M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Marc Daunis. Pour conclure, j’indique que nous espérons que le débat permettra de consolider un équilibre entre communes, intercommunalités, politiques publiques et intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, construire plus, mieux et moins cher : voilà l’objectif affiché du projet de loi, qui ne peut cependant pas être dissocié de la dernière loi de finances.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous auriez dû, à mon sens, ajouter à ce triptyque quatre mots : avec moins de moyens… En effet, depuis l’automne, les bailleurs sociaux ont fait leurs comptes : les mesures de contrepartie à la baisse des loyers adoptées en loi de finances ne compenseront pas, loin de là, la chute de leur autofinancement. Les prêts de haut de bilan de la Caisse des dépôts et consignations, le rallongement des prêts en cours ou l’enveloppe de prêts à taux bonifiés par le blocage du taux du livret A ne leur redonneront qu’une petite partie de ce que leur coûte la réduction de loyer de solidarité. De la même manière, le recentrage du prêt à taux zéro et du dispositif Pinel aura des conséquences sur le nombre de logements construits.
Construire plus, mieux et moins cher, mais avec moins de moyens : voilà donc le pari risqué du Gouvernement. Nous allons essayer pendant cette longue semaine, à travers de multiples dispositions, de redonner un peu d’oxygène au secteur, mais sans moyens budgétaires.
Vous comptez d’abord sur la réorganisation des bailleurs sociaux, dont vous attendez des économies d’échelle. C’est évidemment possible, mais à quelle hauteur ? Toute la question est là.
Quant à la vente de logements sociaux, autre mesure phare de votre réforme, l’objectif de 40 000 logements par an me semble inatteignable, malgré les montages financiers que vous imaginez, sans parler de ceux dont rêvent certains, mais qui conduiraient à une quasi-privatisation d’une partie du secteur du logement social, dont j’espère bien que nous tuerons dans l’œuf, ici, au Sénat, toute velléité.
En ce sens, je vous proposerai de supprimer la disposition issue de ce que certains ont appelé l’« amendement Monopoly », relatif à l’usufruit locatif social, étonnamment adopté sans aucun débat à l’Assemblée nationale et avec un surprenant avis favorable du Gouvernement. Depuis lors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes voulus rassurants. Dont acte ! Nous verrons au cours de nos débats ce qu’il en est réellement.
S’il est effectivement envisageable de vendre des logements sociaux, en prenant les précautions nécessaires pour protéger les locataires et les futurs acquéreurs, il serait inacceptable que cela se fasse au bénéfice d’intérêts privés profitant d’un bel effet d’aubaine : l’assèchement des finances des bailleurs, organisé par l’État lui-même. Le capital que représentent ces logements, financés en grande partie sur fonds publics, s’il peut être mobilisé, doit évidemment rester dans le giron public.
Au-delà des aspects financiers, il faut également bien mesurer le risque que la vente d’HLM représente, car, à l’évidence, les logements que l’on vendra seront les mieux situés, les mieux entretenus et ceux dont les locataires en auront les moyens. Concentrer à nouveau les ménages les plus pauvres ou en prendre le risque serait une grave erreur en matière de mixité sociale, bien sûr, mais également pour l’équilibre des budgets des bailleurs.
Espérons donc qu’ils manieront cet outil avec précaution et surtout que nos communes, en particulier les maires, seront étroitement associées aux prises de décisions, pour en limiter les conséquences.
Quant à la circulation des capitaux au sein des nouvelles entités, sociétés anonymes de coordination ou groupes, elle sera certes utile, mais ce n’est pas parce que nous aurons branché de nouveaux tuyaux que la source des financements que vous aurez contribué à réduire retrouvera son débit précédent…
Voilà pourquoi je suis persuadé qu’il ne sera pas possible de construire plus. Je doute même que nous soyons en mesure de construire demain autant qu’au cours des deux dernières années.
Je vous suggère donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour ajuster votre ambition à la situation que vous allez créer, de la limiter à cette formule : construire au moins autant, mieux et moins cher, avec moins de moyens. Si nous y parvenions, ce serait déjà un beau résultat.
Comment, en effet, ne pas s’inquiéter du nombre de logements sociaux financés en 2017 ? À 113 000, il a déjà marqué une inflexion par rapport aux 126 000 de 2016.
