M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mmes Deroche et Lavarde, M. Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mme Lassarade, MM. Poniatowski et Bascher, Mme Duranton, MM. Revet, Dallier, Mayet, Sido et Chatillon et Mme Delmont-Koropoulis, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui impose un seuil minimum de produits issus de l’agriculture biologique ou tenant compte de l’environnement dans la restauration collective.
Il ne s’agit absolument pas, pour les signataires de cet amendement, de dire que l’on ne doit pas manger de produits bio.
Mme Cécile Cukierman. Surtout pas…
Mme Christine Lavarde. Comme vient de l’indiquer le ministre, 57 % des établissements incorporent déjà des produits bio dans les menus, sans y avoir été contraints. Ce que nous souhaitons, c’est que l’on laisse à chacun sa liberté d’action. Les collectivités sont à l’écoute des citoyens, elles savent qu’ils ont envie que leurs enfants mangent des produits bio. Elles ont déjà fait des efforts, elles ont accepté de payer le léger surcoût qu’induit l’utilisation de produits bio, sachant que les produits de l’agriculture conventionnelle ne sont pas nécessairement plus mauvais pour la santé.
Laissons à chacun sa responsabilité : responsabilité à l’égard des électeurs, responsabilité à l’égard du monde économique. Il est plus intelligent à mon sens de s’approvisionner en produits non bio de proximité que d’importer des produits bio. J’entends parler de circuits courts, j’entends parler de qualité : tout n’est pas forcément possible en tout point du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, puisqu’elle est opposée à la suppression de l’article 11, qu’elle a elle-même amendé.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Avis défavorable. Les objectifs de 50 % de produits locaux et de produits de qualité et de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective correspondent à un engagement du Président de la République. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’objectifs ambitieux, mais nous mettrons tout en œuvre pour accompagner les acteurs de la restauration collective.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Des expériences ont effectivement été menées dans nombre de restaurants collectifs, scolaires et autres, et il est vrai que, dans certains établissements, on atteint un pourcentage de produits bio ou de qualité certifiée important.
Néanmoins, six ans après le Grenelle de l’environnement, qui avait fixé un objectif de 20 % de produits bio, nous en sommes à 2,9 % de produits bio dans la restauration collective.
On peut, me semble-t-il, s’accorder sur le fait qu’il faut non seulement garder des objectifs chiffrés, faute de quoi nous n’avancerons pas, mais aussi sans doute s’interroger sur les moyens. En effet, même si des stratégies d’achat intelligentes peuvent parfois permettre d’augmenter, en valeur comme en volume, la part du bio dans les approvisionnements, pour un certain nombre de produits, le différentiel de coût reste un handicap majeur. C’est vrai pour la viande, moins pour les céréales.
Il est à mon avis extrêmement important de fixer un objectif clair et chiffré en matière de part des produits bio dans la restauration collective, afin que la mobilisation générale puisse s’enclencher, en vue de permettre à tous, et pas seulement à ceux qui en ont les moyens, d’avoir accès à une nourriture saine et équilibrée. Cette mobilisation n’a été jusqu’à présent que parcellaire ; or il faut que tout le monde investisse ce champ. Le développement de l’agriculture biologique offrira des débouchés aux agriculteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. J’ai l’honneur de représenter notre assemblée au Conseil national d’évaluation des normes et, à ce titre, j’ai assisté à la séance au cours de laquelle les services de l’État ont présenté les éléments de ce projet de loi, en particulier son futur article 11. Celui-ci devait a priori introduire des normes ayant des conséquences financières pour les communes et les collectivités en général. Le Conseil national d’évaluation des normes a exprimé un avis défavorable à l’unanimité de ses membres, qui représentent tous les niveaux de collectivités : communes, communautés de communes, départements, régions.
Alors même que l’on ne cesse de dire qu’il y a trop de normes – le Conseil national d’évaluation des normes essaye d’en réduire le stock –, une nouvelle norme serait imposée. Si les collectivités, que nous sommes censés ici représenter, ont émis un avis défavorable, c’est aussi parce que les situations varient considérablement entre un village de 500 habitants, qui aurait eu la chance de conserver son école à la faveur d’un regroupement pédagogique et compterait des agriculteurs dans son environnement immédiat, et une commune de 2 millions d’habitants totalement urbanisée. Enfin et surtout, les élus, maires, présidents de département, présidents de région, revendiquent leur responsabilité dans la mise en œuvre du dispositif. Il y a un moment pour régler ces questions : celui des élections, tous les six ans. La restauration collective, au sens du Conseil national de l’évaluation des normes, fait partie des sujets abordés en ces occasions.
