M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je tiens à saluer le début des propos de M. Didier Guillaume et du Gouvernement : il est juste de dire qu’il n’y a pas ceux qui seraient pour et ceux qui seraient contre les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées en perte d’autonomie. De la même façon, il n’y a pas, d’un côté, les pragmatiques et, de l’autre, les butés. Il serait beaucoup plus sain pour nos débats de sortir de ce schéma.
Je mesure ce qui a été fait en 2005 et ce qui n’a pas été fait depuis, ou en tout cas insuffisamment. Pour autant, j’avais cru comprendre que le macronisme, c’était l’ambition, la volonté de faire enfin ce qui n’avait pas été réalisé depuis dix, vingt, trente ou quarante ans. Or on nous explique, et je le regrette, que, finalement, c’est compliqué, et parce que c’est compliqué, il faut faire autrement. Pourtant, sur d’autres textes, on sait dire qu’il faut aller jusqu’au bout. C’est en cela que je trouve votre attitude assez choquante.
Vous nous dites que les associations sont favorables, mais ce n’est pas vrai. Nous savons, pour les avoir reçues, qu’elles ne sont pas d’accord avec le projet de loi, spécifiquement avec cet article. Elles demandent donc que nous revenions dessus.
Vous nous expliquez qu’il faut changer le siphon… Nous voyons bien que la question de l’évolutivité n’est pas encore suffisamment claire, tout comme celle du financement. Vous indiquez que les bailleurs sociaux vont financer, mais je vous réponds que, depuis la dernière loi de finances, ils ont du mal à entretenir l’existant. Faire mieux sera donc compliqué. Pour le privé, vous l’avez souligné à juste titre, il n’y a rien d’obligatoire.
J’aurais aimé que vous manifestiez une volonté d’aller beaucoup plus loin, plutôt que d’apparaître comme les initiateurs d’une régression, notamment à travers cet article 18. Voilà pourquoi je voterai les amendements de suppression. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je pense que l’on n’a tout simplement pas la même vision du logement, notamment du logement social, que le Gouvernement. Cela se voit tous les jours, particulièrement ici.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé d’une nouvelle enveloppe pour l’ANAH. C’est bien mignon, mais, vous le savez comme moi, l’enveloppe de 110 millions d’euros en 2018 concerne non pas le sujet dont nous parlons, mais la rénovation thermique.
M. Éric Kerrouche. Vous ne pouvez pas dire que vous avez abondé ces crédits, alors que cela n’a rien à voir !
Quant aux aides à la pierre, en 2017, elles représentaient 200 millions d’euros ; en 2018, 50 millions d’euros ! Ne venez pas nous dire que le logement est votre préoccupation.
Pour en revenir à l’article 18, je rappelle que le Président de la République s’était engagé à organiser l’accessibilité autour de la personne. C’est précisément ce qu’il a dit en mai 2017, lors du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle. Il avait choisi à l’époque le handicap pour sa carte blanche, et il avait dit qu’il ferait du handicap la priorité de son mandat. Cela se voit vraiment beaucoup…
Depuis, vous avez fait ce que vous savez faire le mieux : vous avez été 100 % évolutifs. En effet, avec cet article 18, le Gouvernement revient à la méthode des quotas des années soixante-dix, alors qu’elle avait été abandonnée depuis très longtemps au profit du principe d’accessibilité universelle apparu dans la loi de 1975 et confirmé en 2005 et en 2010, avec la ratification de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées. Pour simplifier, je dirai que la méthode des quotas est discriminante, stigmatisante et qu’elle entraîne, de toute façon, de la ségrégation, que vous vouliez le reconnaître ou pas.
À l’heure où il n’y a que 6 % de logements accessibles, est-il pragmatique, rentable, efficace de revenir sur la question de l’accessibilité ? Bien sûr que non !
Au-delà de la mauvaise anticipation des besoins – j’imagine que ce n’est pas sous la pression des promoteurs –, quelle est cette logique économique dont vous vous gargarisez et que vous revendiquez perpétuellement ? En fait, il n’y a pas de logique, parce que la diminution va ouvrir de nouveaux chantiers de remise aux normes, ce qui aura des coûts fatalement supérieurs à ceux que l’on aurait eu à supporter au moment de la construction initiale. Vous le savez très bien.
