M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Vous me permettrez de dire également un mot sur l’amendement n° 492 rectifié, qui n’a pas été défendu, et, plus globalement, sur la genèse de ce texte. On l’a dit hier, mais on peut le répéter aujourd’hui… (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Excusez-moi, monsieur Karoutchi, mais nous avons aussi le droit de nous exprimer. Nous vous écoutons bien à chaque fois que vous le souhaitez.
M. Roger Karoutchi. Si peu !
M. Rachid Temal. Au début, on nous a expliqué qu’il s’agissait d’un texte dans lequel il y avait de l’humanité. Or on voit bien que, amendement après amendement, discussion après discussion, tout est en train d’être dénaturé, ce qui explique d’ailleurs peut-être l’évolution de la présence en séance de certains de nos collègues.
On a commencé par l’asile et l’immigration, ce qui était déjà problématique, puis, hier, on a eu droit à la proposition de la suppression du droit du sol, et, aujourd’hui, le même collègue d’extrême droite nous propose de supprimer le regroupement familial, tandis que M. Meurant, plus malin, si je puis dire, nous propose, de fait, de limiter ou de réduire ce dernier. Jusqu’où cela va-t-il aller ?
Nous sommes fermement opposés à ce type d’amendement, et nous souhaitons que la part d’humanité annoncée reprenne le dessus. En effet, on en parle beaucoup, mais on ne la trouve pas !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je trouve cet amendement particulièrement cynique. En effet, il revient à dire qu’un ressortissant étranger qui est en France régulièrement, dont on peut donc penser qu’il a un travail et un logement, peut, ô miracle, demander le regroupement familial… mais à Ouagadougou. Franchement, de qui se moque-t-on ? C’est vraiment une proposition particulièrement perverse, que nous ne suivrons évidemment pas. (M. Guillaume Gontard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement nous renvoie à l’amendement précédent, qui n’a pas été défendu, mais qui me semble très modéré par rapport à celui de M. Meurant. C’est quand même incroyable d’imaginer que, dans une institution républicaine, on puisse nous proposer des choses de cette nature. Mais de quoi parle-t-on ? Il s’agit du droit à pouvoir mener une vie familiale normale dès lors que l’on est sur le sol de la République. C’est une condition de l’intégration.
Soit c’est du cynisme, soit c’est à se demander, monsieur Meurant, si vous avez vraiment compris ce que vous nous avez proposé.
Mme Éliane Assassi. Il l’a très bien compris !
M. le président. L’amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Meurant et H. Leroy, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
vingt-quatre mois
par les mots :
cinq ans
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit toujours d’immigration familiale, qui constitue la principale source de l’immigration régulière durable. Selon nous, il n’est pas raisonnable d’ouvrir le droit au regroupement familial en France au bout de simplement dix-huit mois. Nous proposons un délai de cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ai expliqué tout à l’heure que nous ne souhaitions pas surtranscrire les directives européennes. En l’espèce, la directive est claire, tout comme les engagements de la France de respecter cette dernière : le délai maximal dans lequel doit s’opérer le regroupement familial est de deux ans. Il ne peut donc pas être de cinq ans. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Plus de la moitié de l’immigration familiale est constituée par les conjoints et les familles de Français. J’imagine, monsieur Meurant, qu’il vous échappe qu’il puisse y avoir des familles binationales, compte tenu de la nature de votre proposition. Il faut savoir que l’humanité est une.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Vous voulez toucher à un droit fondamental, à savoir le droit de vivre en famille. Comme on vous l’a précisé, monsieur Meurant, bon nombre de nos compatriotes vivent aujourd’hui à l’étranger. Imaginez qu’on leur interdise de vivre avec leur famille. Comme vous l’a rappelé M. Leconte, n’oubliez pas l’ensemble des Français qui ont une femme ou un mari à l’étranger. Vous proposez de leur retirer un droit fondamental. C’est inacceptable ! Il serait bon, mon cher collègue, que vous vous ressaisissiez.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Si on pouvait se passer de leçons de morale, ce serait pas mal. Nous pourrions faire avancer le débat.