Chacun sait que c’est au dernier trimestre que le chiffre de l’année se construit, lorsque les dossiers sont remontés du terrain et que l’ajustement de la répartition des aides à la pierre est opéré par le FNAP. Au reste, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cet établissement attend toujours de retrouver un président, après que le sortant a démissionné pour protester contre vos décisions de l’automne dernier : qu’attendez-vous ?
À l’évidence, à la fin de 2017, nombre de bailleurs, dans l’incertitude sur leur avenir, ont levé le pied. La période de réorganisation qui s’ouvre produira probablement les mêmes effets.
Pendant ce temps, les maires, qui portent les objectifs de construction que l’État leur assigne, par exemple au travers de l’article 55 de la loi SRU, ou ceux inscrits dans les schémas régionaux ou intercommunaux, vont se retrouver entre le marteau et l’enclume. Vente d’HLM d’un côté, opérateurs disposant de moins de moyens de l’autre, collectivités territoriales aux budgets fortement contraints : il ne faudra pas oublier, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la part de responsabilité qui aura été la vôtre, si jamais les objectifs ne sont pas atteints.
Certes, notre pays doit réaliser des économies pour revenir à l’équilibre budgétaire et inverser enfin la courbe de la dette publique. Mais, pour ce faire, fallait-il s’attaquer ainsi, avec une telle brutalité, à ce secteur d’activité ? Je ne le crois pas.
Oui, la France consacre plus de 40 milliards d’euros par an à la politique du logement, dont près de la moitié est destinée aux aides personnelles, qui sont, je le rappelle, les aides les plus redistributives de notre système social !
Le Président de la République a appelé, lors du dernier Congrès à Versailles, à la construction de « l’État providence du XXIe siècle ». Belle formule… Mais que recouvrera-t-elle vraiment ?
En ce sens, le secteur du logement aurait dû rester une priorité. Il ne l’est plus, sauf pour Bercy, mais qui n’y voit que l’un des premiers postes d’économies possibles. Pourtant, aussi bien pour la croissance et les rentrées fiscales qu’il engendre que pour l’emploi non délocalisable qu’il procure, le secteur du logement est essentiel au dynamisme de notre économie.
Pour les Français, le logement est, comme l’emploi, une préoccupation centrale. De fait, un logement digne et abordable est l’une des conditions essentielles de la construction d’un projet de vie, l’une des conditions essentielles de la réussite scolaire des enfants des familles les plus modestes, l’une des conditions essentielles de la cohésion sociale.
La question est donc de savoir quelle place le Président de la République entend donner au logement dans le cadre de ce nouvel État providence. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vos premières décisions nous inquiètent plutôt.
Ainsi, réduire le montant des aides personnelles, comme vous vous apprêtez à le faire de nouveau, pour près de 1 milliard d’euros, si j’ai bien compris, dans la prochaine loi de finances, serait prendre le risque d’aggraver les difficultés des ménages les plus pauvres.
M. Xavier Iacovelli. C’est vrai !
M. Philippe Dallier. L’autre moitié de ces 40 milliards d’euros est consacrée, directement ou indirectement, aux aides à la construction. Les réduire, c’est prendre le risque de voir chuter le nombre de logements construits, y compris en accession à la propriété, car, aujourd’hui, de nombreuses opérations sont mixtes ; c’est pénaliser la classe moyenne, qui est déjà la grande oubliée de votre politique depuis le début de ce quinquennat.
Un mot, pour terminer, de l’article 55 de la loi SRU.
Tout le monde sait – en tout cas ceux qui ont un jour exercé des responsabilités locales – que l’objectif de 25 % de logements sociaux en 2025 est inatteignable pour nombre de communes, même pour celles qui ont jusqu’ici parfaitement respecté la loi et n’ont donc jamais été carencées.
Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, daté de 2015 ne disait d’ailleurs pas autre chose : il annonce que, au terme de la période triennale en cours, dans de nombreux départements, le nombre des communes carencées sera multiplié par trois, c’est-à-dire que la part de ces communes atteindra 60 %. En conséquence, le CGEDD préconise le recrutement de fonctionnaires dans les préfectures…
M. Philippe Pemezec. Ah non !
M. Philippe Dallier. … pour gérer, en lieu et place des maires, le droit de préemption des communes et la mise en œuvre de toutes les sanctions prévues par la loi – vous savez qu’elles sont nombreuses. Cela, mes chers collègues, est absurde ! Lorsque la loi fixe, avec les meilleures intentions du monde, des objectifs devenus impossibles à atteindre, il faut changer la loi.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous prêts à accepter des accommodements raisonnables qui, sans dénaturer l’esprit de la loi, permettraient de l’adapter aux diverses situations de nos territoires ? Il le faut, car rien ne serait pire que de décourager définitivement les maires qui sont engagés dans la construction de logements sociaux, contrairement à la poignée de ceux qui ne veulent rien faire et le proclament haut et fort.
