M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur cet amendement, déjà voté par le Sénat en 2017 dans le cadre de l’examen d’un texte qui n’avait pas prospéré, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, il ne faut pas écarter le risque inflationniste en matière de détention provisoire que ne manquerait pas de provoquer la mise en œuvre d’une telle mesure. Cette dernière ne me semble pas pertinente, et je ne souhaite pas que votre amendement soit adopté.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 39, modifié.

(Larticle 39 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 39 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Discussion générale

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Comme d’habitude, j’appelle chacun d’entre vous à être attentif à la fois au temps qui lui est imparti et au respect des autres.

politique générale

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis dix jours, les Français sont dans une attente insoutenable… (Rires.) Le remaniement gouvernemental apparaît plus compliqué que prévu. Contrairement aux propos de votre porte-parole, les Français s’intéressent à la vie politique. Nos citoyens sont impatients de découvrir la nouvelle composition du Gouvernement ; il y va de leur quotidien et de leur avenir.

De mémoire de parlementaire, depuis le début de la Ve République, une telle indécision et une telle confusion au plus haut niveau de l’État, c’est du jamais vu ! Que cachent tous ces atermoiements ? Autant de candidats sollicités, autant de refus de postes de ministres, surtout celui de l’intérieur, là encore, c’est du jamais vu ! La République en marche aurait-elle perdu son pouvoir d’hypnose et d’attraction ?

Derrière vos difficultés à attirer et à choisir des femmes et des hommes, chacun sent bien que se cachent de fortes dissensions entre vous-même et le Président de la République. Pouvez-vous nous rassurer et nous éclairer sur ce point ?

Vous avez subi en spectateur le départ de deux ministres d’État. C’est bien votre politique et celle du Président de la République qui ont été mises en cause. Ce ne sont pas des péripéties, surtout quand le ministre de l’intérieur fait une déclaration terrible sur la situation des banlieues : « Aujourd’hui, on vit côte à côte. […] Je crains que, demain, on ne vive face à face. »

Au-delà des mouvements de chaises musicales, quelle est votre ligne politique ? La sécurité, l’emploi, le pouvoir d’achat restent les préoccupations essentielles des Français. Saurez-vous tirer les leçons de vos échecs et vous remettre en cause ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je m’attendais à votre question et je ne suis déçu ni par son sujet ni par la façon dont vous la formulez. (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.)

C’est vrai, comme vous l’avez dit, les Français s’intéressent à la politique. On dit souvent qu’ils constituent un peuple éminemment politique, qu’ils se passionnent pour la chose publique et qu’ils aiment dire, parfois vivement, quelles sont leurs attentes, leurs aspirations et leur vision de l’avenir.

En revanche, je ne suis pas sûr, monsieur le sénateur, que, comme vous l’avez dit, les Français se passionnent pour les petites choses de la politique. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ladislas Poniatowski. Un ministre de l’intérieur, c’est une grande chose !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je suis certain au contraire qu’ils se passionnent pour le fond des sujets ; pour la façon dont nous envisageons l’avenir de la France ; pour la façon dont nous mettons en œuvre la libération des énergies et la capacité à augmenter notre croissance et notre potentiel de croissance ; pour la façon dont nous envisageons la transition écologique et énergétique ; pour la façon dont nous rendons notre pays plus attractif ; pour la façon dont nous allons transformer notre système de retraite.

Il ne vous a pas échappé – cette question me semble au moins aussi importante que celle que vous soulevez, monsieur le sénateur, même si je reconnais que nous puissions avoir une différence d’appréciation sur ce point – que, hier, Jean-Paul Delevoye a présenté les conclusions de la première phase de concertation sur la transformation de notre système de retraite.

M. Gérard Longuet. Mettez-le à l’intérieur !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces sujets sont éminemment politiques et passionnants.

S’agissant de la composition du Gouvernement, puisque je m’en voudrais de ne pas vous répondre, vous connaissez les dispositions de la Constitution aussi bien que moi, j’en suis certain. Le Premier ministre propose, le Président de la République décide et nomme les membres du Gouvernement. Le Premier ministre conduit l’action du Gouvernement. Nous sommes très exactement dans l’exécution des dispositions constitutionnelles.