On ne se pose par les mêmes questions pour les Français, à l’étranger, lorsqu’ils travaillent. (Pourquoi ? sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Si les Français partent à l’étranger, c’est parce qu’ils y trouvent du travail plus facilement. Le regroupement familial de Français à l’étranger, en Suisse, en Allemagne, aux États-Unis, en Australie – je ne sais pas si vous vous y êtes déjà allés, mes chers collègues –, obéit à des règles de droit beaucoup plus strictes et beaucoup plus respectées.
Si nous en sommes à nous poser des questions sur le regroupement familial, sur l’immigration, c’est que nous sommes dans l’incapacité d’avoir une politique migratoire, au sens large, concrète et réelle. Nous sommes dans la soumission face à un flot de personnes venant sur notre territoire à n’importe quel titre, regroupement familial ou autre. La politique française ne permet pas de contrôler ces entrées. Nous sommes là à discuter d’un sujet qui est en train de faire exploser l’Europe.
Vous êtes nombreux à regretter les votes du peuple, mais ne perdez pas de vue cette notion essentielle : nous sommes en France et nous défendons les intérêts des Français, des familles françaises. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. On a compris !
M. Xavier Iacovelli. Construisons un mur !
M. Sébastien Meurant. Le regroupement familial, tel qu’il est conçu aujourd’hui, est un moyen de détourner les règles fondamentales de la dignité humaine.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 196 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.
Chapitre II
Les mesures d’éloignement
Article 11 A (nouveau)
Après le troisième alinéa de l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice du cinquième alinéa du présent article, le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 258 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 453 est présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard, Amiel, Bargeton, Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 529 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes Costes et M. Carrère, MM. Requier, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 258 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. L’article 11 A fait injonction au Gouvernement de lier les délivrances de visas dans nos ambassades et consulats à l’étranger pour les personnes souhaitant venir en France, en particulier pour des courts séjours, à la manière donc ces pays délivrent les laissez-passer consulaires pour les personnes se trouvant en situation irrégulière sur notre territoire et devant être éloignées.
C’est bien évident, lorsqu’il y a, avec un certain nombre de pays, des difficultés pour obtenir des laissez-passer consulaires, des efforts diplomatiques doivent être mis en œuvre. En revanche, lier, par définition, les délivrances de visas à des individus souhaitant légitimement se rendre en France ou en Europe au comportement du gouvernement de leur pays d’origine me semble particulièrement dangereux.
Hier, M. le ministre d’État nous a parlé de la situation en Afrique, nous donnant à cette occasion toutes les bonnes raisons de ne pas conserver cette disposition dans le projet de loi. En effet, si l’on veut pouvoir lutter contre l’immigration irrégulière, il faut casser le mythe de la réussite systématique en France. Il faut aussi permettre de la mobilité. Or, en liant laissez-passer consulaires et délivrances de visas par nos ambassades et consulats, on fait exactement le contraire : on encourage tous les mouvements à se faire de manière irrégulière.
J’ajoute qu’il est totalement irresponsable, les relations bilatérales de la France avec tous les pays du monde, et, en particulier avec les pays d’Afrique francophone, étant à multiples facettes, de tout lier à la question migratoire. Par exemple, serait-il de bonne diplomatie de lier l’ensemble de la relation avec le Mali à la question migratoire ? Certainement pas ! D’autres éléments ont justifié une intervention au Mali, au-delà de la manière dont le gouvernement malien délivre des laissez-passer consulaires.
On pourrait aussi parler d’autres pays avec lesquels nous avons besoin de coopération en matière de sécurité. Il serait tout aussi irresponsable de conditionner tous nos efforts diplomatiques à la délivrance des laissez-passer consulaires.