Notre commission a repris l’idée d’un contrat territorial plus souple, déjà promue lors de l’examen de la loi Égalité et citoyenneté, en rendant ce contrat dérogatoire et expérimental. J’espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous irez dans ce sens.
Pour ma part, je vous présenterai un amendement visant à prendre en compte la situation des communes qui accueillent déjà de nombreuses de familles pauvres, mais qui ne disposent pas de 25 % de logements sociaux. Il en existe en Seine-Saint-Denis, comme dans le Nord et le Pas-de-Calais, en assez petit nombre au total. Ce qui distingue ces communes, c’est qu’elles sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine et qu’elles ont parfois un taux de familles pauvres de 25 %, voire de 30 %, dans le parc locatif public et privé.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Dallier. Pour ces communes, une proportion de 25 % de logements sociaux reviendrait à les déstabiliser encore, d’où l’amendement que je présenterai les concernant.
J’espère sincèrement me tromper en anticipant une baisse du nombre des logements construits dans les prochaines années, car rien ne serait pire pour notre économie et pour les Français.
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Philippe Dallier. Pourvu que vous ayez raison, pourvu que l’avenir me donne tort : je ne demande pas mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mon cher collègue, vous avez largement dépassé votre temps de parole…
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’encouragement à concentrer les activités économiques dynamiques dans les métropoles a contribué, comme notre groupe l’a toujours souligné lors des réformes territoriales, à accentuer les fractures territoriales et, incidemment, la crise du logement. Cette situation illustre malheureusement l’accroissement des inégalités dans les villes et leur périphérie, comme dans la ruralité.
De façon générale, nos concitoyens aspirent à juste titre à un meilleur cadre de vie, mais également à un accès équitable aux services publics, aux transports et aux activités culturelles, quel que soit leur lieu d’habitation. Certes, quelques évolutions changent petit à petit la donne : nouvelles mobilités, télétravail, développement de l’autoentrepreneuriat, organisation par les entreprises des déplacements de leurs salariés. Autant de tendances qui réduisent les tensions sur le logement dans les grandes agglomérations. Pour autant, la succession des lois a surtout donné l’impression d’une cohésion territoriale inatteignable.
Le présent projet de loi apporte, à notre sens, des réponses pragmatiques et concrètes, qui correspondent aux attentes. J’en évoquerai quelques-unes dans le temps qui m’est imparti.
L’accès au logement passe incontestablement par un renforcement de l’offre, alors que les normes de construction ont connu une inflation de 60 % au cours de la dernière décennie. La volonté de simplifier est indispensable, afin de donner une lisibilité aux normes et de faciliter l’innovation par la numérisation.
Dans le même esprit, nous soutiendrons des mesures fortes et attendues : libération du foncier public, transformation des bureaux vacants en logements, création de grandes opérations d’urbanisme, dématérialisation de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et lutte contre les recours abusifs.
Nous approuvons également les dispositions qui renforcent le rôle du parc social, tout en encourageant la rotation, notamment en Île-de-France.
Dans son rapport public annuel de 2017, la Cour des comptes a signalé que 48 % des ménages résidant dans les logements sociaux ne sont ni modestes ni défavorisés, ce qui tend à évincer le public prioritaire. Or cette situation concerne la moitié des ménages situés sous le seuil de pauvreté.
L’accès au logement social doit donc avoir lieu dans des conditions justes et mieux adaptées aux capacités financières des locataires. Le projet de loi va dans ce sens, en généralisant la cotation de la demande pour accroître la transparence des attributions.
Enfin, monsieur le ministre, je vous sais soucieux d’élargir l’accès à la propriété des Français, dans un contexte de mobilités accrues et de nouvelles formes de travail.
Plus globalement, le projet de loi est l’occasion d’apporter à nos concitoyens de nouvelles garanties sur un sujet au cœur de leurs préoccupations quotidiennes.