J’ai beaucoup de respect pour les états d’âme, mais je considère que les ministres doivent se consacrer entièrement à leur tâche, à la direction de leur administration et à la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République.

M. Jackie Pierre. C’est pour cela que vous n’en trouvez pas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est ma façon d’envisager l’engagement politique, monsieur le sénateur, et je suis sûr qu’elle recueille l’unanimité sur ces travées.

Nous le savons tous, lorsque l’on a l’honneur d’exercer une tâche ministérielle, on se doit d’être à la hauteur de cet engagement.

Je vous le dis très tranquillement, monsieur le sénateur, et sans agressivité : vous avez mentionné dans votre question un certain nombre d’éléments qui sont purement et simplement des rumeurs.

M. Philippe Pemezec. Qui les alimente ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je puis comprendre que les réseaux sociaux, les entourages et parfois même la presse soient tentés de les colporter.

Je ne puis que constater l’existence de ces rumeurs, qui tantôt m’amusent, tantôt me consternent et m’affligent. Mais je crois que les Français, qui sont un peuple éminemment politique, ne sont intéressés ni par leur évocation ni par leur commentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.

M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le Premier ministre, vous restez droit dans vos bottes, sourd aux attentes des Français.

Le remaniement devait être un second souffle ; l’an II du « nouveau monde » va commencer avec un souffle coupé, voire asthmatique.

À en croire vos déclarations d’hier à l’Assemblée nationale, il n’y aurait « pas le début du commencement de la moitié d’une feuille de papier à cigarette » entre vous et le Président de la République, monsieur le Premier ministre. Voilà qui n’est pas rassurant : c’est exactement ce que François Mitterrand avait dit de sa relation avec Michel Rocard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le Premier ministre sourit.)

transition énergétique et moyens de l’état

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre d’État François de Rugy.

Le GIEC vient de publier un nouveau rapport très alarmant. Pour se rendre compte des effets du changement climatique, il suffit d’observer la baisse du niveau des lacs alpins, le recul des glaciers, les effondrements en montagne à haute altitude ou l’évolution de la végétation. À ces égards, mon département de la Haute-Savoie est un exemple.

Bien sûr, on peut parler de stratégie à moyen ou long terme, on peut même en parler très longtemps… Toutefois, compte tenu de l’urgence, je vous interroge, monsieur le ministre d’État, à l’aube de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, sur les moyens supplémentaires qui seront mobilisés par l’État pour contenir le changement climatique et en assumer toutes les conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, tout d’abord, puisque vous parlez du budget, entre les engagements sur le climat, pour lesquels la France est en pointe à l’échelle internationale, et les engagements concrets, il faut être cohérent.

Le budget du ministère de la transition écologique et solidaire est l’un des budgets qui augmenteront en 2019. Il progressera de près de 1 milliard d’euros, pour s’établir à 34 milliards d’euros. C’est concret, et cet argent sera consacré à l’investissement, en particulier dans la transition énergétique et les transports.

Le développement des énergies renouvelables – l’un des éléments de la stratégie bas carbone, qui vise à réduire les émissions de CO2 – s’effectuera parallèlement à la fermeture des centrales à charbon. Là encore, c’est un engagement concret, qui interviendra avant 2022. Je le dis ici, mais je le dirai aussi, de nouveau, devant les salariés des centrales à charbon, et nous verrons ensemble comment conduire cette transition. Plus de 5,5 milliards d’euros de crédits seront consacrés aux énergies renouvelables dans le budget de 2019.

Nous prenons aussi des mesures pour les ménages. Le crédit d’impôt transition énergétique pour l’isolation des logements sera prolongé, de même que la TVA à 5,5 % pour les travaux d’isolation. L’écoprêt à taux zéro sera facilité, et sa durée pourra être augmentée. Des moyens supplémentaires seront également alloués à l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, notamment en faveur des ménages modestes.

La prime à la conversion écologique des voitures, votée par la majorité de l’Assemblée nationale l’année dernière, a été mise en œuvre au 1er janvier 2018. Nous visions 100 000 véhicules achetés à l’aide de cette prime ; il y en aura sans doute plus du double à la fin de cette année. C’est donc un succès, et nous prolongerons cette prime.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Je terminerai par un exemple concret en matière de transports : la ligne Genève-Annemasse ouvrira en 2019, et je suis sûr que tous les Savoyards y seront très sensibles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre d’État, le changement climatique et la pollution de l’air procèdent des mêmes activités humaines.