L’égalité entre les citoyens du monde exige que leurs demandes de visas pour de courts séjours en France…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. … soient étudiées de manière individuelle.
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter les temps de parole. Il reste encore de nombreux amendements à examiner, et vous aurez largement le temps de vous exprimer.
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 453.
M. Alain Richard. Il arrive, et nous sommes en train de le vérifier, que l’on présente la même proposition avec des argumentations extrêmement différentes. Je suis en désaccord complet avec tout ce que vient d’expliquer l’orateur précédent. Je crois qu’il est absolument nécessaire et rationnel, si l’on veut avoir une politique de maîtrise des flux migratoires, ce qui est vital pour notre pays et pour l’Europe, d’utiliser les moyens nécessaires, dans les rapports de souveraineté, pour obtenir des pays d’origine des flux migratoires qu’ils assument leurs responsabilités en reprenant leurs ressortissants qui ont été légalement évincés du territoire français. Cela est particulièrement vrai pour les pays avec lesquels nous avons des liens de proximité et de solidarité, mais, qui, sur ce plan, pour des raisons sociales que nous pouvons entendre, s’avèrent non coopératifs, dans des conditions directement contraires aux intérêts de la France.
Cependant, nous souhaitons la suppression de cet article, car il pose des problèmes de séparation des pouvoirs, sujet auquel le Sénat est habituellement attentif. En effet, il présente le caractère d’une injonction au Gouvernement dans ses responsabilités en matière de politique internationale.
Il peut se produire qu’une commission adopte ce que l’on nomme habituellement un amendement d’appel et, du coup, en fasse un article de loi. Mais honnêtement, il ne nous paraît pas du tout rationnel d’utiliser un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, pour enjoindre au Gouvernement de conduire telle ou telle politique en matière de visas.
À mon sens, une telle politique est nécessaire, et le Gouvernement, d’ailleurs, la mène. S’il peut échanger sur le sujet avec le Parlement, par exemple à la faveur d’un débat annuel, il ne peut y être contraint par un article faussement législatif.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié.
M. Guillaume Arnell. S’il est vrai que l’efficacité des mesures d’éloignement est une question centrale, nous partageons les argumentations et de M. Richard et de M. Leconte pour appuyer notre demande de suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Quelques mots d’explication, qui ont d’ailleurs été parfaitement résumés par M. Alain Richard.
Nous savons, et tout le monde en convient, que l’efficacité de notre politique migratoire passe d’abord, en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, par l’obtention de laissez-passer consulaires des pays sources. Je ne vais pas citer la liste des pays qui délivrent le moins de laissez-passer. Tel n’est pas le but. Il s’agit, avec cet article, de réaffirmer un principe. Il n’est pas question d’injonction ; il s’agit de la possibilité pour le Gouvernement de mener une négociation avec les pays sources pour conditionner l’obtention de visas de long séjour à celle de laissez-passer consulaires, c’est-à-dire au fait que ces pays acceptent de reprendre sur leur territoire des ressortissants en situation irrégulière sur le nôtre. Il ne s’agit de rien de plus.
Par ailleurs, cet article est conforme aux dispositions réglementaires et aux conventions internationales.
Je rappelle à cet égard que l’Europe est en train de travailler sur un type de dispositif analogue, notamment pour ce qui concerne les visas de court séjour. Inscrire une telle disposition dans ce projet de loi, tel que la commission le souhaite, permet de fixer clairement les problèmes, sans donner d’injonction au Gouvernement, qui reste, naturellement, et c’est bien normal, libre de faire ce qu’il veut. Ainsi, d’autres amendements tendant à inscrire dans le texte que l’on peut conditionner les laissez-passer consulaires à l’aide au développement n’ont pas été retenus par la commission, car ils empiétaient sur un domaine régalien.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La commission des lois a adopté cet article qui permet de refuser un visa de long séjour à un étranger au motif que l’État dont ce dernier a la nationalité n’est pas suffisamment coopératif pour réadmettre ses ressortissants faisant l’objet en France d’un mesure d’éloignement.