Vous l’aurez compris, notre groupe porte un regard très favorable sur ce texte, qui ne crée pas de contraintes supplémentaires et rejoint les principes que nous défendons depuis des années, dans un souci de pragmatisme et de simplification. Nous veillerons donc scrupuleusement à ce qu’il ne soit pas dénaturé. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le projet de loi dit ÉLAN, qui porte sur un sujet crucial pour notre société : la crise du logement. Il en découle une préoccupation à laquelle nous sommes très attachés au Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des territoires : la revitalisation des centres-villes, à laquelle tout un volet du projet de loi est consacré, à l’article 54. J’ajouterai, monsieur le ministre, la revitalisation des centres-bourgs. Je crois qu’il y a là un choix et un enjeu de société majeurs.
Avant tout, je tiens à remercier les différentes commissions saisies sur ce projet de loi. Je salue en particulier nos collègues rapporteurs, Dominique Estrosi Sassone, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Leleux et Patrick Chaize, pour le travail qu’ils ont accompli. Leur tâche n’était pas facile, compte tenu du peu de temps qui nous a été accordé pour travailler sur ce projet de loi.
Monsieur le ministre, le 14 juin dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés, par 288 voix pour et aucune contre, la proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, soutenue par 240 sénateurs. Seule une partie du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche s’est abstenue, mais j’ose croire que cette abstention était positive…
M. Jean-Claude Requier. Elle n’était pas négative ! (Sourires.)
M. Rémy Pointereau. Quoi qu’il en soit, l’adoption unanime de ce texte est la preuve qu’il fallait s’attaquer aux fléaux qui rongent nos cœurs de ville.
M. Rémy Pointereau. Je ne reviendrai pas sur son contenu. Toutefois, avec notre collègue Martial Bourquin, coauteur de la proposition de loi, je me réjouis que la commission des affaires économiques ait inscrit dans son texte les dispositions que nous jugeons nécessaires pour mettre un terme à la culture de la périphérie et renouer avec celle de la centralité, tout en tenant compte du changement de comportement des consommateurs, qui se tournent vers le e-commerce. Bref, pour éviter, monsieur le ministre, que, comme vous le disiez, les mêmes causes ne produisent les mêmes effets…
Ces dispositions, vous les connaissez. Il s’agit d’abord de rénover en profondeur le système de régulation des implantations commerciales, grâce, notamment à une nouvelle composition des CDAC, les commissions départementales d’aménagement commercial, pour mieux représenter le tissu économique du territoire et les élus locaux. Il s’agite ensuite de réduire le seuil d’autorisation d’implantation commerciale, cette fois dans les périmètres ORT, et non OSER. Vous voyez, monsieur le ministre, que nous sommes conciliants…
M. Rémy Pointereau. Nous proposons aussi un processus de délivrance d’installation commerciale soumis à une étude d’impact, qui devra tenir compte du tissu économique existant.
En somme, ces mesures forment un ensemble cohérent, avec des objectifs fixés par le pacte national, au service de la reconquête de nos centres-villes au sens large – car l’enjeu n’est pas seulement commercial, mais également urbanistique. Il faut que les habitants se réapproprient les cœurs de ville, pour que ceux-ci se repeuplent.
Nous étions également dépositaires de plusieurs amendements examinés en commission. Nous avons choisi de ne proposer que des dispositions susceptibles d’être conjuguées avec celles que vous nous proposez, conformément à l’esprit de la conférence de consensus sur le logement voulue par le président du Sénat, Gérard Larcher.
Ainsi, nos dispositions visant à rééquilibrer la fiscalité entre commerces de proximité, de périphérie et électronique n’ont pas fait l’objet de nouveaux amendements, à l’exception d’une mesure, qui donnera lieu à un amendement d’appel destiné à rappeler que, sans de nouvelles recettes fiscales, nous ne pourrons absolument rien faire.
Je connais les réticences de Bercy et des commissions des finances. Simplement, je tiens à souligner que, dans le cadre de l’élaboration de notre proposition de loi, nous avons estimé les recettes de cette fiscalité à environ 1 milliard d’euros par an. Si nous les fusionnions avec le financement issu des ORT, nous serions encore mieux armés pour aider nos collectivités territoriales dans leurs projets de revitalisation. Mais, comme il a été dit lors de l’examen de notre proposition de loi, rendez-vous au prochain projet de loi de finances !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est mobilisé pour faire bouger les choses. Contrairement à certaines idées reçues, nous sommes des progressistes, mais des progressistes soucieux d’aller dans le bon sens. C’est dans cet esprit que nous vous présenterons d’autres amendements.
