans vos politiques ! Pour l’heure, votre vision est purement budgétaire. Vous annoncez la suppression du TO-DE sans rien proposer pour remplacer ce dispositif. Mais vous savez très bien que, dans ces conditions, ce sont des filières entières qui disparaîtront, parce qu’elles ne seront pas compétitives !
Outre la Pologne, qui a été citée, d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, sont bien plus compétitifs que nous. C’est justement pour permettre à nos filières arboricoles, maraîchères et viticoles d’être compétitives que le TO-DE avait été institué.
Monsieur le ministre, quand vous dites que c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot si nous ne sommes pas raisonnables, vous semblez vous méprendre sur les élus du territoire que nous sommes. Nous défendons le même amendement que M. Duplomb et Mme Cukierman : cette unanimité s’explique par notre connaissance des enjeux des territoires.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Henri Cabanel. Je comprends que le discours que vous teniez en tant que sénateur ait quelque peu évolué depuis que vous êtes ministre. Cependant, je sais aussi que vous êtes un homme de terrain et que, dans votre département, l’arboriculture et le maraîchage sont très développés.
Vous devez être conscient que, si rien n’est fait et, surtout, si l’on supprime le TO-DE au bout de deux ans, on fera disparaître tout un pan de nos filières agricoles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis très favorable aux amendements identiques défendus par M. Duplomb, Mme Férat, Mme Cukierman et M. Cabanel, que j’ai d’ailleurs déjà soutenus en commission des affaires sociales.
Les différents groupes politiques y ont réfléchi, notamment le nôtre. Nous avons souhaité trouver des compensations à la diminution des recettes du PLFSS qui résultera de son adoption. Cette baisse, nous l’avons estimée, mesurée, évaluée, et l’on sait que cette disposition, tout à fait importante pour les territoires, n’aura pas de répercussions sur la santé, le médico-social ou les autres actions menées au travers du PLFSS, car nous proposerons, le moment venu, des mesures permettant de garantir l’équilibre de ce dernier. Je tenais à le souligner.
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que 90 % des emplois saisonniers étaient rémunérés au niveau du SMIC. Non ! Je ne sais pas d’où vous tenez vos statistiques.
M. René-Paul Savary. Je veux citer le territoire que je connais, notamment la Champagne, qui est à cheval sur deux régions, Grand Est et Hauts-de-France, où le chômage est singulièrement élevé et où la situation n’est pas particulièrement facile : 60 % des 200 000 emplois saisonniers y sont rémunérés au-dessus du SMIC.
M. René-Paul Savary. En Champagne, cette proportion monte à 97 %.
La disposition adoptée par l’Assemblée nationale ne doit pas inciter les employeurs à moins bien rémunérer les emplois saisonniers : leur salaire supérieur au SMIC se justifie par la pénibilité particulière de leur métier !
Permettez-moi d’attirer votre attention, monsieur le ministre : la réussite de votre mission passe par la solution présentée dans l’objet des amendements identiques, à savoir la suppression de la suppression de l’exonération.
La viticulture va être confrontée à un autre problème majeur, celui du cuivre. Là aussi, le risque est celui de la transformation, demain, de la viticulture raisonnée, écologique.
Si vous ne donnez pas de signes forts au travers des dispositions du PLFSS, c’est l’ensemble de ces filières qui risquent d’être mises à mal. (Exactement ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je suis très triste, et nous sommes très inquiets. J’en veux pour preuve les différentes interventions de mes collègues, de toutes sensibilités politiques, et tous ces amendements, largement cosignés.
Je souhaite vraiment que vous ayez à l’esprit que la suppression du TO-DE condamnerait nos exploitations, qu’il s’agisse de l’horticulture, de la viticulture ou de la filière des fruits et légumes – cela a été dit très largement. L’exemple de la pomme, que notre collègue Laurent Duplomb a donné, en est une parfaite illustration. Il convient de voter notre amendement en l’état.
Monsieur le ministre, quelle déception m’inspirent vos propos ! Que se passera-t-il dans deux ans ? Je me pose une question essentielle : le Gouvernement a-t-il bien mesuré les conséquences de cette suppression ? Pour ma part, je réponds non !
Je me souviens de votre intervention lors de la séance de questions au Gouvernement et des trémolos que vous aviez alors dans la voix. Je vous avais d’ailleurs félicité – je ne sais pas si vous vous en souvenez. Quelle désillusion ! Vous vous posez en bouclier. Hélas, vous avez suscité beaucoup d’espoir, mais je crains que vous ne puissiez faire mieux que vos collègues.
Demain, les cinq fruits et légumes que l’on nous recommande de consommer chaque jour, nous les achèterons hors de France, au bout du monde, dans des pays dont nous ne connaissons pas les pratiques culturelles. Je vous passe les détails ; il ne s’agit pas de débattre des pesticides à cet instant. Je n’insisterai pas davantage sur le bilan carbone, qui, vous en conviendrez, est parfaitement d’actualité.
Je vous le dis, monsieur le ministre, si vous ne soutenez pas ces amendements identiques aujourd’hui, demain, à l’Assemblée nationale, c’est la mort annoncée pour nombre de nos exploitations et de nos filières. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)