Pour toutes ces raisons, et aussi parce que les collectivités sont un peu fatiguées qu’on leur impose des normes sans cesse plus nombreuses alors que l’on restreint leurs moyens, l’avis de ce conseil a été unanimement défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. J’entends bien les arguments développés par la majorité sénatoriale. On croit revivre le débat que nous avions eu lors de l’examen de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, qui fixait des objectifs voisins.
Madame Lavarde, vous expliquez qu’il faut laisser les collectivités libres de leurs choix, au motif que 57 % des établissements assurant une restauration collective se sont déjà engagés dans une démarche d’incorporation de produits bio dans les repas. Il en reste donc encore 43 % à convaincre ! L’objectif est non pas de créer de nouvelles normes, mais d’incorporer 20 % de produits bio dans les repas servis par la restauration collective. Il ne pourra être atteint que si on l’inscrit dans la loi.
Un menu se compose de cinq éléments : une entrée, du poisson ou de la viande, un légume, un dessert et le pain. Il que l’un de ces cinq éléments soit bio pour que le seuil de 20 % soit atteint. Il me semble que c’est tout de même assez facile.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je n’ai pas cosigné l’amendement, mais je remercie les collègues qui l’ont fait, car sa discussion nous donne l’occasion de lever une ambiguïté.
L’article 11 relève du titre II, dont l’intitulé fait référence à des « mesures en faveur d’une alimentation saine ». Il s’agit donc ici, me semble-t-il, de santé publique. Dès lors, soit les produits qui ne sont pas bio sont malsains, auquel cas il faut aller beaucoup plus loin que ce que l’on nous propose, soit on se trouve dans un autre registre.
Par ailleurs, en principe, la non-application d’une loi entraîne une sanction. Que se passera-t-il si, en 2022, un maire ne respecte pas les obligations prévues par la loi ? On se donne peut-être bonne conscience avec ce texte, mais, à un moment donné, il faut assumer les conséquences de ses choix.
Deux objectifs doivent nous guider dans l’examen des amendements : un objectif de santé publique, bien sûr – mais il faut arrêter de se faire peur –, et l’objectif d’apporter une réponse à la question de la production agricole française et du revenu des agriculteurs.
(Mme Marie-Noëlle Lienemann remplace Mme Catherine Troendlé au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.
M. Jean-Raymond Hugonet. Nous sommes l’assemblée des communes de France. Nos collègues Arnaud Bazin et Daniel Gremillet on dit l’exacte réalité des choses. Je ne dénie pas à ceux qui défendent la place des produits bio dans la restauration collective le droit de le faire, bien sûr, et ils le font sur la base d’arguments tout à fait honorables et que je sais sincères. Seulement, à l’heure où nos communes sont de plus en plus matraquées et corsetées, on nous en remet une couche – quelque peu cosmétique et… bio. Il faudrait que le bio soit l’alpha et l’oméga !
Mes chers collègues, nous avons presque tous été maires, avant qu’on nous l’interdise. On ne peut jamais l’oublier, parce que c’est le plus beau des mandats. De grâce, faisons confiance au discernement, à la raison des élus pour introduire les produits bio dans la restauration collective à hauteur de 20 %, ou plus si tel est leur souhait, mais ne stigmatisons pas, sous de mauvais prétextes, ceux qui ne le font pas, en donnant à entendre qu’ils empoisonnent les enfants en ne servant pas de produits bio. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas cela !
M. Jean-Raymond Hugonet. L’inspection des denrées alimentaires d’origine animale – je parle sous le contrôle d’un vétérinaire – existe dans notre pays. Soyons aux côtés de nos communes et défendons-les, plutôt que de leur imposer une norme supplémentaire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Si nous évitions de caricaturer les propos des uns et les autres, ce débat avancerait peut-être plus sereinement.