Nous connaissons précisément les domaines dans lesquels il faut agir : le développement des transports propres – en particulier le ferroviaire, le passager et le fret –, la lutte contre le gaspillage énergétique, l’accompagnement des entreprises industrielles pour réduire leur empreinte.

Il y a aussi une question de méthode : l’État ne peut plus se contenter d’être « l’ensemblier » des dépenses et des politiques publiques menées par d’autres.

M. Loïc Hervé. Plus encore, dans les territoires où le changement climatique est visible, là où la pollution de l’air est subie par les populations, l’État doit peser de tout son poids. Vous l’avez dit, il doit investir massivement, dans les compétences qui sont strictement les siennes, bien sûr, mais aussi dans les compétences partagées avec les collectivités territoriales.

Ne pas détourner le regard, est-ce agir ? Assurément non ! Il faut faire, et c’est ce que nous attendons de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

rapport du giec (I)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Lundi dernier, en Corée du Sud, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, créé voilà trente ans pour évaluer l’état des connaissances en la matière, ses causes et ses impacts, a présenté son rapport sur les conséquences d’un réchauffement mondial de 1,5 degré.

Le diagnostic est effrayant ! Notre planète connaît une hausse des températures de 1 degré depuis l’ère préindustrielle, et ce réchauffement climatique progresse de 0,2 degré par décennie – parfois plus dans certaines zones du globe.

À ce rythme, la hausse de 1,5 degré pourrait être atteinte entre 2030 et 2052, avec des conséquences dramatiques pour les systèmes naturels et humains : dérèglements climatiques et multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes ; fonte des glaces et, par conséquent, montée du niveau de la mer ; raréfaction des denrées alimentaires et de l’eau potable ; risques pour la santé ; développement de la pauvreté ; disparition d’écosystèmes entiers et de la biodiversité.

Selon le GIEC, si la situation est inquiétante, elle n’est pour autant pas désespérée, mais elle implique qu’une transition écologique de grande ampleur ait lieu au plus vite.

Nous connaissons l’engagement et le volontarisme du Gouvernement sur ces sujets, comme en témoigne, pour la deuxième année consécutive, la forte hausse du budget consacré au ministère de la transition écologique et solidaire.

Aussi, à la suite des conclusions de ce rapport, pourriez-vous détailler les actions nouvelles que vous comptez prendre et celles que vous comptez renforcer en France pour atteindre cet objectif, mais également celles que vous pourrez porter au niveau international, pour convaincre les climato-sceptiques et encourager la mobilisation des acteurs non étatiques, qui jouent un rôle non négligeable dans la protection de l’environnement et le développement durable ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison en ce qui concerne le rapport du GIEC, qui vient de nouveau nous rappeler que le dérèglement climatique est non plus une hypothèse, mais bien une réalité.

Si nous ne faisons rien, la situation va sérieusement s’aggraver. Comme le disent certains scientifiques, ce n’est pas tellement l’avenir de la planète qui est en jeu, mais celui des êtres humains sur la planète, et à très court terme nos conditions de vie, dans l’Hexagone comme outre-mer.

Depuis plusieurs années, dans la sphère internationale, la France a pris la tête des pays ambitieux en matière de lutte contre le dérèglement climatique et de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Le Président de la République a nettement confirmé cette orientation.

Lors du conseil des ministres européens de l’environnement, qui s’est déroulé avant-hier, nous avons œuvré pour que les vingt-huit États de l’Union européenne adoptent une position commune pour la COP24, qui aura lieu à Katowice à la fin de l’année. Au départ, la plupart des pays ne voulaient pas adopter de position commune. Finalement, nous nous sommes accordés sur l’ambition de rehausser nos engagements de diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Il a aussi été question des émissions de CO2 des voitures. Nous entrons là dans le concret !

Quand je suis arrivé au conseil des ministres, trois positions étaient en présence. Les constructeurs automobiles proposaient une baisse de 20 % des émissions de CO2. La Commission européenne, appuyée par l’Allemagne, proposait une diminution de 30 %. Nous proposions une diminution de 40 %. Nous avons réussi à nous accorder sur une diminution de 35 %, et nous espérons renforcer cette ambition lors du dialogue avec le Parlement européen.