Il est vrai que l’obtention de laissez-passer consulaires est un déterminant de l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière, et, comme vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé à cet effet. Je peux en attester personnellement pour avoir travaillé avec des homologues de pays étrangers. Par ailleurs, cette question a fait l’objet d’une discussion lors du dernier conseil européen des ministres de l’intérieur, auquel je me suis rendue.
Cependant, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires ne saurait justifier les dispositions de l’article 11 A selon lesquelles l’autorité administrative pourrait décider de refuser ou non un visa de long séjour à un particulier sans autre critère que sa nationalité. Ces problèmes ô combien essentiels ne sauraient se régler dans le cadre d’un « marchandage » entre des situations individuelles. Ils doivent l’être, comme l’a rappelé Alain Richard, dans le cadre d’une action diplomatique.
À cet égard, le Gouvernement conduit une action résolue pour accroître la délivrance par les pays d’origine de ces documents. Cela passe par l’action diplomatique menée non seulement par le Président de la République et le Gouvernement, mais aussi par l’ambassadeur des migrations, qui intervient auprès des pays d’origine, ainsi que par la mise en place au ministère de l’intérieur d’une task force qui intervient en appui des préfets en cas de difficultés à obtenir des documents.
Cette action porte déjà ses fruits, même si c’est de façon inégale. En 2017, le nombre d’éloignements a augmenté de 14 % par rapport à 2016. C’est encore insuffisant, nous le savons, mais je voulais le signaler. Sur les quatre premiers mois de la présente année, les éloignements ont aussi augmenté de 14 % par rapport à la même période de l’année 2017.
Je donne un avis favorable sur ces trois amendements, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un vrai sujet. Néanmoins, nous pensons qu’il ne relève pas du niveau législatif.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je dois dire que l’article 11 A me laisse dubitatif. Prenons un cas individuel. On propose à un jeune de venir faire des études en France, ce qui est positif pour notre économie. Il pourra arriver que cette personne tombe dans les quotas de refusés. Cette politique ne me paraît pas très intelligente.
J’ajoute que nous avons déjà discuté un certain nombre d’accords avec des pays sources d’immigration. Je pense au Sénégal, au Mali, entre autres. Or ces accords n’ont rien donné. Pour des raisons de politique interne et parce qu’il s’agit de questions complexes, difficiles pour les gouvernements locaux, ces pays, même quand ils ont été engagés dans des accords avec la France – ces accords portent d’ailleurs plutôt sur la politique de coopération et les crédits pouvant être mis à leur disposition : on vous donne plus d’argent si vous nous accordez plus de laissez-passer consulaires –, n’ont pu respecter les termes de ces accords. Selon moi, le système proposé à l’article 11 A donnera les mêmes résultats.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’article 11 A est inquiétant, car, au-delà de ce qui vient d’être dit, il fait surtout porter la responsabilité aux ressortissants étrangers des dysfonctionnements de l’administration de leur pays d’origine. Je pense aussi, comme le précise l’objet de l’amendement n° 258 rectifié bis, qu’il est contraire à l’article 1er de la Constitution. C’est pourquoi nous soutiendrons ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. La question de l’éloignement est centrale pour la crédibilité de l’ensemble de la politique migratoire française.
Lors d’un déplacement au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, il nous a été très clairement expliqué que l’éloignement forcé ne concerne, et vous le savez tous, qu’une partie très faible des décisions d’expulsion. Ne repartent que ceux qui veulent repartir. Il y a aussi les personnes qui se sont fait avoir, comme cette personne venant du Maroc, avec qui nous avons discuté : on lui avait promis le mariage et elle repartait parce qu’elle avait une famille chez elle. En revanche, les personnes qui ne veulent pas repartir arrivent à leurs fins, puisque sont utilisés pour les expulsions des avions commerciaux, et non, comme en Allemagne, des avions militaires. Or vous savez très bien qu’une personne faisant du chahut dans un avion commercial est débarquée immédiatement. C’est une des raisons pour lesquelles on expulse peu. Il suffit d’aller écouter ceux qui, au quotidien, sont chargés de cette tâche.