Monsieur le ministre, ce que nous voulons par-dessus tout, c’est enrichir la future loi ÉLAN par les dispositions de notre proposition de loi, qui sont attendues et soutenues par les associations d’élus – Association des maires de France, Association des maires ruraux de France et Association des petites villes de France –, mais également par les associations professionnelles de commerçants. Ne les décevons pas !
Donnons des raisons d’espérer à nos millions de compatriotes qui vivent dans des villes et villages trop souvent délaissés et conservons la place des collectivités territoriales, plus particulièrement le rôle des maires, dans la mise en œuvre des politiques locales de l’habitat et de l’aménagement des territoires.
M. le président. Il faut conclure !
M. Rémy Pointereau. Notre volonté commune est de réanimer nos cœurs de ville. Au fond, il n’y a qu’une seule question à se poser :…
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Rémy Pointereau. … voulons-nous vivre demain dans une ville à l’américaine, avec un centre sans vie et une périphérie faite de friches commerciales, ou dans une ville à l’européenne, avec un vrai centre-ville, du lien social et culturel et un commerce vivant et animé ? C’est cette seconde ville que nous souhaitons, au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je demande aux orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole, car il nous reste une proposition de loi à examiner cet après-midi.
La parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la politique du logement est celle qui participe à toutes les politiques publiques : politiques sociales et d’inclusion, politiques d’innovation, politiques environnementales – on parle de sobriété énergétique –, politiques d’aménagement et d’équité du territoire. La politique du logement est par essence la politique d’aménagement du territoire.
Il faut donc se demander : où et comment générer la ville à travers la construction de logements ? Pour qui construit-on ? Comment répartir la population sur un territoire en tenant compte des mobilités et des infrastructures ? Comment protéger la qualité de vie en construisant du logement de qualité ?
On voit bien là le rôle primordial des collectivités territoriales et des élus locaux. C’est sur eux que s’appuient les politiques de l’habitat.
Le projet de loi ÉLAN vise à construire plus, mieux et moins cher. Son objectif apparaît essentiellement quantitatif. Mais un logement, c’est avant tout un lieu de vie intime : on s’y sent bien à condition qu’il corresponde à ses aspirations et que l’environnement vu depuis sa fenêtre, ou lorsque l’on sort de chez soi, est source de bien-être.
Voilà pourquoi les architectes et les architectes des Bâtiments de France, en liaison avec les urbanistes et les paysagistes, ont un rôle majeur à jouer en matière de construction de logements. C’est pour cela que la commission de la culture du Sénat et son rapporteur pour avis, Jean-Pierre Leleux, se sont attachés à remettre la dimension qualitative au cœur du projet de loi. En effet, construire vite et moins cher ne saurait se substituer à construire bien le paysage, qu’il soit urbain ou non. Le patrimoine, les espaces verts et publics, la qualité architecturale sont autant d’éléments nécessaires à la qualité de vie à laquelle tous nos concitoyens aspirent. Ils doivent donc être au cœur du projet.
Un élément positif est à souligner dans ce texte : il est pleinement en résonance avec la proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin et aborde la dimension multifactorielle de la politique du logement pour revitaliser les centres-villes et centres-bourgs. Veiller aux commerces, aux services et à la qualité de vie est une condition essentielle pour redonner envie de vivre dans le cœur de nos villes et de nos bourgs ! Nous soutiendrons donc cette vision globale, clé d’une politique du logement réussie.
Toutefois, de grands défis se présentent encore à nous : le mal-logement, la précarité croissante, la dégradation du parc ancien à réhabiliter, la lutte contre l’étalement urbain, la désertification rurale, le vieillissement, les nouveaux besoins des familles, le retour de la nature en ville, le retour de la mixité sociale dans de nombreux quartiers, et j’en passe. Ces défis, il va bien falloir y répondre de manière globale, coordonnée et avec un financement. Ce sera forcément sur le terrain, avec les collectivités territoriales, les élus locaux, les acteurs de la construction et les habitants que cela se jouera.
Le projet de loi ÉLAN propose, certes, des outils utiles, mais qui restent partiels face à ces défis. Notre groupe, comme d’ailleurs nos collègues de toutes les autres travées, a cherché, à travers de nombreux amendements, à apporter sa pierre à l’édifice, pour une meilleure adéquation entre les besoins quantitatifs et qualitatifs des citoyens et ceux des territoires et des collectivités territoriales.