Voilà un exemple concret de ce que nous pouvons et devons faire dans la sphère internationale, en commençant au niveau de l’Europe, qui est la bonne échelle pour peser sur l’évolution du monde en matière de dérèglement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

prise en charge financière des mineurs non accompagnés

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur les mineurs non accompagnés.

Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance des départements a considérablement augmenté depuis 2015. On a constaté une forte accélération entre 2016 et 2018, avec plus de 900 % d’augmentation pour les personnes se déclarant mineurs non accompagnés en évaluation, et plus de 74 % d’augmentation pour les mineurs non accompagnés confiés.

À titre d’exemple, dans mon département de la Meuse, nous sommes passés de 14 personnes en 2015 à 415 personnes pour les neuf premiers mois de cette année.

Les mineurs non accompagnés représentent près de 15 % des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, avec un coût estimé à 50 000 euros par mineur et par an. En 2017, l’accueil et la prise en charge de 25 000 mineurs s’élevaient à 1,25 milliard d’euros pour les départements.

Pour la Meuse, 1,7 million d’euros ont été mobilisés en 2017, et déjà plus de 3 millions d’euros pour les neuf premiers mois de l’année 2018. Au regard des flux actuels, cette tendance devrait encore s’accroître, rendant impossible l’atteinte des objectifs fixés par la contractualisation.

De plus, le système actuel, régi par la circulaire Taubira, est obsolète et parfaitement inadapté dans un tel contexte. Qu’en est-il des aménagements promis par l’État, tel qu’un fichier central ? La situation est très préoccupante. Les départements ne peuvent anticiper les dépenses et les services agissent dans l’urgence et en ordre dispersé.

Les départements sont aux abois et les charges financières qui leur incombent explosent. Quels moyens comptez-vous engager, monsieur le Premier ministre ? Entendez-vous reconduire les financements exceptionnels de 2017 en les renforçant ? C’est indispensable.

La solidarité nationale doit s’exercer au plus vite, pour accompagner nos départements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous posez à juste titre la question des difficultés liées à la prise en charge d’un nombre rapidement croissant de mineurs non accompagnés par l’ensemble des départements. En effet, si cette augmentation concernait auparavant un nombre limité de départements, essentiellement frontaliers, le phénomène s’est généralisé, bien que certains départements restent en première ligne.

Tout d’abord – je pense que nous nous entendrons tous sur ce constat –, il faut dire que la protection des mineurs non accompagnés est un impératif. Personne ne pourrait se satisfaire d’une politique qui renoncerait à s’occuper des mineurs non accompagnés.

Cela étant, nous devons aussi regarder la réalité en face : comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, notre système ne fonctionne plus correctement, en raison d’un afflux considérable de mineurs non accompagnés, mais aussi, reconnaissons-le, parce qu’il est « embolisé » par un certain nombre de demandeurs, qui se prévalent d’un état de minorité alors qu’ils sont majeurs.

Il faut donc intervenir sur l’ensemble des sujets, dissuader les départs depuis les pays d’origine, démanteler les réseaux de passeurs, qui concourent aussi à l’accroissement du nombre de mineurs non accompagnés, et accompagner les départements confrontés à cette difficulté.

Nous les avons déjà aidés l’an dernier au moyen d’un fonds d’urgence. Le Gouvernement s’est ensuite engagé dans une discussion avec l’Association des départements de France. Elle fut d’une très grande fluidité, et nous sommes parvenus à un accord, qui sera évidemment mis en œuvre. Cet accord repose sur deux principes simples : tout d’abord, la protection de l’enfance reste une compétence départementale ; ensuite, l’État doit prendre toutes ses responsabilités dans la politique migratoire et la lutte contre la fraude, qui sont de son ressort.

Sur cette base, l’État renforcera en 2019 le montant des fonds alloués aux départements pour participer au financement de l’accueil de ces mineurs, jusqu’à ce que la question de leur majorité ou leur minorité soit tranchée.