Quelques jours après l’épreuve de philosophie du baccalauréat, nous pourrions disserter pendant des heures sur ce qu’est la liberté. Certains se posent aujourd’hui en défenseurs de la liberté, après y avoir été farouchement opposés, la semaine dernière, lors du débat sur l’asile et l’immigration !
La liberté, ce n’est pas le laisser-faire que certains prônent ici. Ce n’est pas en laissant chaque commune faire comme elle l’entend que les choses iront mieux demain. Les normes peuvent représenter une contrainte, mais elles répondent aussi parfois à une exigence collective de sécurisation, au bénéfice notamment des générations futures. Sur toutes les travées de cet hémicycle, on invoque le développement durable, le respect de la planète : au regard de ces enjeux, chacun doit-il être libre de faire ce qu’il veut ?
Nous ne voterons pas la suppression pure et simple de l’article 11. Bien évidemment, développer l’agriculture bio ne réglera pas tout, mais cela permettra d’accroître les surfaces cultivées de façon plus respectueuse de l’environnement, de mieux prendre en compte les enjeux climatiques.
Personne ici ne souhaite que l’on importe des produits bio de l’autre bout du monde pour les servir dans les cantines de nos villages. C’est pour cela que, pour la plupart d’entre nous, nous prônons le développement des circuits courts.
Nous ne voterons pas l’amendement de suppression de l’article déposé par une partie du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je vais jouer le rôle de la candide, voire de la béotienne : qui pourrait me dire ce qu’est un produit bio ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Cécile Cukierman. Il y a un cahier des charges !
Mme Laure Darcos. On ne m’a pas apporté la preuve que les produits bio sont meilleurs que les produits dits « naturels ».
Mon département, l’Essonne, a la chance de compter de nombreuses exploitations agricoles qui commercialisent leurs produits via des circuits courts. Le conseil départemental, dont je suis membre, a décidé d’approvisionner les cantines des 100 collèges de l’Essonne de cette façon, ne serait-ce que pour montrer aux élèves qu’ils peuvent être fiers de leur territoire. Évidemment, ce n’est pas possible partout.
Ce qui me gêne, même si je comprends très bien la position de la commission et des défenseurs de cet article, c’est que le texte mentionne uniquement les produits bio, généralement plus chers,…
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas forcément le cas !
Mme Laure Darcos. … et pas, plus largement, les produits naturels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Beaucoup de restaurants collectifs, dans nos communes, sont gérés en régie, en faisant appel aux produits des agriculteurs des alentours. On organise des ateliers pour apprendre aux jeunes à manger des légumes de saison, à lutter contre le gaspillage, et j’en passe.
D’autres communes ont fait le choix, peut-être faute de moyens, de faire appel à une société privée qui prépare et livre les repas. Il devient alors beaucoup plus difficile de travailler avec l’agriculteur du coin.
Je suis tout à fait contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Il ne faut pas mélanger alimentation bio et circuit court ! Un produit bio répond à un cahier des charges précis, validé par des instances. Un produit bio importé du Brésil reste un produit bio, quel que soit son bilan carbone. C’est un non-sens de manger des fraises bio à Noël, mais cela reste des fraises bio. Ne confondons pas tout ! En parlant à la fois de circuits courts et de produits bio, on mélange les choux et les carottes !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je citerai Victor Hugo : « Rien n’arrête une idée dont le temps est venu. » Il suffit d’écouter nos concitoyens, de consulter les résultats des sondages : une très forte majorité de la population française aspire à une alimentation de qualité et de proximité, en particulier pour ses enfants. C’est respecter le sens de l’histoire que de voter en faveur de l’instauration de l’objectif de 50 % de produits locaux, dont 20 % de produits bio, dans la restauration collective publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Évidemment, je ne voterai pas cet amendement et je soutiens la position de la commission.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, toutes ces prises de parole et l’existence même de cet amendement témoignent d’un certain nombre de craintes.
Une première crainte, c’est que la libre administration des communes se réduise petit à petit. Il est peut-être malvenu qu’elle s’exprime à l’occasion de la discussion de cet amendement, mais on ne peut l’ignorer.