Bien construire du logement, c’est bien construire notre société et permettre à chacun de bien se construire. Je m’associe à Valérie Létard pour affirmer cet objectif au nom de notre groupe. Nous suivrons l’évolution de cette discussion avec la plus grande attention et beaucoup d’espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout avait bien commencé… Oui, je le dis sans ambages, tout avait – presque – bien commencé.
Lorsque, en septembre 2017, vous avez présenté, monsieur le ministre, votre stratégie pour le logement, j’ai pu constater des ambitions et des objectifs que nous avions en partage : la relance de la construction pour répondre aux besoins de logement, la rénovation urbaine pour améliorer le cadre de vie, la volonté de favoriser l’accession à la propriété dans le cadre d’un parcours résidentiel efficace. Autant de volontés partagées, parce qu’elles semblaient s’inscrire dans une logique de justice sociale.
Tout avait donc bien commencé. Mais, de la parole aux actes, il y a un long chemin, un long chemin que, bien trop souvent, le Gouvernement auquel vous appartenez ne prend pas la peine d’emprunter. Au reste, la trahison des actes sur les mots a débuté bien avant ce projet de loi ; elle s’est révélée, voilà quelques mois, dès la présentation du projet de loi de finances pour 2018 et des moyens budgétaires pour le logement : diminution des aides à la pierre, diminution des APL, suppression de l’aide aux maires bâtisseurs, déstabilisation majeure du modèle du logement social par la suppression de 70 % de la capacité d’investissement des organismes d’HLM…
Dans un pays où plus de 4 millions de personnes souffrent du mal-logement, il est inacceptable de freiner la construction de logements ! Inacceptable de demander aux plus modestes de se serrer la ceinture, quand les plus aisés bénéficient des largesses fiscales du pouvoir ! Mais cela ne semble pas vous émouvoir, puisque, comme l’a souligné M. Dallier, une nouvelle baisse de 1 milliard d’euros sur les APL serait à prévoir dans le projet de budget pour 2019.
Aujourd’hui, le projet de loi que nous examinons est vicié par l’idée centrale sur laquelle il repose : celle qui consiste à considérer la politique du logement comme une politique coûteuse pour la Nation. Partir de ce constat, c’est oublier sciemment les ressources qu’elle apporte en termes de TVA, de taxe foncière et d’activité économique.
Investir dans le logement, c’est investir pour que chacun ait un toit ; c’est investir dans le secteur du bâtiment, le premier employeur de France.
C’est donc ferrés par le dogmatisme de Bercy que nous allons débattre, alors que nous aurions pu construire ensemble des solutions de logement réconciliant humanité, solidarité et économie.
Le projet qui nous est présenté s’inscrit dans une logique de centralisme, de privatisation et de financiarisation du patrimoine français du logement social, au détriment de la mixité sociale et de l’accès au logement pour tous.
En limitant la capacité financière des bailleurs HLM et en les regroupant, monsieur le ministre, vous les contraignez à s’orienter vers le secteur privé pour emprunter. Vous autorisez la vente en bloc d’immeubles HLM, alors que vous avez avoué, la semaine dernière, que les objectifs en termes de construction de logements sociaux seront difficiles à atteindre.
Croire que vendre une HLM permettrait d’en construire trois est bel et bien un fantasme : l’expérience a toujours montré que la vente de logements HLM ne se substitue pas à l’investissement de fonds publics pour construire davantage de logements sociaux.
Aborder la thématique du logement, c’est prendre à bras-le-corps la question de la mixité sociale et le devoir républicain de garantir à tous la possibilité d’être logé.
En commission, la majorité sénatoriale l’a oublié. En dévitalisant avec méthode la loi SRU, elle a profondément attaqué cette mixité, en dépit de toute logique de justice et de bon sens économique.
Comptabilisation dans les 25 % de logements sociaux des logements provisoires, passage de 1 500 à 3 500 habitants pour l’exemption des communes en Île-de-France… Mes chers collègues, vous revenez même à vos réflexes les plus anciens, datant de 2006, quand vous proposiez la mutualisation à l’échelle de l’EPCI du reste des logements sociaux à construire par les communes. Une proposition qui avait fait se déplacer l’abbé Pierre, venu à l’Assemblée nationale à l’âge de quatre-vingt-treize ans et en fauteuil roulant pour dénoncer des amendements « inacceptables » mettant en « question l’honneur de la France ».