Quelle est la cohérence entre l’annonce de votre société inclusive et la raréfaction de l’offre de logements accessibles ? Aucune ! Pas de cohérence, pas de rentabilité et, à mon sens, pas non plus la sacro-sainte efficacité que vous revendiquez tous les jours ! Peut-être aurait-il mieux valu se pencher sur la question de l’accessibilité universelle au moindre coût. Ainsi, nous aurions eu le mérite de ne pas contrevenir aux droits des personnes en situation de handicap, de respecter le principe républicain de l’égalité…
Mme Catherine Troendlé. C’est fini !
M. Éric Kerrouche. … et de préparer l’avenir, qui, comme vous le savez, puisque vous le dites souvent, ne doit jamais être insulté. C’est pourtant exactement ce que vous faites avec cette mesure. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. « Je suis avec inquiétude les débats parlementaires relatifs au projet de loi ÉLAN. S’il était adopté en l’état, ce projet de loi conduirait à une diminution significative de la proportion de logements accessibles aux personnes en situation de handicap que les bâtiments d’habitation collectifs neufs doivent obligatoirement contenir. J’espère que le Sénat français n’abaissera pas la norme en vigueur, telle qu’elle résulte de la loi de 2005. C’est une question d’égalité et de dignité, et cela permettrait au législateur de signifier clairement que l’inclusion des personnes en situation de handicap lui importe. » Ces propos sont de Mme la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Rien que ça !
Nous sommes dans une société qui vieillit, avec une durée de vie qui s’allonge. Dans le même temps, nous sommes dans une société qui ne permet plus ce qu’on appelait le parcours résidentiel. Aujourd’hui, une famille qui entre dans un logement social, dans certaines grandes villes de France, et même dans des zones un peu moins peuplées, n’a plus guère d’espoir de se retrouver un jour dans un logement privatif individuel, dont elle serait éventuellement propriétaire, à cause des difficultés économiques que nous traversons.
Malgré ces deux constats, on vient nous dire qu’il faut réduire le nombre de logements qui seront adaptables en fonction du vieillissement et du handicap. C’est quand même très étonnant.
On nous parle également d’économies. Mais quelles seront les économies réalisées lorsqu’il faudra adapter ces logements ? Tout le monde le sait, cela coûte beaucoup plus cher de rénover un logement que de construire d’emblée un logement adapté. C’est du bon sens, et uniquement du bon sens, ai-je envie de dire.
Quand on me parle d’adaptation, je réponds « avec quel argent ? », vu les ponctions qui ont été opérées sur le budget du logement social et des organismes sociaux dernièrement.
Je salue bien évidemment le travail fait par la commission et par Mme la rapporteur. Je voudrais simplement dire…
M. le président. Merci de conclure, chère collègue ! Vous avez dépassé votre temps de parole, et il y a beaucoup de demandes d’explication de vote.
Mme Monique Lubin. Lorsqu’il s’agit de donner une priorité au demandeur en DALO, c’est une très bonne chose.
Enfin, je rappelle à certains de nos collègues que, si l’on n’avait pas prévu de contraintes dans la loi, rien n’aurait été fait pour les personnes handicapées. Elles passent toujours en dernier,…
M. le président. S’il vous plaît !
Mme Monique Lubin. … et on met toujours les contraintes…
M. le président. Chaque intervenant ne peut pas dépasser son temps de parole de trente secondes !
Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole de deux minutes trente.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Puisque l’on parle de logement évolutif, on peut aussi évoluer dans notre façon d’appréhender les choses. Pour ma part, j’ai cosigné l’un des quatre amendements qui visent à supprimer l’article 18.
Le sujet, il faut le reconnaître, est hautement sensible. Toutes les interventions en témoignent. Le handicap, la dépendance sont des sujets de société.
Quand je suis devenu sénateur en 2007, je n’oublie pas que Paul Blanc m’a beaucoup aidé. Il a été rappelé qu’il s’était particulièrement investi dans cette loi de 2005 et dans ses évolutions.
L’accessibilité préoccupe beaucoup non seulement les élus, mais aussi les propriétaires privés et les bailleurs publics sociaux. Il nous faut trouver des solutions.
On peut comprendre les inquiétudes des organisations représentatives des personnes en situation de handicap, du Conseil national consultatif des personnes handicapées ou même du Défenseur des droits, qui sont des interlocuteurs particulièrement influents. Comment aborder ces sujets sensibles sans pénaliser les personnes en situation de handicap et de dépendance ?