Une deuxième crainte a trait au coût. Ne nous voilons pas la face, le bio coûte un peu plus cher, mais il faut qu’il en soit ainsi, si l’on veut que les agriculteurs soient mieux rémunérés. Cela vaut aussi pour les produits sous signe de qualité. Si on refuse que le coût du repas augmente, va-t-on vouloir faire des économies sur les 50 % de produits issus de l’agriculture conventionnelle ? Va-t-on demander aux agriculteurs des efforts supplémentaires de productivité ? Il faut poser le problème du coût total du repas pour les collectivités territoriales.
Pour arriver à nos fins, monsieur le ministre, il faut pouvoir disposer d’outils de transformation agroalimentaire locaux.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Or les défenseurs de l’environnement nous empêchent quelquefois de créer de tels outils. Le cas d’une porcherie qui n’a pu s’implanter pour produire localement du cochon, en raison de l’opposition des associations environnementales, a été évoqué tout à l’heure.
Il faut donc mettre un peu de logique dans tout cela. Il est bien compliqué d’installer un abattoir ! Personne n’en veut à côté de chez lui !
Enfin, il faudra faire attention aux importations de produits bio en provenance de pays qui n’ont pas les mêmes normes que nous en la matière.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. J’ai le sentiment que ce débat va durer et que nous allons encore avoir de belles joutes !
Madame Darcos, en quoi un produit local est-il nécessairement de qualité ? Qu’est-ce qu’un produit naturel ? Le terme « naturel » ne signifie rien. Vous pouvez manger de la viande issue d’animaux élevés localement, mais nourris au soja OGM, ce qui n’est pas naturel. Vous pouvez manger des tomates non bio cultivées localement avec des pesticides, des intrants, qui sont des produits naturels…
Les produits bio, en revanche, répondent à un cahier des charges très strict, auquel se soumettent des producteurs pour bénéficier d’un signe de qualité. Un aliment n’est pas forcément bon parce qu’il est produit localement. Tendre vers 20 % de produits bio d’ici à 2022 me paraît être un objectif ambitieux mais réaliste. L’atteindre profitera au monde agricole.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je ferai deux remarques.
Premièrement, j’ai toujours dénoncé le fait que la part de l’alimentation dans le budget des Français, qui n’a cessé de se réduire ces trente dernières années, ait atteint un plancher vraiment déraisonnable. Il faut dépenser un minimum pour accéder à une alimentation de qualité.
Il faut avoir l’honnêteté de dire que c’est vrai aussi pour nos collectivités. Les communes doivent accepter de consacrer un budget minimum à l’alimentation, notamment à celle des enfants, si elles veulent de la qualité.
Deuxièmement, je suis un peu triste d’assister à cette caricature d’opposition. Évidemment, il est préférable de servir une truite et des haricots verts non bio plutôt qu’une escalope cordon-bleu bio accompagnée de frites bio et de mayonnaise bio… Le bio n’est qu’une des composantes de la qualité sanitaire de l’alimentation. D’autres facteurs entrent ensuite en ligne de compte, comme le lieu de production.
Je ne comprends donc pas que l’on se cabre ainsi devant ce qui n’est qu’une composante d’une alimentation de qualité ! Le bio répond à un cahier des charges, qui apporte la garantie d’une alimentation exempte de polluants chimiques, rien d’autre. Cette part de l’alimentation est intéressante sur le plan de la santé. Même si l’enjeu sanitaire ne se résume pas à consommer des produits bio, c’en est une composante nécessaire.
Il faut donc fixer des objectifs raisonnables, qui tiennent compte des autres facteurs. Personne ne propose d’inscrire dans la loi un objectif de 100 % de bio, même si certaines collectivités locales assurent une restauration collective complètement bio. L’objectif de 20 % est raisonnable ; il correspond à nos capacités et à la satisfaction minimale de l’enjeu de santé publique. Vraiment, je pense qu’il faut sortir des caricatures ! (M. Didier Guillaume applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Le débat tourne essentiellement autour du bio, bien que cet article comporte d’autres aspects. Il s’agit de donner un signal aux gestionnaires publics de services de restauration collective, qui consacrent chaque année 7 milliards d’euros à l’achat de denrées alimentaires, dont une grande part de produits d’importation. Par exemple, 70 % des viandes bovines consommées par la restauration collective sont importées.