Il mettra aussi en place un fichier national, afin de vérifier que les demandes formulées dans un département ne le sont pas de nouveau quelques mois plus tard par la même personne dans un autre département, engendrant de nouveaux frais d’instruction. Ce fichier sera opérationnel à compter de 2019. Il nous permettra d’éviter les doubles ou triples demandes, qui, vous le savez parfaitement, « embolisent » le système.

Enfin, si la tendance devait se confirmer, l’État prendrait sa responsabilité pour accompagner les départements concernés, sur le fondement des deux principes que j’ai évoqués. Et je parle uniquement de solidarité, et non des mesures visant à dissuader l’arrivée de ces mineurs.

Un certain nombre de départements sont confrontés à des situations particulières, notamment les Hautes-Alpes…

M. Marc-Philippe Daubresse. Le Nord également !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y en a d’autres, en effet, mais la situation a été particulièrement vive dans ce département. Aussi, comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État a pris des dispositions spécifiques pour l’accompagner dans l’exercice de ses missions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

avenir des retraites

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Les lignes directrices de la future réforme des retraites ont enfin été dévoilées. En effet, votre projet de fusion des quarante-deux régimes actuels et de mise en place d’une retraite par points va réduire les pensions des travailleurs et repousser à soixante-trois ans, par un système de décote, l’âge de départ effectif à taux plein. (Mme la ministre des solidarités et de la santé fait un geste de dénégation.)

Ce sont les mécanismes de redistribution et de solidarité que vous remettez en cause, au profit d’une logique individualiste qui fait peser sur l’assuré tous les risques du montant de sa future pension.

Vous accédez par là aux vieux rêves du grand patronat et des marchés financiers d’en finir avec notre système de protection sociale, en livrant ce fabuleux magot des retraites aux intérêts privés. Car jamais les salariés n’auront le nombre de points nécessaires à un niveau de retraite digne. Ils seront donc poussés à recourir aux fonds de pension et à l’épargne privée, pour ceux qui en ont les moyens. Pour tous les autres, ce seront des pensions de misère.

En Suède, ce système par points a entraîné une baisse de 30 % du niveau des pensions.

À l’heure où la révolution numérique va détruire de nombreux emplois, et alors que plus de 1,5 million de seniors ne peuvent déjà ni prétendre à la retraite ni retrouver un travail, reculer l’âge de départ à taux plein est une aberration, un non-sens.

Oui, le système actuel de retraites est inégal et le niveau des pensions insuffisant. Toutefois, plutôt que de remettre en cause les principes de la sécurité sociale, pourquoi ne pas faire contribuer les revenus financiers des entreprises, sans oublier les créations d’emplois et les hausses de salaire, qui sont le cœur du financement de notre protection sociale ? C’est cela, une politique progressiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Gréaume, la réunion qui s’est tenue hier au ministère de la santé, en présence de Jean-Paul Delevoye et des représentants des organisations syndicales, a eu lieu dans un climat de grande confiance. Les propositions avancées à d’issue de cette réunion par le Haut-Commissaire à la réforme des retraites ont été particulièrement appréciées par les organisations syndicales, car elles étaient le reflet d’une très longue concertation – celle-ci a duré six mois –, au cours de laquelle un certain nombre de questions ont été posées.

Aucune organisation syndicale n’a osé tenir les propos que vous tenez dans cette assemblée, madame la sénatrice ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. Écoutez donc ceux qui sont descendus dans la rue !

Mme Agnès Buzyn, ministre. À aucun moment, n’a été remis en cause le système universel de retraite par points, avec une part importante dédiée à la solidarité. Et toutes les organisations syndicales ont reconnu que nous couvrions de nouvelles solidarités, inexistantes dans le système actuel.

À aucun moment, ainsi que le Président de la République s’y était engagé, il n’a été question de reculer l’âge de départ à la retraite.

Les partenaires sociaux ont tous reconnu que ce mode de concertation avait été particulièrement fructueux et qu’il permettait d’engager une nouvelle phase de questionnement sur la gouvernance du futur système et les modalités de transition avec le système actuel.

Nous avons rassuré sur le fait qu’aucune personne actuellement à la retraite ne serait touchée par la réforme, ni aucune personne qui partirait à la retraite dans les cinq ans suivant la promulgation de la loi.

Nous avons enfin acté que cette réforme aurait besoin d’un temps de transition long, de façon à s’adapter aux situations particulières. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

situation politique