Après avoir entendu les explications très pédagogiques de notre rapporteur, je me rallierai finalement à la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je lisais à l’instant le communiqué du Conseil de l’Europe qui épinglait la France sur cette question, pointant la baisse très sensible du nombre de logements adaptés pour les handicapés en France. Or nous avons déjà un tel retard ! Je prends l’exemple de ma commune, qui compte 38 % de logements sociaux.
M. Philippe Pemezec. La mienne aussi !
M. Martial Bourquin. Il nous manque énormément de logements pour les personnes handicapées et pour les personnes âgées. En retenant un seuil de 10 %, on va automatiquement faire baisser le nombre de logements adaptés.
Il y avait une façon plus innovante d’aborder le problème des mètres carrés qu’a signalé M. le ministre : faire confiance aux architectes. Travaillons avec eux pour qu’ils fassent en sorte que ces mètres carrés soient mieux utilisés ! On a eu deux ou trois occasions de montrer qu’on pouvait mettre aux normes des logements d’une façon différente de celle qu’on utilise habituellement.
Je le répète, il y avait une autre façon de procéder. Ce qui manque, c’est l’innovation. Tout descend verticalement, y compris la décision de baisser le seuil à 10 %. Faisons travailler les intelligences ; travaillons autrement !
En revanche, attention à la suppression des normes que certains appellent de leurs vœux. On ne parle pas de n’importe quelles normes : on parle de la société inclusive, c’est-à-dire le droit pour les personnes handicapées d’avoir une vie à peu près normale. Je vous mets en garde : dans beaucoup de villes, mais aussi en zone rurale, certaines personnes n’auront pas de logement adapté au handicap.
On nous dit qu’il faut faire des économies. Mais transférer à d’autres le coût de l’adaptation des logements, ce n’est pas ça une vraie économie ! À coup sûr, les collectivités territoriales et les associations, notamment, devront supporter le reste à payer. La FNATH a dénoncé, dans un communiqué, une « absurdité sociale » : elle a raison !
M. le président. Merci de conclure, monsieur Bourquin !
M. Martial Bourquin. Le Gouvernement travaille mal sur cette question. La priorité « handicap » est enterrée avec le projet de loi ÉLAN. (M. Bernard Jomier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je suis sensible à l’argument de l’adaptabilité et de l’évolution des logements. C’est un problème majeur.
Cela a été dit, au cours de la vie, les situations changent et même les types de handicap, et donc les besoins, sont différents. (Mme Catherine Troendlé acquiesce.) Pour quelqu’un qui est en fauteuil, on adaptera la salle d’eau et les toilettes ; pour un malvoyant, on évitera de poser trois marches entre la cuisine et la salle à manger ; pour une personne âgée, on multipliera les points d’appui pour qu’elle puisse se déplacer. C’est l’évidence même, et c’est dans cette voie, selon ces principes, qu’il faut aller.
Martial Bourquin a raison d’en appeler à l’inventivité de chacun, pour trouver les bonnes formules, pour privilégier les travaux simples, comme on dit, ceux qui ne touchent ni à la structure ni aux réseaux d’eau, d’électricité et autres fluides.
La question du quota, de ce fameux quota, est plus délicate. D’abord, en faut-il vraiment un ? Je n’en suis pas persuadé, car il doit être possible de s’adapter au cours du temps. Et s’il en faut vraiment un, lequel choisir ? Certains penchent pour 10 %, ce qui garantirait, selon eux, le financement. La commission propose 30 %, dans un souci d’équilibre. Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour trancher.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Richard Yung. Nous réservons donc pour l’instant notre vote sur cette question du quota.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je dirai d’abord à mon collègue Didier Guillaume, en toute fraternité, que, pour ce qui me concerne, je n’ai aucun problème avec la conflictualité des débats et, donc, aucune raison de récuser cette expression, car c’est dans ces moments-là qu’émergent les idées.
Ici même, différents groupes coexistent, il y a encore une gauche et une droite. Certains soutiennent le Gouvernement, d’autres non. Dès qu’on est un peu gêné aux entournures, on prononce la formule magique : « Ici, c’est le Sénat, attention, il n’y a pas les “pour”, d’un côté, les “contre”, de l’autre ! »
M. Didier Guillaume. Je n’ai pas dit ça !
M. Fabien Gay. Nous appartenons tous à des groupes politiques, avec des opinions différentes. Lorsque ne subsistera plus au Sénat qu’un seul groupe politique, monsieur Guillaume, je voterai pour vous comme président de ce groupe ! (Mme Cécile Cukierman s’esclaffe.) Mais, pour l’instant, nous sommes dans le débat, et la conflictualité est nécessaire. Ça n’empêche aucunement le respect.