Il s’agit donc aussi de donner la possibilité à nos agriculteurs de se structurer pour capter ce formidable marché pour les producteurs locaux et d’insuffler une nouvelle dynamique à notre agriculture.
Pour en revenir au bio, la loi Grenelle I de 2009 consacrait déjà l’objectif de 20 % de produits bio dans les cantines. Il faut donc calmer le jeu : le projet de loi relève de la même orientation et, à ce jour, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect des objectifs. Il s’agit vraiment d’envoyer un signal.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Ce débat est tout à fait légitime. Nous sommes tous attachés à ce que de nouvelles normes contraignantes ne viennent pas peser sur les élus locaux, mais nous devons aussi être attentifs au développement de l’activité agricole dans notre pays. À cet égard, nous devons porter une attention particulière à la mise en place de circuits courts, afin de permettre aux agriculteurs locaux de vivre décemment. Il est vrai que l’achat public est un moyen d’atteindre ce but. Si nous n’utilisons pas ce levier, nous aurons du mal à faire émerger les projets.
J’ai eu l’occasion, dans le cadre de la préparation de l’examen de ce texte, de rencontrer des industriels. Ils se déclarent disposés à proposer davantage de produits bio, mais encore faut-il que le marché soit prêt à les absorber. Si l’achat public ne donne pas d’impulsion, les filières auront du mal à se développer et il sera difficile d’atteindre les objectifs d’évolution du modèle agricole que nous fixons.
Certes, cela induit un certain nombre de contraintes, mais cela favorisera le développement de filières et, à terme, le rayonnement de nos entreprises à l’international, sachant que nous avons besoin d’améliorer notre balance commerciale.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cet article est frappé au coin de l’ambition, de l’audace même. Il vous faut vaincre vos craintes, vos phobies, chers collègues. Ce dispositif existe déjà : il est expérimenté dans de nombreuses communes, ainsi que dans certaines régions, telle l’Occitanie,…
M. François Patriat. Et la Bourgogne !
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis. … dont la présidente a fait le choix de prendre en charge le surcoût. Évidemment, il y a une dimension financière, on ne peut le nier. Acheter des produits de qualité, bio ou non, entraîne un surcoût.
Si le texte est ambitieux, il faut que nous le soyons aussi, que nous ayons la volonté d’accompagner sa mise en œuvre, parce qu’il représente une chance pour notre agriculture. Nous sommes ici au chevet de tous les types d’agriculture, que nous ne mettons pas en concurrence. Il faudra l’engagement du Gouvernement, monsieur le ministre, pour favoriser les conversions, celui des régions, des départements et des communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je suis assez surpris et peiné de la teneur de nos débats. L’objectif de 50 % de produits locaux et de qualité, dont 20 % de bio, est tout de même très modeste et atteignable. Il laisse une certaine liberté aux élus. Comme cela a été dit, beaucoup de collectivités vont déjà au-delà. Certains de nos amendements, qui ont été déclarés irrecevables, allaient eux aussi bien plus loin, car nous estimons qu’il faut donner un vrai signal.
Qu’est-ce que le bio ? J’ai quelquefois l’impression que c’est un gros mot, que l’on a peur d’employer ! L’agriculture bio, c’est une agriculture qui n’utilise pas d’intrants et de produits chimiques, ou très peu ; c’est tout !
Ultérieurement, nous aurons à débattre de la suppression des bouteilles en plastique. Un amendement vise à s’y opposer au motif que, dans certaines zones, l’eau du robinet est impropre à la consommation, parce que contaminée par des intrants utilisés en agriculture.