Tous les moyens sont bons à partir du moment où l’on veut véritablement maîtriser nos flux.
Je pense, par ailleurs, qu’il serait sage de lier nos choix à la bonne volonté des États sources d’immigration dans la délivrance des laissez-passer consulaires. Le président du Sénat est actuellement au Maroc, qui n’est pas irréprochable en la matière, et vous savez très bien que de très nombreux autres pays ne délivrent pas ces laissez-passer consulaires, condition indispensable pour renvoyer les personnes chez elles.
Vous devriez applaudir des deux mains toutes les propositions qui vont dans le sens de la maîtrise de ces flux, qu’elles soient législatives ou diplomatiques. M. le ministre d’État parlait hier du Niger : on aimerait bien savoir ce que les discussions ont donné avec d’autres pays sources d’immigration, comme le Mali.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je profite de cette intervention pour dire que je vais retirer l’amendement suivant, ce qui nous fera gagner du temps. D’ailleurs, je propose à tous mes collègues de se concentrer sur les amendements essentiels pour donner un peu de clarté au débat, car nous sommes tous un peu perdus.
Mme Éliane Assassi. C’est surtout vous qui êtes perdus !
M. Roger Karoutchi. Non, madame Assassi, personne ne suit en ce moment, rassurez-vous, les débats du Sénat. Nous nous sommes vraiment discrédités.
La réalité est assez complexe. Je soutiens naturellement la position de la commission.
Madame la ministre, je le sais, nous devons trouver un équilibre.
J’en suis bien conscient, le Royaume du Maroc, par exemple, n’accepte pas facilement les renvois. Et « en même temps » – les termes sont à la mode ! –, il nous aide beaucoup dans la lutte contre le terrorisme. Par conséquent, il y a du négatif et du positif !
Je suis tout aussi conscient que c’est du « cousu main ». On ne peut pas à la fois demander à certains États – le Niger, le Mali ou le Maroc – de faire des efforts pour reprendre des personnes que nous leur renvoyons et solliciter leur aide pour lutter contre le terrorisme et des comportements dramatiques pour nous. C’est dire que tout cela est compliqué !
Pour autant, madame la ministre, on ne peut pas se contenter de 5 % à 7 % de reconductions à la frontière. Sauf à admettre que nos réglementations n’ont pas beaucoup de sens et d’efficacité, on ne peut pas accepter ce chiffre, que nous tenons non d’un organisme de droite ou de n’importe qui, mais de la Cour des comptes.
Il ne faut pas s’étonner que certains de nos concitoyens se demandent ce que cela signifie. Ils comprendraient que, en application des règles, les gens respectueux du droit soient intégrés, tandis que ceux qui l’ont transgressé sont reconduits à la frontière. En respectant les règles, on libère l’esprit et on apaise les consciences. Mais il n’est pas facile d’accepter que tous soient traités de la même façon, quelle qu’ait été leur attitude vis-à-vis du droit.
Pour ma part, je suis sûr que le Gouvernement fait des efforts à l’égard des États susceptibles de reprendre les personnes reconduites. Cette politique, il faut encore la renforcer pour parvenir à un accord global et à un équilibre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je vais, en fait d’explication de vote, présenter une excuse et donner une précision.
Tout à l’heure, je me suis trompé, car j’ai confondu l’article avec une proposition de la Commission européenne sur les visas de court séjour. La Commission envisage en effet de calquer la délivrance de ces visas sur la procédure suivie par certains pays pour la délivrance des laissez-passer consulaires. Je tenais donc à vous prier, mes chers collègues, d’excuser cette confusion, qui ne change toutefois rien à la suite de mon argumentation.