La question qui nous est posée, vous avez raison, monsieur le ministre, est hautement politique. Pouvons-nous réformer, innover, moderniser le pays, en rognant des droits et en revenant sur des acquis sociaux ? Depuis un an, vous avez répondu « oui » sur la question du travail, sur la réforme de la SNCF, sur tout un pan de la société, et vous êtes en train de répondre « oui » sur la question du logement. Autrement dit, selon vous, moderniser, simplifier, ça suppose de revenir sur une avancée sociale en faveur des personnes en situation de handicap. Pour notre part, nous nous y refusons.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà eu cet échange en commission des affaires économiques : qui va financer ? Vous y apportez une réponse, qui n’est pas satisfaisante. Pour le logement public, dites-vous, le financement sera à la charge des bailleurs. Mais vous venez de les amputer de 1,5 milliard d’euros ! Et la situation ne va pas s’arranger. Donc, qui va payer ? Ça s’annonce compliqué.
Pour le logement privé, vous le reconnaissez vous-même, personne ne pourra contraindre les bailleurs. Ça s’annonce tout aussi compliqué. Un propriétaire qui aura le choix entre louer à une personne en situation de handicap et louer à une personne valide, mais dont le logement n’est pas adapté, choisira de louer à la seconde. C’est ce qui se passe dans la vraie vie !
M. le président. Merci de conclure, monsieur Gay.
M. Fabien Gay. Je conclurai, monsieur le président, en remerciant chacune et chacun de son attention ! (Sourires et applaudissements sur diverses travées.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous avons eu un débat quelque peu passionné, mardi soir, dans ce même hémicycle, sur la question de la régulation des décisions et des mesures prises, car il n’est pas toujours facile d’identifier ceux qui en bénéficient réellement.
Ce matin, nous sommes, me semble-t-il, confrontés à la même problématique. Un argument a été maintes fois répété : il est possible de récupérer, dans un certain nombre de logements, 5 ou 6 mètres carrés, mais davantage sur les pièces habitables que sur les couloirs ou la salle de bains. Peut-être, et encore, ces quelques mètres carrés pourraient-ils être « rendus » aux pièces habitables dans les zones détendues, mais qu’en sera-t-il en zones tendues, où on est à la recherche de la rentabilité maximale, et donc du moindre mètre carré disponible ?
Très honnêtement, croyez-vous vraiment que ces 5 ou 6 mètres carrés, qui ne seraient plus consacrés à la mise en accessibilité des logements neufs, seront rendus aux pièces habitables ? Je n’y crois nullement, tant la démonstration m’a souvent été faite, ici, qu’à la fin, selon la loi du marché, c’est toujours le plus fort qui gagne.
En définitive, ces quelques mètres carrés ne seront gagnés pour personne. Ils seront perdus pour les personnes en situation de handicap, exclues ainsi de l’accès à un certain nombre de logements, ainsi que pour les autres, qui vivront dans des logements de moindre qualité, où se déplacer sera même plus difficile.
Disons les choses telles qu’elles sont. Pour une famille de trois enfants, et je sais de quoi je parle, un couloir suffisamment large, une salle de bains suffisamment grande, ça évite de se marcher dessus, car, parfois, il y a des paires de claques qui se perdent ! (Exclamations ironiques sur de nombreuses travées.) Même si c’est interdit, c’est ça aussi la vraie vie !
Nous voterons donc ces amendements de suppression de l’article 18.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Que nous soyons tous les défenseurs des personnes à mobilité réduite, c’est l’évidence même. Il n’empêche, la mesure proposée est clairement discriminatoire.
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Guillaume Gontard. Il y a tout de même matière à discuter. Qu’il faille construire vite, d’accord ; moins cher, pourquoi pas, mais, que je sache, la qualité de vie a un coût ; mieux, je m’interroge, car je ne vois pas à quoi cela correspond.
La construction de logements devrait profiter à tout le monde. En l’espèce, on fait comme si on ne construisait que pour une certaine partie de la population, charge à l’autre de s’adapter, en changeant une cloison, en enlevant une baignoire, en refaisant la salle de bains, pour peu que cela ne coûte pas trop cher.