Il est nécessaire d’opérer une transition, d’adopter une nouvelle manière de concevoir l’agriculture, mais que faisons-nous ici ? De la politique politicienne… Notre rôle est de donner une orientation, d’aider les collectivités, les agriculteurs à aborder cette transition. Les collectivités ont envie d’aller de l’avant, les citoyens sont très majoritairement demandeurs : profitons de cette chance ! C’est le moment d’agir. Cet article donne un petit signal, je l’aurais voulu plus fort, mais ne perdons pas de temps : il faut y aller !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Ce débat est très passionné, mais il convient tout de même de relativiser l’enjeu de santé publique. En effet, nous ne passons pas notre vie à manger en restauration collective. Les enfants prennent quatre repas par semaine à la cantine, et cela seulement en période scolaire. Les parents peuvent les nourrir comme ils le souhaitent chez eux, où ils prennent la grande majorité de leurs repas. Il faut prendre un peu de recul.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je me fiche que les produits servis en restauration collective soient bio ou non, ce qui m’importe, c’est qu’ils soient de bonne qualité nutritionnelle. Tel est l’enjeu les départements, les communes et l’État.
On parle beaucoup de restauration collective, mais l’objet de ce projet de loi est d’augmenter le revenu des agriculteurs. Pour ce faire, il faut leur permettre de vendre mieux. Les cantines scolaires fermant à la fin du mois de juin, il faut aussi s’intéresser aux restaurants collectifs des entreprises, des EHPAD, des hôpitaux. Là est le véritable marché !
En fixant l’objectif de 50 % de produits de qualité, dont 20 % de produits bio, nous sommes en fait deux fois moins ambitieux que Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo : le Grenelle de l’environnement prévoyait 20 % de produits bio dans les repas des cantines, alors que 20 % de 50 %, cela fait 10 %… Il s’agit donc d’un recul !
Il est essentiel que la restauration collective fasse appel à des produits de saison, que nos agriculteurs pourront fournir.
Enfin, rien ne m’énerve plus que d’entendre des responsables politiques dire que les Français sont prêts à payer plus pour manger des produits de meilleure qualité. Non, beaucoup de Français n’ont pas les moyens de payer plus ! Ce qu’il faut, c’est faire progresser la qualité de tous les produits ! (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 496 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell, Artano, Corbisez, Guérini et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, sont insérés des articles L. 230-5-1 à L. 230-5-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 230-5-1. I. – Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les services de restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge ainsi que dans les services de restauration collective mentionnés à l’article L. 230-5 dont les personnes morales de droit privé ont la charge, comprennent une part, en valeur, de 20 % ou plus de produits issus de l’agriculture biologique au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, y compris les produits en conversion au sens de l’article 62 du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologique en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles, et en valeur, de 30 % ou plus de produits répondant à l’une des conditions suivantes :
« 1° Provenant d’approvisionnements en circuit court, défini comme un circuit d’achat présentant un intermédiaire au plus et répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits ;
« 2° Bénéficiant de signes ou mentions prévus à l’article L. 640-2 du présent code dont l’utilisation est subordonnée au respect de règles destinées à favoriser la qualité des produits ou la préservation de l’environnement ;
« 3° Bénéficiant de l’écolabel prévu à l’article L. 644-15 ;
« 4° Issus d’une exploitation ayant fait l’objet de la certification prévue à l’article L. 611-6 et satisfaisant au niveau d’exigences environnementales le plus élevé au sens du même article L. 611-6 ;
« 5° Satisfaisant, au sens de l’article 43 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, de manière équivalente, aux exigences définies par ces signes, mentions, écolabels ou certification ;
« 6° Issus du commerce équitable tel que défini à l’article 94 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ;
« 7° Acquis dans le cadre des projets alimentaires territoriaux définis à l’article L. 111-2-2 du présent code.
« II. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et notamment les conditions de sa mise en œuvre progressive, dans le cadre d’une concertation avec les acteurs concernés ainsi que la caractérisation et les modalités de prise en compte des circuits courts, et des critères de développement durable et de saisonnalité des produits.
« Art. L. 230-5-2. – À compter du 1er janvier 2020, les personnes morales de droit public et de droit privé informent, une fois par an, les usagers des restaurants collectifs dont elles ont la charge de la part des produits définis au I de l’article L. 230-5-1entrant dans la composition des repas servis et des démarches qu’elles ont entreprises pour développer l’acquisition de produits issus du commerce équitable.
« Art. L. 230-5-3. - Les gestionnaires d’organismes de restauration collective publique servant plus de deux cents couverts par jour en moyenne sur l’année sont tenus de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales, dans les repas qu’ils proposent. »
La parole est à M. Joël Labbé.