Cela étant, je relève une difficulté supplémentaire s’agissant de visas de long séjour. En effet, on risque de placer en situation d’illégalité, sur le simple fondement de leur nationalité d’origine, des personnes déjà présentes sur le territoire et qui étaient en voie d’intégration.
Donc, au-delà de tout ce qui a pu être dit, je crois vraiment que l’idée de la conditionnalité des visas n’est pas bonne, qu’elle vienne de la Commission européenne ou de l’échelon national.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sans ajouter de longs discours au débat, je rappelle que nous parlons d’accords bilatéraux ou multilatéraux. Qui dit « accord » dit nécessairement discussions. Je pense, comme M. Karoutchi et d’autres, que la négociation d’un accord implique une discussion sur absolument tous les sujets. Il n’est pas question de remettre en cause les relations diplomatiques déjà construites, qui se traduisent par des coopérations dans différents domaines, l’économie comme le renseignement, par exemple. L’enjeu, c’est d’obtenir un accord.
Je parle de mémoire, la France doit avoir conclu 49 accords bilatéraux, dont le dernier remonte, me semble-t-il, à 2009. L’Union européenne en a passé 17, le dernier datant de 2013. Depuis, aucun de ces accords n’a évolué. Aucun ne nous a permis d’améliorer la situation et d’obtenir ce que nous recherchons. Notre but n’est pas d’empêcher les gens d’être en situation régulière sur le territoire ou de bloquer de quelconques coopérations ou situations individuelles. Ce que nous voulons, c’est amener le pays dont ressortissent des personnes qui sont en situation clairement jugée irrégulière à les reprendre sur son territoire, ni plus ni moins ! Je le répète, une fois de plus, il s’agit d’accords ; il n’est pas question d’imposer une mesure.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je veux, d’abord, au risque d’enfoncer une porte ouverte, rappeler qu’aucun étranger n’a droit à un visa. Aucun ! L’attribution d’un visa, c’est une prérogative de souveraineté que la République française exerce, avec un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, il ne faut pas s’étonner que celle-ci puisse décider tout à fait librement de sa pratique en la matière.
J’en viens, ensuite, à un deuxième point. La disposition adoptée par la commission des lois et que plusieurs amendements tendent à supprimer est respectueuse des prérogatives diplomatiques du gouvernement français. Elle ne lui fait aucune injonction. Elle indique simplement que la France peut refuser des visas quand le pays d’origine du demandeur ne remplit pas ses devoirs tels qu’elle les conçoit à son égard, soit qu’il viole les dispositions d’un accord passé avec elle, soit qu’il fasse preuve de mauvaise volonté pour la délivrance, par exemple, de certificats consulaires pour ses ressortissants en instance d’éloignement et que nous ne pouvons pas éloigner tant que nous n’avons pas la confirmation de leur identité et de leur nationalité. C’est l’objet même de ces certificats consulaires.
Il ne faudrait donc pas faire à la disposition adoptée par la commission des lois un excès d’indignité. Elle n’est pas frustratoire de droits qu’exerceraient des étrangers à l’égard de la République ! Elle n’est pas non plus réductrice des pouvoirs du Gouvernement ! Par conséquent, je ne vois pas les raisons pour lesquelles le débat devrait susciter des antagonismes sur ces sujets.
Quand le ministre de l’intérieur va négocier avec un État étranger pour que celui-ci délivre plus facilement des certificats consulaires, il se prévaut de la volonté expresse du Président de la République en ce sens. Eh bien, désormais, si nous gardons la disposition adoptée par la commission des lois, il pourra se prévaloir aussi de la volonté expresse de la représentation nationale ! Nous donnons ainsi plus de force au ministre de l’intérieur pour ces négociations. Et c’est, de mon point de vue, une très bonne chose pour faire progresser la maîtrise des flux migratoires sans frustrer aucun droit d’aucune personne, d’aucun État ni du Gouvernement !