Depuis quand fonctionnons-nous ainsi ? Si nous suivons cette logique d’aller vers le moins cher, de construire à bas coûts, pourquoi ne limitons-nous pas la hauteur des logements à 1,80 mètre ? Cela conviendra aux personnes de petite taille ; quant aux plus grandes, elles n’auront qu’à se baisser ! Cette logique est complètement absurde.
Je le redis, il faut construire pour l’ensemble de la population, donc pour des gens différents, pour ceux qui sont en fauteuil roulant comme pour ceux qui sont âgés ou en passe de le devenir. Je suis moi-même architecte. Pour avoir adapté un certain nombre de logements, je sais que ce n’est pas si simple. Il faut tenir compte du fait que les gens sont déjà en place, sans compter que tout a un coût, qu’il s’agisse de refaire une salle de bains, d’agrandir une chambre. Au bout du compte, rendre accessible un logement déjà existant coûte plus cher.
Il a été question d’innovation. Lorsqu’un architecte, un maître d’œuvre prend en main un projet et sait qu’il doit le rendre adaptable du début à la fin, il ne conçoit pas son bâtiment de la même manière et, surtout, il crée de la qualité de vie pour l’ensemble de ses concitoyens. J’y insiste, nous ne pouvons accepter une telle mesure discriminatoire.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Ayant le privilège de faire partie de l’ancien monde, je me souviens – j’étais tout jeune, je vous rassure – d’avoir, en tant que chargé de mission auprès du regretté Philippe Séguin, participé à l’élaboration de la première loi Handicap, celle de 1987, qui portait essentiellement sur l’emploi. À l’époque, nous avions, nous aussi, fixé des quotas. Nous en étions très fiers, la loi avait été votée à une large majorité : magnifique ! Vingt années plus tard, alors que j’étais devenu secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, voilà qu’on me dit qu’il faudrait faire le bilan de cette loi. Que dire, sinon que ça s’annonçait plus difficile, plus délicat ? Même si ça pouvait paraître incompréhensible, vingt ans après le vote de la loi, lesdits quotas n’étaient en réalité toujours pas appliqués.
Il y a toujours une part d’idéal : on y croit, on le fait voter. Puis il y a la réalité, dont il vaut mieux tenir compte. C’est d’ailleurs ce que le gouvernement a fait en 2005, puis en modifiant la loi de 1987 en 2008-2009, y compris sur les quotas d’emploi. Il vaut mieux faire bien, parce que, parfois, le mieux est l’ennemi du bien.
En la matière, messieurs les ministres, la position de la commission me paraît la bonne. À quoi bon viser les 100 % de logements accessibles, si ce n’est pour nous autocongratuler ? Nous le savons, cela ne fera que diminuer le nombre de logements construits et augmenter les coûts. Ce n’est pas ainsi que nous rendrons service à nos concitoyens. Proposer un seuil de 30 %, compte tenu des conséquences à venir du vieillissement et de la dépendance, c’est évidemment mieux que 10 %.
Il est un sujet dont nous ne parlons pas suffisamment, c’est comment trouver les moyens pour changer tout le stock, car c’est le stock qui va poser problème. (M. le ministre et M. le secrétaire d’État acquiescent.)
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Roger Karoutchi. Il est aujourd’hui très insuffisant.
M. le président. Merci de conclure, monsieur Karoutchi !
M. Roger Karoutchi. Je soutiens la commission, et je suis prêt à soutenir le Gouvernement s’il trouve des moyens à cette fin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour explication de vote.
M. Jean Sol. Quand je vois où nous en sommes aujourd’hui en matière d’accessibilité dans les lieux recevant du public et de délais impartis en vue d’obtenir des autorisations d’aménagement et de travaux pour nos personnes handicapées, permettez-moi d’être sceptique sur la mesure qui nous est proposée.
Cela étant, je retire mon amendement au profit de la proposition de la commission, qui vise à porter le seuil à 30 %. Je forme le vœu, messieurs les ministres, qu’elle s’applique à tous et sur tout le territoire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je voterai pour la suppression de l’article 18, motivée par ce que nous ont dit les associations : le logement représente, avec la chaîne de déplacement, l’un des éléments essentiels pour favoriser l’autonomie des personnes handicapées et leur intégration à la société. Le compte n’y est pas, et le cap fixé au travers de cet article est un bien mauvais signal qui est envoyé.
Je m’appuierai également sur l’avis rendu par le Défenseur des droits le 11 mai dernier. Celui-ci voit dans ces mesures une fragilisation du droit au logement pour tous et en demande clairement le retrait.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Notre groupe ne votera pas la suppression de l’article 18 proposée par plusieurs de nos collègues, tout en partageant, bien évidemment, l’esprit qui les anime. Le budget pour 2018, je l’avais rappelé en commission, a tout de même fortement altéré les finances des organismes de logements sociaux. À l’évidence, il importe de trouver des moyens tant pour les logements existants que pour les logements futurs.
Nous souhaiterions tous pouvoir arriver à l’objectif idéal, celui d’une société inclusive et totalement accessible. Il paraît aujourd’hui bien lointain, compte tenu des finances des bailleurs et de l’incapacité actuelle de l’État à nous dire précisément par quels instruments il entend accompagner financièrement l’accessibilité et l’évolutivité. Dans ces conditions, il est pour le moins compliqué de viser les 100 % de logements accessibles.
Nous nous sommes rangés derrière la position de la commission, qui défend les 30 %. M. Karoutchi l’a rappelé, cela permettra de couvrir non seulement la part de la population actuellement en situation de handicap, mais également d’anticiper la perte d’autonomie de nos personnes âgées. Aujourd’hui, 2 millions de personnes ont plus de quatre-vingt-cinq ans ; elles seront 4,8 millions à l’horizon de 2050.
Tous ici, et vous-mêmes au premier chef, messieurs les membres du Gouvernement, nous défendons le maintien à domicile de nos personnes âgées dépendantes. Comment faire en sorte que ces ambitions se conjuguent si nous n’avons pas mis en place les conditions pour que, dès le départ, au moins 30 % des logements concernés soient accessibles ?
Par ailleurs, et j’y reviendrai au travers d’un amendement que nous défendrons, qu’est-ce réellement que l’évolutivité des logements ? Sa définition actuelle est-elle suffisante ? Comment sera-t-elle financée ? Comment parler de logement évolutif et accessible quand la chambre à coucher n’est même pas incluse dans le périmètre actuel du dispositif ? Il y a un vrai sujet, qu’il faudra préciser lorsqu’il viendra en débat.
Nous nous rangeons au principe de réalité, qui n’enlève rien à notre volonté de construire une société inclusive. Monsieur le ministre, rester au-dessous de 30 % de logements accessibles, ce n’est ni sérieux ni acceptable ; c’est même contradictoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. On ne peut pas isoler ce débat de tout le reste. Le projet de loi, il faut l’assumer, va conduire à privatiser le logement social. Fabien Gay a eu raison de le dire, et tous les élus le savent ici, le privé n’aura pas la même approche ni le même comportement que le public, tout simplement parce que l’AAH ne présente pas de garantie du fait de son caractère insaisissable.
Messieurs les ministres, si nous en restions au seuil de 10 % que vous proposez, ça reviendrait à créer, selon les données de construction et les projections démographiques de l’INSEE, 2 300 appartements accessibles dans le parc social, soit un appartement accessible pour 30 000 habitants, parmi lesquels 1 800 sont âgés de quatre-vingts ans et 160 sont victimes d’un accident invalidant. Comment pourrions-nous l’accepter en vertu de je ne sais quelle frontière partisane ou idéologique ?
Pourquoi les interrogations de ma collègue Cécile Cukierman restent-elles sans réponse ? Votre mesure soulève la question du recours aux soins à domicile : l’avez-vous au moins prise en compte, et pourquoi ne pas vous être rapprochés de votre collègue ministre de la santé ?
Monsieur Karoutchi, vous avez tout aussi raison d’insister sur la nécessité de réfléchir au passif. Je vous le dis, le 1 %, c’était l’ancien monde. Nous le savons tous, la contribution des entreprises est loin d’atteindre ce niveau, puisque, grâce à différents gouvernements, elle est passée à 0,45 % de la masse salariale.
Comme il ne saurait être question de parler du handicap ou du vieillissement en dehors du contexte social, politique et économique voulu par la majorité actuelle, il va nous être proposé, dans le cadre du projet de loi PACTE, de faire passer de vingt à cinquante salariés le seuil au-delà duquel l’entreprise est censée contribuer au fameux 1 % logement, qui ne représente donc que 0,45 %.
Franchement, quelle honte de ne pas avoir suivi Guillaume Gontard sur la question des ascenseurs, alors que la France, nous a-t-il dit, est l’un des trois derniers pays en Europe, avec la Hongrie et la République tchèque, à résister à toute évolution en la matière !